Liban-attentat
Wissam Al Hassan,
la dague du dispositif sécuritaire
saoudien au Proche orient
René Naba
René Naba
Samedi 20 octobre
2012
Réplique sismique
de la décapitation de la hiérarchie
militaire syrienne, le 18 juillet
dernier à Damas (1), l’assassinat du
Général Wissam Al-Hassam, l’homme lige
du clan Hariri sur le plan sécuritaire
au Liban, a retenti comme un revers
stratégique majeur du camp atlantiste, à
forte charge symbolique, à forte portée
psychologique.
Se superposant à la
destruction des sanctuaires de
Tombouctou (Nord Mali) par les affidés
du Qatar, Ansar Eddine, et à
l’assassinat de l’ambassadeur des
Etats-Unis en Libye, Christopher Evens,
à la date hautement symbolique du 11
septembre à Benghazi par les obligés néo
islamistes de l’Amérique, le dégagement
sanglant de Wissam al Hassan, va sans
nul doute opérer un profond
bouleversement du paysage politique tant
au Liban, qu’au-delà, sur l’ensemble du
Moyen orient.
Survenant trois
mois jour pour jour après l’attentat de
Damas, la déflagration de Beyrouth, le
19 octobre, en plein fief chrétien de la
capitale libanaise, constitue une
parfaite illustration des dérives
incontrôlées du conflit syrien et de ses
retombées sur le Liban, dont les
conséquences pourraient s’avérer
gravement dommageables tant pour le clan
Hariri au Liban, que pour son parrain
saoudien, que pour leur parrain commun,
les Etats-Unis, par ricochet pour la
Syrie elle-même et le clan Assad et ses
alliés, alors que la zone frontalière
syro libanaise paraît complétement
gangrénée par des trafics en tous
genres, d’infiltrations de djihadistes
de tous poils et d’apprentis sorciers
sulfureux surgis de nulle part à la
recherche d’odeurs de poudre, prélude à
la constitution d’un «Sunnitoland».
A cinq mois de
l’ouverture du procès Hariri à la Haye,
la disparition de ce témoin faisandé,
embourbé dans la gestion d’un nouveau
mystérieux faux témoin de l’affaire
Michel Samaha, Milad Kfouri, pour cruel
que soit ce constat, arrangerait bon
nombre de protagonistes de cette épreuve
de force interminable entre le camp
atlantiste et ses contestataires
régionaux en vue de la maîtrise du jeu
régional.
Quelle soit ou non impliquée dans cet
attentat, quelle que soit son degré
d’implication, la Syrie va
immanquablement être pointée du doigt et
criminalisée selon un processus
identique à celui qui a prévalu lors de
l’attentat contre l’ancien premier
ministre Rafic Hariri, le 15 Février
2005.
Au-delà des
accusations fondées ou pas, force est
toutefois d’admettre que le fait que
l’attentat se soit produit en plein fief
chrétien de la capitale libanaise, à
proximité d’une permanence du parti
Phalangiste, une des principales
formations chrétiennes libanaises,
témoigne, sept ans après le retrait
syrien du Liban, sinon de la dextérité
des services syriens, si les charges
anti syriennes étaient fondées, à tout
le moins de la négligence coupable de la
victime et de ses services qui n’auront
su, en dépit des considérables moyens
mis à leur disposition, déjouer les
menées hostiles.
L’homme bénéficiait
d’une sorte de passe-droit et ses
services d’un quasi de statut
d’extra-territorialité du fait de ses
protections pétro monarchiques, dont il
a usé et abusé pour impulser, malgré ses
déboires, sa promotion aux plus hauts
échelons de la hiérarchie militaire et
doté ses services d’un important budget
et d’équipements sophistiqués fournis
abondamment par les pays occidentaux.
L’élimination du
chef d’un service de renseignements à la
dévotion de la famille Hariri, ancien
garde de corps rescapé lui-même de
l’attentat contre ancien premier
ministre Rafic Hariri, au rôle
primordial dans la mise en circulation
de «faux témoins» du procès Hariri et de
l’enquête à charge du Tribunal Spécial
sur le Liban, paraît devoir fragiliser
considérablement le leadership politique
du Clan Hariri au Liban, rendant même
problématique le retour dans l’immédiat
à Beyrouth du chef du clan Hariri son
chef, l’ancien premier ministre Saad
Hariri, en exil depuis le début du
«printemps arabe», il y a deux ans.
