Syrie
La controverse à
propos de Basma Kodmani
René
Naba
René Naba
Paris, samedi 7
avril 2012
«La
liberté d’information est un leurre, si
l’information sur les faits n’est pas
garantie et si ce n’est pas les faits
eux-mêmes qui font l’objet du débat»
Hanna Arendt.
En hommage à
Sadeq Jalal Al Azm, pionnier de la
contestation syrienne (1)
Basma Kodmani fait
l’objet d’une controverse dont la
vivacité témoigne de l’animosité que
suscite la porte-parole de l’opposition
syrienne de l’extérieur et de l’ampleur
du déchirement de la classe politique et
intellectuelle arabe à l’égard du drame
syrien et des enjeux que sous-tend la
conquête de Damas tant au plan de la
stratégie régionale qu’au niveau de
l’imaginaire collectif arabe.
La mise en ligne,
en février 2012, d’une ancienne émission
télévisée française réalisée à
l’occasion du salon du livre français en
2008, dont Israël était l’invité
d’honneur, a fait éclater au grand jour
la polémique, latente depuis
l’installation du Conseil national
transitoire syrien avec l’aide massive
de la France.
L’émission «Bibliothèque Médicis» de la
chaîne parlementaire «Public Sénat»,
animée par le très journaliste
sarkozyste Jean Pierre El Kabbache, a
été réalisée avec la participation
d’écrivains israéliens et d’un ancien
président du CRIF, Théo Klein, en la
compagnie exclusive de l’universitaire
franco-syrienne.
Sa réactivation, selon toute
vraisemblance, paraissait destinée à
discréditer la porte-parole de
l’opposition en suggérant sa connivence
avec Israël et le lobby pro israélien de
France.
Une caution
moderniste à une alliance rétrograde
Universitaire à
l’expertise reconnue, Basma Kodmani a
bénéficié d’un soutien de poids dans
cette bataille de l’opinion avec le
témoignage de l’universitaire américano
palestinien Rachid Khalid, de l’éditeur
franco syrien Farouk Mardam Bey, petit
fils d’un chef du combat nationaliste
syrien du temps du mandat français,
l’ancien premier ministre Jamil Mardam
Bey, et de Leila Chahid, ancien délégué
de Palestine en France. Le trio a
dénoncé la «perversité» du procédé dont
l’objectif répondait au souci de
«discréditer une vraie militante de la
cause palestinienne».
Auteure d’une thèse sur les réfugiés
palestiniens, Basma Kodmani a collaboré
avec des personnalités palestiniennes de
premier plan, tel Faysal Husseini, à des
projets humanitaires et politiques. A
son actif figurent notamment le projet
de parrainage d’enfants des camps de
réfugiés palestiniens avec de riches
familles arabes de Palestine et
d’ailleurs, de même que plusieurs
pétitions de personnalités occidentales
en faveur des Palestiniens.
Mais la propulsion
au poste de porte-parole de l’opposition
syrienne de cette chercheuse à l’IFRI
(Institut Français de Relations
Internationales), le fortin atlantiste
de la pensée stratégique de la
diplomatie française, de surcroît
ancienne directrice de la branche
régionale de la Ford Foundation au
Caire, et auditrice assidue au Forum de
Bilderberg, la plateforme décisionnelle
des cosmocrates de la trilatérale
(Etats-Unis, Europe, Japon) a été perçue
par des franges de l’opinion arabe comme
une volonté de conférer un halo de
modernité à une opposition largement
dominée par les «Frères Musulmans».
Un effet d’image
destiné à gommer dans l’opinion le
congrès de juillet 2011, tenu à Paris
par les Frères Musulmans, sous l’égide
de Bernard Henry Levy, le plus en vue
des intellectuels français
pro-israéliens, désastreux pour la
crédibilité de l’opposition syrienne.
Une opération de ravalement cosmétique à
une alliance rétrograde, boudée
d’ailleurs à ce titre par d’authentiques
résistants de l’intérieur.
