|
Monde
Le martyrologe
libanais (2/2)
René Naba
Lundi 3 août 2009
Mise à jour: Walid Joumblatt retrouve le chemin de Damas
M. Walid Joumblatt a opéré dimanche 2 Août 2009 un retournement
spectaculaire, dans une manoeuvre qui lui est habituelle, en
répudiant son alliance avec ses anciens partenaires de la
coalition anti-syrienne confessant que son voyage à Washington
en 2006 précédant de peu la mise sur pied d’un Tribunal Pénal
Spécial sur le Liban (Tribunal Hariri) avait constitué un «point
noir» de son parcours politique, de même que sa convergence avec
les néo-conservateurs américains, qui ont «semé le désordre dans
la région et détruit l’Irak et la Palestine».
S’adressant au congrès général du parti socialiste
progressiste, celui qui passe pour être l’homme clé de la
coalition anti-syrienne, a crée la surprise se livrant à une
autocritique en règle de sa politique passée.
Il a estimé qu’il ne convenait pas de passer son temps à
se «morfondre dans les pleurs» et qu’il lui incombait d’établir
«de nouvelles relations avec la Syrie qui servent d’axe à sa
nouvelle politique arabe». Du temps de son alliance
pro-occidentale, M. Joumblatt avait mené une campagne féroce
contre la Syrie, accusant ce pays d’avoir assassiné son père,
et, le président Bachar al Assad d’être un criminel passible de
la justice internationale.
Selon des informations non confirmées officiellement, M.
Joumblatt devrait retrouver le chemin de Damas, prochainement,
en compagnie de M. Azmi Béchara, le dirigeant palestinien
expulsé d’Israël, en dépit de sa qualité de membre de la
Knesset, le parlement israélien.
Réaffirmant son ancrage à gauche, le chef druze a annoncé
qu’il songeait à la constitution d’une «nouvelle coalition qui
le dégage de son alignement antérieur» afin de «ne plus se
laisser entraîner vers la droite». Il a également fait part de
son intention de procéder à une refonte complète de la formation
politique des cadres et des militants de son parti afin de
«revenir aux principes de base» de son mouvement, marqués par
«l’attachement à la cause arabe et à la Palestine», le refus de
l’ultralibéralisme et de la politique de privatisation intensive
des services publics libanais.
Il a fixé à trois ans la durée de cette session de refonte
pédagogique. «Quatre pour cent de la population libanaise
détiennent 80 pour cent des richesses nationales», a-t-il relevé
s’insurgeant contre cet état de fait, en invitant son parti à
revenir aux fondamentaux de son idéologie de base, la solidarité
syndicale avec le monde ouvrier et agricole.
M. Joumblatt, dont le leadership repose sur le
communautarisme, a jugé que la dernière consultation électorale,
en juin dernier, avait favorisé la montée du confessionnalisme
au Liban. «Aucun pays ne saurait se construire sur le
confessionnalisme» a-t-il dit, prônant l’abolition du
confessionnalisme politique au Liban, c’est-à-dire, la
répartition des charges publiques selon un critère
d’appartenance religieuse.
Il a indiqué avoir fait alliance avec les forces de droite en
raison des circonstances qui avaient prévalu à la suite de
l’assassinat de l’ancien premier ministre Rafic Hariri, mais que
cette alliance de circonstance n’avait plus sa raison d’être.
«Nous avons été jusqu’à participer à la célébration de la fête
du parti phalangiste et accepter sans broncher la projection
d’un film insultant sur Nasser», a-t-il déploré.
Le président égyptien Gamal Abdel Nasser, le chef du
nationalisme arabe de la décennie 1950-1960, est l’artisan de la
première nationalisation réussie du tiers monde, la
nationalisation du Canal de Suez.
M. Joumblatt dispose d’un bloc parlementaire de douze membres
dont la moitié (six,) affiliés directement au Parti Socialiste
Progressiste
Son retournement pourrait modifier l’équilibre politique
libanais tel qu’il s’est dégagé de la dernière consultation
électorale. Et mettre à mal la nouvelle majorité formée autour
de M. Saad Hariri, premier ministre pressenti et fils de
l’ancien premier ministre assassiné, le milliardaire libano
saoudien, Rafic Hariri.
