Mardi 7 avril 2009
Un ouvrage à paraître en France livre de nouveaux éléments sur
l’assassinat du leader chrétien libanais Tony Frangieh et le
massacre de ses proches, en 1978. L’opération, conduite par le
chef fasciste Samir Geagea, aurait en réalité été entièrement
pilotée par le Mossad israélien. L’auteur de cette enquête,
Richard Labévière, est un journaliste proche des milieux
français de la Défense. Il avait déjà révélé, il y a deux ans,
des informations confidentielles sur le traitement du Liban au
Conseil de sécurité des Nations Unies. De fortes pressions sont
exercées sur l’éditeur pour qu’il retire du manuscrit les noms
des protagonistes ou tout au moins pour qu’il renonce à le
diffuser avant les élections législatives libanaises.
L’écrivain et journaliste français Richard Labévière, qui avait
déjà consacré un livre très documenté aux secrets des
délibérations du Conseil de sécurité de l’ONU relatives au
Liban [1],
s’apprête à publier un nouvel ouvrage traitant d’un autre
épisode tragique de l’histoire du pays du Cèdre : l’assassinat
de l’ancien député et ministre chrétien Antoine Frangieh, dit
« Tony », le 13 juin 1978. L’ouvrage révèle le rôle décisif du
Mossad, le service secret du ministère israélien des Affaires
étrangères, dans ce meurtre.
L’auteur, qui est par ailleurs rédacteur en chef de la revue
de l’Institut des hautes études de la Défense nationale [2],
a recoupé des sources israéliennes de haut niveau, qu’il a
rencontré en Suisse, et des sources françaises liées aux
services secrets extérieurs.
Selon les informations du Réseau Voltaire, Richard Labévière
est arrivé à la conclusion qu’en préparant cette opération,
Israël s’était fixé quatre objectifs stratégiques :
L’élimination
d’un de ses adversaires chrétiens les plus déterminés ;
Se
déployer militairement dans le Nord du Liban, qu’il contrôlait
déjà indirectement au plan sécuritaire ;
Semer
la zizanie dans le camp chrétien afin d’y trouver plus
facilement des alliés ;
Affaiblir
les chrétiens alliés à la Syrie.
Le Mossad aurait confié l’opération au parti fasciste
libanais, les « phalanges » de Bachir Gemayel. Des psychologues
israéliens auraient fait passer des tests de personnalité à
divers hommes de main et auraient choisi parmi eux le profil
idéal pour remplir cette mission : Samir Geagea.
Le chapitre 11 de l’ouvrage serait consacré à la manière dont
le Mossad a planifié l’opération. Celle-ci visait officiellement
à enlever dans le palais des Frangieh à Ehden un de leurs hommes
impliqué dans la mort d’un cadre phalangiste. Elle aurait donc
dû se dérouler en l’absence de Tony Frangieh et de ses gardes du
corps. Mais les choses furent organisées de telle sorte que le
leader politique fut retenu chez lui par une panne de voiture.
Sachant qu’il refuserait de livrer un des siens et que Samir
Geagea est un psychopathe, l’issue fatale de l’affrontement ne
faisait aucun doute.
Dés le début des combats, Geagea fut blessé à la main et au
bras. C’est donc probablement son adjoint qui commanda le
massacre de tous les habitants de la résidence, incluant Tony
Frangieh, son épouse et leur bébé de trois ans, ainsi que 35
autres personnes.
Il y a quelques mois, un membre du clan Frangieh, Joseph, a
témoigné sur Orange TV (la chaîne de télévision du Courant
patriotique libre de Michel Aoun) qu’à l’époque il avait
participé à la défense de la résidence et qu’il avait lui-même
blessé Samir Geagea. Dès la diffusion de cette révélation, le
vieil homme était assassiné à son tour.
Dans un souci d’objectivité, l’auteur a sollicité une
rencontre avec Samir Geagea pour recueillir sa version des
faits. Il en dresserait un compte rendu dans le chapitre 14. M. Geagea
y reconnaîtrait les exactions de ses miliciens durant ces années
sombres, et soulignerait qu’il n’a pas dirigé le massacre d’Ehden
et ne pouvait pas l’avoir fait, puisqu’il était blessé.
Le plus grand secret entoure la parution de ce livre, annoncé
en librairie en France fin avril, et au Liban courant mai. Il
semble que l’auteur y dévoile l’identité des différents
protagonistes, des chefs du Mossad qui organisèrent l’opération
jusqu’aux trois complices de Samir Geagea qui seraient
aujourd’hui réfugiés en Australie. Le caractère extrêmement
sensible de ces informations, qui plus est à la veille des
élections législatives libanaises, suscite beaucoup
d’inquiétudes à Tel-Aviv et à Beyrouth. Des pressions se
multiplient pour censurer une partie du manuscrit ou en bloquer
la diffusion.
Si nul n’ignore les nombreux crimes de Samir Geagea, incluant
le meurtre du Premier ministre Rachid Karamé, le 1er juin 1987,
son recrutement par le Mossad n’avait jamais été mis en lumière.
En outre, l’amnistie dont le clan Hariri a fait bénéficier M. Geagea
pourrait ne pas couvrir de nouveaux éléments révélés par M. Labévière.