L’élection d’un noir à la tête des Etats-Unis
est destinée à blanchir l’Amérique de toutes ses turpitudes.
La Palestine, véritable test de la détermination de Barack Obama
d’impulser le nouveau visage de l’Amérique post-raciale et
post-coloniale.
Barack Obama entre le stéréotype de l’image de «l’Oncle Ben’s»
et les figures charismatiques de Nelson Mandela et du Mahatma
Gandhi.
(Entretien réalisé par Azzeddine Belfarag)
Paris 4 janvier 2009
Q- Que fera Barack Obama sur
le plan de la politique internationale ? Pratiquera-t-il la
continuité ou prônera-t-il la rupture avec la diplomatie de son
prédécesseur notamment sur le conflit israélo-arabe et le
problème palestinien ?
Les premières décisions politiques du Président Barack
Hussein Obama, élu le 6 Novembre 2008, augurent mal d’une
politique de changement à tout le moins sur le plan diplomatique
à en juger par la composition de sa garde rapprochée.
La désignation d’un ancien réserviste de l’armée israélienne,
Rahm Emmanuel, au poste stratégique de secrétaire général de la
Maison Blanche, de même que la nomination au poste de secrétaire
d’Etat de Hillary Clinton, Sénatrice de New York, c'est-à-dire
représentante au Congrès américain de la première métropole
juive du monde, et, à ce titre, seule personnalité américaine à
avoir accès à l’ambassade israélienne des Etats-Unis, sans
rendez vous préalable, ont été interprétées comme répondant au
souci du nouveau président américain de calmer les appréhensions
concernant ses origines ethnico religieuses, un métis de père
kenyan de confession musulmane.
La propulsion du Rahm Emmanuel à ce poste clé a d’ailleurs
donné lieu au premier incident de parcours de la nouvelle
administration démocrate du fait précisément de la partie
israélienne: Sans ambages, avec une aisance outrecuidante qui
caractérise les relations israélo-américaines, son père a assuré
au quotidien israélien Maariv que «porteur d’un tel nom qui est
bien juif et non arabe, Rahm Emmanuel de par sa nouvelle
position allait infléchir la politique américaine dans un sens
favorable aux intérêts d’Israël», suscitant un tollé dans la
presse nationaliste arabe et conduisant le nominé à se
démarquer, à son corps défendant, des positions de son géniteur.
«Rahmbo», le sobriquet qui le désigne par référence à la
violence qu’il entretient dans ses rapports politiques avec ses
adversaires, a dû présenter ses excuses personnelles à Marie
Rose Auckar, assurant la Présidente du comité anti-diffamation
arabo-américain que le point de vue de son père ne reflétait «ni
ses vues personnelles, ni les vues de sa famille». Comprenne qui
voudra.
Un tel incident révèle en tout cas tant la sensibilité du
sujet que la nervosité des protagonistes, tant il est vrai que
de tous les dossiers internationaux en souffrance sur son
agenda, le dossier palestinien sera le véritable test de la
détermination de Barack Obama d’impulser le nouveau visage de
l’Amérique post-raciale et post-coloniale.
La marge de manoeuvre de Barack Obama est grandement réduite
du fait du sinistre économique dans lequel est plongé son pays,
en héritage de l’ère Bush. Tout porte à croire qu’il va accorder
la priorité à la situation intérieure, notamment aux laissés
pour compte de la société d’abondance alors qu’environ 30 pour
cent de la population américaine vit sous le seuil de la
pauvreté. Sa décision de créer 2,5 millions d’emplois répond à
ces considérations.
Mais Barack Obama sera tout de même particulièrement attendu
néanmoins sur le plan international en raison du rôle dirigeant
assumé par les Etats-Unis au sein du camp occidental, en raison
aussi du fait que sa présidence intervient à un moment charnière
de l’histoire mondiale alors qu’un basculement s’opère sur le
plan de la géostratégie mondiale, en raison enfin des
circonstances de son élection: Barack Obama a certes été élu par
les Américains, mais sa route vers la Maison Blanche a été
déblayée par la longue lutte de la communauté afro-américaine
sous l‘autorité de ses chefs charismatiques, dont il est
l’héritier putatif, le Pasteur Martin Luther King, le Révérend
Jesse Jackson et même Malcolm X, chef de file des «Black
Muslim’s». Son élection n’aurait été concevable, aussi paradoxal
que cela puisse paraître, sans le concours sans doute
involontaire mais déterminant de tous ceux qui à travers le
monde se sont appliqués à mettre en échec la politique
hégémonique de l’administration Bush, que cela soit en Amérique
Latine avec Hugo Chavez (Venezuela) et Evo Morales (Bolivie),
dans le Monde arabe au Liban avec le Hezbollah, en Irak avec les
milices chiites de Moqtada Sadr, en Palestine avec le Hamas ou
encore en Russie avec Vladimir Poutine, vainqueur inattendu de
la Guerre du Caucase au grand dam des parrains américains de la
Géorgie et de leurs instructeurs israéliens. Autant
d’interlocuteurs coriaces et aguerris, qui ont survécu à George
Bush jr et même à son propre père George Bush senior.
