Tendances au Moyen-Orient
En trois semaines,
l'armée a changé la donne
Pierre Khalaf
Obsèques de 7 martyrs,
victimes des groupes terroristes -
Photo: Sana
Lundi 19 mars 2012
Le double attentat terroriste de Damas
et celui d'Alep, ce week-end, ne
changeront pas la nouvelle donne sur le
terrain. Ces actions barbares, qui ont
fait des dizaines de morts et de
blessées dans les rangs des civils et
des militaires, dénotent le désespoir de
ceux qui pensaient que détruire la Syrie
et renverser son régime étaient une
simple promenade, comme en Libye.
Jusqu'en février, les provinces de Homs,
Hama, Idleb, Deraa ainsi que plusieurs
localités au nord de Damas échappaient
partiellement au contrôle de l'Etat.
Afin d'éviter de lourdes pertes dans les
rangs des civils, le pouvoir a pris son
temps avant d'agir. Le soutien
logistique, financier et militaire
fourni aux insurgés par l'Arabie
saoudite et le Qatar, ainsi par des
membres des forces de l'Otan qui
opèreraient d'ores et déjà en Syrie dans
des missions de reconnaissance et
d'entrainement des rebelles, ont
finalement convaincus Damas de la
nécessité de frapper d'une main de fer.
Le gouvernement a donc lancé une
offensive par étapes contre les zones
qui échappent à son contrôle, à
commencer par la banlieue nord-est de
nord de la capitale syriennes. L'armée
syrienne a établi un plan en trois
étapes baptisé "nettoyage des villes et
villages des groupes armés", qui prévoit
en premier lieu un assaut militaire dans
la province de Damas, puis une offensive
dans les villes et les campagnes de Hama
et Homs. La troisième étape sera la
campagne d'Idleb, récupérée la semaine
dernière.
L'importance de l'offensive contre les
trois campagnes et l'élimination des
hommes armés appartenant à la confrérie
des Frères musulmans et aux courants salafistes réside dans leur proximité
des frontières libanaise et turque, par
ou transitent l'argent et les armes
destinés aux rebelles.
Lors de ses réunions avec les
commandants militaires, le président
syrien a ordonné à l'armée de
n'autoriser aucune zone d'influence et
de venir à bout des poches contrôlée par
les insurgés.
Tout au long des deux premières semaines
de février, l'armée déloge sans
difficultés, les rebelles de la banlieue
de Damas et des villes de Zabadani et
Rankous. A Homs, elle encercle les
quartiers rebelles et lance des
opérations ciblées contre les miliciens
de l'Armée syrienne libre. Le lieutenant
dissident Abdel Razzak Tlass, chef de la
brigade Farouk, est tué. Pendant la
deuxième moitié de février, l'armée
procède au ratissage de la province de
Hama. Elle appelle les civils à quitter
les zones contrôlées par les rebelles à
Homs, et renforce le siège des quartiers
de Jobar, Karm el-Zeitoune, Inchaat et
Baba Amr. Le quartier symbolique de Baba
Amr tombe aux mains de l'armée. Cet
épisode est perçu par plusieurs
analystes politiques et militaires comme
un "tournant" dans la bataille qui
oppose les insurgés au régime, similaire
à la bataille de Hama qui a abouti à la
déroute des Frères musulmans en 1982.
S'ensuit la chute des villes de Rastan
et Qousseir aux mains de l'armée
gouvernementale, qui ratisse les poches
rebelles et procède à l'arrestation de
milliers d'insurgés, dont des dizaines
d'étranger.
Le 5 mars, l'armée a entamé la troisième
étape de son offensive visant à
reprendre la province volatile d'Idleb,
au nord-est de la Syrie. Plusieurs
villes et village longeant la frontière
turque, sont aux mains de miliciens
islamistes.
La reprise en main de la totalité de la
province par l'armée n'est qu'une
question de temps. La date du 7 mai,
fixée par le président pour la tenue
d'élections parlementaire, semble être
une échéance pour la reprise de toutes
les poches contrôlées par les rebelles.
La décision des pétromonarchies du Golfe
d'accentuer le soutien militaire des
extrémistes fera trainer pendant
plusieurs mois la guérilla qui n'aura
plus cependant la capacité d'influer sur
le cours des événements.
Malgré les moyens colossaux mis en oeuvre par les pays du Golfe et leurs
sponsors occidentaux, l'armée reste
intacte. Les défections restent limitées
à des officiers marginaux. Elle ne donne
aucun signe d'essoufflement en n'a pas
utilisé sa force de frappe.
Pendant ce temps, l'opposition peine à
surmonter ses divergences. Les conflits
qui déchirent l'opposition découlent
d'une friction entre deux mentalités
diamétralement opposées. D'une part, il
y a ceux qui réclament une intervention
étrangère sans laquelle ils s'estiment
incapables de renverser le régime, et de
l'autre, il y a ceux qui rejettent toute
ingérence étrangère.
Toutes les tentatives d'unir les deux
coalitions ont échoué... et échoueront.
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