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Mère Agnès-Mariam de la Croix répond à Madame Marie Mamarbachi Seurat

Syrie : Les Chrétiens d'Orient redoutent la guerre civile


Mère Agnès-Mariam de la Croix
© Micheline Albert Tawil Tramp

Dimanche 25 septembre 2011

Mère Agnès-Mariam de la Croix réagit avec fermeté à l’article, paru dans le journal le Monde du 17 septembre 2011 (*), où Marie Mamarbachi Seurat condamne les Chrétiens d’Orient.

Syrie : Réponse à Madame Marie Mamarbachi Seurat

Chère Madame,

Je suis d’origine palestino-libanaise. Certains de mes parents ont été condamnés à mort par le régime syrien. Ce n’est donc pas par sympathie pour ce dernier que je m’exprime.

Vous êtes écrivain et c’est avec virtuosité que vous exprimez votre indignation face aux chrétiens d’Orient. Vous prenez la peine de rappeler vos lettres de créances dont la plus poignante est que vous êtes l’épouse d’un martyr. Le préambule autobiographique et la belle prose aux accents dantesques ne cherchent pas tant à persuader vos lecteurs qu’à dissuader ceux qui songeraient à vous contrecarrer. Non seulement votre texte balaie d’un coup de poing toute opposition de la plèbe chrétienne à votre version des faits mais vous dissuadez même nos prélats de s’exprimer au point de clôturer votre réquisitoire en assénant un tonitruant «  taisez-vous » aux Eminences qui ne se sont pas encore exprimées face à la situation de la Syrie : « Grecs et Arméniens orthodoxes, Arméniens catholiques, syriaques et jacobites, chaldéens et autres ».

Chère Madame, je m’associe à votre deuil pour votre cher et inoubliable mari. Que votre douleur soit encore vivante est compréhensible. Que vous soyez en connivence affective et militante avec l’incomparable Michel Kilo ne me surprend guère. Mais, croyez-vous que votre zèle pour la liberté d’expression et la démocratie en Syrie sur fond de votre propre souffrance, sont suffisants pour vous autoproclamer le juge suprême des chrétiens d’Orient, de leurs éthiques et même de leurs pasteurs ? N’est-ce pas dépasser les bornes de la liberté des autres ?

En essayant de ne pas être paralysée par votre réquisitoire qui, dans certains passages, a le goût âcre de l’injure et, en passant outre les propos diffamatoires de vos apostrophes, quelle ligne de conduite puis-je inférer qui mériterait votre satisfecit ? que reprochez-vous si sévèrement aux chrétiens et à leurs pasteurs ? Il est difficile de vous suivre et de retenir de votre discours une orientation constructrice.

Votre diatribe enflammée semble viser uniquement à discréditer les chrétiens et leurs pasteurs. Au lieu d’ouvrir une voie pour leur réhabilitation, vous les vouez sans nuances aux gémonies. Mais votre virulence recouvre des prémisses qui jettent de la poudre aux yeux. Avec mes frères et sœurs et nos pasteurs, je me sens décrédibilisée. C’est pourquoi j’aimerai élucider ce qui, dans votre texte, relève de la désinformation.

D’abord vous dites vous-mêmes que jusqu’à hier vous étiez une «  pro » du régime alaouite. C’est une gifle à tous ceux qui ont souffert des exactions de ce régime lorsque, mandaté ou du moins toléré par les grandes puissances pour contrôler le Liban, il a mâté dans le sang la rébellion du peuple et de l’armée libanaise réclamant leur indépendance. Sommé d’évacuer enfin ses troupes qui occupaient le Liban depuis deux décennies, le Président Bachar El Assad a reconnu publiquement les erreurs du passé. N’est-ce pas sous le contrôle syrien que votre mari a été enlevé et bientôt assassiné au Liban ? Et vous avez continué à croire en la « protection » que ce régime assurait aux chrétiens ? Que ne vous êtes-vous soulevée avec nous alors chère Madame ? Ou, plus tard lorsque les Evêques maronites avec à leur tête le Patriarche Nasrallah Sfeir ont publié leur fameuse déclaration réclamant enfin le droit du Liban à l’indépendance ?

