Opinion - Al-Akhbar
Un test pour la
Justice Internationale
Omar
Nachabé
Samedi 5 novembre
2011
Un
ancien responsable au bureau du
procureur général du Tribunal
International Spécial pour l’ex-
Yougoslavie a soumis au juge de la mise
en état du Tribunal Spécial pour le
Liban (TSL), des informations sur une
probable implication
d’Israël dans l’assassinat du premier
ministre libanais Rafik Hariri,
comprenant des preuves circonstancielles
permettant de soupçonner Ariel Sharon et
Mair Daghan dans l’affaire. Le TSL
aura-t-il le courage d’ouvrir une
enquête sur cette éventualité, ou
sera-t-il mis à jour comme étant un
outil international pour agresser
la résistance par ses tentatives visant
à condamner des partisans du Hezbollah ?
L’avocat Marwan Dalal qui a rempli une
fonction dans le bureau du procureur
général du Tribunal International
pour l’ex- Yougoslavie, a soumis un
mémorandum au juge de la mise en état du
Tribunal spécial pour le Liban, Daniel
Fransen, renfermant des informations
documentées sur une probable
implication du service de
renseignement israélien (Mossad) et de
son chef Mair Dagan, dans
l’assassinat du premier ministre Rafik
Hariri en février 2005.
M.Dalal,
expert en procédures judiciaires
internationales a titré son mémorandum
« avis ami du tribunal » (AMICUS
CURIAE), et y a cité les raisons qui
l’ont incité à le soumettre.
Le porte parole du TSL Marten Youssef a
pour sa part affirmé au quotidien
Al-Akhbar, dans une lettre écrite et par
téléphone, que le juge Fransen a reçu le
mémorandum, qu’il « l’examinera »,
sans préciser de date.
Marwan Dalal est un palestinien arabe
originaire de Haïfa, mais il s’est
présenté dans la demande de déposition
du mémorandum en étant « un avocat et
citoyen de l’Etat d’Israël » et a
indiqué qu’il est spécialiste en Droit
pénal, administratif et constitutionnel,
et en Droit international
humanitaire , qu’il a exercé la
profession d’avocat en Israël depuis
1997 et jusqu’à 2007 et qu’il a été
chargé d’affaires devant la Cour
Israélienne Suprême. Dalal a de même
rempli une fonction au bureau du
procureur général du Tribunal
International pénal pour l’ex-
Yougoslavie. A noter dans ce contexte
que le poste de procureur général de ce
tribunal est actuellement assumé par
Serge Brammertz , qui avait présidé la
commission d’enquête internationale
indépendante sur l’assassinat de Hariri,
à partir de 2006 et jusqu’à 2008.
M.Dalal a estimé que ses qualités et ses
expertises en matière de Droit
international affirment qu’il jouit des
compétences professionnelles et
scientifiques pour soumettre au TSL un
mémorandum AMICUS CURIAE, et il a cité
les raisons qui l’ont incité à le
formuler.
Sous la rubrique « Aider le Tribunal
Spécial pour le Liban pour trancher
l’affaire qu’il examine », M.Dalal a
indiqué que « l’enquête sur l’attentat
du 14 février 2005 à Beyrouth, n’a pas
pris en compte la probabilité de
l’implication d’Israël dans la
planification et l’exécution de
l’attentat qui a causé la mort de
l’ancien premier ministre libanais Rafik
Hariri. Cette hypothèse avait été omise
alors qu’Israël adoptait la politique de
l’ingérence dans les affaires
libanaises, notamment durant le mandat
d’Ariel Sharon, lors de l’assassinat de
Hariri ».
M.Dalal a ajouté : « Des sources
israéliennes ont signalé l’existence
d’indices sur l’implication d’Israël
dans l’assassinat Hariri. Ces indices,
ajoutés à l’histoire de certains
responsables israéliens concernés et aux
intérêts stratégiques d’Israël comme les
conçoivent ces responsables,
exigent que les autorités compétentes du
TSL mènent une enquête auprès de
citoyens israéliens et de responsables
anciens et actuels, dans le but de faire
avancer sa mission fondamentale ».
Pour ce qui est du cadre administratif
et technique dans lequel a été
soumis le mémorandum, M.Dalal a expliqué
que « en raison des circonstances, le
meilleur moyen pour présenter ces
informations est à travers un mémorandum
AMICUS BRIEF, puisque la règle 131 des
règles des procédures et des preuves
permet la présentation d’un tel
mémorandum à propos de toute question,
alors que l’article 92 accorde au juge
de la mise en état le pouvoir de la
collecte des preuves dans des
circonstances exceptionnelles et au
service de la justice ».
