Témoignage d'une femme de lettres
syrienne sur ce qui se passe dans son
pays
Résister aux
milices armées soutenues par l'étranger
est une question de survie pour le
peuple syrien
Nadia Khost
Mardi 17 janvier
2012
Victime de
milices islamistes violentes qui
terrorisent les gens, la population
syrienne craint ces opposants armés qui
sèment la peur et le chaos. L’écrivaine
syrienne Nadia Khost — auteur de
nombreux ouvrages d’essais et de
nouvelles portant sur l’histoire,
l’architecture, la conservation et la
protection du patrimoine de la
Civilisation Arabe — vit à Damas. Ce
qu’elle nous dit ici, sur ce qui se
passe véritablement en Syrie, doit être
pris très au sérieux. Son témoignage ne
correspond en rien à la version des
faits qui nous est rapportée par de
prétendus « grands reporters » français.
Il n’y a plus de
fioul à Alep… les vendeurs ne peuvent
que crier leur détresse aux observateurs
délégués par la Ligue Arabe : «
Nous sommes des
travailleurs démunis, les bandes armées
coupent les routes, volent le fioul,
dérobent ou détruisent nos véhicules…
quand ils ne nous tuent pas ! ».
Telles sont les vraies raisons de la
pénurie qui empêche actuellement les
pauvres gens de gagner leur vie.
Les bandes armées
sévissent là où elles peuvent… Les
observateurs écoutent les témoignages
des blessés, entendent les pleurs des
enfants réclamant leurs pères kidnappés,
constatent les blessures portées
post mortem, notent
les identités, les récits, les lieux,
les horaires…
Pendant ce temps,
les télévisions syriennes filment à
distance et restituent des images
d’horreurs, de massacres, que les
Syriens ne pouvaient imaginer se
produire sur leur sol. Des images qu’ils
n’ont jamais connues au cours de leur
histoire contemporaine : cadavres
mutilés, membres coupés, cœurs arrachés,
corps brûlés et manifestement torturés.
Ainsi, le 8
janvier, nous avons tous partagé le
malheur et la tristesse d’un groupe
d’habitants de la ville de Homs à peine
éclairés par les bougies encore allumées
et qui, en pleine veillée funèbre en
hommage à leurs victimes, se sont vus
attaqués par des bandes armées faisant
sur leur passage de nouvelles
victimes…des morts et des blessés.
Toujours à Homs, le 10 janvier nous
avons déploré un ingénieur assassiné,
son collègue blessé, un enseignant
kidnappé. Finalement, ces bandes
assassines en sont arrivées à interdire
la fréquentation des établissements
scolaires dont environ un millier de
bâtiments sont désormais en ruines !
Par conséquent, le
problème actuel en Syrie n’a rien à voir
avec ce qu’affirment les médias
occidentaux ; à savoir, un conflit entre
une opposition politique qui demande des
réformes et un gouvernement qui les
refuse. Le problème en Syrie est celui
de bandes armées et de groupes de
criminels qui sèment le chaos en
s’attaquant à une société habituée
depuis des décennies à vivre en
sécurité. Lorsqu’une infirmière déclare
aux observateurs envoyés par la Ligue
arabe : « Alors qu’avant
nous rentrions chez nous à une heure du
matin en toute confiance, à présent nous
n’osons plus sortir à la tombée de la
nuit », elle résume une réalité
inédite en Syrie.
En effet, l’un des
buts de l’assassinat de soldats et de
policiers est justement la
généralisation du chaos. Ce même chaos
que Georges Bush a installé en Irak avec
comme conséquence prévisible, le
démantèlement de l’État et la domination
de gangs violents. Dans sa guerre contre
la Syrie, l’Occident a adopté ce même
projet. La preuve en est que lorsque le
gouvernement syrien a annoncé une
amnistie générale pour tous ceux qui
déposeraient leurs armes, Madame Clinton
a interpellé les rebelles en ces termes
: « ne rendez pas vos
armes ! ».
Toute personne qui
voudrait honnêtement s’enquérir de la
vérité ne pourrait nier que des tueurs,
et d’ignobles criminels, sont utilisés
pour répandre la terreur dans le but
d’exécuter un projet politique visant
l’autorité de l’État, la partition de la
Syrie et par là, l’anéantissement de
l’un des bastions de la résistance au
projet sioniste. En cas de doute,
souvenons-nous toujours du projet de
l’Organisation Sioniste mondiale :
« La désintégration de
la Syrie et de l’Irak en provinces
ethniquement ou religieusement
homogènes… est l’une des priorités
d’Israël… le premier pas vers ce but
passe par la dissolution de leurs armées
».