Le rôle d’un
intellectuel progressiste
L’empressement de
l’universitaire franco syrien Bourhane
Ghalioune à obtenir l’adoubement du
prédicateur islamique Youssef Al-Qaradawi
a confirmé cette hypothèse, en même
temps qu’elle discréditait le nouveau
chef nominal de l’opposition syrienne,
en ce que sa renonciation à sa posture
laïque antérieure a signé la marque d’un
renoncement. Sa précipitation à donner
des gages au camp israélo-américain en
annonçant la rupture du ravitaillement
stratégique du Hezbollah libanais en cas
de victoire, la marque d’un reniement,
plongeant dans la consternation ses
parrains par son amateurisme
contre-productif et découragé bon nombre
de ralliement à sa cause.
A son indépendance,
la Syrie confiait la direction de son
gouvernement à une personnalité
chrétienne, Farès al-Khoury, indice de
sa maturité politique et du dépassement
des clivages ethnico-religieux. Soixante
ans plus tard, un intellectuel qui a
forgé sa réputation sur la critique des
pratiques religieuses de son pays, fait
acte d’allégeance à l’Islam atlantiste
et pétrolier, en gage de sa promotion
politique, un signe indiscutable de
régression civique.
Le devoir d’un intellectuel progressiste
est de faire conjuguer Islam et
progressisme et non de provoquer
l’abdication intellectuelle des
progressistes devant un islamisme
basique, invariablement placé sous les
fourches caudines israélo-américaines.
Originaire de la ville de Homs, d’une
famille pétrie de dialectique marxiste,
l’auteur du «malaise arabe» aurait dû se
souvenir que ce malaise-là résulte
principalement de la démission des
élites et de leur embrigadement dans le
rôle de caution aux équipées impériales.
Fille d’un
diplomate syrien ayant émargé sur le
budget de l’état syrien tout au long de
sa carrière, au parcours académique,
sans ancrage sur le terrain, sans
tradition de lutte, nullement
répertoriée dans les rangs de
l’opposition historique au régime
baasiste, le parachutage de Basma
Kodmani au poste stratégique de
porte-parole de l’opposition a été perçu
comme un passe-droit exorbitant,
nullement justifié par son palmarès
oppositionnel, soulignant en filigrane
la volonté de la France de placer sous
sa tutelle l’opposition syrienne de
l’extérieur.
Plaident en ce sens
l’opposition du tandem à une
intervention publique à Paris, avec la
complicité du Quai d’Orsay, d’un des
plus prestigieux opposants syriens, à la
légitimité supérieure à celle du duo,
Michel Kilo, emprisonné à deux reprises
par Damas, de même que le véto opposé à
un résistant authentique de l’intérieur,
Georges Sabra, ancien prisonnier
politique et dirigeant du Parti
démocratique de Syrie, à briguer la tête
de l’opposition syrienne. Au prétexte de
sa religion chrétienne ? De sa qualité
d’homme de gauche? Des deux à la
fois?…Un signe d’ouverture?
En contrechamp, le pitoyable défilé
d’opposants de la dernière heure,
bouffons à l’expression aléatoire, à la
pensée problématique, se vautrant sur
les plateaux de télévision pour le quart
d’heure de célébrité médiatique, a
offert un spectacle affligeant
d’opportunisme indigne de la qualité du
combat des opposants de l’intérieur et
du niveau intellectuel de la société
civile syrienne.
Ces trois faits ont
posé le problème de la pertinence
politique du tandem franco syrien et de
leur mentor français et nourri le procès
de leurs ambitions en même temps que de
leur connivence avec l’ancienne
puissance mandataire.
Pour un duo qui se veut représentatif de
la future Syrie libre, moderne,
démocratique et indépendante, son
placement sous tutelle de l’ancien
pouvoir colonial, un des grands soutiens
aux dictateurs arabes déchus (Egypte,
Tunisie), artisan du démembrement de
leur pays d’origine, la Syrie, au
bénéfice de la Turquie, par détachement
du district d’Alexandrette, et, maitre
d’œuvre du blocus de Gaza sous la
mandature Sarkozy, pouvait difficilement
se percevoir comme une marque de génie
politique, nonobstant les effets
corrosifs de cette servilité sur la
crédibilité du leadership de
l’opposition.
