Opinion
L'interview de
Sofia Amara est un faux
Mère Agnès-Mariam de la
Croix
Mère
Agnès-Mariam de la Croix
©
Micheline Albert Tawil Tramp
Dimanche 25 septembre
2011
Schizophrénie
médiatique, l’interview de Sofia Amara
La révolte du peuple syrien et sa
sanglante répression. Tel est le titre
de l’interview accordée par Sofia Amara
au magazine La Vie, repris par Chrétiens
de la Méditerranée. Les assertions
concernant la réalité de la répression
sanglante en Syrie avaient effectivement
besoin d’une enquête sérieuse. Enfin
voilà une professionnelle qui a déjà
accompagné les révolutions arabes avec
ses aptitudes non seulement
journalistiques mais aussi
philosophiques qui prend la peine de
nous renseigner.
C’est donc avec avidité que j’ai avalé
cette première entrée d’un menu que le
magazine la Vie annonce comme « copieux
» grâce à un documentaire de Arte qui
sortira le 11 octobre. Attablée,
d’autant plus goulument, que notre
protagoniste semble avoir risqué sa vie
pour nous contenter, quel constat tirer
de cette avant-première ?
On est attendri de constater les
subterfuges utilisés pour « passer
inaperçue » qui la font partir « en
couple » en Syrie, totalement ignorante
du fait que dans les pays arabes
d’obédience musulmane, la femme qui
voyage avec un homme qui n’est pas son
mari est entachée de concubinage
et…considérée comme une paria ???
Imprudence ou ingénuité au départ ?
Bref, elle débarque dans un pays qui
fait 185.000 km2 mais sans savoir où
tourner ? La peur lui a-t-elle fait
perdre son professionnalisme ? Peur dans
un pays qu’elle nous décrit, avant même
de l’avoir ausculté en (vraie)
journaliste, comme étant peuplé de «
chabbiha » qu’elle définit comme des «
miliciens en civil » alors que, dans la
nomenclature syrienne populaire, ce
terme désigne les contrebandiers armés
qui se croient tout permis pour défendre
leurs intérêts contre la population et
contre les forces de l’ordre. Premier
revers technique.
A peine atterrie voici donc notre
journaliste frappée de paranoïa : ce
pays qu’elle vient découvrir, elle y
voit déjà partout des espions de la
dictature, y compris les (pauvres)
femmes et les enfants. Une de mes sœurs
syriennes qui a lu ce récit me dit à
l’instant, offusquée : « pour qui nous
prend-t-elle ? ».
Ramenée à la réalité, Sofia doit aussi
montrer patte blanche aux manifestants
eux-mêmes qui finissent par saluer en
elle la journaliste française. Mais
voilà qu’en essayant de tranquilliser
les uns, elle met en émoi les autres,
les sbires de la dictature qui la
découvrent. Oh suspense ! Que va-t-il se
passer ?
Gourmands de détails qui accableraient
le régime, on s’attendait à des
exactions, à une prise à partie ou à des
coercitions. Mais il n’en est rien. Les
agents omniprésents du régime laissent
faire notre héroïne ! C’est le miracle !
Une première sensationnelle ! Un régime
qui a refusé aux chaînes satellitaires
les plus prestigieuses et aux réseaux
les plus puissants de la planète de se
déplacer librement sur son territoire,
devient bon enfant et laisse notre «
journaliste française » filmer les
manifestations sans permission ni
censure !!! C’est le clou du récit. Au
moment où les ambassadeurs accrédités en
Syrie sont interdits de circuler en
dehors de la zone de Damas, et où
l’ambassadeur de France lui-même est
accueilli par la population par des jets
d’œufs et de tomates, voilà que notre
journaliste, bien que dévoilée par les
autorités, a été laissée en liberté
absolue. C’est ubuesque. Elle a ainsi
rôdé dans un rayon de deux cents
kilomètres sans que personne ne la
harcèle ou ne l’en empêche. Comment
expliquer cette bonhomie de la part
d’une dictature sanguinaire ? Mystère.
Notre amazone met en place un scénario
qui n’a rien de convaincant pour parer à
l’énormité qu’elle nous sert : c’est à
l’aéroport que les malandrins se vengent
sur elle de leur laisser aller
incompréhensible. Une heure et demie
d’interrogatoire de laquelle elle sort
victorieuse grâce au « souk » qu’elle a
vaillamment mis en scène et, surtout,
parce que les policiers étaient
incompétents. Constat abasourdissant :
la dictature qu’elle cherche à nous
décrire est en fait à l’eau de rose.
