Syrie
Syrie : Brahimi
sur la piste du modèle yougoslave ?
Nasser
Kandil
Samedi 29 décembre
2012
La chaîne qatarie
Al-Jazeera, son intello favori Azmi
Bishara, et leur cortège d’intervenants
affabulateurs voudraient continuer à
nous subjuguer par la magnificence et le
caractère exceptionnel du soi-disant
« Printemps arabe ». Il n’empêche que
nombreux sont ceux qui y voient un
scénario déjà vécu dans les années
quatre-vingt-dix du siècle dernier [1][2].
En effet, quiconque accepterait de
revenir sur l’expérience du « Printemps
européen » qui a démarré par la
révolution ouvrière du bassin de Gdansk
en Pologne, sous la direction de Lech
Walesa, pour la comparer à celle du
prétendu « Printemps arabe » qui a
débuté par l’immolation de Bouazizi en
Tunisie, ne pourrait ignorer certaines
similitudes. Notamment, entre le rôle
joué par les États de l'Europe
occidentale, leurs églises catholiques
et l’ensemble de leurs médias dans la
bénédiction de ces révolutions qui ont
secoué les pays d'Europe orientale,
d’une part ; et le rôle joué par les
Pays arabes du Golfe, l’Islam politique
principalement représenté par les Frères
Musulmans, et les organisations d’al-Qaïda
avec leurs composantes salafistes
wahhabites dans les révolutions arabes,
d’autre part. Ceci, non sans concéder
que dans ce deuxième cas c’est
Al-Jazeera qui a tenu, avec brio, le
rôle joué par la BBC dans les
révolutions en Europe !
Or, c’est en Yougoslavie que le
« Printemps européen » a
rencontré son premier obstacle.
Cette Yougoslavie de la Chrétienté
Orthodoxe où s’était arrêté le
Catholicisme et où l’Islam politique,
soutenu par l'Arabie saoudite et la
Turquie avec un début de collaboration
de l’astre ascendant qatari, a été mis à
contribution pour inverser l’équation
et, tirant profit de l’effondrement de
l’URSS, créer un jeu différent alliant
guerre civile, intervention militaire
étrangère, et machinerie onusienne.
Plus de vingt ans après cette « Crise
yougoslave » et suite à plus d’une
centaine de décisions du Conseil de
sécurité, de centaines de milliers de
victimes, et de destructions
dévastatrices nécessitant des centaines
de milliards de dollars pour
compensation, la Yougoslavie qui sous la
direction du Maréchal Tito fut un
partenaire de l'Egypte et avec
Gamal
Abdel Nasser
l’un
des catalyseurs du « Mouvement des Pays
non alignés », s’est transformée en
petits pays rivaux occupés par des
troupes étrangères et a perdu
son
rôle, son économie et sa souveraineté.
Et voilà qu’aujourd’hui l’émissaire
onusien Lakhdar Brahimi revient sur la
scène syrienne, porteur des mêmes
propositions que Peter Fitzgerald avait
avancées à la Yougoslavie. En somme,
l’État syrien devrait accepter de se
laisser démanteler, à plus ou moins
courte échéance, au nom d’un
gouvernement de transition [3]
sur la base d’une prétendue
réconciliation avec un regroupement
d’individus refusant ouvertement toute
proposition sous prétexte qu’elle serait
insuffisante !
Parmi ces propositions, deux
sont particulièrement
évocatrices :
1. la réduction des pouvoirs de l'Etat
central représenté par le Chef de l'Etat
syrien sous prétexte d’une phase de
transition ; ce qui dans le cas de la
Yougoslavie s’est soldé par
les « Accords de Dayton » [4] venus
confirmer la logique de son démembrement
en quatre états :
Serbie, Croatie,
Bosnie-Herzégovine, et Monténégro.
2. Le démantèlement des institutions
militaires et des services de sécurité
syriens sous prétexte de leur
restructuration ; pour s’empresser
ensuite de soumettre leurs commandants à
un tribunal spécial calqué sur le
« Tribunal pénal international pour
l’ex-Yougoslavie » ou TPIY.
Ceci, sans oublier que diverses
prescriptions ou « recettes » se sont
succédées en ex-Yougoslavie. Il y a eu
celle de la Pologne, puis celle de la
Roumanie où
l’exécution
de Ceausescu rappelle étrangement celle
ce Kadhafi en Libye, puis celles des
Républiques Tchèque et Bulgare. Ayant
échouées les unes après les autres, il
ne restait plus que la recette finale
d’une guerre féroce et dévastatrice ! Et
aujourd’hui, de l’aveu même des
instigateurs de cette guerre, nous
savons que l’Occident a utilisé les
éléments tchétchènes et afghans de
l’organisation d’al-Qaida : 100 000
bénévoles financés par les Pays du
Golfe, armés et entrainés par la
Turquie, et soutenus par des états laïcs
de l'Europe occidentale !
Poursuivant la comparaison, force est de
constater que les recettes tunisienne,
égyptienne, libyenne et yéménite ont
échoué en Syrie, d’où la nécessité d’une
« nouvelle recette » inspirée du modèle
yougoslave. Et nous revoilà avec 100 000
volontaires terroristes couvés en
Turquie, financés par l’Arabie saoudite
et le Qatar, glorifiés médiatiquement
par
Al-Jazeera et ses consœurs. Mais la
tâche la plus complexe, pour la mise en
œuvre d’une stratégie onusienne
débouchant sur une intervention
militaire et politique étrangères en
Syrie, revient à M. Lakhdar Brahimi,
Président du « Panel Brahimi », lequel
s’est chargé, en 2000, de rédiger un
rapport du même nom, le « Rapport
Brahimi » [5], censé améliorer la
pratique de l’ONU dans le domaine du
maintien de la Paix !