Dans ce contexte, Guantanamo ne devrait poser pas de
problèmes majeurs. Symbole honni des dérives fascisantes et
mensongères de George Bush jr, la suppression de ce «camp de la
honte» pourrait faire l’objet d’un geste symbolique de rupture
avec l’ancienne administration néo-conservatrice, avec d’autant
plus d’empressement que l’y encourage à sa fermeture l’un des
plus respectés dirigeants du camp républicain, le général Collin
Powel, premier dirigeant afro-américain à occuper le poste de
secrétaire d’état.
Sur les autres dossiers internationaux, il existe une
quasi-similitude de vues entre les diverses composantes de
l’administration démocrate, mais une sourde rivalité se profile
sur la maîtrise d’œuvre. La nouvelle diplomatie américaine
pourrait ainsi s’articuler sur le schéma suivant: Un profil bas
en Irak, en raison du coût excessif de la guerre et des revers
militaires américains, compensé par un redéploiement musclé en
Afghanistan pour prévenir dans l’opinion publique mondiale
l’idée d’une débandade généralisée du camp occidental, avec une
gestion ductile du problème iranien. Sur ce dernier point
Hillary Clinton de même que les néo-conservateurs américains et
français, particulièrement le président Nicolas Sarkozy, son
ministre des Affaires étrangères Bernard Kouchner, et le
directeur socialiste pro-sarkozyste du Fonds Monétaire
Internationale (FMI) Dominique Strauss Khan, partagent les
thèses israéliennes en ce qui concerne le «danger» iranien et
préconisent la «manière forte» dans leur approche avec l’Iran.
En prévision de cette élection, alors que l’économie
américaine s’effondrait, et voulant sans doute lier les mains du
futur président, le Center for Security Policy, organisme réputé
de lobby international, a lancé une intense campagne visant à
dissuader les institutions internationales de recourir à la
législation islamique pour la gestion de ces fonds, pointant du
doigt leur origine géographique, en clair la sphère musulmane.
Le CSP avait mené une victorieuse campagne en faveur de Boeing
contre Airbus dans le contrat visant à la fourniture à l’armée
de l’air américaine des 179 avions ravitailleurs de nouvelle
génération, un marché de 35 milliards de dollars. Le Center for
Security policy, qui amalgame sans doute volontairement, Finance
islamique et Islam radical, fait partie de la kyrielle
d’organisations gravitant autour de l’AIPACC, la principale
formation du lobby juif aux Etats-Unis. Proche du Likoud, la
droite israélienne, il participe d’une trilogie qui a propulsé
la thématique du péril islamique dans le discours officiel
politique et médiatique américain comme substitut au «péril
rouge» à la suite de l’effondrement du bloc communiste. Les deux
autres formations sont le WINEP (Washington Institute For Near
East Policy) et le JINSA (Jewish Intitute For National
Security).Vingt deux membres de ses formations font partie des
cercles dirigeants de l’administration Buh jr: Richard Cheney,
vice-président, John Bolton, ancien ambassadeur à l’ONU, et
Douglas Feith, ancien sous secrétaire à la défense, pour JINSA,
Paul Wolfowitz, Président de la Banque Mondiale, Richard Perle,
ancien sous secrétaire à la défense pour WINEP, l’influente
organisation présidée par Martin Indyk, américano-australien,
ancien ambassadeur des Etats-Unis en Israël (10).
Mais pour de nombreux observateurs internationaux, le premier
président afro-américain de l’Histoire mondiale, celui que de
nombreux journalistes présentent par allusion à l’immense espoir
qu’il a soulevé lors de son élection, comme l’héritier du
Président John Fitzgerald Kennedy et du dirigeant noir
américain, Martin Luther King, tous deux assassinés, le premier
en 1963, le second en 1968, aura le souci de laisser sa marque.