M.Dalal a divisé son mémorandum adressé
au juge Fransen en quatre parties
: la première réservée à un aperçu
général, la seconde réservée aux
ingérences israéliennes dans l’enquête
et puis il explique les raisons de la
vraisemblance de l’implication d’Israël
dans l’assassinat de Hariri et il a
conclu par un sommaire appelant le juge
Fransen à convoquer des témoins et à
réclamer la coopération d’Etats. Il a en
outre souligné le fait que les
informations avancées « nécessitent des
efforts fournis par le procureur
général afin d’assurer la coopération de
citoyens et de responsables israéliens
avec l’enquête dans le but d’exécuter
les missions fondamentales du tribunal
».
L’ingérence israélienne dans
l’enquête
M.Dalal
a indiqué que l’acte d’accusation émis
par le procureur général Daniel
Bellemare en 10 juin 2011, repose
sur des preuves circonstancielles,
qui selon lui, sont souvent plus
fiables et ont une valeur probante
équivalant à ceux des preuves directes,
et peuvent même être plus
solides. (selon l’article 3 de l’acte
d’accusation).
Il a expliqué que « la théorie du
procureur dans la détermination de la
responsabilité pénale a été fondée
essentiellement sur l’analyse des
contacts téléphoniques », et l’a prouvé
en disant : « le ministre israélien des
Affaires étrangères Avigdor Liberman
avait indiqué lors d’une conférence de
presse conjointe avec son homologue
italien en 23 novembre 2010, en réponse
à une question concernant les conflits
libanais internes, le suivant :
Nos premières démarches, comme vous
l’avez vu, étaient les efforts déployés
pour régler le problème du Ghajar. Et
nous estimons bien sure que notre
position et notre coopération avec la
communauté internationale à propos des
enquêtes relatives à l’affaire Hariri
étaient ouvertes et faites de tout cœur.
Nous croyons que le message de la
communauté internationale revêt une
importance majeure pour immuniser
l’Etat libanais et faire face au
chantage exercé par le Hezbollah, qui
représente une intimidation claire à
l’ensemble de la communauté
internationale, et nous devons lutter
contre ce chantage basé sur la
possibilité de l’abrogation de l’enquête
internationale, par les menaces ».
M.Dalal a évoqué une seconde preuve sur
l’ingérence israélienne dans les
enquêtes internationales, citant le
journaliste du quotidien israélien
Haaretz Youssi Melmen. Ce dernier avait
écrit en octobre 2010 un article
intitulé : « L’écoute de leurs
téléphones : c’est ainsi que s’est
déroulée l’opération », dans lequel il a
affirmé que les services de
renseignement israéliens ont fourni
d’importantes informations techniques au
Tribunal spécial pour le Liban, puisque
l’article a indiqué que : « les
ressources financières de la commission
d’enquête étaient relativement limitées
et il est difficile d’imaginer qu’elle
n’ait pas reçu l’assistance des
services de renseignement, alors
que le nombre d’ Etats qui disposent
d’ agences d’espionnage, dotées de
technologies développées,
est limité, et il comprend : l’Agence de
la Sécurité Nationale Américaine, les
Services de renseignement français et
britanniques, et sans aucun doute, les
Services de renseignement israéliens ».
Les raisons de la vraisemblance
de l’implication d’Israël
M.Dalal a premièrement indiqué
que l’acte d’accusation fait allusion à
un complot visant à faire exploser un
énorme engin explosif afin
d’assassiner Hariri, de diffuser
des allégations fabriquées sur les
responsabilités (le film de Abou Adas)
et de semer la terreur parmi les
citoyens.
Il passe ensuite à l’explication
des raisons de la vraisemblance de
l’implication d’Israël dans ce complot.
Il a dit : « l’aptitude du directeur du
Mossad israélien, Meir Dagan, à
exécuter des opérations d’assassinat en
d’autres pays, notamment au Liban, par
l’implantation d’engins explosifs
revendiqués par des groupuscules
islamistes inconnus, est prouvée.
Dans un article publié dans le quotidien
Haaretz, l’écrivain israélien Amir Oren
a discuté l’expérience de Mair Dagan au
Liban, et a évoqué dans ce contexte les
modes d’action adoptés par le Mossad et
les services de renseignement militaires
israéliens à l’encontre du Hezbollah ».
L’article a relaté trois faits séparés,
laissant aux lecteurs le soin de les
relier.