Le martyrologe libanais (Part2/2)
René Naba | 08/05/2009 | Paris
1- Walid Joumblatt ou la 2 me mort de Kamal Joumblatt
Kamal Joumblatt a été assassiné deux fois, la première fois,
physiquement, le 17 mars 1977, la deuxième fois, moralement, par
les virevoltes incessants de son fils Walid, au point d’y glaner
le qualificatif peu reluisant de «derviche tourneur» de la
politique libanaise, ridiculisant le glorieux parti fondé par
son père, le Parti Socialiste Progressiste (PSP), pour en faire
le «parti du saltimbanque permanent». Kamal, le fondateur du
parti socialiste libanais, avait conféré à sa communauté druze
une surface politique sans rapport avec son importance
numérique.
D’une sobriété ascétique, ce Prix Lénine de la Paix vivait au
quotidien ses convictions, avec pour interlocuteurs habituels
des êtres d’un grand dépouillement, Nehru et Gandhi (Inde), Tito
(Yougoslavie) et Nasser (Egypte), des figures de légende du
mouvement des non alignés. Le fils, Walid, dont la jeunesse
tumultueuse a, par moments, été fascinée par les pas cadencés
des soldats de plomb, sera un habitué de la bonne chair et de la
bonne chère, des stupéfiantes soirées arrosées des palaces
parisiens, de la dive bouteille et de la Dolce Vita italienne.
Un des rares chefs d’un parti socialiste du monde arabe,
Walid, aura été le principal partenaire du milliardaire libano
saoudien Rafic Hariri, le principal bénéficiaire de sa manne, la
caution affairiste du clientélisme syro haririen. Commensal
régulier des dirigeants syriens, leur homme lige au Liban,
au-delà des nécessités de la realpolitik, au même titre
d’ailleurs que l’ancien premier ministre assassiné, Walid
Joumblatt mettra vingt six ans pour se souvenir que son père
avait été assassiné dans son fief montagneux du Chouf, à
proximité d’un barrage syrien.
L’homme qui avait souhaité publiquement que l’Irak soit le
cimetière de ses envahisseurs américains, un nouveau Vietnam, se
ravisera brusquement dans ce qui apparaîtra rétrospectivement
comme la plus grande bévue stratégique de sa carrière, dont il
en pâtira désastreusement en termes de crédit moral. Pariant sur
le triomphe des Américains, il se placera d’emblée dans leur
sillage, à la pointe du combat anti-syrien, réservant
quotidiennement ses philippiques à Damas, son lieu de pèlerinage
hebdomadaire pendant près de vingt ans.
Rompant avec ses anciens alliés de la guerre, secondé par des
transfuges de la gauche mutante néo conservatrice, -l’ancien
trotskiste mondain Samir Frangieh et le mollasson communiste
Elias Atallah-, il prendra la tête d’une coalition hétéroclite
regroupant ses plus farouches ennemis d’hier, notamment Samir
Geagea, le chef des milices chrétiennes, l’ancien compagnon de
route d’Israël et l’un des grands saigneurs de la guerre
intestine libanaise et leur principal bailleur de fonds, Rafic
Hariri pour constituer le «Club Welch», du nom du sous
secrétaire d’état américain David Welch qui téléguidait leurs
activités.
A l’instigation de leur tuteur américain, le trio avait parié
implicitement sur une défaite du Hezbollah durant la guerre de
destruction israélienne du Liban, en juillet 2006. Au-delà de
toute décence, il se lancera, dès la fin des hostilités, dans le
procès de la milice chiite aux cris «Al-Haqiqa» (la vérité),
plutôt que de rechercher la condamnation d’Israël pour sa
violation des lois de la guerre et la destruction des
infrastructures libanaises.