Mais M.Brahimi et ceux qui se cachent
derrière lui auront à se confronter à
quatre obstacles, avant de prétendre
installer en Syrie un
« gouvernement de transition
ayant tous les pouvoirs » ! Quatre
obstacles qui ne leur permettront pas de
réussir leur dernière manœuvre pour
torpiller le rôle du
Président syrien et, du même coup,
réussir à démolir l’État syrien et ses
institutions politiques et militaires.
En effet :
1. La Russie d’aujourd’hui n'est plus la
Russie
d'hier. Après les
expériences vécues en Yougoslavie,
en Irak et en Libye,
elle ne couvrira pas des résolutions,
tirées du chapitre
VII, pour « camoufler
la manœuvre » et autoriser une
intervention militaire qui mettrait la
Syrie sous tutelle onusienne au nom d’un
prétendu maintien de la paix.
2. Une intervention
militaire des USA et
de l’OTAN dépasse les capacités des
mêmes
va-t-en-guerre
après leur
défaite en
Afghanistan et en Irak, et aussi à cause
de la situation
géostratégique de la Syrie où une telle
initiative s’accompagnerait de
conséquences
dévastatrices sur
Israël et la Turquie ;
ce qu’ils voudraient absolument éviter.
3. La Syrie n'est pas la Yougoslavie.
Malgré toutes leurs tentatives pour
briser l'unité nationale et
territoriale, installer des émirats et
des roitelets sectaires, et étendre le
conflit vers l’Irak, le Liban et,
éventuellement, la Jordanie, les Syriens
sont restés majoritairement solidaires
de leurs autorités légitimes ; majorité
garante de la survie de l’État et de ses
institutions sous la direction du
Président Bachar al-Assad.
4. Le « Printemps européen » a connu son
apogée quand l’État Yougoslave est
tombé, alors que le « Printemps arabe »
est en passe de tomber sans que l’État
syrien ne cède en rien de sa
souveraineté. Si bien que
les Egyptiens et les
Tunisiens
désireux d’échapper à la dictature
humiliante des Frères
musulmans se dirigent désormais dans la
direction indiquée par la « boussole
syrienne ». Il en est de même pour
tous les Arabes
qui soutiennent
la Résistance du
peuple palestinien, maintenant qu’ils
ont constaté la complicité éhontée des
Frères Musulmans et de leurs alliés avec
l’occupant sioniste. Une complicité qui
a dépassé de loin celle de Sadate
et de Moubarak avant
eux.
Par conséquent, en Syrie, M. Brahimi
découvrira que « le travail de guerre »,
pour lequel il a été missionné, est loin
d’être une tâche facile contrairement à
ce qu’on aurait pu lui assurer.
La seule solution en Syrie n'a besoin ni
d’un gouvernement provisoire, ni de ceux
qui se laissent gouverner. Elle passe
par un cessez-le-feu qui devra être
garanti par M. Brahimi et Cie, et par
Jamaat al-Nousra et équivalents, ainsi
que par des observateurs, intègres et
neutres, issus du Haut commissariat des
Nations Unies pour s’assurer de la
transparence d’élections mises sur pied
dans les trois mois. Dès lors, celui qui
obtiendra 50% des voix plus une formera
le gouvernement, celui qui détiendra les
2/3 des voix rédigera la constitution,
et celui qui en sortira avec le 1/3 des
voix aura le droit de veto ; l’ensemble
du processus aboutissant, dans un délai
maximum d'une année, à une nouvelle
constitution soumise à référendum et à
des élections législatives. Le temps
sera venu de passer aux élections
présidentielles et la vérité sortira des
urnes. Celui qui se lancerait à la
recherche d’une autre solution aura à
poursuivre sa guerre !
Nasser kandil
28/12/2012
Texte original : Top News
الإبراهيمي ونموذج يوغوسلافيا
http://www.topnews-nasserkandil.com/topnews/share.php?art_id=1699
Article traduit de l’arabe par Mouna
Alno-Nakhal
Notes :
[1] Serbie, 1999 :
calomnies, trahisons, et ingérence
humanitaire…
http://www.agoravox.fr/actualites/international/article/serbie-1999-calomnies-trahisons-et-123236
[2] Serbie, 1999 :
de la dislocation de la Yougoslavie au
projet de « Grand Moyen-Orient »…http://www.agoravox.fr/actualites/international/article/serbie-1999-de-la-dislocation-de-123729
[3] Syrie : M.
Brahimi plaide pour un "gouvernement de
transition"
http://www.lemonde.fr/a-la-une/article/2012/12/28/syrie-m-brahimi-plaide-pour-un-gouvernement-de-transition_1811128_3208.html
[4] L’accord de
Dayton
http://www.monde-diplomatique.fr/cahier/kosovo/dayton
[5] Rapport Brahimi
http://www.operationspaix.net/137-resources/details-lexique/rapport-brahimi.html
Nasser Kandil
est libanais, ancien député et directeur
de TopNews-nasser-kandil
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