L’épouse de l’ancien président américain pourra tout au plus
faire connaître sa sensibilité particulière sur le dossier
iranien, mais ne saura, en aucun cas, malgré sa personnalité
marquée et sa flamboyance affichée, se substituer au véritable
chef de la diplomatie américaine, en l’occurrence le Président
des Etats-Unis, dans la détermination de la politique étrangère
américaine. Pour les amateurs de référence historique, Hillary
Clinton pourrait avoir aura un rôle comparable à celui assumé
auparavant par James Baker Jr, Secrétaire d’état sous
l’administration de George Bush père, celle d’une forte
personnalité dotée d’une confortable marge de manœuvre, mais
soumise toutefois à l’impérieux contreseing présidentiel.
Natif de Hawaî, de père kenyan de confession musulmane,
étudiant en Indonésie en compagnie d’un beau père indonésien de
confession musulmane, Barack Hussein Obama, bien que converti au
christianisme, est un américain de l’extérieur, «an overseas
président». Il est de ce fait sensible à l’environnement
international de sa jeunesse et de son éducation de base. Il
n’est pas interdit de penser, qu’en son for intérieur, il peut
estimer que l’intérêt à long terme de l’Amérique réside non dans
une confrontation mais dans une coopération avec le Monde
musulman, tant pour les Etats-Unis d’Amérique pour son allié
israélien. Ce qui présuppose une politique d’apaisement à
l’égard d’un bloc généralement présenté par la presse
occidentale comme un terreau du terrorisme et de la xénophobie,
alors que la profonde aversion que nourrit l’ensemble
arabo-musulman à l’égard du bloc occidental réside dans la
morgue et la désinvolture des Occidentaux à leur égard.
Il est de notoriété publique qu’Israël ne se serait jamais
permis de violer continuellement et en toute impunité le Droit
International, mener à bien une colonisation rampante de la
quasi totalité de la Palestine, sans le soutien résolu de
l’Amérique. Cela est particulièrement vrai sous le mandat de
George Bush jr. Alors que l’Amérique sollicite activement le
concours financier des pétromonarchies du golfe pour renflouer
son économie, une « politique de la canonnière» ne saurait être
mise en oeuvre sans la caution des alliés arabes de l’Amérique
et sans de substantielles contreparties à leurs bailleurs de
fonds arabes. Une éventuelle compensation ne pourrait porter que
sur le plan du conflit israélo-arabe. La fin d’un monde
unipolaire, l’échec d’une stratégie d’hégémonie telle qu’elle
s’est manifestée par la neutralisation du projet du «Grand
Moyen-orient» par les contestataires à l’ordre américain
implique une redéfinition des objectifs prioritaires de la
diplomatie.
En bon vassal de l’Empire américain, Israël s’y alignera bon
gré mal gré. Anticipant le mouvement, le président israélien a
d’ores et déjà souscrit, en novembre, dans la foulée de
l’élection présidentielle de Barak Obama, au plan de paix
saoudien, formulé depuis trente ans et superbement ignoré depuis
par tous les gouvernements israéliens successifs de gauche comme
de droite. Dans une démarche symétrique de rapprochement,
Bahreïn a préconisé la mise sur pied d’une nouvelle organisation
régionale incluant non seulement la Turquie, mais également
Israël, assurant ainsi la promotion d’une sous organisation
régionale majoritairement pro américaine dans une structure
panarabe.
Q- Jérusalem: Au lendemain de sa nomination par la
convention, Barack Obama s’est rendu devant l’AIPACC, instance
représentative du lobby juif américain, pour proclamer son
engagement à oeuvrer pour que Jérusalem demeure capitale
indivisible d’Israël. Comment interprétez vous cette attitude ?
La prestation de Barack Obama devant le lobby juif américain
a plongé bon nombre de ses admirateurs dans le Monde arabe dans
un abîme de perplexité. Sa déclaration sur le caractère
indivisible de Jérusalem, capitale d’Israël, est apparue
d’autant plus gratuite que rien dans son parcours ne le
contraignait à le faire, sauf à vouloir donner des gages à
Israël et à ses influents partisans électoraux au Etats-Unis,
sauf à vouloir se ménager une marge de manœuvre future pour des
douloureuses concessions qu’il se devra de réclamer d’Israël
dans l’hypothèse d’une relance d’une nouvelle dynamique de paix
au Moyen-orient.