Un cri de guerre curieusement popularisé par la nouvelle
pasionaria de la scène libanaise, la ministre maronite Nayla
Mouawad, une «veuve de président martyr», une de plus,
paradoxalement, plus soucieuse de démasquer les assassins de
Rafic Hariri que ceux de son propre époux, l’ancien Président
René Mouawad, tué dans un attentat le 22 novembre 1990. Nayla
Mouawad, l’un des plus assidus visiteurs hebdomadaires de Damas
au point de décrocher le cruel sobriquet de «Oum Yaaroub», par
référence à ses fréquents huis clos politiques avec l’ancien
proconsul syrien au Liban le Général Ghazi Canaan, suicidé
depuis, fera assaut du même empressement auprès de Jeffrey
Feltmann, le proconsul américain au Liban, dans la foulée de son
retournement politique, bel exemple d’esprit civique pour
l’édification des générations futures, pitoyable illustration
d’une flexibilité morale si parfaitement caricaturale d’une
démocratie mercantile si préjudiciable au Liban.
Coqueluche des médias occidentaux et de l’Internationale
Socialiste, la courroie diplomatique sur le plan international
du parti travailliste israélien, Walid Joumblatt interrompra
brutalement sa lévitation à la suite de deux revers qui
retentiront comme un camouflet, le faisant douter de la
pertinence de sa démarche. Le retour sur terre sera douloureux:
la capitulation en rase campagne devant le Hezbollah lors de
l’épreuve de force que son adjoint mal avisé, Marwane Hamadé,
son âme damné, avait engagée en Mai 2008 contre l’organisation
chiite, ainsi que la libération par ce même Hezbollah un mois
plus tard du druze pro palestinien Samir Kantar, le doyen des
prisonniers arabes en Israël. Ces deux faits résonneront comme
une trahison de ses idéaux antérieurs au point d’en faire la
risée de l’opinion militante du tiers monde.
Prenant acte de cet état des choses, il amorcera alors un
lent processus de rétropédalage. A coups de réajustements
successifs et de valses hésitations, il cherchera à se
recentrer, c’est à dire à se démarquer de ses nouveaux amis,
pour reprendre ses marques auprès de ses anciens amis, en un mot
d’opérer une nouvelle trahison en douceur. Sa plus récente
saillie constitue, dans sa formulation tortueuse, ses dits et
ses non dits, un modèle du genre. Elle se fera, sans surprise,
contre ses plus récents alliés, les chrétiens maronites et ce
nouveau retournement figurera dans les annales politiques
libanaises comme un cas d’école des alliances rotatives propres
au système Joumblatt. Elle achèvera néanmoins de désorienter ses
plus fidèles thuriféraires occidentaux, notamment la presse
française.
Se parant de la qualité de novice qu’il n’est plus depuis belle
lurette, celui qui passe pour être l’un des plus coriaces
crocodiles du marigot politique libanais a accusé sans crainte
du ridicule ses nouveaux alliés maronites, qu’il avait
farouchement combattu pendant vingt ans, d’appartenir à «un
genre vicié» et d’avoir cherché à l’entraîner dans un conflit
avec la communauté chiite, par allusion à «l’affaire du réseau
des transmissions autonome» du Hezbollah. Dans la satisfaction
de ses objectifs, l’homme, il est vrai, ne s’embarrasse guère de
rigueur. L’accusation, lancée au cours d’un meeting électoral
tenu dans son fief de la montagne druze du Chouf, a été portée à
la connaissance de l’opinion publique, d’une manière oblique,
par une fuite opportune, dans une bande vidéo diffusée par une
chaîne satellitaire le 20 avril 2009.
Dans le cas d’espèce, M. Joumblatt n’hésitera pas à prendre
quelques libertés avec la vérité historique dès lors que son
récit sert la cause de son rapprochement avec le Hezbollah et
constitue une justification a posteriori de son retournement. La
confrontation entre le Hezbollah et Walid Joumblatt avait été,
en fait, initiée par son conseiller politique Marwane Hamadé, à
l’époque ministre des télécommunications, qui cherchait à
neutraliser le réseau codé des transmissions militaires de la
milice chiite, engageant l’épreuve de force en s’assurant du
soutien préalable de son ami atlantiste, Bernard Kouchner,
ministre français des Affaires étrangères. Elle a débouché sur
une humiliante déroute militaire de Walid Joumblatt et donné le
coup de grâce à sa flamboyance.