Le premier fait : En 1981, au moment où
le colonel Dagan assumait le
commandement de la zone du Liban sud,
une organisation imaginaire
revendiquait des attentats à l’engin
explosif à Tyr et à Saida, durant des
cérémonies regroupant des palestiniens,
des résistants et des civils.
Le second fait : En 2002, le colonel à
la retraite Dagan avait qualifié le
Hezbollah de « fer de lance du
terrorisme iranien », ajoutant que le
parti a des liens avec l’organisation
Al-Qaeda. Dagan a réclamé de faire face
au terrorisme « dès que possible, et
sans indulgence ».
Le troisième fait : En 2003, lorsque
Dagan a présidé le Mossad, Mohammad
Masri, soupçonné de faire partie
d’Al-Qaeda, a été assassiné dans un
attentat à la voiture piégée à Saida,
revendiqué alors par un groupuscule
inconnu.
Oren a conclu : « Lorsque Dagan se
trouve quelque part, des organisations
inconnues, revendiquent des attentats à
l’engin explosif, qui tuent des arabes
détestés par Israël. Et Dagan
jouit d’un grand pouvoir et d’une force
que lui assure son supérieur, le premier
ministre israélien Ariel Sharon ».
Le 4 février 2010, la chaine 10 de la
télévision israélienne a diffusé un
documentaire sur Dagan, qu’elle a
qualifié de « responsable israélien qui
est parvenu à récupérer la force de
dissuasion d’Israël, face à ses
voisins ». La chaine a rapporté des
propos de Sharon qui a désigné Dagan par
les termes suivants : « l’expert en la
décapitation des arabes ». Dagan assume
donc la responsabilité des crimes
suivants : L’assassinat en 2004 du
responsable des finances du mouvement
Hamas en Syrie, Ezzeddine Khalil, par
une voiture piégée, l’assassinat du
responsable militaire du Hezbollah en
2008 par une voiture piégée et dans la
même année, l’assassinat du brigadier
dans l’armée syrienne Mohammad Sleiman,
soupçonné par Israël dans l’affaire du
transport d’armes entre le Hezbollah et
la Syrie. Et puis un an après,
l’assassinat d’un scientifique nucléaire
iranien par un motocycle piégé qui a
explosé devant sa maison.
Le 16
février 2005, deux jours après
l’assassinat de Hariri, le quotidien
Haaretz a publié un article intitulé : «
Qui devrons-nous assassiner ce matin ?
», écrit par Yossi Melman. « Le
rapprochement entre Sharon et Dagan a
été approfondi, et s’est transformé en
une relation professionnelle solide,
fondée sur le respect mutuel.
Dagan avait présidé l’unité des blindés
« Barak » durant la guerre du Liban en
1982 et puis a été nommé responsable de
l’unité de communication au Liban. Dagan
a été alors mis au courant des
opérations spéciales effectuées par
l’unité 504, du service de renseignement
militaire israélien au Liban. Mais il
s’est senti jaloux de cette unité et il
a ensuite fondé une nouvelle cellule,
relevant de l’unité de communication
opérant au Liban. Cette cellule a
entrepris de recruter des agents et de
collecter des renseignements. Et comme
il a été le cas des « Jours de Ramon » à
Gaza, de même au Liban, son nom a été
associé aux assassinats et à la lutte
contre le terrorisme », lit-on dans
l’article de Melman au Haaretz.
L’avocat Dalal a évoqué dans son
mémorandum adressé au juge Fransen, des
informations citées dans un article
écrit le 3 juin 2009 par Amos Harel
faisant état d’un rapprochement
entre le suicide d’un officier israélien
de l’unité 8200, qui représente l’élite
des services de renseignement
militaires, et les informations publiées
dans l’article du Deir Spiegel le 23 mai
2009, qui se sont avérées plus tard
quasi identiques aux informations
citées dans l’acte d’accusations émis
par le TSL en 2011. Harel a posé dans
son article plusieurs interrogations sur
la confidentialité de l’activité des
services de renseignement israéliens et
sur l’ambigüité relative à
l’arrestation des agents à la solde
d’Israël, par les autorités libanaises,
notamment des officiers
militaires.
Ce que réclame Dalal
M.Dalal a conclu son mémorandum
par le suivant : « Compte tenue de ces
informations, l’abstention du procureur
général d’appliquer la règle 14 des
règles des procédures et des preuves, ne
serait pas une démarche raisonnable ». A
noter que la règle 14 permet au
procureur général « de réclamer la
coopération de tout Etat, organisme ou
personne, dans le cadre de l’enquête et
des poursuites, conformément avec le
statut du tribunal, en ce qui concerne
de même les enquêtes sur le terrain,
l’avance des documents et des
informations , la convocation des
témoins et des suspects et les
interroger, l’arrestation des suspects
ou des accusés et de les transférer ».
