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Loubnan ya Loubnan
L'affaire Hariri ébranle... les
journalistes occidentaux
Nidal
Le 14 février 2005, le convoi de Rafic Hariri est attaqué à
Beyrouth.
A ce jour, les enquêteurs ne sont pas en mesure d’expliquer les
dégâts
commis qu’une explosion classique ne saurait provoquer
Photo Réseau Voltaire
Lundi 25 mai 2009
Après une période d'attention extraordinaire, au lendemain
du meurtre de Rafik Hariri, avec quotidiennement de
nouvelles analyses sur l'implication syrienne, l'affaire a
plus ou moins sombré dans l'oubli.
Depuis quelques semaines, une série d'événements relayés par
les dépêches d'agences ont atterri dans les rédactions. Le
lecteur occidental n'aura cependant pu suivre ces nouveaux
rebondissements que par de courts articles, sans qu'il soit
réellement possible de les suivre avec une certaine
continuité.
Mais, malgré une succession de rebondissements qui font
tourner le machin au bazar le plus complet, depuis quelques
jours, c'est un unique article du Spiegel que nos médias ont
décidé de relayer.
Marwan Hamadé commente:
Ce tribunal est un tournant majeur pour le Liban et un
exemple pour toute la région parce qu’il va démontrer
que l’impunité a pris fin.
La justice libanaise a décidé de relâcher sous
caution les frères Mahmoud et Ahmad Abdel Aal et le
Syrien Ibrahim Jarjoura, soupçonnés d’avoir passé
sous silence des informations et induit les
enquêteurs en erreur après l’attentat qui avait
coûté la vie à l’ancien premier ministre.
C'est suffisamment énorme pour que nos médias s'en
contrefichent. Pourquoi relâcher, juste avant le lancement
du tribunal, ceux qui sont accusés d'avoir orienté l'enquête
sur la voie syrienne par des faux témoignages, faux
témoignages dont beaucoup affirment qu'ils ont été achetés
par la «majorité» libanaise?
Malgré le sujet (libération d'hommes accusés d'avoir porté
les faux témoignages impliquant les 4 généraux libanais et
les autorités syriennes, peut-être soudoyés par des proches
de Saad Hariri), l'article de Libé ne développe que les
accusations contre les généraux libanais («les quatre
généraux ont été mis en examen pour “meurtre par
préméditation”, “tentative de meurtre par préméditation”, et
“perpétration d’actes terroristes”), et répètent les
accusations contre la Syrie («Les deux premiers rapports de
la Commission d’enquête de l’ONU, créée deux mois après
l’assassinat du richissime homme d’affaires, avaient conclu
à des «preuves convergentes» sur l’implication des
renseignements syriens et libanais et cité les noms de
proches du président syrien Bachar al-Assad.»). Accusations
dont, à ce moment, les seuls «preuves» connues sont les faux
témoignages des trois hommes qui viennent d'être
spectaculairement relâchés juste avant l'établissement du
TSL.
Tous ceux qui ont approché un tant soit peu le
dossier Rafic Hariri savent que les services secrets
syriens sont impliqués, de très près ou d’un peu
plus loin, dans l’assassinat du leader libanais.
C’est la conviction, en tout cas, des enquêteurs qui
se sont succédé pour élucider le crime. C’est la
raison d’être du tribunal international qui vient de
se mettre en place aux Pays-Bas. Dans cette affaire,
comme dans tant d’autres événements criminels au
Liban, tous les chemins mènent à Damas.
Suivant ce que Joffrin définit explicitement comme une
parfaite «enquête à charge», Jean-Pierre Perrin, lui, nous
pond un dossier d'accusation complet dans le même numéro: « Un
attentat à la syrienne».
De manière très spectaculaire, non seulement Laurent Joffrin
sait après le meurtre que les Syriens en sont les auteurs
sans avoir besoin d'un tribunal international, mais
Jean-Pierre Perrin explique carrément que tout le monde
savait qu'ils étaient les meurtriers avant même que
l'attentat ne soit commis.