Ce but a été
atteint en Irak où l’une des premières
décisions de Paul Bremer [administrateur
civil de l’Irak-2003- Ndt] a consisté à
dissoudre l’armée irakienne. C’est aussi
ce qui a été prévu pour la Syrie où
l’armée est la cible des attaques des
bandes armées. Plus de mille soldats et
officiers syriens ont été tués ; et
pendant que des médias occidentaux et
arabes appellent nos soldats à la
désertion des officiers ont déclaré dans
nos journaux et sont venus nous dire à
la télévision syrienne qu’ils avaient
été kidnappés, filmés et torturés de
manière à fournir les faux témoignages
de désertion diffusés par
Al-Jazira.
Les méthodes les
plus viles sont utilisées pour faire
plier le peuple syrien. Ainsi, dans la
banlieue de Damas, les bandes armées ont
imposé la fermeture des boutiques dans
les quartiers de Harasta et de Darayya,
sous prétexte de faire respecter ce
qu’ils ont présenté comme une consigne
de « grève générale
», tout en avertissant que celui qui
n’obéirait pas serait tué, ou verrait
ses enfants kidnappés et tués ! A Deraa,
un homme qui a osé refuser a été tué et
sa femme a été blessée. A Homs, un
commerçant m’a confié qu’après des
dizaines d’ordres reçus par téléphone,
il a été obligé de fermer boutique.
Après ce genre de
mises en scène, les « spécialistes en
communication », en collusion avec ces
bandes armées, filment les commerces
fermés, envoient leurs images à la
chaine qatari Al-Jazira qui s’empresse
d’annoncer que le peuple syrien a
répondu à l’appel à la grève générale,
ou encore que les villes ont été vidées
de leurs habitants par crainte du régime
! Une autre fois, trois jeunes frères
ont été tués dans le seul but de
discréditer le service de sécurité
syrien et l’armée.
Les Syriens sont
douloureusement consternés quand ils
entendent ces criminels raconter leurs
crimes comme on raconterait une histoire
banale et reconnaitre, sans états d’âme,
avoir touché de l’argent pour abattre un
manifestant. Tout cela pour offrir aux
médias occidentaux la confirmation de
leur version falsifiée disant que les
services de sécurité tuent des
manifestants pacifiques !
Cette cruauté et
cette sauvagerie est contraire à toutes
les traditions syriennes d’amour, de
solidarité, de pardon, et de tolérance
de ses concitoyens.
Pour le peuple
syrien, ce n’est donc plus une question
d’opposition politique, mais une
question d’existence ! C’est ce qui
explique l’ampleur des manifestations
spontanées à Damas au soirde la décision
de la Ligue Arabe de suspendre la Syrie
en tant qu’État membre. C’est ce qui
explique également les manifestations
spontanées dans toute la Syrie suite à
la grande explosion de Kafarsouseh [1]
.
Tenant compte de
ces réalités, celui qui comprend
l’Histoire ne peut pas ne pas comprendre
que c’est le peuple syrien qui est en
train de sauver son pays. Sa voix est
désormais plus forte que celle des
politiciens. Les femmes qu’elles soient
voilées ou non, les jeunes, les vieux,
les enfants… tous expriment avec passion
leur refus de l’ingérence sous toutes
ses formes, condamnent le rôle du Qatar,
critiquent la Ligue Arabe, sans épargner
Sarkozy, Clinton et Obama.
Aujourd’hui, il est
indéniable qu’il y a un peuple syrien
dont la conscience politique est
aiguisée. Un peuple qui sait qu’il
affronte des forces expansionnistes
américano-sionistes qui organisent
contre lui une guerre diplomatique,
militaire, économique et médiatique. Une
guerre dirigée par la France et à
laquelle participent la Turquie et les
pays du Golfe menés par le Qatar. Une
guerre dont l’outil militaire est
l’organisation d’Al-Qaïda et l’outil
politique, quelques opposants syriens de
l’extérieur !
Et ce peuple
conteste la politique économique, la
corruption, et les responsables de pays
dont il a été un protectorat. Ce peuple
a développé un sens aigu du danger et a
parfaitement compris que l’Occident
n’intervient certainement pas pour
l’avènement de la démocratie et
l’avancement des réformes, mais plutôt
pour briser la volonté syrienne opposée
aux projets occidentaux et sionistes.
