Opinion
Le Sud entre
chômeurs et «climat d'affaires»
Mohamed
Bouhamidi
Louisa
Hanoune
Mardi 19 mars 2013
La nervosité générée par le
projet de marche des chômeurs n’a
pas touché que le gouvernement
algérien. Elle a même agité la
presse algérienne, acharnée, en
février 2011, à réclamer une
intervention étrangère pour ouvrir
les chemins d’El Mouradia aux
marcheurs du samedi (1) et en finir
avec «le retour du socialisme et de
l’étatisme» qu’aurait annoncé la loi
de finances complémentaire de l’été
2009.
Il faut ajouter le réveil de tous
les activistes habituels «des droits
de l’homme et de la démocratie»,
majoritairement inscrits aux
subventions de l’UE et du Mepi, avec
en prime l’apparition d’une
association pour l’autonomie des
Aurès, présidée par un
Franco-algérien. Louisa Hanoune a
cependant jeté le trouble en
dénonçant l’exploitation des
problèmes réels par ceux-là mêmes
qui les ont créés par l’application
de leurs idées : «Toujours moins
d’Etat dans l’économie.» Mme Hanoune
a été entendue, car la réalité lui
donne raison : le montage des
agressions de la Libye et de la
Syrie, la «normalisation» d’une
subversion à ciel ouvert,
l’ingérence éhontée, et notre propre
expérience des acteurs, visibles et
invisibles, de la tentative,
toujours en cours, de démolition,
depuis 1989, de notre Etat national
en exploitant les mêmes matériaux
explosifs accumulés par les soins
des «réformateurs».
Le poids de l’opinion publique a
obligé les activistes de
«l’ingérence démocratique», au-delà
des organisateurs de la marche, à
protester de la pureté de leurs
intentions : ils ne souhaitent que
le règlement des problèmes et ne
visent pas à préparer un «printemps»
à la sauce syro-libyenne. Mais le
seul poids de l’opinion publique
n’explique pas tout. Les résultats
du «printemps» arabe ont montré que
la transition démocratique prônée
par les Euro-US ne consiste qu’à
imposer à nos peuples la seule
tyrannie théocratique comme
alternative aux dictatures d’un
nationalisme arabe que Camp David et
l’Infitah ont fait dégénérer. Les
perspectives leur apparaissent
désormais bien inquiétantes pour
leurs aspirations à un mode de vie
occidental.
Une grande part de notre opinion
publique s’est également convaincu
que le but final de ces offensives
est la partition de nos pays et le
changement des frontières, pas un
changement de régime. Si certaines
forces étaient prêtes à une trahison
pour faire main-basse sur le
pouvoir, elles ne sont certainement
pas prêtes à renoncer au pétrole.
La réponse politique des
organisateurs a été d’une grande
intelligence. Ils ont renoncé à la
marche et maintenu le rassemblement,
mais ont surtout parlé de délai avec
ce message subliminal : «Nous
verrons si votre gouvernement est
capable de gérer.» Ils ont mis en
place le test qui leur permettra de
plaider l’autonomie par l’incapacité
de l’Etat d’être réellement
national.
Ils savent très bien que le
gouvernement ne pourra rien faire en
dehors de quelques colmatages. Pour
les précédentes alertes, déjà, le
gouvernement, désarmé par les
réformes, n’a rien pu faire de
sérieux pour régler les problèmes et
éloigner au moins le spectre de la
sécession, alors qu’à Béchar, à
Djanet, à Tamanrasset des slogans
autonomistes reviennent à chaque
grande tension ou émeute, depuis
l’année 2006. Tous ses engagements
internationaux et son alignement
inconditionnel sur les thèses de l’Infitah
l’ont résolu au désengagement de
l’Etat de la sphère économique, en
dépit des délégations ministérielles
et présidentielles de ces mêmes
pays, venues arracher des contrats
pour leurs entreprises, prouvant
leur engagement total dans la sphère
économique, en venant exiger leurs
parts du marché algérien et souvent
leur dîme de nos 200 milliards de
réserves de change.
Le Sud de l’Algérie - le Nord
aussi - a besoin de développement,
pas de chantiers factices pour faire
passer la tempête. Pour le réussir,
il faut d’abord trancher la question
de sa nature. Continuera-il à
dériver pour n’être plus qu’au
service des nouvelles fortunes,
absolument indifférentes à notre
destin de nation, ou réussirons-nous
à imposer l’idée que notre Etat doit
redevenir celui du peuple tout
entier, condition impérative de sa
survie ? Les évolutions de l’opinion
publique laissent penser à une
possible reformulation du pacte de
Novembre 1954. Il faut s’y mettre
dès maintenant, car la machine de la
désintégration fait son impitoyable
chemin souterrain.
1- Les marches de la CNCD
pour le départ de Bouteflika
Publié sur
Reporters.dz
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