En trente ans de carrière politique, Walid Joumblatt a
considérablement grossi son capital financier et dilapidé
d’autant son crédit moral. L’ancien chef de file de la coalition
palestino progressiste de dimension internationale est désormais
perçu comme un roitelet druze à l’envergure d’un politicien
local, réduit au rôle peu glorieux du chef féodal d’une
communauté ultra minoritaire, volant régulateur d’une coalition
occidentale à bout de souffle, dans l’attente d’un problématique
rôle d’appoint au Hezbollah. Celui qui fut longtemps l’homme
central du jeu politique libanais est désormais un homme
décentré, un homme excentré, dont les dérives idéologiques et
l’opportunisme indécent en ont fait un personnage excentrique.
En son for intérieur, l’homme, d’une intelligence certaine, doit
certainement regretter, à n’en pas douter, ce parcours
curviligne qui pèsera lourd dans le jugement que l’histoire
portera sur son bilan.
Fouad Siniora: L’héritage Hariri fait
l’objet d’une âpre rivalité feutrée tant avec le premier
ministre Fouad Siniora qu’avec la veuve du premier ministre
assassiné, la belle-mère de Saad. Fouad Siniora, bien qu’il s’en
défende, va savourer avec un délice dissimulé les piètres
performances de l’héritier Hariri, dont il tirera habilement
profit pour valoriser ses propres compétences. En quatre ans de
responsabilités gubernatoriales, le terne directeur financier du
groupe éponyme a pris goût au pouvoir, et, à l’ombre des
coulisses, il préfère désormais les projecteurs de l’actualité.
Mais le profil bas qu’il affectionne face aux fauves de la vie
politique libanaise n’est qu’apparence. L’ancien gestionnaire
des comptes de Rafic Hariri est en effet détenteur des lourds
secrets sur les circuits de lubrification des rapports
politiques du milliardaire. La maîtrise de ce dossier,
particulièrement de la liste des émargements, lui a conféré une
valeur dissuasive. Il en est conscient. Ses obligés sans doute
aussi. L‘excès d’obséquiosité qu’il affecte tant relève de la
comédie du pouvoir.
Au choc frontal, il préfère la dissimulation, la manœuvre
oblique, un véritable mode de fonctionnement pour cet homme sans
relief, au physique ingrat. Il en a été ainsi de la saisine du
conseil de sécurité de l’ONU et de la ratification de la
convention dessaisissant le pouvoir libanais de ses prérogatives
pour la conduite de l’enquête pénale et la mise sur pied du
tribunal spécial sur le Liban et le procès Hariri (2).
Il en a été de même avec la nouvelle bataille électorale de
Saïda de juin 2009. Alors que l’Egypte lançait une campagne
internationale de criminalisation du Hezbollah libanais, à deux
mois des élections libanaises, à la grande satisfaction du
président israélien Shimon Pérès qui y voyait les prémisses
d’une guerre sunnite chiite, Fouad Siniora, contre toute
attente, faisait acte de candidature à Saïda, la ville natale de
son patron. Secondé par la propre sœur du premier ministre
assassiné, Mme Bahia Hariri, l’homme cherche à croiser le fer
avec le légataire politique du nationalisme arabe de filiation
nassérienne, M. Oussama Saad, héritier d’une famille
emblématique dont deux membres ont été victimes d’attentats, son
propre père, Maarouf Saad, tué dans une embuscade en février
1975, à deux mois du déclenchement de la guerre civile
interlibanaise, et son frère Moustapha qui y perdra la vue.