Sans charisme, sans
relief, sans véritable marge de
manœuvre, le noyau français au sein de
l’opposition syrienne est apparu, neuf
mois après son lancement, comme
tributaire de ses commanditaires, à la
merci de leur agenda diplomatique,
oubliant ou feignant d’oublier que la
stratégie occidentale de la dernière
décennie a visé à sanctuariser Israël et
à ostraciser l’Iran en vue de consacrer
une mise sous tutelle durable du monde
arabe à l’hégémonie israélo-américaine.
Piètre stratège, un comble pour une
spécialiste des relations
internationales, elle mésestimera la
force d’obstruction de la Chine, de la
Russie et de l’Inde, de même que
l’Afrique du sud, la moitié de
l’humanité, infligeant le premier revers
majeur à la diplomatie occidentale
depuis l’effondrement du bloc soviétique
dans la décennie 1990.
Nicolas Sarkozy, le
pivot européen de l’axe
israélo-américain, Alain Juppé, le
ministre gaulliste néo atlantiste
concédant arbitrairement et
unilatéralement à Israël, en pleine
bataille de Syrie, le droit de se
dégager de ses obligations
internationales concernant les
territoires palestiniens de 1967,
assurant de surcroit se ranger du côté
d’Israël en cas de guerre régionale, la
Turquie, l’autre manche de la tenaille
qui étrangle, avec Israël, leur pays
d’origine, l’Emir du Qatar, l‘artisan de
la désarticulation de la Libye et
Youssef al Qardawi, l’ancienne bête
noire de l’Occident reconverti dans
l’honorabilité par le fait des royalties
princiers …on aurait rêvé meilleure
caution morale à une entreprise d’une
telle ampleur, la transformation
démocratique de la Syrie, et, au-delà du
Monde arabe.
Circonstance aggravante, le précédent
géorgien de Salomé Zoubachvili,
binationale franco-géorgienne, nommée
ministre des Affaires étrangères de
Géorgie après avoir été ambassadeur de
France, a pointé la nature hybride du
duo et joué en sa défaveur en ce qu’elle
a posé le problème du bien-fondé d’une
décision visant à confier la direction
de l’opposition syrienne à des membres
de la fonction publique française,
c’est-à-dire à des salariés de l’ancien
pouvoir colonial.
Pour rappel à
l’ordre, à l’intention du lecteur
arabophone, le code de conduite édicté
par Nasser à l’égard des menées
impérialistes:http://www.youtube.com/watch?v=DdgivvmnZGA&feature=youtu.be
Et pour le lecteur
francophone le résumé suivant:
Répliquant à une menace américaine de
lui couper l’assistance financière,
Nasser a proclame «Les Américains
menacent de nous affamer. Eh bien on
mangera quatre jours sur sept, un jour
sur deux, un repas sur deux.
Déplorable posture
en comparaison du glorieux comportement
de son lointain prédécesseur, Youssef Al
Azmeh, ministre de la défense, se
portant à la tête de ses armées pour
mener personnellement bataille aux
Français pour la défense de la partie, à
la bataille de Maysaloune, acte
fondateur du nationalisme syrien face au
pouvoir colonial français. Une plus
grande perspicacité aurait pu réduire
les critiques à leur égard. Trois
personnalités de l’opposition, Haitham
al-Maleh, Kamal al-Labwani et Catherine
al-Telli, ont d’ailleurs démissionné du
Conseil en signe de protestation contre
l’autoritarisme du duo et la lourde
tutelle des bailleurs de fonds pétro
monarchique.
Gageons que si
l’opposition syrienne de Paris avait été
chapeautée par une personne de la
stature du philosophe Sadeq Jalal Al Azm,
une personnalité majeure de la pensée
politique arabe contemporaine ou de
Michel Kilo, voire même de Ryad Al Turk,
un vétéran de la lutte politique
syrienne, la visibilité de l’opposition
aurait été plus grande, l’adhésion plus
importante, l’effet d’entrainement plus
dynamique et la critique moins acerbe.
Besoin des Juifs et
d’Israël
Les mots ont un
sens et ne constituent nullement une
enfilade de paroles verbales pour la
satisfaction narcissique d’une
exposition médiatique.