Mais vous étiez loin de la scène libanaise comme vous avez été loin de la scène syrienne et aujourd’hui c’est d’une manière bien impromptue et, pardonnez l’expression, cavalière, que vous prenez le parti d’une cause que vous voulez nous imposer manu militari.

A peine arrivée à Damas le 22 août 2011 vous avez à cœur d’énumérer les atrocités commises dans les quarante huit heures. Où puiserez-vous vos informations si ce n’est chez Rami Abdel Rahman, dans son observatoire syrien des droits de l’homme en vraie émule de l’inlassable Jazirah, de ses sœurs de lait Al Arabiya et Al Hurra ainsi que de leurs cousines germaines d’Occident BBC et France 24 ? Vous ne prenez pas la peine de dire quelles sont ces atrocités et qui les a perpétrées, car dans votre mentalité c’est superflu. Le régime est incriminé, les manifestants sont canonisés, et diabolisés ceux qui n’adoptent pas cette vision manichéenne.

Vous anathématisez les chrétiens qui ont ouvert deux boîtes de nuit à Alep et qui ont eu le toupet de danser ! En voilà d’une preuve que notre liberté est espionnée et que nous sommes entrés, sous votre égide dans une ère totalitaire comme aux pires moments des Talibans.

Mais, vous êtes-vous seulement promenée à Mazzeh ou sur l’autoroute d’Alep n’importe quelle après-midi des quelques jours que vous avez passé en Syrie chère Madame ? Vous auriez dû frémir en voyant les familles musulmanes au complet piqueniquer sur l’herbe verte, chanter et danser la vie. C’est étonnant que vous ne mentionnez que les chrétiens parmi la population qui continue à survivre malgré les évènements.

Vous nous incriminez pour inconscience, nous et nos pasteurs pour ne nous être pas exprimé sur les exactions ni avoir escaladé nos clochers pour clamer notre désapprobation ou faire sonner le tocsin face à l’interminable succession de ceux qui sont tombés pour avoir réclamé la justice.

Enfin voilà une consigne qui tient la route ! Vous voulez que les chrétiens prennent le parti de ceux qui réclament liberté et justice ? A vos ordres ! Seulement, auriez-vous la bonté de nous orienter vers le groupe qui vous semble le plus approprié pour que nous le suivions ?

Devrons-nous rejoindre les frères musulmans de Hama ? Les salafistes de Jisr El Chaghour ? Les sbires de Al Qaïda dans la Djezzirah, aux confins de la frontière irakienne ou les disciples du cheikh Arour dans la Province de Damas ? C’est l’embarras du choix !

A ce moment-là vous voulez certainement que les chrétiens troquent la croix pour le croissant, qu’ils échangent leurs évangiles pour les corans et qu’ils s’avancent chaque vendredi aux accents de « Allah hou Akbar », « Dieu est grand » ou mieux, de «  Hayya 3alal Jihad ? Debout à la guerre sainte » ? Vous révez sans doute, par solidarité, qu’ils autoproclament leur impiété originelle en s’écriant avec leurs frères fondamentalistes « les alaouites au tabout (tombeau) et les chrétiens à Beyrouth ».

Si votre ouverture culturelle n’est pas parvenue à tant de condescendance, sans doute préconiserez-vous que nous rejoignions un groupe dissident libéral. Serait-ce celui qui obéit à la philosophie d’un Borhan Ghalioun ou à la vindicte d’un Abdel Halim Khaddam ? A moins que, proche des Alaouites, vous ne nous conseillez de rejoindre les rangs des fana de Rifaat El Assad dont la dissidence l’a certainement lavé de ce qu’il avait encore de plus odieux que toute la tyrannie de feu son frère.