L’objectif sous jacent de cette épreuve de force inter
sunnite est d’écraser toute opposition sunnite à l’hégémonie
saoudienne, à travers son chef mythique, la famille Saad, de
maintenir le leadership sunnite libanais sous la coupe wahhabite
et, au-delà, de laver l’affront que l’allié objectif de la
famille Saad, le chef du Hezbollah chiite lui avait infligé,
trois ans plus tôt, en 2006, à lui, et à travers lui, à son
grand parrain, l’Arabie saoudite.
Face à un Hassan Nasrallah, impérieux, en dépit de la mort de
son fils Hadi au combat, faisant front à Israël qu’il humiliera
par sa riposte balistique et sa maîtrise de l’art de la guerre
asymétrique, l’homme, avait, il est vrai, fait piètre figure,
trois ans plus tôt, en juillet 2006, éclatant en sanglots devant
les pertes infligées à son pays par Israël avec la caution de
leur mentor commun, les Etats-Unis, révélant du coup sa
duplicité et l’inanité de sa politique d’alliance avec le
néo-conservatisme américain, se couvrant et couvrant de ridicule
ses alliés de la coalition pro occidentale, s’inclinant enfin
devant son rival chiite propulsé au firmament de la popularité
panarabe.
Sous perfusion permanente occidentale à l’instar du
palestinien Mahmoud Abbas, de l’irakien Noury al Malki et de
l’Afghan Hamid Kharzaï, l’homme qui module ses discours d’une
tonalité nationaliste arabe est en fait un des plus zélés
préposés de l’ordre américano saoudien au Liban, et, sur le plan
économique, un ferme partisan de la «stratégie du choc» pour la
promotion du «capitalisme du désastre» pour le plus grand
bénéfice d’un ultralibéralisme débridé, dont le projet
immobilier SOLIDERE n’en est que l’illustration la plus
outrageusement insolente (3).
A Saïda, trois ans après, dans cette ville sunnite gangrenée par
l’intégrisme islamique que le courant wahhabite a nourri
notamment à sa périphérie dans les camps de réfugiés
palestiniens et Ain el Héloué et Miyeh Miyeh, pour neutraliser
le verrou du ravitaillement stratégique du Hezbollah depuis
Beyrouth vers le sud Liban, l’issue de la bataille déterminera
largement l’avenir politique de l’ancien gestionnaire du
prébendes haririennes, qui se vit d’ores et déjà comme un grand
vizir passé à la postérité.
Nazek Hariri: La veuve n’a pas vocation à
jouer les reines mères, mais se veut la gardienne du temple de
la mémoire.
La légitimité chiraquienne lui revient de droit en sa qualité
d’hébergeur de fait, via son fils Aymane, de l’ancien président
de la République française, Jacques Chirac, et, de par la longue
proximité de sa fille, Hind, avec le trône hachémite, elle
dispose par ailleurs d’un important levier d’influence en
Jordanie, siège de la plus importante banque arabe, l’Arab Bank,
dont la famille Hariri détient partiellement la propriété, qui y
gèrent d’importants projets immobiliers pour le compte du clan,
notamment le quartier huppé d’Abdali dans la zone résidentielle
d’Amman.
La photo de famille popularisée à la suite du récent mariage
ancillaire de Hind avec un membre de sa garde rapprochée au
terme d’une romance de la veine de lady Chatterley ne doit pas
faire illusion. La rivalité feutrée entre l’héritier politique
et la gardienne du temple se révèle subrepticement au détour des
gestes symboliques de Nazek sur la scène libanaise notamment sa
discrète satisfaction de l’habileté manoeuvrière du Hezbollah, à
contre courant des positions de son beau fils sur le mouvement
chiite vainqueur d’Israël.
La veuve sera ainsi créditée de la protection aérienne
accordée par la France au Hezbollah lors de la première
apparition publique de Hassan Nasrallah pour la célébration de
la «victoire divine» contre Israël, en novembre en 2006. Voulant
faire amende honorable à la suite de son alignement
inconditionnel sur Israël et les Etats-Unis, durant la guerre
destructrice israélienne du Liban de juillet 2006, redoutant un
raid aérien israélien contre le chef chiite, dont les
chancelleries occidentales craignaient qu’il n’entraîne, par
contrecoup, l’éradication politique et physique de la famille
Hariri du Liban, Jacques Chirac avait alors dépêché une
escadrille aérienne pour assurer la protection de l’espace
libanais durant le déroulement des festivités de la victoire.
