Un nouvel (*) article de Rainer Hermann
sur le massacre de Houla
« L'extermination
» par les rebelles sunnites
Rainer Hermann
Funérailles d’une
des victimes civiles de Houla
© AFP
Dimanche 17 juin
2012
Le
journaliste allemand du Frankfurter
Allgemeine Zeitung Rainer Hermann
confirme ici son premier article selon
lequel le massacre de Houla a été
perpétré par les rebelles sunnites. Et
non par l’armée régulière syrienne comme
cela a été rapporté.
Le massacre de
Houla a constitué un tournant dans le
drame syrien. L’indignation mondiale a
été énorme quand le 25 mai dernier, 108
personnes ont été tuées, dont 49
enfants. Des appels en faveur d’une
intervention militaire se sont répandus
pour mettre fin à l’effusion de sang, et
en Syrie, la violence a dégénéré depuis,
irrésistiblement. Presque unanimement,
soutenue par les réseaux de diffusion
d’information arabes et la visite des
observateurs des Nations-Unies le jour
suivant, l’opinion mondiale a accusé du
massacre l’armée syrienne régulière et
les milices de Schabiha proches du
régime.
Le Frankfurter
Allgemeine Zeitung a remis en question
la semaine passée cette version basée
sur des rapports de témoins oculaires.
Il a informé que les civils tués étaient
alaouites et chiites. Ils ont été tués à
Taldou, une ville de la plaine de Houla,
visée par des sunnites armés, pendant
qu’autour de la localité des combats
intenses avaient lieu pour contrôler des
rues entre l’armée régulière et des
unités de l’armée syrienne libre. Cette
description a été reprise
universellement par beaucoup de médias
et a été rejetée par beaucoup [d’entre
eux] comme peu digne de foi. A partir de
là se posent quatre questions :
Pourquoi à ce jour l’opinion mondiale
suit-elle une autre version ? _ Pourquoi
le contexte de la guerre civile rend-il
plausible la version mise en doute ?
Pourquoi les témoins [de cette version]
sont-ils crédibles ?
Quels autres faits soutiennent [cette]
version ?
© F.A.Z.
Premièrement,
pourquoi à ce jour l’opinion mondiale
suit-elle une autre version ? Les
premiers mois du conflit, quand
l’opposition n’était pas encore
alimentée en armes et sans protection,
toutes les atrocités mises sur le compte
du régime étaient incontestées. On
suppose donc que cette situation
perdure. Et de plus, les médias d’Etat
syriens ne jouissent plus d’aucune
crédibilité. Depuis le début du conflit,
ils utilisent « comme des moulin à
prières » les formules toutes faites du
style "groupes de terroristes armés".
Ainsi personne ne les croit plus
lorsque, pour une fois, c’est vraiment
le cas. Ce sont les chaines
satellitaires arabes Al Jazeera et Al
Arabia qui a contrario sont devenues les
médias grand-public. Elles appartiennent
au Qatar et à l’Arabie Saoudite, deux
Etats qui participent activement au
conflit. Ce n’est pas sans raison que
les allemands connaissent bien le dicton
"à la guerre, c’est d’abord la vérité
qui meurt".
Deuxièmement,
pourquoi le contexte de la guerre civile
rend-il plausible la version mise en
doute ? Au cours des derniers mois,
beaucoup d’armes ont été acheminées en
contrebande vers la Syrie, les insurgés
disposent depuis longtemps d’armes de
moyen calibre. Chaque jour, plus de 100
personnes sont tuées en Syrie, les morts
se tenant des 2 côtés de la balance. Les
milices enrôlées sous la bannière de
l’armée syrienne libre contrôlent les
provinces d’Homs et Idlib en grande
partie, et étendent leur domination à
d’autres parties du pays. L’anarchie qui
se répand a mené à une vague
d’enlèvements criminels, en outre, elle
exonère de devoir tenir une comptabilité
publique [des victimes]. Tant celui qui
parcourt Facebook que celui qui parle
avec des Syriens connaît des histoires
tirées du quotidien à propos de
"nettoyages confessionnels", des gens
qui sont tués seulement parce qu’ils
sont Alaouites ou Sunnites.
La plaine d’Houla,
principalement habitée par des Sunnites,
qui se trouve entre la ville sunnite
d’Homs et les montagnes alaouites, est
chargée d’une longue histoire de
tensions confessionnelles. Le massacre
s’est produit dans Taldou, l’un des plus
grands hameaux de Houla. Les noms des 84
civils tués sont connus. Il s’agit des
pères, des mères et de 49 enfants de la
famille al Sajjid et des deux branches
de la famille Abdarrazzaq. Des habitants
de la ville témoignent que les Alaouites
tués sont des musulmans qui se sont
convertis de l’Islam sunnite à l’Islam
chiite. Eloignés de quelques kilomètres
de la frontière libanaise, ils se
rendent suspects de sympathies pour le
Hezbollah détesté des sunnites. En
outre, on compte parmi les victimes les
membres qui résidaient à Taldou de la
famille d’Abdalmuti Mashlab, député du
parlement fidèle au régime.
Les appartements des
trois familles se trouvaient dans
différentes parties de Taldou. Les
membres des familles ont été visés et
tués à une exception près. Aucun voisin
n’a été même simplement blessé. La
connaissance des lieux était une
condition préalable à ces "exécutions"
bien préparées. L’agence de presse AP a
cité l’unique survivant de la famille al
Sajjid, Ali, un enfant de 11 ans, avec
ces mots : « les auteurs étaient tondus
et avaient de longues barbes ». Cela
ressemble aux jihadistes fanatiques, pas
aux milices de la Schabiha. Il a survécu
parce qu’il a fait le mort et s’est
enduit avec le sang de sa mère, a
déclaré le jeune garçon.