Aussi notre protagoniste s’en sort saine
et sauve et peut quitter la Syrie corps
et biens, malgré ses infractions, avec,
en plus, cerise sur le gâteau, une copie
de ses rushes dans la poche…
J’aimerais savoir si dans n’importe
quelle démocratie au monde on pourrait
filmer impunément des séquences qui
compromettent les dirigeants, mieux,
l’Etat lui-même en proie à une
insurrection, déjà armée, et s’en sortir
à si bon compte ???
On dirait que le but de l’article est de
réhabiliter indirectement le régime
syrien qui, à défaut d’être implacable
comme on le dit, est ignare. C’est quand
même scandaleux.
Mais passons outre. Ce qui importe ce
n’est pas l’apéro mais le plat de
résistance.
Qu’allons-nous goûter de l’Odyssée de
notre nouvel Ulysse ?
Sans savoir où filmer, Sofia se retrouve
pourtant parachutée à Rastan, à cent
quatre vingt kilomètres au Nord de
Damas, dans la voiture d’un Omar,
coordinateur de la révolution sur place.
Elle ne veut pas le nommer par mesure de
précaution mais, faux-pas dangereux…elle
le fait repérer quand même à cause d’une
faute professionnelle de sa part qui
révèle sa plaque d’immatriculation.
Difficile d’imaginer une plus grande
maladresse, sauf si elle est pour servir
la « bonne cause » : nous faire croire
qu’elle a été vraiment présente en Syrie
et que ce que nous voyons est bel et
bien localisé. J’espère ne pas faire une
calomnie !
Mais, ressentant de plus en plus un
creux à l’estomac, continuons notre
lecture, qui sait si j’arriverai à
croquer quelque chose de consistant ?
Qui sont les activistes que Sofia Amara
a rencontrés dans son périple ? Voilà
des personnages qui nous intéressent
enfin. Ce sont dit-elle des étudiants en
finance et en droit international. Elle
ajoute pour nous attendrir qu’ils sont «
des chômeurs ». Depuis quand un étudiant
est-il au chômage ? Elle assure que,
dans leur majorité ce sont des sunnites,
et elle les « oppose » à la « minorité »
qui sont alaouites, chiites au pouvoir.
Voilà qui est tendancieux et vise à
mettre en relief les différences qui
séparent et non les points communs qui
unissent un peuple. Ces « sunnites »,
elle affirme que leur motivation est
avant tout politique et non religieuse
alors que tous les médias, et elle-même
aussi les abordent à partir de leur
spécificité religieuse ??? En effet, si
le projet est politique et non religieux
pourquoi prendre la peine d’étiqueter
les personnes à partir de leur
appartenance religieuse ?
« Tous, dit-elle, d’un ton faussement
œcuménique, souhaitent l’avènement de la
démocratie et se considèrent comme un
seul peuple ». Tableau idyllique que
tous nous souhaiterions être vrai mais
qui est malheureusement faux et, même,
frauduleux de la bouche de quelqu’un qui
prétend avoir « vu » alors que
l’opposition est divisée en factions
antagonistes et peine à se souder, alors
que la fracture confessionnelle est sans
cesse alimentée et ravivée. Le comble
c’est lorsque je l’entends parler de
Hama en la soustrayant à l'égide des
frères musulmans alors que
l’administration américaine elle-même
assure que les frères musulmans sont
l’option pour le futur de la Syrie,
avalisant expressément la visite de son
ambassadeur en cette ville pour montrer
son appui à cette faction considérée
comme « martyrisée ». Il est vrai qu’il
y a eu une répression terriblement
sanglante de la part de Hafez El Assad
mais elle avait été précédée par des
mois d’attentats et d’assassinats sur
tout le territoire syrien, culminant
dans le massacre du corps des cadets de
l’armée.
Lorsque Sofia Amara assure que les gens
de Hama veulent un régime laïc et même
juif nous tombons dans la schizophrénie
médiatique. Aussi nous qui vivons en
Syrie et avons des parents, des amis,
des ouvriers, des contremaîtres et des
connaissances un peu partout nous
relevons ce qui suit :
1- Les manifestations ont lieu les
vendredis au sortir des mosquées,
pourquoi ?