La participation
d’un arabe à un débat avec des
Israéliens est de pratique courante de
nos jours. Mais la présence de
l’universitaire franco syrienne à une
manifestation à la gloire d’Israël,
boycottée par les intellectuels
palestiniens et arabes en signe de
protestation contre les guerres de
destructions israéliennes au Liban
(Juillet 2006) et de Gaza (2008) a pu
paraître choquante à bien des égards en
ce qu’elle bravait et les consignes de
boycott et la solidarité militante,
conférant une prime au bellicisme
israélien à Beyrouth et à Gaza, en
l’exonérant par sa présence.
Choquante en ce que ce salon du livre en
l’honneur d’Israël a été volontairement
programmé par Nicolas Sarkozy à deux
semaines d’élections municipales aux
fins de lui servir de levier auprès de
l’électorat juif dans une consultation
problématique, qu’il finira d’ailleurs
par perdre par démagogie.
Plus choquante aura
été sinon la désinvolture du moins la
passivité en tout cas la maladresse de
cette mère d’enfants palestiniens devant
les doléances des intervenantes
israéliennes, exprimant leurs craintes
pour la vie de leurs enfants en service
dans l’armée israélienne, sans faire
valoir, en réplique, les craintes
identiques de mères palestiniennes
devant les ravages quasi quotidiens de
l’aviation israélienne, non seulement
contre les militaires mais également
contre les civils palestiniens
régulièrement fauchés, sans
discrimination de sexe ou d‘âges, dans
l’indifférence quasi générale des pays
occidentaux.
Parmi les autres
griefs formulés à son encontre figure
son «besoin» de Juifs et d’Israël
qu’elle a exprimé en guise de profession
de foi pour favoriser la diversité
culturelle au Moyen orient.
Un «besoin» qui aurait pu trouver
meilleur écho et accueil s’il s’était
adressé à des pacifistes israéliens, en
guise d’encouragement à leur combat, et
non à des membres de l’establishment
d’un pays qui se vit comme «la pointe
avancée du Monde libre» face à la
barbarie arabo musulmane, dont le
travail de sape permanent a pulvérisé la
Palestine, la terre de ses propres
enfants, sa population et jusque même
son identité, sans la moindre offre de
paix.
Une prestation à l’allure d’une
reddition intellectuelle et morale à
l’imperium colonial. Une insulte à la
mémoire de Rachel Corie, pacifiste
américaine écrasée par un bulldozer
israélien dans son combat contre le
déracinement des Palestiniens de Rafah,
dans la Bande de Gaza. Une insulte au
combat quotidien de près de quatre
millions de Palestiniens empruntant
l’humiliant parcours des 700 barrages
israéliens pour leur gagne-pain
journalier… et qui se seraient, très
franchement, volontiers, passés de ce
«besoin» (2).
La réplique de Doha
Shams
Doha Shams, sans
détours, sans ambages, sans le moindre
ménagement pour son ancienne
connaissance parisienne, en déduira que
Basma Kodmani est une «arabe de service»
de la diplomatie française au service
des intérêts stratégiques des
Occidentaux.
Dans une
retentissante tribune publiée le 27
février 2012 sur sa page Facebook dans
le quotidien «Al Akhbar», le journal
influent des cercles intellectuels et
progressistes arabes, la journaliste
libanaise a dénoncé l’activisme
belliqueux de Mme Kodmani, «sa volonté
d’acter le Chapitre VII de la charte des
Nations Unies autorisant l’usage de la
force», dans tous les documents
officiels de l’opposition, en vue de
déblayer la voie à une intervention
occidentale en Syrie, sur le modèle
libyen.
Epouse divorcée du journaliste
palestinien Nabil Darwiche, Basma
Kodmani-Darwiche a bénéficié d’un accès
privilégié au leadership palestinien de
par ses travaux, certes, mais aussi et
surtout de par sa situation matrimoniale
en ce que son beau-frère, un officier
palestinien assassiné à Rome dans la
décennie 1980, appartenait à la garde
rapprochée de Yasser Arafat, le chef de
l’Organisation de libération de la
Palestine (OLP), lui conférant le
privilège statutaire de «famille de
martyr».