L’amateurisme et le dilettantisme de son beau fils et de ses
alliés dans l’épreuve de forces contre le Hezbollah, en Mai
2008, lors de l’affaire dite du «réseau autonome des
transmissions» de la milice chiite et la monumentale raclée
politique et militaire qui s’en est suivie pour la coalition pro
occidentale, a provoqué un fort regain de sympathie en sa faveur
au sein des «déçus du haririsme». Nazek, à qui l’on prête le
projet de retourner à Beyrouth au terme de cinq ans d’un veuvage
lointain à Paris en vue de récupérer la résidence de l’ancien
premier ministre de Koraytem, paraît avoir intégré dans son
raisonnement, contrairement au premier ministre Fouad Siniora,
l’importance stratégique que revêt Saïda pour le Hezbollah, dont
le chef lieu du sud Liban en constitue la base arrière de la
résistance nationale anti-israélienne, le point de jonction des
voies de ravitaillement du sud Liban depuis le quartier général
du sud de Beyrouth.
Par touches successives, Nazek Audi Hariri accrédite ainsi un
profil de «sage» dans le paysage politique libanais, à l’opposé
de la turbulente posture de son beau fils, et suggère ainsi
qu’en dépit des fastes du pouvoir, elle n’a pas complètement
gommé de sa mémoire les souvenirs ténus de ses lointaines
racines palestiniennes.
Natif d’Arabie saoudite, le pays de son premier choix qu’il
assure avoir quitté à contre cœur pour répondre à l’appel du
devoir à Beyrouth, binational libano saoudien, plus saoudien que
libanais, Saad Hariri est un cas parfait d’alibi saoudien, la
caution sunnite de la stratégie hégémonique occidentale sur le
Liban. Son père a payé de sa vie le prix de cette servitude.
Dans la première bataille électorale libanaise de l’ère post
Bush, le jeune milliardaire a mis tout son poids financier dans
la balance, ainsi que celui de son bailleur de fonds saoudien,
n’hésitant pas à affréter des charters entiers pour draguer le
vote de la diaspora libanaise d’Europe, d’Australie et
d’Amérique, et, sur le plan local, à inonder l’électorat d’une
pluie de dollars, n’hésitant pas à mobiliser Hillary Clinton, la
secrétaire d’état américain en personne, pour éviter une déroute
qui serait préjudiciable à la poursuite de sa carrière (4).
Sur fond de prévarication électorale d’origine pétro
monarchique, le démantèlement d’un réseau d’espionnage libanais
au profit d’Israël au sud Liban, fief de la milice chiite,
témoigne de la férocité de la bataille pour le leadership
musulman au Liban, en même temps qu’il constitue une
justification a posteriori de la détermination du Hezbollah de
préserver son glacis stratégique en préservant l’autonomie de
son dispositif de sécurité, un des éléments de son exploit
militaire de juillet 20O6.
La Libération, le 29 avril, trois jours après la visite
Hillary Clinton à Beyrouth, de quatre généraux libanais
hâtivement impliqués et arbitrairement incarcérés pour leur rôle
présumé dans l’attentat anti-Hariri a retenti comme un coup de
semonce contre le comportement abusif de la majorité pro
occidentale dans l‘instrumentalisation de l’assassinat de
l’ancien premier ministre libanais, dans une enquête
exclusivement à charge, au terme de quatre ans d’une instruction
bâclée (5).
La désignation à la vindicte publique des quatre officiers
supérieurs répondait au souci des dirigeants pro occidentaux de
neutraliser des «témoins gênants» notamment le chef du service
des renseignements le Général Jamil as-Sayyed, particulièrement
avertis des dossiers de l’affairisme syro-haririen au Liban.