La décision de transférer l’ambassade des Etats-Unis de
Tel-Aviv vers Jérusalem a été prise par Ronald Reagan
(1980-1988) dans la période de transition de son mandat à son
ancien vice-président George Bush sr, dans le cadre de ce qu’il
est convenu d’appeler les «midnight measures», les mesures
prises discrètement par le président sortant à la faveur de
l’interrègne présidentiel américain. Depuis lors, le sujet est
régulièrement évoqué devant le Congrès américain sans qu’aucun
président n’ait jamais osé franchir le pas en ordonnant le
transfert effectif de la représentation américaine vers
Jérusalem, une mesure contraire au Droit International, une
mesure qui ne manquerait pas d’être ressentie comme une
provocation et une humiliation par l‘ensemble arabo-musulman à
l’effet de fragiliser les alliés arabes de l’Amérique.
Reagan a trépassé, George Bush jr, le fils du précédent, est
durablement carbonisé, mais le peuple palestinien, bien que
désorienté par ses conflits fratricides et affaibli par la
sévère répression israélienne, maintient sa revendication sur le
secteur arabe de la Ville Sainte, témoignant ainsi d’une grande
capacité d’endurance et de survie. Or nul ne l’ignore: tant
qu’existe un revendicateur, un Droit ne se perd pas. Et c’est là
le principal mérite du combat palestinien.
De même, Jérusalem, capitale indivisible d’Israël, est une
rengaine de tous les postulants à la magistrature américaine, un
exercice de style obligé pour tous les candidats aux
présidentielles américaines. Mais l’exercice n’est pas sans
conséquence, ni dommage. Un fait subjectif partagée par une
majorité d’individus devient un fait objectif. Une répétition
rituelle finit par imprégner les esprits et s’impose comme un
fait d’évidence. Aux Arabes et à leurs alliés dans le Monde,
d’être vigilant sur ce point et intransigeant.
Un accord en bonne et due forme lie, en effet, depuis le 19
Janvier1989, Israël et les Etats-Unis à propos du transfert de
l’ambassade américaine de Tel-Aviv vers Jérusalem. L’accord a
été signé du côté américain par l’Ambassadeur des Etats-Unis en
Israël, William Brown, le jour même de la passion de pouvoir
entre les Présidents Reagan et Bush, sans qu’il soit possible de
l’imputer au mandat Reagan ou au mandat Bush afin de diluer les
responsabilités entre les deux présidents républicains. L’accord
prévoit la construction de l’ambassade américaine dans la partie
sud de la Ville Sainte, dans un secteur dénommé du temps du
mandat britannique de «Camp Allenby». D’une superficie de
quatorze hectares, le bâtiment est destiné à servir de résidence
au chef de la mission américaine, qui en aura la jouissance pour
une durée de 99 ans, moyennant le versement symbolique d’un
dollar. L'ambassade américaine est en fait en cours
d’édification sur la route de Bethlehem, sur le chemin menant au
du kibboutz Ramat Rachel, face à la colonie de Gilo. Son
ouverture est prévue pour 2009.
L’accord israélo américain constituait la contrepartie de
l’acceptation par le gouvernement Itzhack Shamir (droite-Likoud)
de l’ouverture d’un dialogue avec l’Organisation de Libération
de la Palestine. Un tel accord s’est révélé être en fin de
compte un «marché des dupes». Les accords israélo-palestiniens
d’Oslo (1993) ont été vidés de leur substance et l’autorité
palestinienne de ses pouvoirs, le chef du combat national
palestinien Yasser Arafat confiné jusqu’à sa mort dans sa
résidence de Ramallah, alors que, parallèlement, Israël a
poursuivi sa colonisation rampante de Jérusalem et de la
Cisjordanie, au point les Israéliens ont proposé d’aménager une
bourgade jouxtant la Ville Sainte, Abou Diss, en guise de
substitution de Jérusalem comme capitale de rechange du futur
Etat palestinien.
Proposition indécente qui témoigne du mépris souverain des
Israéliens pour les revendications légitimes non seulement des
Palestiniens mais pour l’ensemble arabo-musulman. Comme si les
Lieux Saints de Jérusalem étaient transférables, comme ce fut le
cas pour les temples égyptiens d’Abou Simbel, menacés par la
montée des flots lors de la construction du mur de retenue des
eaux du barrage d’Assouan.
