Opinion
La femme, avant
terme
Nadjib Stambouli
Les deux
moudjahidate, Lucette Hadj Ali et
Eliette Lou
Photo: L'Expression
Mercredi 7 mars
2012
Demain sera
célébrée, en Algérie et dans «le reste
du monde», la Journée de la femme et on
a déjà vu qu’à défaut de voir cette date
fêtée toute l’année, autant dire toute
la vie, les activités la marquant ont
commencé depuis une semaine. Les bilans,
forcément réconfortants, parfois
triomphalistes, ont été alignés et, une
fois n’est pas coutume, il faut dire que
la démagogie n’a pas eu droit de cité
dans ces déclinaisons statistiques. Ce
serait en effet faire montre d’une
flagrante cécité mentale que de ne pas
admettre que, sans fournir matière à
pavoiser et à bomber le torse sur le
front de l’émancipation intégrale, la
situation de la femme en Algérie a
grandement évolué, positivement bien
sûr. Le taux le plus édifiant et qui
montre le mieux ce passage de dominée à
(presque) dominante est celui relatif à
la présence féminine à l’université, de
l’ordre de 60%, reléguant de fait celui
de la gent masculine au peu enviable
rang de minorité, à 40%. Une batterie de
textes législatifs est venue conforter,
dans le sens d’une plus grande
affirmation de la présence, la
contribution de l’Algérienne à la vie
politique, même si le versant
volontariste ne trouve pas encore son
pendant dans la réalité, voire qu’il ne
reflète pas l’évolution réelle des
mentalités au sein de la société. Même
s’il est vrai que ce caillou dans la
chaussure qu’est le code de la famille
n’est pas à arborer au fronton des
acquis de la femme en Algérie, mais
plutôt au palmarès des séquelles, il
n’en reste pas moins qu’aborder sa
situation en termes d’émancipation et
libération du « joug de l’homme » nous
parait aujourd’hui une attitude désuète,
obsolète et un brin ringarde. Hormis les
cercles obscurantistes qui décidément
n’abdiquent pas pour tenter d’imposer,
en régentant les comportements, y
compris par les voies législatives, la
réalité est que la femme n’est plus un
cas à part dans la société. Chef
d’entreprise ou simple travailleuse,
leader de parti (au moins une, Louisa Hanoune) ou militante de base,
professeur d’université (elles sont
treize mille) ou étudiante, conduisant
des voitures, taxis ou même bus, ce qui
étonnait il y a quelques années encore,
est entré dans la plus banale routine.
Demain, les hommages vont bien sûr
pleuvoir sur une catégorie qui mérite
respect et considération, et son
compagnon masculin, frère, époux ou
collègue de travail se pliera à ce
devoir avec d’autant d’humilité qu’il le
fera sous le sceau de rattraper le temps
perdu à les affliger de comportements
machistes et réduisant la femme au
statut d’entité infra humaine, sous
couvert d’idéologies rétrogrades et
archaïques. Toues les femmes, sans
exception, n’usurperont pas ces
hommages, toutes franges confondues.
Mais s’il est une catégorie pour
laquelle la marque de respect n’est
susceptible de susciter aucune remise en
cause, aucune envie ni jalousie, c’est
bien celle des moudjahidate. A elles,
nous pensons aujourd’hui, parce que ce
sont elles qui ont réellement placé les
premiers jalons d’émancipation de
l’Algérienne. Parce que dans les
djebels, il n’y avait des fusils roses
et des balles à fleurs pour les femmes,
qui les auraient distinguées de leur
compagnons d’armes, c’est dans le maquis
libérateur que s’est forgée, l’arme à la
main, l’égalité véritable entre
l’Algérien et l’Algérienne. Ce n’est non
plus pas un hasard si, dans les années
80, ce sont les moudjahidate qui ont été
les premières à monter au créneau pour
dénoncer ce qu’elle ont appelé, à raison
d’ailleurs, « le code de l’infamie ».
Hier, aujourd’hui et demain, bonne fête
mesdames
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