Opinion
En Libye, il n'y a pas eu de victoire
des « rebelles »
Mounadil al Djazaïri
Les "rebelles" investissent le terrain
nettoyé par l'OTAN
Lundi 22 août 2011
Un papier du Black Star News qui
a capté mon attention. Cet article
présente l’intérêt de nous rappeler les
enjeux matériels (hydrocarbures) des
opérations de l’OTAN en Libye, mais
surtout de les situer dans le contexte
de l’histoire africaine contemporaine.
Car ce qui vient de se passer en Libye
n’est pas un fait inédit : des
puissances étrangères agissant parfois
en ligues pour se débarrasser d’un
potentat gênant. Le prétexte humanitaire
n’est pas non plus une nouveauté, pas
plus que l’hypocrisie du discours
occidental.
On a l’impression que l’histoire
bégaie. En fait, nous sommes plutôt dans
une nouvelle phase de l’impérialisme
occidental qui s’est assigné la mission
absolument stratégique de contenir
l’expansion chinoise ou de tout autre
concurrent pour la domination du monde.
Ce qui se joue ici, c’est la pérennité
du leadership des Etats Unis et on
pourra dire que ces derniers n’ont pas
été déçus par leurs supplétifs
européens. Ce n’est quand même pas pour
rien que les Occidentaux ont fait ce
qu’il fallait pour tenir à l’écart
l’Union Africaine après avoir mis en
avant une Ligue Arabe discréditée
servant de vitrine diplomatique aux
monarchies rétrogrades du Moyen Orient.
Le comble de tout cela, c’est que
tout en sachant, en exposant le rôle
absolument décisif des forces militaires
de l’OTAN (près de
20 000 sorties aériennes), il est de
bon ton de saluer la victoire des
rebelles !
Or, il n’y a pas de victoire des
rebelles, mais victoire de l’OTAN et
c’est donc cette organisation qui
décidera du destin de la Libye et de ses
ressources. Exactement comme elle a
décidé de ce que serait le sort des
armes.
En conclusion, l’article invoque
les mânes de
Kwame Nkrumah, un de ces grands
hommes qu’a enfanté l’Afrique. Il est
clair que Mouammar Kadhafi était inspiré
directement par la vision unitaire de
Nkrumah. Une vision qui se voulait
optimiste mais par trop idéaliste comme
Nkrumah, avant Kadhafi, l’apprendra à
ses dépends et à ceux de son pays.
Pour l’heure, les économies
africaines (et arabes) sont trop
dépendantes du monde occidental pour
qu’une intégration africaine (ou
régionale en Afrique) soit vraiment
possible, sauf peut-être en Afrique
australe où l’Afrique du Sud pourrait
avoir la capacité d’entraîner
économiquement et politiquement toute la
sous-région.
On notera d’ailleurs dans cette
affaire que les Etats d’Afrique
sub-saharienne ont eu un comportement
souvent honorable. On n’en dira pas tant
des pays arabes qui devront boire le
calice jusqu’à la lie.
L’heure de
gloire de la Libye… Alors que l’OTAN
accélère sa conquête
Black Star News (USA) 21 août 2011
traduit de l’anglais par Djazaïri
Il y a plus d’un siècle, les
envahisseurs Italiens avaient fauché les
Ethiopiens, des civils en majorité et
obtenu la soumission de l’empereur
Menelik II.
Les journaux de ce jour là, dont le
New York Times, avaient célébré la
“grande victoire de l’Italie” en
Afrique, expliquant que la défaite des
Abyssins signifiait que la
“civilisation” avait prévalu sur la
“barbarie.” L’Afrique s’ouvrirait
désormais à un commerce profitable avec
l’occident, telle était l’opinion du New
York Times.
Puis, en 1896, Menelik II conduisant
les attaques avec l’impératrice Taytu,
frappe avec courage et une puissance
féroce, détruisit l’ensemble du corps
d’armée italien, 10 000 hommes, en
éliminant la moitié, dont la plupart des
officiers supérieurs et capturant
l’autre moitié.
Ce fut la plus grande heure de gloire
de l’Ethiopie et, de fait, le meilleur
moment de l’Afrique face à l’agression
impérialiste européenne. Le général
Oreste Baratieri, le comandant de
l’armée italienne, fut pas la suite
traduit en cour martiale en Italie et
accusé de lâcheté pour la défaite.
Aujourd’hui, les forces de l’OTAN, qui
comprennent l’Italie, s’attellent à
nouveau à la conquête et s’apprêtent à
prendre le contrôle de la Libye via
leurs hommes de paille «rebelles» et de
ses immenses richesses pétrolières –
plus de 44 milliards de barils de
réserves prouvées – et de grandes
quantités de gaz naturel.
L’Italie a aussi été autrefois la
puissance coloniale en Libye où, en tant
que puissance occupant, elle s’était
livrée au génocide des Libyens. Les
Libyens résistèrent vaillamment sous la
direction d’Omar Mokhtar qui sera
capturé et exécuté. Les Italiens seront
finalement expulses [par les Anglais,
NdT]. Mouammar Kadhafi pourrait
connaître un sort semblable, peut-être
de la main des “rebelles” de l’OTAN.
L’Italie est revenue avec ses allies
européens et les Etats Unis, avides des
vastes richesses du pays. La Libye est
si riche que chaque foyer pourrait
toucher un chèque de plus de 2 millions
de dollars si toues les réserves de gaz
et de pétrole étaient vendus aux cours
actuels.