L’instrumentalisation de magistrats libanais pour une besogne
contraire à la souveraineté de la justice libanaise en vue de
valider la piste syrienne dans l’assassinat de Rafic Hariri, une
thèse soutenue par les puissances occidentales, notamment les
Etats-Unis et la France, a desservi la cause de la justice
internationale et de la magistrature libanaise, dont l’épilogue
a fait l’effet d’un coup de massue, sur le plan psychologique,
sur la coalition pro occidentale à un mois des élections
législatives libanaises, couvrant de ridicule ces principaux
chefs de file, notamment Saad Hariri et Walid Joumblatt.
Chef du clan américano saoudien au Liban, Rafic Hariri a été
un exécutant majeur de la pantomime du Moyen-Orient, et, à ce
titre, une victime majeure du discours disjonctif occidental,
discours prônant la promotion des valeurs universelles pour la
protection d’intérêts matériels, discours en apparence universel
mais à tonalité morale variable, adaptable en fonction des
intérêts particuliers des Etats et des dirigeants. Alors que la
nouvelle administration démocrate du président américain Barack
Obama tente de renouer le fil du dialogue avec l’Iran et la
Syrie, il est à craindre que son rejeton, que les oracles
prédestinent en cas de succès aux plus hautes charges
gouvernementales libanaises, en dépit de son inexpérience, -du
fait de son inexpérience ?- ne soit le guignol de la farce dont
les dindons en seraient la cohorte des ses subventionnés…. les
veuves éplorées, les orphelins revanchards, tous ces mercenaires
cupides et avides, les vampires des guerres picrocholines, toute
la parentèle clientéliste du martyrologue parasitaire libanais.
L’histoire du Monde arabe abonde de ces exemples de
«fusibles» magnifiés dans le «martyr», victimes sacrificielles
d’une politique de puissance dont ils auront été, les
partenaires jamais, les exécutants fidèles, toujours. Dans les
périodes de bouleversement géostratégique, les dépassements de
seuil ne sauraient se franchir dans le monde arabe sans
déclencher des répliques punitives.
Le Roi Abdallah 1er de Jordanie, assassiné en 1948, le
premier ministre irakien Noury Said, lynché par la population 10
ans après à Bagdad, en 1958, ainsi que son compère jordanien
Wasfi Tall, tué en 1971, le président égyptien Sadate en 1981,
le président libanais Bachir Gemayel, dynamité à la veille de sa
prise du pouvoir en 1982, l’ancien premier ministre libanais
Rafic Hariri en 2005, et l’ancien premier ministre du Pakistan
Benazir Bhutto en 2007, enfin, constituent à cet égard les plus
illustres témoins posthumes de cette règle non écrite des lois
de la polémologie si particulière du Moyen-Orient. Il en est de
même des journalistes Gébrane Tuéni, directeur du quotidien An-Nahar
et de son complice, Samir Kassir, dont la libération des quatre
officiers supérieurs libanais par le tribunal spécial
international sur le Liban, porte a posteriori condamnation de
leur désinvolture.
Tel devrait être l’un des enseignements que les dirigeants
libanais devraient tirer de ce panorama morbide du martyrologe
libanais, dont ils ont si bien et si longuement abusé, en toute
impunité, au mépris des intérêts de leur propre pays.
Il est des blessures qui s’ulcèrent avec le temps au lieu de
cicatriser. L’histoire est comptable des comportements
désinvoltes lourds de servitudes futures.
Références
1- Rafic Hariri n’est pas l’unique «martyr» du
Liban, qui compte une quarantaine de personnalités de premier
plan assassinée, dont deux présidents de la République
assassinés (Bachir Gemayel et René Mouawad), trois anciens
premiers ministres (Riad el-Solh, Rachid Karamé et Hariri), un
chef d’état major (le Général François el-Hajj), le chef
spirituel de la communauté chiite l’Imam Moussa Sadr et le Mufti
sunnite de la république Cheikh Hassan Khaled, deux dirigeants
du parti communiste libanais Rizckallah Hélou et Georges Hawi,
le chef du Parti socialiste progressiste, le druze Kamal
Joumblatt, les députés Maarouf Saad, Tony Frangieh et Pierre
Gemayel, l’ancien chef milicien chrétien Elie Hobeika, ainsi que
des journalistes Nassib Metni, Kamel Mroueh, Riad Taha, Salim
Laouzi, Samir Kassir et Gibrane Tuéni.