Personnage clé des opérations de
déstabilisation anti-syriennes,
interlocuteur privilégié des services
français et américains, artisan de
l’arrestation de l’ancien ministre
libanais pro syrien Michel Samaha,
maître d’œuvre du rapprochement franco
syrien sous la présidence de Nicolas
Sarkozy, Wissam Al Hassan était surtout
et avant tout la dague sécuritaire du
dispositif régional saoudien.
Son assassinat
revêt dans cette perspective un
magistral camouflet au maître d’œuvre de
la contre-révolution arabe, le Prince
Bandar Ben Sultan, le chef des services
de renseignements saoudiens en ce
qu’elle le prive d‘un de ses plus
fidèles lieutenants, alors que le
Royaume se trouve en phase de turbulence
avec les révoltes populaires de la
région d’Al Assir, fragilisé par
l’absence des principaux dirigeants du
pays, Le Roi Abdallah, en
hospitalisation prolongée hors du pays
depuis trois mois, de même que le
ministre des Affaires étrangères, Saoud
Al Faysal.
Dans la tradition des chefs du
renseignement du Moyen-Orient, le
général Hassan est un personnage
énigmatique, redouté dans son propre
pays, comme l’était son modèle maronite
Johnny Abdo. Et si le masque énigmatique
masquait en fait une réputation non
justifiée?
Johnny Abdo, le
mentor maronite
Les légendes ont la
vie dure, quand bien même l’état de
service ne le justifie pas.
Bachir Gemayel, président du Liban en
1982, et Rafic Hariri, chef du
gouvernement en 1992, auront eu le même
mentor: Johnny Abdo, ancien chef du
service des renseignements de l’armée
libanaise, dont son parrainage leur sera
fatal en même temps qu’il le
discréditait. Mais cet homme
énigmatique, au rôle occulte, interface
des services occidentaux pendant trente
ans, continue de bénéficier d’un halo de
mystère.
Conseiller
militaire du chef phalangiste durant la
guerre civile en infraction à ses
fonctions officielles au sein de l’armée
régulière libanaise, son agent de
liaison auprès des services occidentaux
et de leurs alliés régionaux, cheville
ouvrière de la campagne visant à son
élection à la tête de l’état libanais en
remplacement du président Elias Sarkis,
dans la foulée de l’invasion israélienne
du Liban, en 1982, puis de la campagne
visant après son assassinat à propulser
son frère aîné Amine à sa succession,
Johnny Abdo est un homme de l’ombre par
excellence.
Le flou entretenu sur ses origines, il
serait de souche palestinienne, la
rapidité avec laquelle il aurait été
naturalisé, sa facile incorporation dans
l’armée qui plus est dans un service
aussi sensible que le renseignement, la
consonance anglo-saxonne de son prénom
dans un environnement arabe, la
singularité pour ce colonel de décliner
son identité selon son statut civil et
non par son grade dans l’armée,
contrairement à l’usage observé par tous
les officiers libanais passés à la
notoriété, ont accentué le mystère qui
l’entoure.
Ancien bras droit
du Colonel Gaby Lahoud, véritable patron
du renseignement moderne libanais et
artisan de son intrusion dans la vie
politique locale après la première
guerre civile libanaise, en 1958, homme
de sang-froid sans état d’âme apparent,
d’origine étrangère cultivant le secret
de surcroît, Johnny Abdo focalise une
large part de la vive suspicion que les
Libanais nourrissent à l’égard d’une
institution qui pendant près de deux
décennies est apparue comme le
gouvernement occulte du Liban aux
procédés jugés sans rapport avec
l’éthique démocratique et républicaine.
S’il peut se
targuer d’avoir propulsé ses deux
poulains au pouvoir, son bilan est sujet
à caution. Bachir Gemayel, éphémère
président du Liban, a été tué dans un
attentat quelques jours avant sa prise
fonction, alors que Rafic Hariri, s’il a
battu un record de longévité
gouvernementale dans l’histoire du Liban
avec un double mandat de dix ans, a
implosé en pleine trajectoire après
avoir mis en coupe réglée l’économie du
pays et grevé le trésor d’une dette
publique de 42 milliards de dollars.