Pour louable
qu’elle ait pu être, au-delà de la
satisfaction d’un amour propre
personnel, sa diplomatie pétitionnaire a
abouti à dédouaner à bon compte les
élites occidentales de l’écrasante
responsabilité de leur pays dans le
drame palestinien, tant du fait de la
déclaration Balfour (1917) que du fait
du génocide hitlérien que de la
collaboration vichyste, sans pour autant
faire progresser la paix, sans refreiner
pour autant l’annexion rampante de la
Palestine et la déperdition de sa
population.
A n’y prendre
garde, la fréquentation du monde éthéré
des salons veloutés de la haute
administration française et des forums
internationaux peut exposer son auteur à
de sérieuses déconvenues. A sa
déconnexion de la réalité.
Il en est ainsi de son «besoin» d’Israël
précité, que de ses «murs à abattre».
Pour la crédibilité de son auteur, un
tel projet supposerait qu’il ne se
limite pas au mur de la peur
psychologique entre Israéliens et
Palestiniens, mais englober tous les
autres murs, sans exception, aussi bien
le mur d’apartheid séparant Israël de la
Cisjordanie, que le mur de la dictature
militaire syrienne, tout comme le mur de
la dictature religieuse pétro
monarchique saoudienne, enfin, le mur de
la dictature financière de l’oligarchie
occidentale, les deux meilleurs alliés
de la militante franco syrienne pro
palestinienne.
Le syndrome Ahmad
Chalabi
Une présentation
unilatérale des faits peut prêter à
équivoque. S’il est vrai qu’ «en Syrie
la propagande est en vigueur à longueur
de commentaires», ainsi que le souligne
à juste titre Le Monde, en date du 24
février 2012, il est non moins vrai que
l’échafaudage médiatique occidental
sophistiqué s’apparente, par moments, à
une entreprise de manipulation de
l’opinion.
Le journal de
référence de la presse française aurait
ainsi été plus avisé de mentionner en
complément de son information, les
turpitudes du camp adverse, notamment
les nombreuses interceptions de
livraisons d’armes opérées au Liban dans
les zones sous contrôle du clan Hariri,
la mise en place d’une plateforme
opérationnelle de la DGST au nord Liban,
au mépris du principe de la souveraineté
libanaise, ou encore la réunion
parallèle des barbouzards de l’Otan, en
marge de la réunion de la réunion «des
amis de la Syrie» à Tunis, le 28 février
dernier, en vue de fomenter un coup
d’état à Damas.
Réédition d’un
scénario éculé, le dispositif en vigueur
à l’encontre de la Syrie est identique à
celui mis en place à propos de l’Irak,
justifiant une fois de plus le constat
de Pierre Bourdieu sur «la circulation
circulaire de l’information», tant au
Qatar, à travers Al Jazira, qu’en
France, via le quotidien Libération.
Ainsi Ahmad Ibrahim Hilal, responsable
de l’information sur la chaîne
transfrontière qatariote, agit depuis
les combats de Syrie, il y a un an, en
couple et en boucle avec son propre
frère Anas Al Abda, proche du courant
islamiste syrien et membre du CNT, au
diapason du tandem parisien formé par
Basma Kodmani, porte-parole du CNT et sa
sœur Hala Kodmani, animatrice du cellule
oppositionnelle syrienne à Paris et
chargée de la chronique Syrie au
quotidien français Libération dans une
fâcheuse confusion des genres (3).
Cette proximité
pose le problème de la conformité
déontologique de l’attelage. Amplifié en
France au niveau arabophone par Radio
Orient, la radio du chef de l’opposition
libanaise, Saad Hariri, partie prenante
au conflit de Syrie, du jamais vu dans
les annales de la communication
internationale, ce dispositif frappe de
caducité le discours médiatique
occidental au même titre que le discours
officiel syrien, en ce qu’il est obéré
par «le syndrome Ahmad Chalabi».
Un Syndrome du nom de ce transfuge
irakien qui avait alimenté la presse
américaine des informations fallacieuses
sur l’arsenal irakien, via sa nièce
journaliste en poste dans l’une des
principautés du golfe, implosant la
crédibilité de l’employeur de la
journaliste vedette du New York Times,
Judith Miller, passée à la postérité
comme étant «l’arme de destruction
massive de la crédibilité du New York
Times dans la guerre d’Irak».