C’est la véritable raison pour
laquelle le président US Barack Obama,
le premier ministre Britannique David
Cameron et le président Français Nicolas
Sarkozy étaient déterminés à évincer
Mouammar Kadhafi et même à ce qu’il soit
tué. Si ces dirigeants Occidentaux
s’intéressaient tant aux vies
africaines, l’OTAN aurait fait la guerre
contre les Shabab en Somalie. Les
dirigeants occidentaux tiennent les
Shabab pour responsables de la situation
politique qui a laissé la Somalie
incapable de faire face à la famine qui
sévit dans ce pays. Des dizaines de
milliers de Somaliens risquent de mourir
de faim.
De même, pourquoi l’OTAN, si elle
s’est donnée pour mission de sauver des
vies africaines, n’a-t-elle pas mené une
guerre contre les armées du Rwanda et de
l’Ouganda er leurs milices allies qui
ont causé la mort de 7 millions de
Congolaises et de Congolais depuis 1997
et qui ont aussi violé des dizaines de
milliers d’hommes et de femmes ?
La guerre d’agression de l’OTAN en
Libye est devenue claire quand le chef
du Conseil National de Transition à
Benghazi, Mustapha Abdel Jalil, a
déclaré au Financial Times que les
concessions pétrolières post-Kadhafi
seraient allouées sur la base du niveau
d’aide que chaque pays a donné aux
soi-disant « rebelles » pour déposer
Kadhafi.
L’invitation au pillage était si
flagrante qu’elle n’a pas échappé au
Russe Vladimir Poutine quand il a
qualifié l’invasion de l’OTAN d’appel à
la croisade médiévale contre la Libye.
La maximisation des destructions par
l’OTAN s’est peut-être faite avec
l’arrière-pensée de futurs contrats de
reconstruction pour les pays
occidentaux.
Les bombardements de l’OTAN ont connu
une escalade après la signature
conjointe par le premier ministre
Cameron et les présidents Sarkozy et
Obama d’une lettre ouverte parue entre
autres dans le New York Times – qui
comme il l’avait fait au 19ème
siècle continue à applaudir à la guerre
en Afrique. La lettre ouverte disait
entre autres choses que Kadhafi « doit
partir » et « partir pour de bon. » Dans
son essence, c’était une fatwa. Ensuite,
l’OTAN avait commencé à bombarder les
résidences de Kadhafi, tuant un de ses
fils et trois de ses petits enfants. Ces
dernières semaines, l’OTAN n’a même pas
fait semblant de vouloir “sauver” des
civils innocents.
L’OTAN a été responsable de ce que le
député US Dennis Kucinih a caractérisé
comme de possible “crimes de guerre” en
Libye. Le député Kucinih a écrit une
lettre à la Cour Pénale Internationale
(CPI) pour demander que la cour enquête
sur le commandement de l’(OTAN.
Un soulèvement interne authentique et
légitime est une chose, une “rébellion”
financée par l’OTAN et l’occident est
une monstruosité de plus, qui usurpe et
pervertit une insurrection endogène.
L’OTAN a maintenant un chèque en blanc
en Libye.
Alors que les media ont concentré
leurs informations sur les excès commis
par l’armée libyenne, les violations des
droits de l’homme commises par les
“rebelles” ont pourtant été signalées
tout au long du conflit: des lynchages
et des décapitations, entre autres de
Libyens noirs, et le nettoyage ethnique
de toute la population noire de Misurata
rapportée par le Wall Street Journal le
21 juin 2011 et ignoré par CNN comme par
le New York Times.
En fait, c’est après l’assassinat du
général Younes, alors que la rébellion
semblait en déconfiture, que l’OTAN a
pris le contrôle complet des combats.
Les grands media, comme le New York
Times, ont ignoré les atrocités commises
par les “rebelles” pour ne pas ”ternir”
leur image; les media ont donc préféré
ignorer ces excès du moment que le
résultat final était l’éviction de
Kadhafi.
Entre temps, le plan de paix de
l’Union Africaine; appelant à un
cessez-le-feu, à la rédaction d’une
constitution et à des élections
démocratiques a été totalement ignoré
par les présidents Obama et Sarkozy et
par le premier ministre Cameron.
L’effusion de sang et des destructions
massives auraient pu être évitées si le
président Obama avait pris son téléphone
pour dire à la secrétaire d’Etat Hillary
Clinton d’appuyer publiquement le plan
de l’Union Africaine.
De fait, les dirigeants Occidentaux
ont toujours eu la volonté de bien faire
comprendre que la destine de l’Afrique,
comme à l’époque de la conférence de
Berlin et du partage de l’Afrique en
1885, se décidait encore de nos jours
dans les capitales occidentales.
Dès les années 1960, le visionnaire
Kwame Nkrumah avait déclaré que
l’indépendance du Ghana et de chaque
pays africain pris à part était sans
signification tant que l’Afrique ne
s’unissait pas pour créer une armée et
un commandement continentaux. Il
disait qu’autrement, les pays africains
seraient incapables de protéger leurs
indépendances et leurs ressources.
L’avertissement de Nkrumah n’avait
pas été entendu; ironie de l’histoire,
Kadhafi était encore plus détesté par la
Grande Bretagne et la France à cause de
ses actions de ces dernières années en
faveur de l’unité africaine.
La Libye, isolée, a résisté pendant 6
mois aux attaques massives de l’OTAN.
L’OTAN n’aurait jamais attaqué une
Afrique unie avec une armée unique ainsi
que l’envisageait Nkrumah.
Les pays africains devraient méditer
les leçons de la Libye.
La Libye et une grande leçon pour
tout le continent. Restez divisés à vos
risques et périls.
Le dossier
Libye
Les dernières mises à jour
|