Mais le reproche le plus grave que cet
homme de l’ombre encourt est d’avoir
fourvoyé le camp chrétien dans une
alliance exclusive avec les Israéliens
au mépris du voisinage arabe du Liban,
accentuant son isolement; d’avoir
instrumentalisé son propre camp pour
satisfaire des ambitions
présidentielles, et, au niveau de
l’armée, d’avoir rompu la traditionnelle
fraternité d’armes lors de l’élection
présidentielle libanaise de 1998.
La ténébreuse
affaire du faux témoin syrien Mohamad
Zuheir Siddick, témoin à charge contre
la Syrie dans le procès en instance de
l’assassinat de Rafic Hariri, qui lui
aurait été partiellement imputée, aura
été fatale à sa réputation, le signe
patent de l’échec d’un homme qui aura
sinistré son pays plus qu’aucun autre et
voué au bûcher deux de ses poulains pour
la satisfaction de ses ambitions
présidentielles contre les intérêts à
long terme de son pays.
Johnny Abdo fait l’objet d’une citation
à comparaître devant le tribunal
correctionnel de Paris, sur requête du
Général Jamil As Sayyed, ancien
directeur général de la sûreté
libanaise, un des quatre officiers
arbitrairement détenus pendant trois sur
la base des dépositions du faux témoin
en question. Un épisode qui a couvert de
ridicule le Tribunal spécial sur le
Liban et les auteurs de la manipulation.
L’échec est patent. Mais la légende
perdure.
Le disciple: Wissam
Hassan, la version sunnite de l’homme de
l’ombre
Son zèle scolaire
lui a sauvé la vie, mais gâché sa vie.
Lors du plus fort séisme politique de
l’histoire moderne du Liban, le plus
important attentat meurtrier de
l’histoire de ce pays, qui a emporté 23
personnes et blessés plus d’une centaine
blessés, dont l’assassinat de l’espoir
de l’Occident en terre arabe, Rafic
Hariri, l’homme en charge de sa
protection était tranquillement assis
sur les bancs d’un amphithéâtre de
l’Université libanaise, entrain de
noircir sa copie.
Un hasard qui lui a certes sauvé la vie,
mais gâché sa vie, l’empoisonnant même
au-delà de toute attente, tant est
lourde la suspicion qui pèse sur cet
homme animé d’un pressant besoin de
respectabilité universitaire.
Son nom sera ainsi
irrémédiablement associé au grand ratage
de sa vie, l’assassinat de Rafic Hariri,
dont il était chargé de sa protection
rapprochée, qu’il n’a ni prévu, ni
anticipé, ni entravé, ni déjoué,
davantage préoccupé par sa promotion
universitaire que par la sauvegarde de
son bienfaiteur.
En pleine épreuve
de force entre la Syrie et son patron,
au paroxysme d’un conflit régional, dont
des personnalités libanaises, notamment
Marwane Hamadé, ministre des
télécommunications (octobre 2004), en
étaient déjà les victimes, au titre de
dommage collatéral, signe annonciateur
de plus grands malheurs, sur fond d’un
traumatisme psychologique majeur
provoqué par l’éviction du pouvoir des
sunnites d’Irak et la propulsion, pour
la première fois depuis Saladin (Salah
Eddine Al Ayoubi), d’un Kurde à la tête
de l’ancien siège de l’Empire, Bagdad,
ancienne capitale des abbassides,
(Janvier 2005), à l’arrière-plan d’un
bain de sang quotidien et d’une
fermentation intégriste au Liban, Wissam
Al-Hassan, avait demandé d’anticiper la
soutenance de sa thèse, couronnement
d’un enseignement en informatique à
l’Université libanaise sous la conduite
du professeur Yahya Rabih.
Une thèse qui
portait, non sur la stratégie de contre
guérilla, ou, les règles d’engagement
des actions armées en milieu
insurrectionnel urbain, voire même le
décryptage des réseaux de
télécommunications, alors noyautées par
les services occidentaux et Israéliens,
mais en Sciences Humaines sur le
“Management et relations humaines” sans
qu’il ait été possible de savoir si cet
intitulé anodin couvait l’art de la
manipulation de l’opinion ou la gestion
de faux témoin comme cela se révélera
par la suite.