Une dizaine de
journalistes de premier plan ont
démissionné d’ «Al Jazira» en signe de
protestation de sa couverture «partiale»
des évènements de Libye et surtout de
Syrie, emportant avec eux la crédibilité
de la chaîne. Promue désormais à la
fonction de «lanceur d’alerte» de la
stratégie occidentale à l‘encontre du
Monde arabe, Al Jazira a ainsi sinistré,
en l’espace d’un semestre, sa réputation
patiemment construite en quinze ans, et
sabordé du coup son monopole sur les
ondes panarabes. Par «le fait du prince»
et de son maître (4).
La bataille de
Syrie est une bataille décisive dont
l’issue va déterminer la hiérarchie des
puissances dans l’ordre régional d’une
large fraction du XXI me siècle. Elle se
doit de s’afficher comme un combat
frontal des démocrates contre les
imposteurs et les falsificateurs pour la
préservation des intérêts fondamentaux
du Monde arabe. Non un combat contre une
dictature pour lui substituer une
autocratie «plus soft», plus sournoise,
plus conforme aux intérêts occidentaux.
Non une
gesticulation mortifère d’une coalition
hétéroclite cimentant une alliance
contre-nature de faux prophètes contre
les aspirations profondes du Monde
arabe. En un mot, une opération de
diversion dont l’objectif final n’est
rien moins que l’enterrement en catimini
de la Palestine… sous couvert de liberté
et de démocratie.
Le XX me siècle a été marqué par
l’implantation d’un «foyer national
juif» à l’intersection des deux versants
du Monde arabe, sa rive asiatique et sa
rive africaine, rompant le continuum
stratégique de l’ensemble arabe. Le XXI
me siècle voit poindre l’emprise
israélienne sur la totalité du bassin
historique de la Palestine et de son
arrière-plan stratégique, avec la
complicité active des pétromonarchies,
sans doute le directoire le plus
répressif et le plus régressif de la
planète, l’ «idiot utile» par excellence
de la stratégie hégémonique occidentale
sur la zone arabo musulmane en ce qu’il
se substitue aux pays occidentaux en
crise systémique pour éradiquer, à ses
frais avancés, sans contrepartie, toute
volonté de résistance arabe. Le
précédent libyen devrait inciter à la
prudence au terme d’une séquence dans
laquelle les Arabes auront été, dans
l’allégresse, les mercenaires de leur
propre perte.
L’auteur de ces
lignes a vécu le septembre noir
jordanien (1970) et la guerre civile
libanaise (1975-1992) pour mésestimer
les ravages des guerres fratricides. Que
le combat soit donc mené dans la clarté.
Que l’action collective prenne le pas
sur les stratégies personnelles de
conquête du pouvoir, et que surtout, les
bourreaux du passé ne soient jamais les
bienfaiteurs du futur encore moins leurs
parrains.
Blanche colombe ou
vipère lubrique ? Enfant du Bon Dieu ou
canard sauvage ? Dindon de la farce ou
paon gorgé de vanités? Avant-garde d’une
escouade de combattants de la liberté
visant à la transformation démocratique
du Monde arabe ou intrigante nourrie
d’une ambition démesurée? Tacticienne
hors pair, «Arabe de service» ou «Idiot
utile», pour reprendre la vieille
terminologie marxiste toujours
d’actualité? L’histoire, seule, dira ce
que Basma Kodmani aura été en cette
phase charnière de l’histoire arabe.
Les exactions des
opposants syriens dénoncées par
l’organisation humanitaire américaine «Human
Right Watch», se superposant aux
attentats de djihadistes erratiques
d’Alep et de Damas, à la mi-mars 2012,
et à ceux de Toulouse et de Montauban, à
la même date, devraient refreiner les
ardeurs belliqueuses des pays
occidentaux et réduire du coup la
voilure et la flamboyance de leurs
poulains syriens. Solidement adossée au
pouvoir sarkozyste en phase
crépusculaire, particulièrement Alain
Juppé, philosioniste néophyte, Basma
Kodmani, de par ses projections et
connections, apparaît toutefois, d’ores
et déjà, comme un élément du problème et
non de la solution.