Ce peuple
magnifique se dresse telle une épée dans
une bataille décisive. Il ne cesse de
réinventer ses messages en réponse au
projet de partition
américano-européo-sioniste qui voudrait
mettre à profit sa mosaïque ethnique et
religieuse, pour arriver à le diviser.
Division qu’il refuse ! Ainsi, les
kurdes et arabes, réunis en congrès
national, ont rejeté à l’unisson toute
intervention étrangère. Les musulmans et
les chrétiens ont prié main dans la main
dans les mêmes églises, des délégations
de femmes musulmanes se sont déplacées
pour rendre visite au Patriarche
maronite du Liban et se porter garantes
de la protection des chrétiens d’Orient.
Nous n’ignorons pas
que toutes sortes de pressions
continueront à s’abattre sur nous pour
briser notre volonté, notre dignité, et
notre fierté de Syriens. Les sanctions
économiques et les bandes armées font
partie de ces pressions. Bandes armées
qui, pour rendre la vie encore plus
pénible à notre peuple, coupent la route
aux camions de fioul ; font exploser les
pipelines et les conduites de gaz qui
alimentent les centrales électriques ;
brûlent les établissements publics, les
mairies et les postes de police,
attaquent les transports de
ravitaillement chargés de sucre et de
riz à destination des différentes
régions du pays, font sauter les chemins
de fer…
Du coup,
l’électricité est rationnée et ce sont
donc les pauvres et la classe moyenne
qui souffrent le plus de l’inflation qui
en résulte. Pour autant, cette
souffrance ne rapproche pas les Syriens
patriotes de ces opposants qui
soutiennent le projet occidental
expansionniste et appellent à des
sanctions contre la Syrie. Au contraire,
leur souffrance renforce leur sentence :
« Un tel comportement
est celui d’un traitre responsable du
sang versé et de l’atteinte à la
sécurité de la patrie ! ».
Est-il difficile de
comprendre que les meurtres, les
assassinats de professeurs d’universités
et d’ingénieurs, les rapts d’enfants,
les viols, visent aussi à briser la vie
économique, sociale et culturelle ?
De fait, les crimes
des milices armées ont paralysé
l’activité culturelle dont tous les
centres se sont vidés, même ceux des
villages les plus reculés. Les galeries
d’art et les musées sont désertés, bien
qu’en Syrie le tarif des billets
d’entrée aux théâtres et concerts reste
symbolique.
Dans ces
conditions, comment imaginer que des
Syriens puissent s’autoriser de telles
activités alors que des cérémonies
funèbres pleurent les nombreuses
victimes tombées dans plus d’une région,
et que même les églises se sont
interdites les célébrations coutumières
de Noël et du Nouvel An ? Comment
s’intéresser à la culture alors que des
bandes armées infligent au pays
d’importantes pertes économiques en
brûlant ses instituts, en faisant
exploser ses oléoducs et gazoducs, en
paralysant son réseau commercial et
social par les barrages de l’horreur sur
la route internationale entre Damas et
Alep ? Alep, où un habitant qui a vu son
usine incendiée, deux fois de suite, est
mort de chagrin !
C’est ainsi que
l’on brise la vie des citoyens. C’est
ainsi que chacun, chez soi, ne parle
plus que des événements tandis que les
sujets d’ordre culturel deviennent
inopportuns !
C’est pour toutes
ces raisons que les habitants demandent
la protection de l’armée. Mais la Ligue
Arabe persiste à exiger son retrait des
villes alors qu’il est évident que les
forces de sécurité intérieure ne
disposent pas des moyens susceptibles de
lutter contre les opérations
terroristes. L’État syrien n’avait
aucune raison de les armer à outrance
puisqu’il est clair que l’ennemi vient
d’Israël, et non pas du peuple syrien.
Il était impératif
que l’armée intervienne. D’ailleurs, une
fois qu’elle a dû se retirer, les bandes
armées s’en sont données à cœur joie. La
maman du petit Sari Saoud tombé sous
leurs balles à Homs n’a rien dit d’autre
en hurlant sa douleur : «
Si l’armée avait été
présente, mon fils ne serait pas mort !