2- Les slogans sont des slogans de plus
en plus religieux : des « Allah hou
Akbar » (Dieu est grand), « Hayya alal
jihâd » (allons à la guerre sainte) et
des inepties contre le régime et contre
les citoyens qui sont d’une autre
religion : « les Alaouites au tabout-tombeau-
et les chrétiens à Beyrouth ».
3- L’insurrection n’est plus le fait de
jeunes « étudiants en finance et en
droit international mais, de plus en
plus, celui d’une majorité de personnes
peu éduquées acquises au fondamentalisme
musulman ou à la dissidence pour la
dissidence sans aucun projet viable
autre que la « chute du régime ».
4- Cette insurrection est armée et
appuyée par des escadrons de la mort qui
se manifestent de plus en plus et
terrorisent la population et les forces
de l’ordre.
5- Tous les médias excitent
insidieusement les différences
religieuses de sorte que la guerre
confessionnelle est aux portes. Avec
l’assassinat, le viol et les exactions
des sunnites fondamentalistes contre les
alaouites ou les chrétiens on cherche à
créer une contre-réaction qui tarde à
venir, précisément parce que l’Etat
empêche la riposte. Il y a eu des
réponses ponctuelles, comme à Qusayr,
qui n’ont duré que quelques heures après
une agression de la part des islamistes.
6- Nous sommes en train de créer un
réseau d’information pour mettre au
courant les personnes désireuses de
savoir la vérité sur les exactions
quotidiennes dont sont victimes les
civils et les forces de l’ordre de la
part des rebelles.
Pour finir, j’aimerai aborder ce que dit
Sofia Amara au sujet de Homs. Et je me
permets de le faire face à face : «
Madame Amara, vous mentez en relatant la
situation de Homs. Vous vous révélez
manipulatrice en parlant à la place des
chrétiens qui, à Homs, ont eu plusieurs
jeunes assassinés par les rebelles et
non par les forces de l’ordre et quatre
filles enlevées et violées. Nos prêtres
et nos coreligionnaires sont sur place
et peuvent vous renseigner. Nous sommes
sur place et vous, on ne sait même pas,
si vous êtes vraiment passée par la
Syrie comme vous le prétendez. Pour
faire entendre un autre son de cloche,
et libre aux lecteurs de fixer leur
opinion, je mets en annexe les propos
que j’ai recueillis moi-même du curé de
Bab Sbah, le fief même de la rébellion à
Homs. Ils verront que votre version
n’est pas la bonne.
Concernant les chrétiens qui vous sont
antipathiques, on le sent, sachez que le
régime Assad n’a rien fait pour rassurer
les chrétiens. Il continue
imperturbablement à être ce qu’il est,
tout en engageant les réformes qui lui
semblent nécessaires, imposées par la
majorité silencieuse. Les services
secrets continuent à être aussi
inflexibles que d’habitude. A Homs ce ne
sont pas des iraniens chiites mais des
afghans, des irakiens, des jordaniens et
des libanais sunnites qui ont été
attrapés par les jeunes des comités
populaires comme je l’ai déjà dit dans
un autre article.
L’armée syrienne n’a besoin de personne
pour agir, surtout pas du Hezbollah qui
est insignifiant pour le million
d’hommes qui forme les effectifs de ses
troupes et des autres corps des forces
de l’ordre. Ce sont les insurgés qui ont
besoin d’être aidés et ils le crient à
tue-tête et réclament une ingérence
étrangère ce qui leur a valu la grogne
de certains ténors purs et durs de
l’opposition.
Permettez-moi de le dire : Vous êtes
malveillante Madame Amara lorsque vous
parlez de l’armée syrienne qui est une
armée nationale, comme si elle était une
milice. Vous êtes dans la rancœur et la
haine lorsque vous décrivez de cette
manière fausse et hypocrites les
hôpitaux dont nous connaissons les
médecins qui se dévouent sans cesse
auprès des victimes, qu’elles quelles
soient.
Et, pour terminer, vous nous servez le
gâteau en affirmant à tue-tête qu’à
cause de votre reportage qui n’a
pourtant pas encore été publié des
Syriens ont été arrêtés ? Par qui ? Et
pourquoi ? Puisque nul n’a encore vu
votre reportage. Et si on l’a fait
pourquoi ne vous a-t-on pas arrêtée
vous, Madame Amara ? Par peur de votre
souk ? Ou par incompétence des
policiers ? Votre récit ne tient pas la
route, il est un conte à dormir debout.