Les rebelles sunnites mettent à
exécution la "liquidation" de toutes les
minorités
Dés le 1er avril,
Mère Agnès-Mariam de la croix, du
cloître jacobin ("Deir Mar Yakub") qui
se trouve au sud d’Homs dans la localité
de Qara, décrivait dans une longue
lettre ouverte le climat de violence et
de peur dans la région. Elle arrive à la
conclusion, que les rebelles sunnites
ont mis en oeuvre une liquidation
graduelle de toutes les minorités ; elle
décrit l’expulsion des chrétiens et des
alaouites de leurs maisons par les
rebelles, et le viol de jeunes filles
qui sont remises aux mains des rebelles
comme des "butins de guerre" ; elle a
été témoin oculaire, lorsque des
rebelles dans la rue Wadi Sajjeh, suite
au refus d’un commerçant de fermer son
magasin, le tuèrent dans un attentat à
la voiture piégée, puis lorsque devant
une caméra d’Al Jazeera ils déclarèrent
que c’était le Régime qui avait commis
cet acte. Enfin, elle décrit comment des
rebelles sunnites bloquèrent dans le
quartier de Khalidijah à Homs des otages
alaouites et chrétiens dans une maison
et comment ils la firent sauter, pour
expliquer ensuite que c’était un crime
atroce du régime.
Pourquoi les témoins
oculaires syriens peuvent-ils dans ce
contexte être considérés comme dignes de
foi ? Parce qu’ils n’appartiennent à
aucun camp du conflit, mais se trouvent
entre les fronts. Ils n’ont aucun autre
intérêt que de tenter encore d’arrêter
l’escalade sans fin de la violence.
C’est dans leur entourage que plusieurs
personnes viennent juste d’être tuées.
Et en conséquence, personne [parmi eux]
ne va révéler son identité. Cependant,
nous ne pouvons pas avoir la certitude
que tous les détails se sont produits
exactement comme ils sont décrits, à un
moment où un contrôle indépendant de
tous les faits sur place et dans leur
déroulement n’est pas possible. Et bien
que le massacre de Houla se soit produit
selon la version décrite ici, aucune
conclusion ne peut en être tirés pour
d’autres atrocités. Comme par le passé
au Kosovo, chaque massacre devra être
examiné séparément après cette guerre.
Quels autres faits
soutiennent cette version ? Le F.A.Z.
n’a pas été le premier à informer d’une
nouvelle version du massacre de Houla.
Simplement, les autres rapports n’ont pu
trouver leur place à contre courant des
grands médias généralistes. Le
journaliste russe Marat Musin (1), qui
travaille pour la petite agence de
presse Anna, s’était arrêté les 25 et le
26 mai dans Houla. Il a été en partie
témoin oculaire, et a publié les
déclarations d’autres témoins oculaires.
En outre, le journaliste néerlandais
indépendant spécialiste des questions
arabes et vivant à Damas Martin Janssen
a pris contact après le massacre avec le
cloître jacobin à Qara, qui dans le
passé a recueilli beaucoup de victimes
du conflit et dont les nonnes se
sacrifient dans leur action humanitaire.
Des rebelles ont décrit leur version du
massacre à des observateurs des
Nations-Unies
Les nonnes lui ont
décrit comment, lors de ce 25 mai, plus
de 700 rebelles armés, arrivés de Rastan,
se sont emparés devant Taldou d’un poste
de contrôle de l’armée, comment ceux-là
après le massacre ont empilé les
cadavres des soldats et des civils tués
devant la mosquée, et comment ils ont
raconté le jour suivant leur version du
massacre prétendu de l’armée syrienne
aux observateurs des Nations-Unies
devant les caméras des télévisions
favorables aux rebelles. Le secrétaire
général des Nations-Unies Ban Ki-moon a
annoncé le 26 mai lors du Conseil de
Sécurité des Nations-Unies, que les
circonstances exactes n’étaient pas
claires. Cependant les Nations-Unies
furent quand même en mesure de déclarer
"qu’il y a eu des tirs d’artillerie et
de grenades. En outre, il y a eu
d’autres formes de violence, parmi
lesquelles des coups de feu à bout
portant et des sévices sérieux".
Nous pouvons
reconstituer le déroulement suivant des
faits : après la prière du vendredi 25
mai, plus de 700 [rebelles] armés sous
le commandement d’Abdurrazzaq Tlass et
Yahya Yusuf, répartis en trois groupes
qui venaient de Rastan, Kafr Laha et
Akraba, ont attaqué trois postes de
contrôle de l’armée autour de Taldou.
Les rebelles bien supérieurs en nombre
et les soldats (la plupart également
sunnites) se sont livrés à des combats
sanglants au cours desquels deux
douzaines de soldats, principalement des
engagés volontaires, ont été tués.
Pendant et après les combats, les
rebelles ont éliminé, aidés par des
habitants de Taldou, les familles Sajjid
et Abdarrazzaq. Celles-ci avaient refusé
de se joindre à l’opposition.
Rainer Hermann
Frankfurter Allgemeine
Zeitung, 13.06.2012.
(*) Premier article,
voir :
L’article original en allemand :
http://www.silviacattori.net/article3309.html
Sa traduction en français :
http://www.silviacattori.net/article3310.html
Traduit par Corto
pour ReOpen911(17.06.2012)
:
http://www.reopen911.info/News/2012/06/17/syrie-le-frankfurter-allgemeine-zeitung-confirme-les-rebelles-sont-responsables-du-massacre-de-houla/
Article original en
allemand (13.06.2012) :
http://www.faz.net/aktuell/politik/arabische-welt/syrien-eine-ausloeschung-11784434.html
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