». C’est donc parce que l’armée s’est
retirée que ces gangs peuvent passer
d’une banlieue de Damas à une autre (de
Moadamieh à Doumar, Qudsaya), appuyant
furieusement sur leurs gâchettes
crachant balles et roquettes pour
obliger les habitants à se calfeutrer
chez eux avant même la tombée de la
nuit.
Il faut que le
monde sache que ce sont ces criminels
que la « communauté
internationale » protège et que les
médias clientélistes occidentaux et
arabes, tels qu’Al-Jazira
et Al-Arabia, ont
choisi de défendre !
Ces bandes armées
ne sont pas tombées du ciel ! C’est le
néo-libéralisme et l’économie de marché
adoptée ces dix dernières années qui les
ont marginalisées. Tout un système
parrainé par des corrompus qui ont pillé
le secteur public, couvert la
contrebande d’armes vers la Syrie,
exacerbé les ressentiments d’injustice
sociale et économique d’une classe
pauvre ; elle-même négligée par une
classe politique qui n’a pas pris les
décisions nécessaires pour redresser la
situation en misant sur l’éducation et
la culture. Ce faisant, elle a abandonné
certains des ces marginaux aux
contrebandiers et aux prêcheurs des
mosquées wahhabites qui les ont intégrés
dans leurs groupes armés.
C’est donc sur
cette frange de la population embrigadée
par de notoires obscurantistes que se
fondent les espoirs de ceux qui
appellent à une intervention étrangère !
Bien avant ces
événements sanglants et ce qu’il a été
convenu de désigner par «
le printemps arabe
», les ouvriers, paysans, écrivains…,
ont discuté de la situation politique et
économique au sein de leurs congrès
respectifs et ont réclamé les réformes
nécessaires. À cette époque, nous
n’avons pas entendu les voix de ceux qui
exigent aujourd’hui la chute du régime
!?
Nous disons donc
que c’est nous, Syriens de l’intérieur,
qui avons demandé à changer notre
réalité et que c’est plutôt l’Occident
colonialiste, dont le but est de vaincre
notre résistance, qui ne veut pas de nos
réformes ! De ce fait, nous nous devons
de défendre notre patrie avant tout le
reste ; le peuple syrien refusant
nettement et clairement la tutelle
étrangère qu’elle soit arabe ou
occidentale.
Sarkozy et Clinton
peuvent répéter à l’envi : «
Al-Assad doit
démissionner ! », le peuple syrien
leur répond : « C’est à
nous de choisir notre président, pas à
vous ! ».
Telle est la
transition qualitative majeure vécue par
le peuple syrien qui, après avoir livré
son sort aux partis politiques avant les
événements, envahit toutes les places
publiques, retrouve sa voix et sa
langue, exprime sa volonté et, en bref,
s’adresse à l’Occident colonialiste en
lui disant : « Dégage !
».
Ce peuple syrien
qui manifeste ne le fait ni sur ordre de
ses autorités, ni sur ordre d’un
quelconque parti politique. Il
s’implique dans cette vie politique en
des moments décisifs pour son pays, et
contre la partition il brandit sa
cohésion. Une cohésion soutenue
passionnément par les femmes. En effet,
qu’elles aient une activité
professionnelle ou non, elles sont
désormais nombreuses à s’avancer devant
les caméras de télévision pour exprimer
leurs opinions sur la situation.
Contre vents et
marées, les Syriens condamnent le
communautarisme sectaire à la base du
projet qui vise à vider le pays de ses
chrétiens. Les chrétiens parfaitement
conscients du danger sont montés en
première ligne pour prendre la défense
de notre pays. Nous n’avons jamais su
distinguer un chrétien d’un musulman, et
il nous est difficile de classer nos
amis sur des bases religieuses ou
ethniques, car la Syrie est une terre
d’Histoire et l’héritière de
civilisations anciennes dont elle a
thésaurisé les croyances et les
confessions.
Ceci explique la
réponse civilisée de son peuple au
démantèlement ourdi par le projet de
partition colonialiste. Les religieux
musulmans et chrétiens se réunissent
dans les églises et les salons pour
prier ensemble. Le dignitaire musulman
commence par la lecture d’un texte de
l’Évangile que le prêtre chrétien
termine par la lecture d’un verset du
Coran. Leur dernière union dans la
prière s’est déroulée le 9 janvier 2012
dans les salons de l’hôtel Dedeman en
présence de journalistes occidentaux ;
alors qu’au même moment était célébrée
une messe en hommage aux âmes des
martyrs, en l’Eglise de la Croix de
Damas et en présence du Mufti de la
République et des Évêques des églises.