Mise à jour 18
avril 2012
Le journal libanais
Al Akhbar publie le 18 avril 2012 des
extraits des échanges électroniques
entre le duo français de l’opposition
syrienne Bourhane Ghalioune Basma
Kodmani avec l’administration américaine
:
Pour le lecteur
non arabophone
Bourhane Ghalioune,
chef de l’opposiiton syrienne de
l’extérieur, considère que le Lieutenant
colonel Ryad Assaad, le chef de l’Armée
Libre de Syrie, basé en Turquie, est un
homme au comportement autoritariste et
animé de grandes ambitions et qu’il
importe de mettre en place une direction
collective pour le cadrer. Ghalioune
assure en outre qu’il ignore le degré de
coopération et de réactivité entre Ryad
Al Assaad, le plus haut gradé dissident
de l’armée syrienne et les combattants
de l’intérieur. Il recommande en outre
de prendre en considération le cas des
dissidents syriens basés dans le Nord de
l’Irak.
Dans un message de
Frédéric Hauff; en charge du Proche
Orient au département d’état américain
conseille au duo de prendre contact en
Russie avec Mikail Margalov, l’émissaire
spécial du Président Dimitri Medvedev
qui serait, selon le diplmate américain,
« le diplomate russe le
plus proche des thèses des américains et
du groupe du 14 mars au Liban (clan
Hariri) en ce qui concerne la Syrie ».
« Arabisant ayant
longtemps vécu au Maghreb, M.Margalov
n’appartient toutefois pas au circuit
décisionnel russe et nous ignorons dans
quelle mesure ses promesses l’engagent,
avertit l’américain au tandem Ghalioune
Kodmani.
Références
1- Sadeq Jalal Al Azm,
un personnage considérable de la pensée
politique arabe contemporaine, est
l’auteur de trois ouvrages qui ont fait
date: «Nakd al Fikr ad Dini (Critique de
la pensée religieuse) Edition «Dar
At-Tali’a» -Beyrouth, «Nakd al Fikr
Ba’ada al Hazima (Critique de la pensée
après la défaire» de 1967 et «Zihniyat
At Tahrim «La mentalité du tabou».
Professeur de philosophie à l’Université
américaine de Beyrouth, il sera convoqué
à Damas pour y être jugé à la suite de
la publication de son premier ouvrage
«Critique de la pensée religieuse». Il
sera relâché faute de preuves
substantielles. Il sera par la suite
professeur à l’Université de Princeton
(Etats-Unis), dans la décennie 1970,
avant de revenir à Damas pour y
enseigner la philosophie européenne
moderne et ses rapports avec l’Islam. Il
est titulaire du Prix Erasmus, du Prix
Léopold Lucas de l’Université de
Tübingen (section théologie) et Docteur
Honoris Causa de l’université de
Hambourg. Ryad Al-Turk, secrétaire
général du parti communiste syrien, a
fait plusieurs séjours en prison. C’est
le doyen des opposants politiques
syriens.
2- A propos de Rachel
Corrie, en guise piqure de rappel, cf la
lettre des parents de la jeune fille à
l’occasion du neuvième anniversaire de
son
décès.http://www.protection-palestine.org/spip.php?article11647
3-Ancienne
collaboratrice du délégué de la Ligue
arabe à Paris, puis de l’Organisation de
la Francophonie, responsable de la
rédaction arabe de France 24, Hala
Kodmani anime depuis Mai 2011 une
structure oppositionnelle à Paris,
l’association «Sourya Houryia» (Syrie
Liberté), poste qu’elle cumule avec ses
fonctions journalistiques à Libération.
4-Pour le lecteur
arabophone, ci-joint le lien sur les
manipulations d’Al Jazira à propos de la
couverture des évènements de Syrie.
http://www.al-akhbar.com/node/44875
5- Pour complément
d’information sur la problématique de
l’opposition syrienne de l’extérieur
http://www.al-akhbar.com/node/45398
© René Naba
Reçu de René Naba pour publication
Le sommaire de René Naba
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