Un étrange alibi
Responsable de la
sécurité de Rafic Hariri au moment de
son assassinat, il était devenu le
principal point de contact entre
l’enquête et les Forces de sécurité
intérieure. Sauf que le chef des gardes
de corps, grassement payé, n’était pas
dans le convoi le jour de l’explosion.
Et son alibi manque de conviction.
Selon les
révélations de la télévision publique
canadienne CBC, en date du 22 novembre
2010, le Colonel Wissam Hassan dira aux
enquêteurs de l’ONU, le 9 juillet 2005,
que la veille de l’assassinat, le 13
février, son professeur, Yahya Rabih,
lui avait téléphoné pour l’informer
qu’il devait passer un examen le
lendemain.
Vingt minutes plus
tard, a-t-il dit aux enquêteurs, Hariri
l’a appelé pour lui demander de venir le
voir. Le colonel Hassan s’est présenté à
la résidence de Hariri à 21 h 30 ce
soir-là, et a obtenu la permission de
son patron d’aller passer son examen le
lendemain. Il a passé toute la matinée
du lendemain à étudier pour cet examen,
a-t-il expliqué aux enquêteurs de l’ONU,
et a débranché son téléphone à son
arrivée à l’université, soit à peu près
au moment où Hariri est mort. “Si je
n’avais pas passé cet examen, a dit
Hassan aux enquêteurs, j’aurai été avec
Hariri au moment de sa mort.
Mais le relevé des
appels téléphoniques de Hassan donnait
une toute autre version des faits. En
réalité, c’est en fait tait le colonel
Hassan qui avait pris l‘initiative
d’appeler son professeur, et non
l’inverse.
Les stations
cellulaires autour de la maison du
colonel Hassan montraient également que,
le lendemain, il avait passé les heures
précédant l’assassinat de Hariri au
téléphone, soit le temps qu’il avait
soi-disant passé à étudier. Il a fait 24
appels, soit en moyenne un appel toutes
les neuf minutes.
Ce que les enquêteurs de l’ONU
trouvaient également bizarre, c’était
que, normalement, les hauts responsables
des services de sécurité du Liban ne
passent pas d’examens. “Son alibi est
faible et incohérent, dit un rapport
confidentiel de l’ONU, qui qualifie
Hassan de “possible suspect dans le
meurtre de Hariri”.
Le rapport, dont
CBC News a obtenu une copie, a été
rédigé fin 2008 pour Garry Loeppky, un
ancien haut gradé de la GRC qui avait
repris le poste d’enquêteur en chef de
l’ONU cet été là. L’alibi de Hassan,
pouvait-on lire dans le document, «ne
semble pas avoir fait l’objet d’une
vérification indépendante”. Ce n’était
pas par manque de volonté de la part des
enquêteurs de l’ONU. Ceux-ci auraient
voulu vérifier l’alibi de Hassan. Mais
M. Serge Brammertz, le deuxième
commissaire de l’ONU, avait
catégoriquement rejeté l’idée. Il
considérait Hassan comme un contact trop
important et que toute enquête de ce
genre serait trop dérangeante.
Une enquête sous
tension
Le rapport
confidentiel concède qu’une enquête sur
Hassan pourrait avoir des inconvénients:
“Les relations de la commission avec les
FSI pourraient en souffrir et si, d’une
manière ou d’une autre, il a été
impliqué dans le meurtre de Hariri, le
réseau pourrait décider de l’éliminer”.
Néanmoins, le
rapport affirme que le colonel Hassan
“est un interlocuteur clé pour la
commission – il est particulièrement
bien placé pour influencer notre
enquête. C’est pourquoi il importe de
résoudre certaines questions concernant
sa loyauté et ses intentions. Il est
donc recommandé de mener une enquête
discrète sur WAH ” Mais même cela n’a
pas été fait.
La direction de la
commission de l’ONU a ignoré la
recommandation. Aujourd’hui encore,
d’anciens enquêteurs de l’ONU ont des
soupçons sur Hassan qui, font-ils
remarquer, a finalement été éliminé du
cercle de l’enquête. “C’était un
personnage louche, a dit de lui un
ancien haut responsable de l’ONU. Je ne
crois pas qu’il ait participé au
meurtre, mais il est impossible de dire
ce qu’il savait”.