A delà de Jérusalem, l’Occident chrétien a pensé purger son
passif avec le Judaïsme et lui témoigner de sa solidarité
expiatoire en créant l’Etat d’Israël en vue de «normaliser la
condition juive diasporique dans des constantes nationales
claires», selon l’expression de l’écrivain Abraham B. Yehoshua (cf
à ce propos son article «la question juive posée au Monde», 29
novembre 2001 in journal français Libération). Mais il a dans le
temps transmuté son contentieux bimillénaire avec une religion
longtemps considérée comme «déïcide» en un conflit
arabo-israélien et un conflit islamo-judaïque. (2)
Israël, pour tragique qu’aient été les souffrances des Juifs
au siècle dernier et manifeste leur contribution à la culture du
monde, ne saurait faire l’impasse sur l‘intérêt que portent 1,5
milliards de Musulmans et 1,3 milliards de Chrétiens à
Jérusalem, une ville vouée par les hasards de l’Histoire à être
le Lieu Saint des trois grandes religions monothéistes.
L’Occident ne saurait faire l’impasse sur sa responsabilité
dans le drame palestinien. Il lui importe désormais d’assumer
les conséquences de son acte plutôt que de se voiler la face.
N’en déplaise aux experts occidentaux, nombreux en la matière,
le terrorisme ne résulte pas d’une création ex nihilo, pas plus
qu’il ne constitue un phénomène sui generis. Il se nourrit des
meurtrissures et des flétrissures, de l’impasse du désespoir
magnifié par une exaltation sacrificielle.
Q- Au sein des cercles dirigeants tant en Israël que
dans les pays occidentaux rêvent de sceller une nouvelle
alliance entre Juifs et Noirs américains pour marquer
l’avènement d’une Amérique post-raciale. Qu’en-est-il ?
La jonction entre sionisme et panafricanisme, les deux points
noirs de l’Occident de l’époque contemporaine, a longtemps été
caressée par les pères fondateurs du sionisme désireux de fonder
avec les peuples africains, une «communauté des persécutés».
Léon Pinsker dans l’Auto-émancipation (1882), le philosophe
Martin Bubber à la tête du «Die Welt », journal de
l’organisation sioniste mondiale, dont il assura la Rédaction en
chef de 1889 à 1901, et, Golda Meir, ancien premier ministre
israélien, ont plaidé en faveur d’un tel projet. Juifs et Noirs
américains ont longtemps constitué d’ailleurs, avec les
confédérations syndicales américaines, l’ossature du Parti
Démocrate américain. Ailleurs, dans le monde occidental, des
tentatives se font régulièrement jour pour associer Juifs et
Noirs dans des démarches revendicatives communes. Tel est le cas
par exemple en France du mouvement anti-racisme «SOS-Racisme»
qui opère en concertation étroite avec l’Union des Etudiants
Juifs de France.
Le mot d’ordre «Back to Africa» (retour en Afrique), lancé
par Marcus Gravey, en 1920, avait d’ailleurs été perçu, à
l’époque, par bon nombre d’observateurs comme l’équivalent
africain du mot d’ordre sioniste «retour à Sion». Mais le rêve
d’une fraternité de souffrances s’est brisé sur les amers
constats des dures contraintes de la Realpolitik. Ainsi, durant
la période de la décolonisation, Israël s’est en effet rangé
systématiquement du côté occidental, c’est à dire, dans le camp
de ceux qui étaient perçus comme des oppresseurs coloniaux, Que
cela soit en Algérie, allant même jusqu’à concevoir avec la
France et le Royaume Uni, une «expédition punitive» contre l’
Egypte, en 1956, en vue de briser la base arrière de soutien à
la Révolution algérienne, que cela soit en Afrique du sud
encore, où l’Etat hébreu, au mépris de sa philosophie affichée,
a été un des principaux soutien au régime d’apartheid, engageant
même avec lui une coopération nucléaire, que cela soit avec la
Turquie enfin, où les rescapés du génocide hitlérien ont
constamment refusé de reconnaître aux survivants arméniens du
génocide turc, premier génocide du XX me siècle, le qualificatif
de «génocide», tant par égard pour leur alliance stratégique
avec la Turquie, que par souci de réserver au génocide hitlérien
son caractère exclusif et exemplaire au bénéfice de la
thématique victimaire de la diplomatie israélienne.