Les quatre personnes concernées sont les généraux Jamil
Mohamad Amin El Sayed, Ali Salah El Dine El Hajj,
Raymond Fouad Azar et Mostafa Fehmi Hamdan, a précisé le
tribunal dans un communiqué.
Là encore, c'est énorme, et nos médias ont du mal à
synthétiser la situation. Il n'y a plus de «piste syrienne»
(en tout cas publiquement connue), puisque les quatre
uniques inculpés du meurtre viennent d'être relachés. Quant
à ceux qui avaient porté les faux témoignages à leur
encontre, ils ont été libérés par la justice libanise fin
février (on ne s'interrogera donc pas plus avant sur les
commanditaires et le motif de ces faux témoignages).
Les médias occidentaux ont du mal à l'écrire: il n'y a plus
aucun accusé, inculpé, ou emprisonné, dans l'affaire Hariri.
Peut-on imaginer pire situation? Laurent Joffrin et
Jean-Pierre Perrin se portent candidats au suicide par le
ridicule (malheureusement, c'est une forme de suicide
particulièrement longue et pénible, qui peut durer toute une
carrière).
Au Liban, Hamadé et Saad Hariri prétendent faire confiance à
la justice internationale, et ce genre de sornettes. Mais
Robert Fisk explicite, le 30 avril, la nouvelle propagande
de la «majorité antisyrienne» dans
The Independent.
Once more the UN donkey, clip-clopping on to the world
stage after the murder of Mr Hariri, has been proved a
mule. [...] Barack Obama's new friendship with President
Bashar al-Assad of Syria must be going great guns. [...]
So who killed Rafiq Hariri? Until yesterday, the
Lebanese, whose protests after the massacre forced the
Syrian army out of Lebanon, thought they knew. And who
was it who wanted, as President of the United States, to
open a new door to the Syrians? President Obama. And who
was it who stood next to Rafiq Hariri's son, Saad, in
Beirut, three days ago, to assure him of US support? Why,
Mr Obama's Secretary of State, Hillary Clinton, of
course.
On se frotte les yeux. Selon la propagande haririenne,
désormais: la Tribunal international est instrumentalisé
politiquement par les États-Unis, et les États-Unis ont
décidé de vendre le Liban à leurs nouveaux amis syriens.
Évidemment, si vous aviez prétendu, quelques semaines plus
tôt, que l'enquête internationale était instrumentalisée
politiquement par les Américains, vous étiez un affreux
propagandiste de l'axe irano-syrien.
Depuis, naturellement, toutes les théories «alternatives»
ressurgissent.
La plus spectaculaire, ce sont les déclarations de
Wayne
Madsen sur Russia Today. Il prétend que c'est un
«escadron de la mort» aux ordres de Dick Cheney qui a commis
le crime. Il s'appuierait sur des révélations à venir de
Seymour Hersh. Ce dernier a démenti, il y a quelques jours,
avoir fait les déclarations qui lui sont imputées (ce qui
semblait pourtant assez évident: Hersh n'est pas né de la
dernière pluie, du genre à raconter ses scoops en «off»
avant d'avoir terminé d'écrire un livre ou un article). Mais
la vidéo et ces «révélations» ont déjà fait le tour des
internautes libanais, par exemple sur
ce site belge du mouvement aouniste.
Ignorant encore la décision du tribunal de libérer les
généraux libanais, Georges Malbrunot se lance sur la piste
d'« exécutants
islamistes» venus d'Arabie saoudite et d'Irak (29
avril). Des exécutants qui seraient donc des islamistes
sunnites, liés aux groupes déjà connus au Liban. Malgré les
références à l'Arabie saoudite, à l'Irak et aux salafistes
sunnites, Malbrunot se pose tout de même la question
suivante:
Quels peuvent être les commanditaires du crime? La
Syrie? L'Iran? Les deux, aidés par le Hezbollah?
Le 15 mai, Syria Comment profite de cette «piste islamiste»
pour enfoncer le clou et expliquer que « la
théorie la plus simple», c'est que ces groupes
islamistes avaient leurs propres motifs pour assassiner
Hariri et qu'ils peuvent très bien avoir agi de leur propre
chef.