Et, ce qui est pire, vous nous prenez
pour des imbéciles.
Ce que vous nous servez est en fait un
faux-témoignage. Vous n’avez même pas
pris la peine de l’agencer d’une manière
crédible. Et pourquoi vous
dérangeriez-vous ? Vous avez une
audience anesthésiée par les mass média
de la fraude qui s’est pliée à avaler
tout ce qu’on lui sert. Bon appétit à
nous tous ! Et dommage pour les
plateformes qui vous accordent une
crédibilité qui demeure, malgré tout,
indigeste.
Agnès-Mariam de la Croix
ANNEXE
Le curé de Bab Sbah, à Homs, relate ce
qui suit le 25 septembre 2011 :
« Ces deux dernières semaines la
situation à Homs était des plus tendues.
La population sunnite de Bustan Diwan,
Bab Dreib, Bab Sbaa, s’était ralliée à
30 % à Bilal El Ken, Emir autoproclamé
de la principauté (Imârat) de Homs. Ce
dernier avait loué de la famille
Traboulsi une grande villa dans le
quartier huppé de Warcheh où il avait
installé son Quartier Général. Ce Bilal
El Ken, était fort de plusieurs
centaines d’hommes, armés jusqu’aux
dents. La plupart sont recrutés parmi
les artisans de la classe pauvre de
Homs. De toute évidence ils ne sont pas
entraînés au port des armes ce qui les
rend plus dangereux car ils tirent dans
tous les sens, surtout lorsqu’ils
sentent le danger. Mais ils sont
encadrés par des professionnels de la
nébuleuse salafiste internationale :
afghans, irakiens, séoudiens, libanais
ou jordaniens. Les jeunes des Comités
populaires en ont capturés quelques-uns.
Ces groupuscules ont pour mission de
terroriser les forces de l’ordre et
l’armée pour les faire démissionner
ainsi que de dissuader la population au
cas où elle chercherait à contredire
l’opposition.
Profanation à l’église de Saint Elian et
enlèvement de jeunes chrétiennes
Depuis une dizaine de jours les
salafistes ont forcé la porte de
l’antique église Saint Elian à Homs. Ils
pensaient que les ustensiles sacrés
étaient en or aussi les ont-ils raflés.
L’Evêque grec-orthodoxe a eu le courage
d’aller voir l’Emir de Homs, Bilal El
Ken. Il lui a dit «Nous sommes des
frères et avons toujours vécu ensemble.
Pourquoi tu nous a pris nos vases
sacrés ?, tu dis que tu te passes des
forces de l’ordre, il t’appartient donc
de nous défendre ». Bilal a rassuré
l’Evêque sur les intentions des insurgés
mais a nié avoir commandité la rafle.
Puis les sbires de Bilal El Ken
enlevèrent quatre filles chrétiennes
d’un minibus faisant l’aller retour de
Homs à Zeidal. L’une d’entre elles, Maya
Semaan, fut rendue au bout de quatre
jours, de toute évidence violée. L’armée
intervint alors pour mettre une limite
aux exactions des salafistes. Bilal fut
tué le 7 septembre 2011 durant les
affrontements et son quartier général
fut perquisitionné. On y trouva les
vases sacrés volés et ils furent rendus
à l’église de Saint Elian.
Bilal El Ken, le défunt Emir de l’Emirat
salafiste de Homs
La désinformation assure que Bilal EL
Ken est un officier dissident faisant
partie de l’armée libre de Syrie. Il
n’en est rien. Les salafistes ont mis la
main sur un dépôt d’uniformes de l’armée
syrienne. Ils s’en revêtent et se font
passer pour des officiers et des soldats
repentis. Ce sont les gens du quartier
de Bilal à Bab Sbah à Homs qui affirment
que toute sa vie cet individu était un
voyou qui s’est converti au wahabisme
salafiste par pur intérêt. Les musulmans
modérés se plaignent de lui autant sinon
plus que les chrétiens. Ils l’accusent
de viol, séquestration, terrorisme,
intimidation et fondamentalisme
meurtrier.
Ces jours-ci les rues sont plus calmes.