Dans son inoubliable «Discours sur le colonialisme», Aimé
Césaire dénoncera le primat accordé par les Européens à
l’expiation du génocide hitlérien dans une démarche visant à
occulter ce qu’il estime être le plus grand génocide de
l’histoire moderne, la colonisation de l’Afrique et la traite
négrière. La rupture entre Juifs et Noirs est intervenue
précisément durant la période de la décolonisation de l’Afrique.
Afficher un soutien résolu à l’ Indépendance d’Israël, et,
carboniser, dans le même temps, les Algériens à Sétif et à
Guelma, faucher à la mitraille les Sénégalo-maliens à Thiaroye,
les Camerounais et les Malgaches pour étouffer toute velléité
d’indépendance africaine, a paru aberrant à bon nombre
d’Africains, qui y ont vu la marque d’une collusion entre les
pays occidentaux et le nouvel Etat juif naissant. Israël est
alors apparu comme une «créature de l’Occident», un instrument
de répression dans le tiers monde, le protecteur des Dictateurs
africains à l‘instar de Joseph Désiré Mobutu au Zaïre.
L’Afrique est partiellement redevable de son indépendance au
Vietnam et à l’Algérie. N’était-ce la défaite française de Dien
Bien Phu (1954), première défaite d’une armée blanche face à un
peuple basané, et, l’hémorragie de la guerre d’Algérie, gageons
que la colonisation de l’Afrique aurait perduré. Les Africains
en ont conscience de cette fraternité d’armes. Sans parler de la
rupture collective des relations diplomatiques des pays arabes
avec Israël, en 1967, dans la foulée de la 3me guerre
arabo-israélienne, le Mali, à titre d’exemple, a, dès son
indépendance, dépêché un contingent symbolique de sa jeune armée
pour se ranger aux côtés des combattants Algériens et Bamako,
jusqu’à présent n’a jamais abrité la moindre représentation
israélienne malgré les sollicitations répétitives tant des
Israéliens que des Occidentaux. Et c’est un psychiatre
antillais, compagnon de route de la Révolution algérienne,
Frantz Fanon, qui théorisa le mieux la nouvelle alliance entre
Arabes et Africains, scellée sous l’emprise coloniale, dans un
retentissant ouvrage au titre ravageur «Les Damnés de la Terre».
La rupture judéo-africaine a donné naissance aux Etats-Unis
au mouvement des Blacks Muslims et au ralliement à l’Islam d’une
frange de la communauté noire américaine, notamment de mythiques
personnalités tel le boxeur Cassius Clay, alias Mohamad Ali, et
vraisemblablement, le scintillant Michael Jackson et, sur le
plan international, à une convergence arabo-africaine.
Année cruciale s’il en est, 2009 verra se dérouler pas moins
de six élections importantes de la Palestine, à Israël, en
passant par l’Irak, l’Iran, l’Afghanistan et le Liban, c’est à
dire dans les principaux points de naufrage de la politique
hégémonique américaine. Indice d’un bouleversement qui traduit
le basculement géostratégique mettant fin au Monde unipolaire
régissant l’ordre international depuis l’implosion du bloc
soviétique, il y a vingt ans, le Liban, pour la première fois de
son histoire, un pays longtemps la chasse gardée de l’Occident,
particulièrement de la France, va se doter de matériel de guerre
russe, y compris son aviation de Mig 29, chose inconcevable il y
a peu, dans le prolongement du nouveau déploiement russe au
Moyen-orient avec la livraison du système S-300 à l'Iran face à
Israël, la réhabilitation du port de Tartous (Syrie) pour en
faire le point d’ancrage pour sa flotte en Méditerranée,
parallèlement à l’aménagement sur le flanc de l’Amérique d’un
centre spatial russe à Cuba en complément aux manoeuvres
conjointes navales russo-venézuéliennes de l’automne 2008, à
quelques encablures des côtes nord-américaines sans que cela ne
suscite la moindre réaction de Washington.