M.Dalal a ajouté que la règle 92 permet
au juge de la mise en état, de collecter
des preuves en des cas exceptionnels,
sans revenir au procureur général. Et
par conséquence , Dalal réclame à
Fransen que le TSL dépose une demande de
coopération avec le bureau du procureur
général, auprès des autorités
israéliennes, afin de permettre la
convocation d’israélien, de les
interroger et d’avoir accès à des
documents officiels en rapport avec
l’affaire.
Quel rapport entre cette affaire
et la prorogation du mandat du TSL ?
« Réclamer une enquête avec des parties
israéliennes officielles sur leur
éventuelle implication dans l’assassinat
du premier ministre Rafik Hariri,
pourrait aboutir à des réactions
d’instances judiciaires
internationales pour justifier le refus
». Un responsable politique au bureau du
secrétaire général de l’ONU, ayant
requis l’anonymat, a répliqué
à une question sur la difficulté de la
justification du refus du fait que
l’enquête suive toutes les
pistes probables, y compris
l’éventualité de l’implication du
Mossad, et conformément aux critères
professionnels en disant : « échouer
dans le traitement de l’affaire dans le
cadre judiciaire, pourrait aboutir
à un traitement politique au niveau
international ».
Et de clarifier : « Les Etats Unis, La
France et l’Angleterre jouissent d’un
pouvoir que l’on ne peut ignorer a New
York ».
Il convient de Noter que la résolution
1757 dispose que trois ans après le
début des activités du TSL, donc en 1
mars 2012, le secrétaire général de
l’ONU se concerte avec le gouvernement
libanais et le Conseil de sécurité afin
de proroger le mandat du tribunal.
Ignorer l’enquête sur la
probabilité de l’implication
d’Israël
Durant son travail au bureau du
procureur général du Tribunal
international pour l’ex-Yougoslavie
(Serge Brammertz) à La Haye en
aout 2010, l’avocat Marwan Dalal a
envoyé un message par e-mail au bureau
du procureur général du TSL Daniel
Bellemare , renfermant « des
informations qui exigent de mener
une enquête avec des citoyens et des
responsables officiels israéliens, sur
leur relation avec l’attentat du 14
février 2005, perpétré à Beyrouth ».
M.Dalal a envoyé plus tard
une série de lettres au bureau de
Bellemare, la plus récente datant du 6
aout 2010. Mais le procureur général n’a
réagi à aucun des messages et ne les a
pas pris en compte.
Le 19 septembre 2011, l’avocat Dalal a
déposé au bureau de Daniel Bellemare une
lettre officielle, comprenant de
nouvelles informations sur la
probabilité de l’implication
d’israéliens dans l’assassinat de
Hariri, mais Bellemare n’a pas encore
répondu. Et le 21 et 24 octobre 2011, le
bureau de Bellemare a informé par
téléphone l’avocat Dalal que sa lettre
est parvenue au procureur, mais qu’il
n’y répliquera pas.
Une confrontation entre Dalal et
Mofaz
En octobre 2005, l’avocat
Marwan Dalal avait présenté une pétition
à la Cour israélienne suprême au nom des
organisations suivantes : «
Justice » , « Betslim » et de
l’association « Les Droits du citoyen »,
« La Loi », « La commission
populaire contre la torture » le «
Centre de la protection de l’individu »
et « Les médecins pour les Droits de
l’homme », contre le soi-disant
commandant militaire israélien de la
zone centrale d’Israël et contre le chef
d’état major de l’armée israélienne et
contre le ministre de l’armée et le
premier ministre israélien. La pétition
a réclamé à la Cour suprême d’émettre
une décision interdisant à l’armée
israélienne d’utiliser les citoyens
palestiniens de la Cisjordanie en «
boucliers humains » ou en otages.
La Cour israélienne suprême a
effectivement décidé d’interdire l’armée
de poursuivre l’adoption des
mesures précitées, lors des campagnes
d’arrestation. Mais le ministre
israélien de la Guerre, Chaoul Mofaz, a
demandé aux grands responsables de
l’armée de protester en réclamant la
tenue d’une nouvelle audience de
la Cour à propos des « boucliers humains
» connus dans le jargon de l’occupation
par « le système de l’alerte
précoce » ou « le système du
voisin ».
L’avocat Dalal avait riposté en disant :
« Je les défie de présenter la demande
de la réexaminassions de la décision.
Nous remporterons sans doute la
victoire en ce nouveau procès ».
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