Ceux qui projettent
de vider la région de ses chrétiens
n’ont pas pu ne pas recevoir ce message
éloquent !
Que faire ?
La Syrie qui
célèbre les fêtes musulmanes et
chrétiennes, la Syrie qui a envoyé son
armée pour protéger les chrétiens du
Liban lors de la guerre civile puis a
sacrifié dix mille de ses soldats pour
le protéger de l’invasion israélienne,
la Syrie qui a accueilli un demi-million
d’Irakiens suite à l’invasion de l’Irak
est aujourd’hui confrontée à une
coalition armée et fait face à une
Europe en perte de valeurs où des
personnalités de la stature de Charles
de Gaulle n’existent plus.
Elle endure une
guerre à la fois médiatique,
diplomatique et économique, prise entre
la contrebande d’armes sophistiquées et
des criminels infiltrés à partir de la
Turquie et du Liban. Mais l’Histoire a
enseigné à son peuple la patience devant
l’adversité ; il reste convaincu qu’il
remportera la victoire face à la
coalition et au projet occidental et
sioniste.
D’où notre
conviction que, dans ce contexte
particulier, prendre à cœur la défense
du peuple syrien revient aussi à
défendre la dignité, ce qu’il y a de
noble en l’humanité. Et l’intelligence
de chacun d’entre nous impunément
bafouée par les médias internationaux.
Il est du devoir
des hommes libres et des sages de ce
monde de soutenir ce peuple en dénonçant
les crimes couverts par les politiques
et les médias de l’Occident
colonialiste.
Nadia Khost
10 Janvier 2012
Commentaires de
la traductrice
«
Prendre à cœur la
défense du peuple syrien revient
aussi à défendre la dignité, ce
qu’il y a de noble en l’humanité, et
l’intelligence de chacun d’entre
nous impunément bafouée par les
médias internationaux » nous dit
Nadia Khost.
En quoi les médias bafouent-ils «
l’intelligence de
chacun d’entre nous » ?
Pouvons-nous répondre à cette
question en quelques lignes, alors
qu’au sein des médias officiels une
Armada de journalistes affirme
depuis des mois que notre «
humanité » exige
une intervention militaire pour
justement aller «
défendre la dignité du peuple syrien
» ? Cette question est essentielle
puisqu’il est désormais très clair
que si l’OTAN et ses alliés avaient
pu intervenir rapidement en Syrie à
« la mode libyenne
», ils y seraient déjà, avec ou sans
l’accord de l’ONU comme ils n’ont
pas hésité à le faire lors de
l’invasion de l’Irak en 2003. Ceci
dit, il ne semble pas qu’ils aient
abandonné leur projet, mais plutôt
que la partie est remise jusqu’au
jour où le peuple syrien et les
infrastructures du pays seront
suffisamment éreintés, pour leur
assurer « la mise en
scène » compatible avec leurs
prétendus idéaux de démocratie, de
progrès, et d’auto-détermination des
peuples.
D’ici-là, le « rôle
militaire » est dévolu aux
médias car si les citoyens savaient…
ils refuseraient d’être les
complices de tous ceux pour qui le «
veau d’or » est
désormais le seul dieu digne de foi,
et la base de la «
Nouvelle Alliance » entre les
néoconservateurs occidentaux et les
intégristes et takfiristes
orientaux, formés, dirigés, et
soutenus par la fine fleur de nos
envoyés spéciaux [2]
et… de nos vaillants philosophes.
Est- ce là un excès de langage ? Ou
bien, est-ce la conclusion logique
des déclarations et agissements des
amis de Bernard-Henri Lévy (BHL),
plutôt manipulés que manipulateurs ?
BHL en a trop fait ou trop dit… Il
s’est trahi ? [3]
Qu’à cela ne tienne, écoutons un
argument choc tel celui de Caroline
Fourest qui nous explique, sur
France 2, qu’ «
il faut défendre les
intégristes et même les jihadistes
parce que nos principes
d’universalisme nous font refuser la
dictature » ! [4]
C’est le monde à l’envers !