Anticipant l’évènement, Israël a condamné le jour de Noël, le
25 décembre, à trente ans de prison le chef du Front Populaire
pour la Libération de la Palestine, Ahmad Saadate, se livrant le
surlendemain à une bain de sang à Gaza, fief du Hamas. Israël ne
se serait jamais permis de se livrer à une telle boucherie sans
la complicité passive des Etats arabes, sans la démission des
pays occidentaux face à leurs propres valeurs qu’ils ont érigés
en valeurs universels. L’expédition punitive de Gaza (plus de
cinq cents tués selon un bilan provisoire) constitue, au premier
chef, une opération de surenchère électorale entre le
travailliste Ehud Barak, ministre de la défense, la centriste
Tzipi Livni, chef du parti Kadima et ministre des affaires
étrangères, en vue de barrer la voie à leur concurrent le plus
sérieux Benjamin Netanyahu (chef du Likoud), à six semaines des
élections législatives israéliennes. Elle permet d’une manière
subséquente à Israël de reléguer au deuxième plan les
interrogations qui commencent à se faire jour aux Etats-Unis sur
la prépondérance du lobby juif américain dans la détermination
de la diplomatie américaine et sur la vie économique américaine,
après la faillite de deux grandes banques juives, la banque
Lehman Brother’s et le fond spéculatif Bernard Madoff. En tout
état de cause, et quoiqu’il en soit, il n’appartient pas au
peuple palestinien de payer, par délégation, pour les atrocités
commises à l’encontre des Juifs dans les pays occidentaux,
notamment en Europe. Tant qu’Israël bénéficiera d’une impunité
totale, il est à craindre que des tragédies comme celle de Gaza
ne se reproduisent. Il est à parier que Le Monde gagnerait en
stabilité et en sécurité et les pays occidentaux en
respectabilité et en crédibilité, le jour où Israël cessera de
bénéficier d’une immunité totale et absolue en toute
circonstance et en tout lieu.
L’Histoire abonde d’exemples de suicide collectif des élites
d’un pays du fait d’une cécité politique de la caste dirigeante:
Ainsi la classe politico économique française s’est donnée corps
et âmes au nazisme hitlérien, en 1940, pour faire barrage au
communisme en France, souillant l’image de la France d’une tâche
indélébile, la déshonorant d’une manière infiniment plus grave
que les sifflets des jeunes à l’encontre de «La Marseillaise»
lors d’un match amical de football. De même les nostalgiques
bolchéviques, artisans du coup d’état contre Mikhaël Gorbatchev,
en 1990, ont déblayé la voie à leur cauchemar,
l’ultralibéralisme éthylique de Boris Eltsine. Il en est de même
pour les «faiseurs de guerre» néo-conservateurs et leurs
compères, les spéculateurs de Wall Street qui y ont propulsé un
«New Deal», une nouvelle donne contraire à leurs idéaux.
Qu’en sera-t de l’Amérique post Bush ????
Barack Obama est l’héritier de toute cette histoire. Au delà
de ses qualités propres, l’élection d’un «Noir» à la tête des
Etats-Unis est prioritairement destinée à blanchir l’Amérique de
toutes ses turpitudes au terme d’une double mandature bushienne
si calamiteuse tant pour l’Amérique que pour la stabilité et la
prospérité du Monde. Conformiste, il sera un nouveau «Uncle
Ben’s» de la communauté noire américaine, à l’image d’un de ses
plus illustres précurseurs, Condoleezza Rice, Secrétaire d’Etat
de George Bush jr. Volontariste, Barack Obama prendra place dans
l’Histoire comme l’une des figures marquantes de l’Humanité à
l’image de Nelson Mandela (Afrique du sud) et du Mahatma Gandhi
(Inde), donnant ainsi une impulsion nouvelle au XXI me siècle,
par une claire rupture avec les pratiques impériales
traditionnelles de la diplomatie américaine.
Notes:
«De notre envoyé spécial, un correspondant sur le théâtre du
Monde» par René Naba –Editions l’Harmattan Janvier 2009
«Comment le peuple juif fut inventé» de Shlomo Sand (Fayard
2008)
«Souvenirs d’un marginal», Maxime Rodinson (Fayard 2008)
«Après la démocratie», Emmanuel Todd (Gallimard 2008)
et Michel Warschawski, "Destins Croisés", Edition Riveneuve,
sortie prévue avril 2009, avec une préface de Avraham Burg,
ancien président de la Knesset, auteur de "Defeating Hitler"
(Survivre à Hitler) -Fayard-2008.
© Toute reproduction intégrale ou
partielle de cette page faite sans le consentement écrit de René
Naba serait illicite (Art L.122-4), et serait sanctionnée par
les articles L.335-2 et suivants du Code.
Publié le 13 janvier 2009 avec l'aimable autorisation de René Naba.