IRIS
La Côte d'Ivoire: un
test pour la communauté internationale
Pascal Boniface
Pascal Boniface - © Photo: IRIS
Mercredi 22 décembre 2010
Après avoir prolongé unilatéralement son propre mandat
présidentiel d’une durée de cinq ans, Laurent Gbagbo s’est
résolu à organiser des élections présidentielles, certain de sa
victoire. Mais c’est Alassane Ouattara qui les a remportées avec
54 % des voix. Cette victoire reconnue par la Commission
Electorale Indépendante Ivoirienne n’a pas empêché Laurent
Gbagbo de s’autoproclamer élu et de se maintenir au pouvoir.
L’ONU, l’Union Européenne, les États-Unis mais également la
CEDEAO (Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest)
et l’Union Africaine ont également reconnu la victoire de
Ouattara. La situation est depuis bloquée et chacun craint la
reprise d’une guerre civile qui avait dévasté le pays en 2002.
Laurent Gbagbo, surnommé le boulanger par sa capacité à rouler
ses adversaires dans la farine, s’accroche au pouvoir. Il
préfère être le président en exercice d’un pays en crise, voire
ruiné, que l’ex-président d’un pays en bonne santé. Il compte
surtout sur l’usure du temps, la division et la lassitude de la
communauté internationale. Il espère qu’après les condamnations
d’usage habituelles, les choses redeviendront comme avant. Il
lui suffit donc de faire le dos rond. Après tout, ça ne sera pas
le premier président africain à exercer le pouvoir après avoir
été mal élu. Malgré les multiples condamnations internationales,
Mugabe n’est-il pas toujours au pouvoir au Zimbabwe grâce à des
élections truquées ? Gbagbo espère, comme lui, jouer sur le
ressort de la souveraineté africaine violée, de la condamnation
des ingérences étrangères au nom du refus du néocolonialisme,
pour affirmer son pouvoir intérieur vis-à-vis des condamnations
internationales. Le problème est que Gbagbo n’a pas la
légitimité historique de Mugabe. Si ce dernier a bien ruiné son
pays qu’il enfonce dans le chaos, il l’avait auparavant porté à
l’indépendance.
Ce qui change surtout pour Gbagbo, c’est que pour une fois le
terme de communauté internationale semble faire sens. Il n’y a
pas de division entre les pays africains et les pays occidentaux
qui partagent la même vision des choses et condamnent ensemble
le coup de force de Gbagbo. La crédibilité de chacun d’entre eux
est en cause. Il faut se féliciter que l’ONU n’ait pas cédé au
chantage de l’ex-président ivoirien qui lui demandait de retirer
les troupes de l’ONUCI. Au contraire le mandat de cette force
internationale a été prolongé. Le procureur adjoint de la cour
pénale internationale a fait savoir qu’elle observait
attentivement la situation en Côte d’Ivoire, compte tenu des
violences post électorales. C’est un autre signal fort dissuasif
envoyé à Gbagbo. Si pour se maintenir à tout prix au pouvoir il
se lançait dans une politique d’affrontement et de violence sur
une grande échelle, il serait passible de poursuites de la Cour.
Comment tout ceci peut se terminer ? Le scénario catastrophe
est, bien sûr, un retour à la guerre civile. On ne peut
totalement l’écarter. La Côte d’Ivoire risquerait d’être
durablement ruinée et cela aurait par contrecoup des effets
négatifs sur l’ensemble de l’Afrique de l’Ouest, d’où la fermeté
de la CEDEAO. Le scénario optimiste conduit à un départ
volontaire de Gbagbo pour un exil doré. La Côte d’Ivoire
pourrait alors espérer retrouver la prospérité qui fut la sienne
et qui aurait une capacité d’entraînement pour l’ensemble de la
région. Pour qui le temps joue-t-il ? Il ne faut pas espérer
faire partir Gbagbo par la force militaire, une opération armée
contre lui pourrait provoquer un véritable carnage. Il faut
plutôt espérer qu’à terme, les divisions internes apparaissent
dans son camp et que certains de ses partisans comprennent qu’il
n’y a pas d’autre issue que le respect du suffrage populaire.
Une telle issue positive serait bien sûre une bonne nouvelle
pour la Côte d’Ivoire mais également pour les différentes
instances internationales qui, faisant un front commun et étant
ferme sur les principes qu’elles ont proclamés, auront fortement
gagné en crédibilité. C’est donc bien plus que le sort de la
Cote d’Ivoire qui se joue en ce moment.
Pascal Boniface, Directeur de l'IRIS
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Publié le 22 décembre 2010 avec l'aimable autorisation de l'IRIS.
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