Mais le mainstream
médiatique et ses spécialistes de la
propagande et de l’intox, même
religieuse, sont là pour tenter de
laver le cerveau du citoyen et le
convaincre, par matraquage, que les
terroristes d’hier sont en réalité
la promesse d’un avenir radieux
après le printemps… arabe. C’est
ainsi que des bandes armées,
téléguidées de l’extérieur pour
semer le chaos en Syrie, deviennent
des révolutionnaires luttant pour la
démocratie au sein d’une prétendue «
Armée Syrienne Libre
» (ASL) ! Dixit : Sofia Amara
désormais très «
grande reporter » grâce à ce
mensonge, Manon Loizeau, Martine
Laroche Joubert… inutile d’en
rajouter !
Pourtant, après tant d’autres
témoignages, Nadia Khost n’invente
rien, surtout pas lorsqu’elle
rappelle : « La
désintégration de la Syrie et de
l’Irak en provinces ethniquement ou
religieusement homogènes, comme au
Liban, est l’objectif d’Israël, à
long terme, sur son front Est ; à
court terme, l’objectif est la
dissolution militaire de ces États
». Les références abondent pour
celui qui se donne la peine de se
renseigner sur un pays dans la
tourmente avant de se vanter d’y
être entré clandestinement [5],
mais c’est sans doute politiquement
incorrect de s’y référer, voire même
de les lire !
Prenez la peine d’écouter les
déclarations publiques de Joe Biden
avant celles de Barack Obama : «
Le lien
indissociable entre la culture, la
religion et l’ethnicité que les gens
ne comprennent pas vraiment… qui est
unique… qui est si fort avec les
juifs du monde entier… si j’étais un
juif je serais un sioniste… je suis
un sioniste » [6].
Ajoutez celle d’Ariel Sharon :
« A chaque fois que
nous faisons quelque chose, vous me
dites l’Amérique fera ceci ou cela.
Je vous dis clairement… Ne vous
inquiétez pas des pressions
américaines sur Israël. Nous, le
peuple juif, contrôlons l’Amérique,
les Américains le savent » [7].
Vous comprendrez alors trois choses
essentielles à propos des Syriens :
Leur résistance devant le projet
américano-sioniste pour un Nouveau
Moyen-Orient dépecé sur des bases
ethniques et religieuses est une
question d’existence et, par
conséquent, les médias ne défendent
pas leur dignité mais la dislocation
de leur société.
Ils sont antisionistes dans un sens
anti expansionniste puisque cela ne
peut se faire qu’aux dépens de leur
vie, de leur patrie, et de leur
région.
Les circonstances font que leur
Président, qu’ils soutiennent
majoritairement, ne peut pas
démissionner, car il ne peut se
dérober devant sa responsabilité
historique.
Mouna Alno-Nakhal,
Biologiste
15 janvier 2012.
Article proposé et traduit de
l’arabe par Mouna Alno-Nakhal pour
silviacattori.net
[1]
L’attentat à la voiture bourrée
d’explosifs conduite par un kamikaze,
faisant 26 morts et une quarantaine de
blessés, le 23 décembre 2011, à Damas.
Le 1er attentat de ce genre en Syrie
[2]
«
La DGSE va-t-elle former les déserteurs
syriens ? »,
par Céline Lussato, Le nouvel
Observateur, 23 novembre 2011.
[3]
«
“C’est en tant que juif” que BHL engage
la France dans “ses guerres”
», par Silvia Cattori, 14 décembre 2011.
[4]
Emission du
journal télévisé de France 2, « 13 h 15
», le 6 novembre 2011 où Caroline
Fourest explique qu’il faut défendre les
jihadistes libyens
[5]
« A Strategy for Israel in the Nineteen
Eighties » by Oded Yinon (with a
foreword by, and translated by Israel
Shahak), 13
juin 1982.
Odeh Yinon
journaliste et ancien fonctionnaire du
ministère israélien des Affaires
Etrangères. Cet article, envoyé à la
Revue d’Etude Palestiniennes par Israël
Shahak, est paru dans Kivunim
(Orientations), n° 14, février 1982
(Revue publiée par le Département de
l’Organisation Sioniste mondiale,
Jérusalem).
http://tunisitri.wordpress.com/2011/11/19/un-article-dune-funeste-actualitestrategie-pour-israel-dans-les-annees-1980/
«
L’agression contre la Syrie
», 2 décembre 2011.
«
L’actualité vérifie des prévisions
faites dans l’AFS en 2005
», 18 octobre 2011.
[6]
Barack Obama et
Joe Biden admettent être sionistes
[7]
«
Sharon to Peres : "Don’t worry about
American pressure ; we control America"
», 3 octobre 2001.
Le
dossier Syrie
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