Que se passe-t-il
à la frontière syro-turque ? Pepe
Escobar
Obsèques de 14 martyrs de l'armée et des
forces du maintien de l'ordre
Photo: Sana
Vendredi 13 avril 2012
Pourquoi le cessez-le-feu ne tiendra
pas en Syrie
Les hostilités semblent
s’être arrêtées ce matin en
Syrie. Maintenant, la question est
de savoir si le cessez-le-feu va
tenir, permettant ainsi l’amorce
d’une solution politique.
Rien n’est moins sûr et il est
probable que le cessez-le-feu ne
tiendra pas bien longtemps parce que
ni l‘opposition armée, ni les pays
de l’OTAN n’y ont un quelconque
intérêt.
Leur intérêt est effectivement que
la situation continue à se dégrader
et que le pays s’enfonce
complètement dans la guerre civile
et devienne une proie facile pour
une intervention qui se ferait selon
une variante du modèle libyen
puisqu’une des puissances étrangères
intervenantes,
la Turquie, partage plusieurs
centaines de kilomètres de
frontières terrestres avec la Syrie.
L’opposition armée étant globalement
neutralisée ou dominée en Syrie
même, l’étincelle de départ se
produira probablement à la frontière
syro-turque car, ainsi que
l’explique clairement Pepe Escobar,
les rebelles et autres mercenaires
ou soldats étrangers lancent leurs
attaques à partir du territoire de
la Turquie qui leur offre un
sanctuaire à quelques mètres
seulement du territoire syrien.
NB : l’idéal serait cependant que je
doive faire mon mea culpa pour cause
de cessez-le-feu durable
Que se
passe-t-il à la frontière syro-turque?
par Pepe Escobar,
Asia Times (Hong-Kong) 11 avril 2012
traduit de l’anglais par Djazaïri
Il y a une vidéo
qu’on pourrait intituler assez librement
« Terroristes du côte turc de la
frontière tirant du côté syrien », ce
qui résume assez précisément ce qui se
passe dans cet actuel point chaud
géopolitique extrêmement volatile.
La voix qui commente
dit, “C’est la frontière syro-turque, et
c’est une opération de l’Armée Syrienne
Libre [ASL]… La porte [celle qui se
situe du côté syrien de la frontière où
se trouve le point de contrôle va être
prise.»
Ce qui veut dire que
la Turquie abrite l’ASL à seulement
quelques mètres – et non à des
kilomètres – du territoire syrien. Après
avoir accueilli un centre de contrôle et
de commandement de l’OTAN à Iskenderun
il y a plusieurs mois maintenant – un
fait déjà signalé par Asia Times Online
– la Turquie s’avance désormais juste à
la frontière, permettant un aller et
retour de guerilleros/mercenaires
lourdement armés pour attaquer un Etat
souverain.
Imaginez un scénario
semblable se produire, par exemple, à la
frontière des Etats Unis avec le
Mexique, en Arizona ou au Texas.
On peut le voir comme
une interprétation très particulière par
Ankara des « refuges de protection » et
des «corridors humanitaires» tels qu’ils
sont mis en avant par le principal
modèle proposé pour un changement de
régime en Syrie : un rapport du Saban
Center de la Brookings Institution
rédigé par l’habituel de pro-Israël
d’abord et avant tout et «d’experts» du
Moyen orient affiliés au Qatar.
Alors attendez-vous à
voir un film aux conséquences
innombrables; l’ASL attaquant un poste
frontalier syrien, tuant des soldats
avant de se replier sous une pluie de
projectiles qui troucheront
inévitablement un camp de réfugiés
Syriens tout proche.
L’escalade à la
frontière illustre crûment le scenario
plus large: la guerre civile.
Le ministre Turc des
affaires étrangères Ahmet Davutoglu –
avec sa fameuse politique de « zéro
problème avec nos voisins » – a dû
brusquement interrompre son voyage en
Chine pour rentrer en Turquie à cause de
l’escalade à la frontière. Ce serait
très éclairant de savoir comment la
direction politique de pékin lui a fait
savoir que les trucs d’agents
provocateurs de la Turquie revenaient à
jouer avec le feu.
L’escalade à la
frontière prouve aussi que l’OTAN n’est
pas du tout intéressée par la réussite
du cessez-le-feu présenté généralement
comme le plan de Kofi Annan (c’est en
fait une version diluée des plans de la
Russie et de la Chine). Les problèmes
vont continuer à s’aggraver – comme le
suggère un reportage de Russian TV.
Il est évident qu’un
gouvernement souverain – la Syrie dans
le cas présent – doit exiger des
garanties écrites que les opposants
armés se conformeront au cessez-le-feu
d’Annan.
La raison la plus
importante pour laquelle ils ne le
feront pas – et ils l’ont souligné
publiquement – n’est pas seulement que
l’ASL et les guérillas dissidentes
continuerons à être armés par le Qatar
et la monarchie saoudienne, et renforcés
par des « rebelles » Libyens envoyés en
Syrie ; c’est que deux membres
permanents du Conseil de Sécurité de
l’ONU, la Grande Bretagne et la France –
ont également leurs forces spéciales sur
le terrain, engagées dans la formation,
le enseignement et des opérations de
combat.
La question à mille
milliards de livres turques est de
savoir si Ankara ira plus loin et mettra
vraiment en place les « zones refuges »,
ce qui reviendra à une implication
directe dans la guerre civile syrienne,
c’est-à-dire une déclaration de guerre
contre Damas. C’est exactement ce que
l’ASL implorait les Turcs de faire.
Mais même cela serait
insuffisant pour renverser le régime de
Bachar al-Assad.
Quant à l’appareil
policier et militaire d’Assad, il serait
bien inspiré de ne pas se laisser
provoquer à aller vers une orgie de
tortures, d’exécutions sommaires et de
bombardements d’artillerie – car ce sont
les conditions nécessaires pour le
maintien du soutien diplomatique des
principaux membres du BRICS, la Russie
et la Chine. Une fois encore, les
Syriens ordinaires, pris entre deux
feux, seront les tragiques perdants.
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