RIA Novosti
Poutine
en Iran, première
Piotr Gontcharov
Vladimir Poutine - Photo RIA Novosti
15 octobre 2007
Ca y est, Téhéran y est parvenu: Vladimir Poutine arrive en
visite de travail dans la capitale iranienne. C'est la première
visite du président russe en Iran et, comme cela a été convenu
entre les parties, elle coïncidera avec la participation du président
au sommet des Etats riverains de la Caspienne.
A propos, quand le premier sommet caspien d'Achkhabad en 2002
avait irrémédiablement échoué, c'était justement le président
russe qui avait proposé d'en organiser un deuxième à Téhéran.
La communauté internationale, en premier lieu les Etats-Unis
et l'Europe, accorde actuellement une attention particulière à
l'Iran à cause de son programme nucléaire. Compte tenu du fait
que, parmi les six Etats qui se penchent sur le dossier nucléaire
iranien (les cinq membres permanents du Conseil de sécurité de
l'ONU plus l'Allemagne), la Russie occupe une position différente,
à bien des égards, de celle des Etats-Unis et de l'Europe, il ne
fait pas de doute que la visite de Vladimir Poutine en Iran sera
considérée comme significative. Ce n'est pas par hasard que le
président français Nicolas Sarkozy, qui était à Moscou il y a
quelques jours, a souligné l'importance du prochain voyage du président
russe à Téhéran.
La position "particulière" de la Russie est
certainement déterminée, pour beaucoup, par le caractère des
relations russo-iraniennes. La politique régionale actuelle de la
Russie réserve l'un des rôles principaux à l'Iran. Dans le
Caucase, sur la Caspienne et en Asie centrale, c'est-à-dire dans
les régions où les intérêts de la Russie et de l'Iran sont inévitablement
présents pour des raisons historiques, ces intérêts ne se
heurtent pas, mais se complètent mutuellement.
C'est pourquoi Téhéran emploie le terme "d'alliés stratégiques"
en parlant des relations entre la Russie et l'Iran. Moscou préfère
se borner à des formules plus réservées. Dans la capitale
russe, on préfère parler d'un "partenariat stratégique"
qui ne sort pas du registre régional. Mais même cela reste un
facteur de stabilité important dans la région. Il suffit de
rappeler que la Russie et l'Iran ont grandement contribué au règlement
du conflit militaire intérieur au Tadjikistan.
Ces derniers temps, l'Iran a considérablement étendu son
expansion économique en Asie centrale, fief traditionnel de la
Russie. Cependant, Moscou le salue tacitement. La Russie n'est
certainement pas en mesure de maintenir une présence exclusive
dans cette région importante pour elle. Le calcul de Moscou est
simple: plus l'Iran y sera présent, moins le seront les
Etats-Unis ou la Turquie et, dans un sens, la Chine.
Il convient de mentionner le rôle particulier joué par l'Iran
qui, dans la période la plus critique pour la politique du
Kremlin, assumait la présidence de l'Organisation de la Conférence
islamique. C'est, pour beaucoup, grâce à la position occupée
par Téhéran que l'OCI a accepté, à grand-peine, le verdict
selon lequel "la Tchétchénie est une affaire intérieure de
la Russie".
Bien entendu, on ne néglige pas ce genre de partenaires, on y
tient. Cependant, il faut reconnaître que l'Iran est tout de même
un partenaire "stratégique" difficile et, parfois, imprévisible.
Bien qu'il n'y ait pas de partenaires stratégiques
"faciles", il faut tout de même s'entendre avec eux.
Puisque la visite de travail sera de courte durée, elle
portera probablement sur les problèmes courants qui impliquent
une intervention urgente. Il s'agit tout d'abord de la centrale
nucléaire de Bouchehr, car la Russie ajourne d'année en année
l'achèvement de sa construction.
Selon les experts iraniens et certains experts russes,
notamment Radjab Safarov, directeur du Centre d'étude de l'Iran
contemporain, le problème de la centrale nucléaire de Bouchehr
acquiert de plus en plus un caractère politique. Ce n'est
certainement pas par hasard que Téhéran a proposé d'inclure
Sergueï Kirienko, directeur de Rosatom (Agence fédérale russe
de l'énergie atomique), dans la délégation russe. Sa présence
sera un cadeau pour les Iraniens. En effet, tout ce qui sera déclaré
à Téhéran par le directeur de Rosatom en présence de Vladimir
Poutine sur les délais de mise en service de la centrale nucléaire
signifiera que le président russe sera garant de la mise en
oeuvre de ces engagements.
La partie russe pourra, de son côté, revenir au problème de
l'enrichissement de l'uranium sur le territoire de la Russie. A un
moment donné, lorsque le problème se posait crûment - soit un
moratoire sur l'enrichissement de l'uranium, soit des sanctions -
l'Iran avait beaucoup évoqué la création en Russie d'une
coentreprise de production de combustible nucléaire. Cependant,
la position actuelle de l'Iran à ce sujet, incertaine et,
parfois, offensante pour la Russie, doit être éclaircie.
D'autant que l'idée de créer un centre international
d'enrichissement d'uranium a été énoncée par Vladimir Poutine
à un moment où des nuages s'amoncelaient de nouveau sur le
programme nucléaire iranien.
En ce qui concerne, justement, le programme nucléaire iranien,
la position de Moscou est bien connue: "Nous n'avons aucune
information attestant de l'aspiration de l'Iran à produire des
armes nucléaires. C'est pourquoi nous partons du principe que Téhéran
ne nourrit pas de tels projets. Mais nous partageons l'inquiétude
de nos partenaires qui souhaiteraient que les programmes de l'Iran
soient transparents".
Ces paroles ont été prononcées par Vladimir Poutine. Au
cours de sa rencontre avec le président iranien Mahmoud
Ahmadinejad, le président russe ajoutera probablement que la
Russie compte sur des actions réciproques de l'Iran pour lever
ces inquiétudes, comme l'exige la dernière résolution du
Conseil de sécurité de l'ONU.
Cependant, le sommet des Etats riverains de la Caspienne sera
l'événement principal à Téhéran. Le problème du statut de
cette mer y sera débattu.
De manière fortuite ou non, l'Iran est l'unique pays qui, à
la différence de l'Azerbaïdjan, du Kazakhstan et du Turkménistan,
partage entièrement la position russe sur le problème principal,
celui de la définition du statut international de la Caspienne,
statut excluant totalement la présence d'Etats non riverains dans
son bassin. Tous les autres problèmes de la Caspienne sont
secondaires ou insignifiants.
Les opinions exprimées dans cet article sont laissées à la
stricte responsabilité de l'auteur.
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Novosti
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