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Aujourd'hui le Maroc
Des couacs visibles
Mustapha Tossa
Photo Aujourd'hui le Maroc
Lundi 28 septembre 2009
La chronique mondiale s’est faite l’écho de la mémorable
engueulade que Sarkozy avait administrée à Kouchner dans les
couloirs de l’Assemblée générale des Nations unies.
Si un journaliste effronté ose demain interpeller le ministre
français des Affaires étrangères Bernard Kouchner sur une
possible dégradation de ses relations avec le président Nicolas
Sarkozy, il aura certainement droit à cette posture indignée que
souligne le mouvement brusque d’une chevelure trop dense pour
l’âge du capitaine et d’une voix happée et usée par une longue
carrière politique. Kouchner niera certainement toutes
divergences entre lui et l’homme qui l’a fait grand ministre de
la République. Les reconnaître publiquement équivaut à une
rupture de contrat et à une démission immédiate. Et pourtant
tout indique que la grande lune de miel débutée par la magie de
l’ouverture à la sauce Sarkozy est en train de s’essouffler. La
chronique mondiale s’est faite l’écho ces derniers jours de la
mémorable engueulade que Sarkozy avait administrée à son
ministre des Affaires étrangères dans les couloirs de
l’Assemblée générale des Nations unies. Kouchner avait devancé
par une pensée très «colombe», une posture très «faucon» que
Sarkozy s’apprêtait à adopter sur le dossier iranien devant le
gotha international réuni à New York. L’engueulade était si
vive, si peu contrôlée, et si entraînante que la directrice de
l’information de France Télévision Arlette Chabot n’a pas
résisté au plaisir de placer un bon mot «Cela ferait un bon
débat sur France 2», avait-elle osé dans un trait d’humour qui
se voulait convivial. Mal lui en a pris. La foudre
présidentielle s’est retournée contre elle dans une mémorable
charge qui continue à faire débat bien loin du la Hudson River.
Même si nombreux sont ceux qui continuent à gloser sur les
critiques acerbes adressées par Sarkozy à Arlette Chabot, rares
sont ceux qui ont oublié l’élément déclencheur de l’ire
présidentielle : Kouchner sur un sujet aussi sensible que
l’Iran, à un moment crucial où il n’était pas le bienvenu pour
la diplomatie française d’afficher la moindre dissonance. Ce
tumultueux épisode américain dans les relations entre Kouchner
et Sarkozy venait de clore une autre parenthèse dans laquelle
les équipes travaillant pour les deux hommes se sont affrontées
de manière feutrée. Ce fut autour de l’élection du directeur
général de l’UNESCO. Et là où les équipes de l’Elysée avaient
montré une préférence diplomatique manifeste pour le candidat
égyptien Farouk Hosni, l’entourage de Kouchner s’est montré
sensible aux campagnes qui visaient à lui barrer la route,
notamment celle menée avec fougue par l’écrivain Bernard
Henri-Lévy et l’ancien ministre Simone Veil. L’échec de Hosni a
mis en évidence un dangereux dysfonctionnement au sein de la
parole diplomatique française, traditionnellement configurée en
priorité par le président de la République. L’opposition, si
prompte à gratter sur les blessures, s’est empressée, pour bien
montrer et souligner les divergences entre le Quai d’ Orsay et
l’Elysée, de qualifier l’échec de Hosni comme «un camouflet»
personnel de Sarkozy. Mis dans une réelle perspective politique,
ces événements ont de fortes chances de creuser une mésentente
entre les deux hommes. Surtout que le gouvernement vit des jours
tendus bourrés de folles rumeurs, à la veille d’un grand
remaniement prévu au lendemain des élections régionales de mars
prochain. Kouchner que Sarkozy avait l’habitude de présenter
comme une des plus précieuses prises de guerre à la gauche,
n’est plus assuré de conserver ni son magnétisme ni sa valeur
politique. La question qui s’impose aux esprits est la suivante
: le divorce entre les deux hommes serait-il aussi foudroyant
que leur histoire d’amour a été subite ? Les bonnes âmes
pourront toujours se consoler sur une durée jugée longue au-delà
du raisonnable de leur compagnonnage. Les véritables occasions
de se séparer n’ont pas manqué. Seul un réalisme à la limite du
cynisme les a épargné. Mais comme les meilleures idylles ont
fatalement une fin, celle que Sarkozy et Kouchner ont écrites
commence sérieusement à pâlir. Mustapha
Tossa
DNCP à Paris
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Aujourd’hui le Maroc 2009
Publié le 30 septembre 2009 avec l'aimable
autorisation de Aujourd'hui le Maroc
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