Ou peut-être que votre sens altruiste nous pousserait à suivre les revendications de nos frères kurdes ? Pourquoi pas ? Pourquoi ne pas adopter le turban et la moustache et militer pour une patrie kurde aux accents gutturaux du dialecte de Soleimanié ?

Sans doute que les chrétiens doivent rejoindre tout simplement les contingents de Michel Kilo. Là permettez-moi de relever que vous le décrivez quand même comme quelqu’un de bien imprudent, qui va tout de go « forcer la main et même tordre le bras » au pauvre Président Bashar Assad à peine investi de sa charge. Détail qui nous renseigne sur le capotage du premier printemps de Damas et sur la raison pour laquelle notre vénéré vétéran de révolutionnaire a finit dans une geôle.

Tout compte fait, peut-être qu’à défaut de rejoindre l’un des groupuscules qui forment la pléiade inextricable de cette nébuleuse qu’est l’opposition syrienne, faudrait–il que les chrétiens se mobilisent et créent leur propre opposition ? Dans ce cas quelle liberté nous conseillez-vous de revendiquer, quelle justice doit-on réclamer face à nos frères ? J’entends les «  militants » d’entre eux.

Quelle démocratie invoquer lorsque la « majorité » des militants vous oblige à choisir l’islamisme ou partir ? Nous en sommes arrivés à un tel fanatisme qu’un supérieur de monastère dédié au dialogue islamo-chrétien a demandé à nos fidèles de Qâra de vendre leurs biens et de partir pour que leurs frères musulmans aient le champ libre de vivre leur foi sans entraves (sic !).

Comment faire, par exemple, pour dépasser le joug de la Charia sur nous qui professons une autre religion ? Nous aideriez-vous à descendre dans la rue pour demander qu’on nous rende nos écoles, « nationalisées », qu’on nous permette, comme nos chers Imams et élèves des écoles coraniques pour la leur, de proclamer notre Foi chrétienne et de la propager ?

Croyez-vous que la révolution en Syrie pourrait se diriger vers de telles issues ? Si vous me l’assurez je serai la première à descendre demain dans la rue crier « liberté, égalité et justice » pour les chrétiens puisque la charité bien ordonnée commence par soi-même. Mais je ne descendrai pas pour manifester pour qu’un régime totalitaire laïc soit remplacé par un régime totalitaire religieux.

Cependant, à bien sonder votre discours vous ne nous demandez pas de participer aux manifestations -que pouvons-nous y ajouter nous qui ne sommes qu’une poignée dont on se méfie bien vite- mais bien de sonner le glas des victimes de l’oppression. Là aussi il y aura quiproquo. Quelles victimes nous faudra-t-il pleurer ?et pour qui sonner le tocsin ?

Sera-ce pour celles qui sont tombées sous les coups aveugles et haineux des insurgés (ainsi notre tailleur de pierre, sunnite de Hama, a vu son cousin germain assassiné par un frère musulman qui l’incriminait de n’être pas des leurs, ou le père d’un de nos résidents, alaouite, dont le fils aîné a été frappé à mort et son taxi mis hors service par des manifestants sunnites furieux de découvrir qu’il osait circuler dans la zone de leurs activités militantes. Qui pleurer ? Les centaines de victimes des forces de l’ordre massacrées, torturées, défigurées ? Les femmes alaouites violées ? Les jeunes chrétiens tuées à bout portant par une horde fanatique à Yabroud ou à Qusayr ? Voulez-vous que nous pleurions les terroristes barbus de Homs, dopés au point de ne plus ressentir la douleur, tirant sur tout ce qui bouge, flanqués de dames afghanes expertes en dépeçage des cadavres ? Certains, regrettons-le, ont périt pour avoir voulu massacrer les populations civiles de Bab Esbah, les forces de l’ordre ont finalement reçu la permission du Président Bashar El Assad de tirer « uniquement dans un cadre d’auto-défense ».