On entend cependant toujours des rafales
de balles. Maintenant on peut sortir
pour les achats nécessaires, mais depuis
quinze jours on était terrés à la
maison. Homs était devenu un champ de
bataille. Les insurgés ont des armes
lourdes qu’ils utilisent sans
discernement. Avec les RPG ils peuvent
détruire les chars de l’armée. La façade
de l’Evêché est criblée de balles et
quelques vitres sont cassées. Etant
situé sur une ligne de démarcation le
bâtiment aurait dû être beaucoup plus
endommagé. Il faut remercier l’armée qui
avance avec un soin infini en ne visant
que les barricades des terroristes et
leurs lieux de rassemblement et en
évitant de toucher les bâtiments civils.
Cependant ceci n’a pas encouragé les
locataires de l’Evêché à y rester. Il
semble abandonné dans un quartier
ravagé, autrefois si paisible.
Les groupes salafistes continuent à
investir plusieurs quartiers de Homs,
surtout Bab Amr. Ils ont juré d’empêcher
les écoles d’ouvrir à travers ce
slogan : « La dirassé wa la tadriss hata
isqat al ra2is » (« Pas d’études ni
d’enseignements jusqu’à faire tomber le
Président »). Les écoles publiques ont
ouvert et les écoles privées ouvriront
la semaine prochaine mais les salafistes
tirent sur les écoles ce qui dissuadera
les parents d’envoyer leurs enfants. De
plus les « manifestants » ont décidé de
marcher dans la rue au moment de la
sortie des écoles. Sur les photos et les
vidéos il y aura plus de monde et, c’est
çà fait bien que les écoliers et les
étudiants paraissent faire partie de
l’opposition.
Mes paroissiens et nos amis musulmans
nous nous regardons souvent avec une
interrogation lancinante : que s’est-il
passé pour que nous en soyons arrivés
là ? Au début j’ai approuvé tacitement
que quelques uns de nos jeunes aillent
aux « manifestations » avec leurs
camarades. C’était une belle expérience
de solidarité et de revendication noble
et légitime. Mais, très vite, ces
manifestations sont devenues d’une autre
teneur. Nous avons vu des barbus armés
et drogués tirer partout d’un œil
hagard. Je vous en avais déjà parlé,
mais vous me dites qu’on ne vous croit
pas ?
La grande majorité des jeunes s’est
retirée. Les chrétiens ne sentent plus
que les revendications les interpellent.
Il n’y a d’ailleurs aucune autre
revendication que d’en finir avec le
régime et cela est crié blasphèmes à
l’appui au son des « Allah Akbar »
islamiques.
Les jeunes ou moins jeunes qui sont
restés fidèles au mouvement
contestataire sont réapparus armés, et
farouches. Auparavant nul ne parlait de
la religion de l’autre. Aujourd’hui on
entend des injures contre les chrétiens
et les alaouites et…vice versa. C’est
une situation désastreuse qui laisse
présager le pire.
Redevenir Dhimmi ?
Un dhimmi est un citoyen de l’état
islamique qui n’est pas musulman. Il est
traité comme un citoyen de seconde zone.
Il doit verser une capitation pour être
« protégé » par l’état islamique. Il n’a
pas les mêmes privilèges que les
citoyens musulmans.
L’autre jour j’étais chez le mécanicien
à Sinaa (la cité industrielle).
Celui-ci, un fervent sunnite, me
questionne à brûle-pourpoint : « Que
pensez-vous des affirmations du
Patriarche Maronite ? on dirait qu’il a
peur pour les chrétiens si le régime
tombe ? ». Je lui réponds : « Je pense
qu’il a raison. Il est difficile pour un
chrétien d’aujourd’hui d’accepter de
redevenir un dhimmi. Nous n’accepterons
pas »
Il rétorqua : « Mon frère, il ne faut
pas avoir peur de nous, nous vivons
ensemble. »
Je lui précisais : « Dans un état
islamique nous ne vivrons pas en égaux.
Accepterais-tu d’être traité par un
chrétien comme un citoyen de deuxième
catégorie ? ».
Il sursauta et je renchéris : « Ce n’est
acceptable ni chez nous ni ailleurs, ce
serait retourner en arrière, au
Moyen-Âge, vers un régime basé sur une
discrimination confessionnelle. C’est
pourquoi les chrétiens ne briguent pas
un état chrétien mais préfèrent un
régime laïc devant lequel nous sommes
tous citoyens aux droits et devoirs
égaux abstraction faite de leur
appartenance religieuse. Tandis que
votre réclamation d’un Etat islamique
vous amènera, une fois qu’il sera
instauré à distinguer derechef les
musulmans des non-musulmans ».
Mon mécanicien ne répondit plus rien.
Le
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