Bien qu’il leur ait
été intimé l’ordre d’abandonner cette
piste, les enquêteurs de l’ONU ont
réussi à récupérer les registres des
appels téléphoniques de Hassan pour la
fin de 2004 et pour 2005 au complet.
Durant cette période, il avait eu 279
discussions avec Hussein Khalil,
l’adjoint principal du chef du
Hezbollah, Hassan Nasrallah. Khalil, de
son côté, avait parlé 602 fois avec
Wafik Safa, connu dans le milieu du
renseignement comme étant l’homme fort
du service de sécurité interne du
Hezbollah.
Mais personne n’a
interrogé Hassan non plus au sujet de
ces appels.
Toutefois, Hassan
avait également ses défenseurs. Il est
resté un proche allié du fils de Hariri,
Saad, l’ancien premier ministre du
Liban, qui lui a renouvelé sa confiance
après ses révélations.
L’homme pouvait
rendre service et le prouvera dans sa
gestion du faux témoin Zuhayr Muhammad
Siddiq remonte à septembre 2005. Le 26
septembre 2005, la commission d’enquête
internationale entend la déposition de
Siddiq en présence du Colonel Hassan. Le
lendemain, Siddiq établit une
reconnaissance de sa participation
directe à l’assassinat de Hariri, un
document contresigné par l’officier
libanais.
Depuis, Hassan
était accusé d’avoir participé à la
falsification de la déposition. Le
colonel rejettera cette accusation
assurant que sa présence était
uniquement justifiée pour les besoins de
la traduction des propos tenus en arabe
par Siddiq. Des accusations persistantes
de l’opposition libanaise désignent le
Colonel Hassan comme l’homme qui, sous
l’autorité du clan Hariri, a assuré la
gestion du dossier du faux témoin
Zouheir Siddiq.
Dans un zèle
compensatoire, Wissam Hassan veillera à
maintenir l’enquête sur les rails menant
à la Syrie, dégageant de son passage,
pour s’y substituer, les quatre
officiers supérieurs en charge de la
sécurité du pays, qu’il expédiera en
prison, tant pour mettre la main sur les
dossiers sensibles de l’affairisme syro-Haririen
au Liban, que pour pourvoir au
ravitaillement du Tribunal Spécial sur
le Liban de son contingent de faux
témoins.
L’homme que
l’héritier vouait à prendre la tête d’un
appareil sécuritaire ultramoderne, à
l’effet de faire contrepoids à l’armée
et au Hezbollah, la milice chiite armée,
l’homme destiné à être le commandant en
chef de l’armée sunnite, représentée par
les Forces de Sécurité Intérieures
(FSI), est, en fait, le talon d’Achille
de Saad Hariri dans sa confrontation
avec son opposition. Dans le feu de la
bataille, alors que le tribunal
international menaçait de faire des
révélations sur l’implication des plus
hautes autorités iraniennes et
syriennes, l’Ayatollah Ali Khaménéi, via
les troupes d’élite des Pasdarans -la
brigade Al Qods »- une fuite opportune
révélait au grand jour la nature
duplique de cet homme de l’ombre.
La chaîne de
télévision libanaise « New TV »
diffusait, le 15 janvier 2011, à
l’avant-veille de la remise des
conclusions de l’enquête internationale,
un documentaire montrant Saad Hariri,
Wissam Al Hassan, Gerhard Lehman,
l’assistant du procureur international,
et le faux témoin Zouhair Siddiq, dans
des conciliabules s’apparentant à une
conjuration de cloportes. Sous réserve
de son authenticité, ce document a
démasqué, au grand jour, la connivence
entre les divers protagonistes du clan
pro occidental dans la fabrication des «
faux témoins ».
L’origine de la
fuite est sujette à controverse. Une
hypothèse privilégie la piste de Gerhard
Lehman, se fondant sur les précédentes
accusations d‘Hassan Nasrallah selon
lesquelles l’enquêteur allemand avait
cherché à vendre la déposition des
témoins de l’enquête internationale. Une
autre hypothèse pencherait plutôt vers
la piste Wissam Al-Hassan qui, selon
cette thèse, aurait fait fuiter la vidéo
vers les services syriens pour se
prémunir contre un éventuel retour de
bâton.