Si vous voulez, venez chez nous et nous vous ferons rencontrer des jeunes qui ont vécu les manifestations « pacifiques », infiltrées d’intrus armés tirant à la fois sur les forces de l’ordre et sur les manifestants pour provoquer des affrontements et susciter la riposte et le cycle des violences ? Pour ces victimes innocentes je crois qu’il faut pleurer comme pour toutes les victimes des manipulations collectives.

Sans doute que, trop affairé de vous recevoir, Monsieur Kilo ne vous a pas mise au courant de la dernière décision de l’opposition. Excédée de « perdre du terrain » elle a décidé d’avoir recours aux armes. A la veille d’une guerre civile ouverte, qui voulez-vous que nous pleurions ?

Vous avez vécu l’injustice et l’incompréhension du monde. Veuillez ne pas nous les infliger.

La situation en Syrie n’est pas aussi simpliste que vous le dites. Croyez-vous seulement ce que vous avancez ? Quelles factions avez-vous visitées à Damas et où sont les photos qui nous assurent de votre ralliement à tel groupe de manifestants pour que nous le choisissions comme le groupe de référence ? Prenez la peine de vous informer sur la situation avant de prendre la croix et la bannière. Vous vous en prenez au pasteur protestant qui, à la BBC n’a pas pris fait et acte contre les bombardements navals de Lattakieh alors qu’il est archi avéré, témoins à l’appui, qu’il n’y a pas eu bombardements que sur les mises en scène des médias satellitaires de la désinformation. Nous avons des amis qui habitent le quartier, ils ont démenti formellement cette fausse nouvelle.

Votre passion pour une cause dont vous ignorez de toute évidence les tenants et les aboutissants vous pousse à critiquer le Patriarche maronite qui a eu le courage de stigmatiser, en harmonie avec les positions de tous les patriarches d’Orient, l’ambiguïté de la situation qui prévaut dans la région. Il s’est fait le porte-parole courageux de milliers de chrétiens qui n’ont été que trop spoliés dans leurs libertés fondamentales et leur dignité non par leurs frères musulmans, dont ils sont solidaires avec l’immense majorité, mais par ces grandes puissances qui viennent instaurer leur chaos créateur sur le dos de personnes ingénues et grâce au sinistre professionnalisme des escadrons fondamentalistes de la mort, dans le style du Liban dépecé et de l’Irak écartelé.

Comble de l’intolérance pour une dame qui plaide pour la liberté d’expression en Syrie : après votre verbe solennel et pathétique, vous ne tolérez qu’un silence obséquieux de la part de ceux que vous avez réussi à intimider ou le silence de l’ostracisme pour qui aurait encore la velléité de la riposte. Belle démocratie où non seulement ceux qui s’expriment sont lynchés mais où l’invective s’adresse même à ceux qui ne l’ont pas encore fait ou qui ne pensent même pas à le faire !

Quelle que soit la flamme qui vous anime, jaillie de blessures jamais cicatrisées, elle est hors de propos lorsqu’elle oblige à l’omerta vos coreligionnaires au profit de revendications faussement démocratiques, suivant un consensus international fallacieux.

J’espère qu’évolution aidant, les chrétiens puissent intégrer en tant que citoyens à part entière une vraie révolution qui change le visage pétrifié et obsolète du monde arabe. Alors on sera heureux de se côtoyer pour la bonne cause, la vraie.

Respectueusement,

Agnès-Mariam de la Croix
Higoumène du Monastère Saint Jacques l’Intercis, Qâra, Syrie
24 septembre 2011

(*) Article paru dans Le Monde :
http://www.lemonde.fr/idees/article/2011/09/17/honte-aux-chretiens-syriens_1573742_3232.html

Source :
http://www.chretiensdelamediterranee.com/

 

 

   

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Source : Silvia Cattori
http://www.silviacattori.net/...

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