2- Pour la problématique du procès
Hariri:
A ce propos :
Justice pénale internationale posture ou
imposture
3-» La stratégie du choc, la montée d’un
capitalisme du désastre» par Naomi Klein Leméac-Actes Sud,
particulièrement pages 556 et 557 à propos du rôle de Fouad
Siniora dans la conférence de reconstruction de Paris II (25
janvier 2007) suivant la guerre de juillet 20O6
4-Le quotidien américain New York Times a
accusé l’Arabie Saoudite et les Etats-Unis, dans un article
intitulé «élections libanaises : les plus chères au monde»,
d’ingérence dans le processus électoral des prochaines élections
législatives de juin 2009 en révélant que des sources proches du
gouvernement saoudien ont admis le financement de candidats
opposés au mouvement chiite du Hezbollah ainsi qu’à l’achat de
leurs adversaires politiques pour les convaincre de retirer leur
candidature et au financement du voyage d’expatriés libanais
voir de l’achat du vote collectif de communautés entières en
faveur de leurs alliés locaux. Selon le New York Times,
plusieurs centaines de millions de dollars auraient été ainsi
transférés au Liban non seulement pour participer à la campagne
électorale mais également pour corrompre leur vote. Le quotidien
ajoute qu’il s’agirait pour l’Arabie Saoudite de limiter
l’influence iranienne au Liban et de soutenir ses alliés pour
faire pression sur Téhéran.
Côté américain, toujours selon le même quotidien,
l’International Republican Institute, réputé pour être un lobby
proche du parti républicain, aurait ouvert des bureaux à
Beyrouth pour aider les dirigeants de la majorité actuelle ainsi
que leurs médias affiliés dans la campagne électorale. Ce lobby
aurait ainsi ouvert des bureaux auprès des différents partis
appartenant à la coalition pro occidentale du 14 mars, dont les
forces libanaises de Samir Geagea, le courant du futur du député
Saad Hariri, le parti phalangiste d’Amine Gemayel et du député
druze Walid Joumblatt (New York Times 24 avril 2009, «élections
libanaises : les plus chères au monde»). Deux jours après ses
révélations Hillary Clinton, secrétaire d’état, effectuait une
visite surprise à Beyrouth pour fleurir la tombe de Rafic
Hariri, l’ancien premier ministre assassiné, et préconisé, sans
craindre le ridicule, des élections libres de toute
ingérence……..à l’exception sans doute de l‘argent saoudien.
5-Le juge du Tribunal spécial pour le Liban
(TSL) a ordonné mercredi 29 avril la remise en liberté immédiate
des quatre généraux libanais prosyriens détenus depuis 2005 dans
le cadre de l’enquête sur l’assassinat de l’ancien Premier
ministre Rafic Hariri. L’attentat à la bombe avait fait un total
de 23 morts le 14 février 2005 à Beyrouth. Les généraux Jamil
Sayyed, Ali Hajj, Raymond Azar et Mustafa Hamdan, seuls
suspects, étaient détenus le 30 août 2005.Ils n’avaient pas été
officiellement inculpés. Le juge Daniel Fransen a suivi les
procureurs qui trouvaient le dossier trop léger pour maintenir
ces hommes en détention. Des feux d’artifice ont salué l’annonce
de leur libération à Beyrouth.
© Toute reproduction intégrale ou
partielle de cette page faite sans le consentement écrit de René
Naba serait illicite (Art L.122-4), et serait sanctionnée par
les articles L.335-2 et suivants du Code.
Publié le 4 août 2009 avec l'aimable autorisation de René Naba.
|