RIA Novosti
Iran: puissance régionale V.S. superpuissance
Piotr Romanov
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Vendredi 16 mars 2007
Si l'on appelle les choses par leurs noms, alors les
interminables tentatives entreprises pour régler le problème
iranien rappellent le vain combat entre l'individualisme
irrationnel et le tout aussi irrationnel collectivisme. D'un côté,
les deux individualistes que sont l'Iran et les Etats-Unis
semblaient avoir tout fait jusqu'ici pour exclure toutes les
possibilités d'arrangement sauf une solution militaire. De
l'autre, la "raison collective" des médiateurs n'avait
cessé de marquer le pas dans le labyrinthe de leurs propres
contradictions, ce qui était loin de donner l'impression que l'on
voulait réellement saisir le problème à bras-le-corps.
A bien y regarder, les échanges de diatribes belliqueuses et
de déclarations mi-protocolaires, mi-pacifiques de Téhéran et
de Washington ne sauraient être pris en considération. On
assistait à un heurt frontal d'intérêts égoïstes s'excluant
mutuellement, où la question nucléaire, qui revient le plus
souvent dans le débat, est loin d'être essentielle.
En réalité pour Téhéran le principal c'est que l'on
reconnaisse à l'Iran le statut international de puissance régionale,
jouant le rôle de premier violon dans le Grand Proche-Orient.
L'armement nucléaire, ce n'est que les épaulettes de général
sur le nouvel uniforme et un poids supplémentaire dans tout jeu
politique. Ici il convient de ne pas oublier que les ambitions de
Téhéran ne sont pas subitement sorties d'un chapeau magique.
L'Iran sent qu'il a suffisamment grandi pour jouer un rôle
nouveau pour lui et qu'un abandon de sa politique actuelle
signifierait dans une grande mesure un fort ralentissement de son
développement. C'est là précisément la raison pour laquelle il
campe farouchement sur ses positions.
D'un autre côté, pour les Etats-Unis l'armement nucléaire
iranien n'a rien de souhaitable, mais il ne constitue pas le problème
principal. En effet, Washington ne trouve rien à redire à
l'accession du Pakistan au statut de puissance nucléaire.
L'important pour lui c'est que la volonté de l'Iran de devenir
une puissance régionale contredit les intérêts américains
fondamentaux dans cette même zone du Grand Proche-Orient. Il s'avère
donc que la superpuissance n'entend nullement abandonner à Téhéran
la moindre parcelle d'influence.
Enfin, les Etats-Unis ne peuvent pas ignorer que la
transformation de l'Iran en puissance régionale n'entraînerait
pas de profondes mutations à l'intérieur du pays. Personne n'a
aboli le régime des ayatollahs en Iran. Par conséquent, pour les
Etats-Unis permettre une montée en puissance de ce pays équivaudrait
donner libre cours au développement du dangereux potentiel de
l'ennemi. Ce qui évidemment n'est pas souhaitable. Les Américains
voudraient donc régler le problème le plus rapidement possible
avec un préjudice minimum. Parce que plus ils ajourneront le règlement
du problème et plus le prix à payer sera élevé.
Dans un certain sens la politique appliquée par Téhéran et
Washington rappelle la folle course de deux voitures qui
fonceraient à la rencontre l'une de l'autre dans un sens unique.
Si l'un d'eux ne tourne pas le volant au dernier moment, la
collision est inévitable. Mais celui qui braquera finira par
connaître la défaite. Cette dernière sera évidemment partagée
si la collision se produit.
Une guerre éloignerait pour longtemps l'Iran du but qu'il
cherche à atteindre, à savoir la domination dans la région. Il
ne serait plus non plus pour lui question de créer l'arme
atomique. Pour les Etats-Unis les conséquences ne seraient pas
aussi tragiques, mais elles seraient quand même douloureuses,
surtout sur la toile de fond des problèmes que les Américains ne
parviennent pas à résoudre en Irak.
Le fait que la guerre n'a pas encore éclaté a une
explication. Forts de l'amère expérience de la réaction de la
communauté internationale face à la guerre en Irak, les
Etats-Unis se livrent actuellement à des gestes appelés à
montrer qu'ils s'emploient à régler le problème par la négociation,
en faisant appel à l'ONU et à des médiateurs. Bien sûr, il ne
s'agit là que d'un faux-semblant. Et le délai imparti pour cette
manifestation de respect du droit international touche à sa fin.
Téhéran, qui change de position trois fois par jour, lui
aussi recourt au même subterfuge. Cependant, ici aussi on ne
saurait manoeuvrer indéfiniment. On a entendu certains analystes
dire que Téhéran cherchait à faire traîner les choses jusqu'à
la présidentielle américaine. Nous ne partageons pas ce point de
vue. Les Iraniens ne peuvent pas ne pas comprendre que les slogans
pacifistes lancés actuellement aux Etats-Unis ont une connotation
électorale. La politique étrangère subira certains changements
après le scrutin, c'est évident, mais pour l'élite politique à
Washington - républicaine ou démocrate - les intérêts américains
au Proche-Orient sont perçus approximativement de la même façon.
Par conséquent, pour l'Iran le problème persistera quel que soit
celui - ou celle - qui remplacera George W. Bush. Et puis ce n'est
pas demain que ce dernier quittera la Maison-Blanche.
Nous ne démontrerons pas que la guerre, c'est mal, et que la
paix, c'est bien. Nous ferons cependant remarquer qu'il ne suffit
pas de parler de la paix pour garantir celle-ci. L'irrationalisme
prospère pas seulement parmi les pays individualistes. Avant de
convaincre les "bagarreurs" les nombreux médiateurs
doivent encore trouver un langage commun. Et l'on n'y parvient pas
toujours. Pour ce qui est du problème iranien, la seule
proposition valable des six médiateurs est celle qu'ils ont faite
à l'Iran d'enrichir l'uranium en territoire étranger sous la
surveillance de l'AIEA. Mais même cette suggestion effectivement
sérieuse, énoncée par la partie russe, a été repoussée par Téhéran.
Irrationnelle aussi sur le fond s'est avérée la tentative
entreprise pour raccommoder les Etats-Unis et l'Iran, qui ont
choisi comme pomme de discorde le problème nucléaire, somme
toute secondaire, et non pas ce qui est essentiel, à savoir
l'affrontement de la puissance régionale en gestation et la
vieille superpuissance. Enfin, il est vraiment aberrant qu'une
partie au conflit - les Etats-Unis - soit simultanément partie
intéressée et médiateur. Par conséquent il n'y a rien d'étonnant
à ce que les six ne parviennent pas à se mettre d'accord.
Il est évident qu'une éventuelle confrontation entre les
Etats-Unis et l'Iran n'apporterait rien de bon au Grand
Proche-Orient. Ni à l'ONU et ni aux simples gens à plus forte
raison. Mais cela a-t-il un jour empêché une guerre?
L'avis de l'auteur ne coïncide pas forcément avec celui
de la rédaction.
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