Et pendant ce temps-là, au Liban, on n'arrête plus d'arrêter
des espions au service du Mossad. Et «la piste du Mossad»
dans l'affaire Hariri est, évidemment, incontournable au
Liban (et non, comme se l'imagine Libération, pour cause de
paranoïa maladive du Hezbollah).
Richard Labévière est de retour et publie
La Tuerie d'Ehden ou la malédiction des Arabes chrétiens,
dans lequel il accuse le Mossad d'avoir organisé le massacre
du clan Frangié perpétré par Samir Geagea en 1978. Rien à
voir avec l'affaire Hariri, mais puisque Geagea est toujours
là, que le Mossad aussi...
Bref, c'est la curée: la thèse jusque là soutenue par les
occidentaux et leurs alliés au Liban s'est (au moins
apparemment) effondrée, et les théories plus ou moins
opposées, plus ou moins crédibles, poussent comme des
champignons. Avec les élections législatives au mois de
juin.
Toutes ces théories «alternatives» ont été soigneusement
éloignées des pauvres oreilles des citoyens européens
(pourquoi pas à raison). On s'est déjà fait balader une
fois, on va peut-être faire attention désormais.
Sauf que. Le Spiegel publie un article en allemand annonçant
de nouvelles «preuves», une nouvelle «piste»: l'enquête
internationale détiendrait la preuve de la culpabilité
directe du Hezbollah, et refuserait de rendre ces preuves
publiques pour des raisons inconnues. Le Hezbollah dément,
l'AFP en fait une dépêche.
La commission d'enquête chargée de faire la lumière sur
l'assassinat de l'ancien premier ministre libanais Rafic
Hariri s'orienterait désormais vers une piste menant au
mouvement chiite Hezbollah, révèle l'hebdomadaire
allemand Der Spiegel.
Le principal souci avec cet article du Spiegel, c'est tout
de même de présenter comme des preuves nouvelles, un
tournant dans l'enquête, le contenu exact d'un article déjà
publié par George Malbrunot dans le Figaro... le 19 août
2006, et intitulé « L'ombre
du Hezbollah sur l'assassinat de Hariri».
Non seulement la piste est la même (le Hezbollah), mais la
façon de résoudre l'affaire et de débusquer les responsables
sont exactement identiques. On a un cercle d'utilisateurs de
téléphones portables, utilisés pour traquer les déplacements
de Rafik Hariri, puis ces téléphones ne sont plus utilisés à
partir du jour de l'attentat. Mais l'erreur d'un de ses
membres consiste, justement, à passer un unique coup de fil,
qui permet aux enquêteurs de remonter tout le réseau.
Ce scénario est strictement identique dans la version de
Malbrunot dans le Figaro du 19 août 2006 (qu'il tiendrait
notamment d'«un proche de Saad Hariri») et dans la version
du Spiegel du 23 mai 2009.
Trois ans d'écart, le même scénario, il suffit d'ajouter les
termes «New Evidence», «new and explosive results» et
«Intensive investigations in Lebanon are all pointing to a
new conclusion»... pour que tous les médias français
reprennent, y compris le Figaro, ce que le Figaro avait déjà
publié comme des révélations «de source sûre».
Et George Malbrunot, qui continue pourtant d'écrire dans le
Figaro, ignorait que sa «piste du Hezbollah» allait être
réchauffée par les Allemands quand il évoquait, récemment,
la piste des «exécutants islamistes» (sunnites).
Je ne suis pas totalement fâché que les médias d'ici
n'évoquent pas toutes les théories «alternatives» quant au
meurtre de Rafik Hariri. Un peu de recul et d'enquête avant
de publier n'importe quoi ne fait pas de mal.
Malheureusement, l'enthousiasme soudain pour les nouvelles
«révélations» du Spiegel prouvent que ça n'était pas un
souci de recul et d'enquête qui retenait nos journalistes.
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