Dans la tradition des chefs du
renseignement du Moyen-Orient, le
général Hassan est un personnage
énigmatique, redouté dans son propre
pays, comme l’était son modèle maronite.
Et si le masque énigmatique masquait en
fait une réputation non justifiée? Et si
ces fameux hommes de l’ombre n’étaient
que l’ombre de leur réputation? Une
meilleure exposition aurait-elle bridé
les corrosives nuisances de leurs
sombres manigances? Rendue la démocratie
au Liban moins ténébreuse?
Le mentor maronite
a assisté impuissant à l’implosion de
ses deux poulains, le disciple, lui,
s’est débattu de l’accusation de
désertion, consécutive à son soupçon
d’abandon de poste, en pleine bataille
politique qui a coûté la vie au sens de
sa mission.
Wissam Al Hassan a échoué dans les trois
missions majeures à lui assignées durant
sa carrière: la protection de Rafic
Hariri, la gestion du dossier des faux
témoins et le maintien sous verrou des
quatre officiers libanais, qui seront
libérés après quatre ans de détention
avec leur concert de révélations.
Dans la grande
épreuve de leur vie, tous les deux ont
glané, non le prix d’excellence, mais le
zéro pointé. Wissam Hassan,
étymologiquement “la distinction
honorifique au meilleur”, a assurément
démérité son nom. De sa vie, il en a
payé le prix.
Pour solde de tout compte sans pour
autant que cette mort ne mette un terme
à la guerre de l‘ombre que se livrent
les deux grands fauves de la guerre
clandestine interarabe, Bandar Ben
Sultan, l’ancien Great Gatsby de
l’establishment américain et son rival
syrien, et son rival syrien, le colonel
Hafez Makhlouf, l’home secret du régime
baasiste.
Références
1 – Un
attentat-suicide a visé mercredi 18
juillet 2012 à Damas le centre du
pouvoir syrien, emportant l’une des
figures le plus emblématiques du clan
Assad, le général Assef Chawkat, le
propre beau-frère de Bachar Al-Assad.
L’attentat, qui aurait été mené par un
membre de la garde rapprochée d’un des
participants à une réunion du Conseil
national de sécurité, a emporté
plusieurs hauts responsables de
l’appareil militaro sécuritaire syrien,
notamment le ministre de la défense,
Daoud Rajha et le responsable de la
cellule de crise chargée de la
rébellion, le général Hassan Turkmani.
L’attaque est
survenue deux semaines après la
défection d’un membre du premier cercle
du pouvoir baasiste, le général Manaf
Tlass, officier supérieur de la garde
présidentielle et fils de l’ancien
ministre de la défense, le général
Moustapha Tlass..
Cauda
La polémologie du
Moyen orient recense de nombreux
attentats infiniment plus spectaculaires
et meurtriers que l’attentat de Damas du
18 juillet 2012, dont voici les plus
importants
• 1980 : Attentat
des Moudjahidine Khalq contre le centre
du pouvoir à Téhéran, entraînant
l’élimination des certains des
principaux dirigeants la hiérarchie
politico religieuse de la République
islamique iranienne.
• 6 octobre 1981 : Assassinat du
président égyptien Anouar El Sadate
• 15 septembre 1982 : Assassinat du
président élu libanais Bachir Gemayel,
la veille de son entrée en fonction
• 1983 : Attentat de Beyrouth contre
l’ambassade américaine provoquant la
décapitation de l’Etat-major de la CIA
au Moyen orient.
• 1984 : Attentat contre le QG israélien
à Tyr, faisant deux cent vingt victimes,
dont le commandant des forces
israéliennes au Sud Liban.
• 1984 : Double attentat de Beyrouth
contre le Quartier général des forces
américaines et le Drakkar, le PC
français, provoquant une hécatombe,
fauchant près de quatre cents soldats et
civils.
• 1986 : Attentat d’Aden ourdi par le
propre premier ministre Ali Nasser
Mohamad contre ses rivaux entrainant la
décapitation de toute la hiérarchie
marxiste du Yémen sud, provoquant par
ricochet une guerre civile et la fuite
de M. Ali Nasser vers Damas.
© René Naba
Reçu de René Naba pour publication
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