|
IRIS
Dérives israéliennes et silence des européens
Pascal Boniface
Pascal Boniface / Réalités
(Tunisie) / 9 novembre 2006
Les opérations militaires
israéliennes dans la Bande de Gaza continuent. Les plus récentes
ont été dénommées (avec cynisme ou mépris ?) " Nuages
d'automne " par Tsahal. Depuis juillet, elles ont fait
plusieurs centaines de morts, dont de nombreux civils, parmi les
Palestiniens, dans la plus parfaite indifférence de la
communauté internationale. Les médias internationaux, qui au
moins ont rendu compte de la guerre du Liban, y portent une
attention pour le moins limitée, comme si l'on devait
s'habituer à la banalité de la violence. Comme si surtout le
sort des Palestiniens n'intéressait plus personne, qu'ils étaient
plus que jamais abandonnés. Les puissances internationales ne
font même plus semblant de croire à la mise en œuvre d'une
solution pacifique de ce conflit ou au respect des règles du
droit international. Mais, de surcroît, elle ne semblent même
plus s'émouvoir de la situation concrète sur le plan humain
des Palestiniens. Il y a quelques années, en effet, une opération
militaire de ce type aurait suscité une très forte réaction
de la communauté internationale, contraignant Israël à
modifier sa politique. Plus rien de tel aujourd'hui, comme si le
monde accordait à Israël un blanc-seing.
Ceux qui avaient espéré
une amélioration de la situation après le retrait unilatéral
de l'armée israélienne de Gaza voient leurs illusions dissipées.
La situation est bien pire qu'avant. Gaza est complètement
bouclée et constitue une véritable prison à ciel ouvert. Il y
a eu officiellement un retrait de Gaza mais ses habitants ne
peuvent pas en sortir, ne peuvent pas exporter leurs produits et
doivent subir les raids répétés de l'armée israélienne. Si
l'aide internationale continue d'être acheminée, fût-ce par
des canaux différents d'auparavant, du fait du refus européen
de financer directement un gouvernement dirigé par le Hamas,
elle ne compense pas l'étouffement économique. L'aide accordée
aux Palestiniens n'est pas un geste de générosité. C'est une
faible compensation de l'impossibilité des Palestiniens d'avoir
une activité économique normale du fait des blocages
politiques. Car si les Palestiniens pouvaient avoir une activité
économique normale, ils n'auraient pas besoin d'aide.
Plus marquantes encore
on été les absences de réactions internationale à l'entrée
au gouvernement israélien, de l'extrémiste Avigtor Lieberman,
chef du Parti Israël Beitenou. Cet élargissement du
gouvernement Olmert est une conséquence indirecte de la guerre
du Liban. Conséquence pour le moins paradoxale, dans la mesure
où cette guerre a montré l'échec total des solutions
s'appuyant principalement sur la force pour résoudre des problèmes
politiques. Elle a eu pourtant pour effet de renforcer les
partisans de la manière forte et de les faire entrer au
gouvernement.
Celui qui vient de
rejoindre le gouvernement n'est pas un ministre parmi tant
d'autres. Le grand historien israélien, Zeev Sternhell,
professeur à l'Université hébraïque l'a présenté comme étant
" peut-être l'homme politique le plus dangereux dans
l'histoire de l'Etat d'Israël ". Lieberman avait menacé
en janvier 2001, en cas d'attaque palestinienne, de bombarder
Beit Jala (un faubourg de Bethléem), Téhéran, le Caire, et le
barrage d'Assouan. En octobre 2003, il déclarait : " Si
nous nous trouvons obligés de détruire tous les champs, outre
Damas et Beyrouth, nous le ferons ". En juillet de la même
année, à propos des milliers de prisonniers palestiniens, il
disait : " Il vaut mieux noyer ces prisonniers dans la Mer
morte, si possible, puisque c'est le point le plus bas du monde
". Celui qui est parfois appelé " le Tsar Raspoutine
", du fait de ses origines slaves, a suggéré que l'armée
israélienne applique à Gaza les méthodes employées par l'armée
russe en Tchétchénie. Voilà celui qui vient d'être nommé
Vice-premier ministre, chargé des affaires stratégiques.
Cependant, en Israël même, un ministre, celui de la Culture,
Ofir Pines-Paz, a démissionné pour ne pas siéger aux côtés
du raciste Lieberman, mais son cas est bien isolé. Les pays de
l'Union européenne, qui avait si vivement critiqué l'arrivée
du Parti d'extrême droite au gouvernement en Autriche ne se
sont pas cette fois signalés. Comment expliquer ce silence des
gouvernements occidentaux, d'habitude si prompts à condamner
les dérives racistes ou extrémistes ? Comment ne pas voir que
ce silence coupable va accréditer l'idée de " deux poids,
deux mesures " si répandue dans le Monde arabe et musulman
? Comment ne pas voir que l'absence de réaction forte face à
la montée de l'extrême droite est une trahison à l'égard des
Israéliens pacifistes et attachés à la défense des droits de
l'homme ?
Pascal Boniface
Directeur de l'IRIS
|