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Cuba
L'argent de RSF intrigue le Médiateur européen
Maxime Vivas
Rappelons les faits.
En 2003/2004, l'Union européenne (UE) a octroyé 1 293 303 euros
à RSF.
Le 1er février 2005, Reporters sans frontières a adressé une
lettre publique comminatoire au Président de l'Europe l'adjurant
de l'aider à provoquer une « transition démocratique » à
Cuba. L'expression « transition démocratique » est utilisée
par l'Administration Bush pour signifier : liquidation du
gouvernement cubain et gestion de l'île sous protectorat US.
RSF énonçait des prescriptions précises : « Il
nous paraît indispensable que l'UE apporte son soutien aux agences de presse indépendantes,
ainsi qu'aux organisations de syndicalistes, de bibliothécaires, médecins, économistes,
etc. »
On voit là que RSF balaie pratiquement tout le champ politique en
préconisant d'intervenir dans les systèmes médiatique, social,
culturel, médical, économique, ainsi que dans le sibyllin « etc. ».
« Etc » ? Si l'on en croit Nestor Baguer, journaliste «
dissident » cubain longtemps appointé par RSF et recruté à La Havane par Robert Ménard
en personne (qui apprendra trop tard que c'était un agent de la sécurité
cubaine), RSF s'intéresse aussi à une possible dissidence dans
la police et dans l'armée.
Bref, sous couvert de la défense des journalistes dans le monde,
RSF mène-t-elle des actions factieuses avec l'argent de l'Europe ? Si
oui, ne s'agit-il pas d'un détournement des fonds pour un usage incompatible avec
les règles qui régissent les rapports entre Etats, ici entre Cuba et
l'Europe, cette dernière n'ayant jamais inscrit dans ses objectifs le
renversement d'un gouvernement qui ne représente aucune menace pour elle et avec
qui elle entretient des relations diplomatiques normales ?
Pour le savoir, j'ai déposé, le 3 février 2005, une plainte
contre RSF auprès de l'UE en lui demandant de s'assurer du bon usage des
subventions.
A commencé alors le jeu de la patate chaude. Entre février 2005
et juin 2006, ma plainte a hanté les bureaux de M. Nikiforos
Diamandouros,
médiateur européen, Mme Rachel Doell, sa secrétaire, M. Joa Sant'Anna chef
du département administratif et financier, M. Daniel Koblentz, Mme
Josiane Pailhès, membre de la Commission, Mme Marjorie Fuchs, juriste au
bureau du Médiateur, M. Giuseppe Massangioli, directeur de la Direction G
du Secrétariat général, M. Ian Harden, du bureau du Médiateur et
jusqu'à M. José Manuel Barroso, Président de l'UE. Ce dernier fut la 9ème
personne à compulser un dossier avançant au rythme des carabiniers
d'Offenbach (qui chantent sur scène « Marchons, marchons », en faisant du
surplace).
Pressé de questions par mes différents interlocuteurs, j'ai pu
préciser que 779 304 euros avaient été versés à RSF en 2003 et 513 999
euros en 2004 « pour la défense des journalistes emprisonnés en Asie et dans les
pays ACP » (Afrique, Caraïbes, Pacifique) » dans le cadre de «
l'Initiative européenne pour la Démocratie et les Droits fondamentaux ».
Nous avions là les différents protagonistes, (RSF et l'UE), les
années budgétaires de versements, les montants, l'intitulé de l'usage
prévu des fonds.
Et ma question était simple: Votre (notre) argent a-t-il été
utilisé à bon escient ou détourné pour d'autres causes ?
Finalement, la réponse de l'UE fut : si vous ne fournissez pas «
la référence exacte du contrat » avant le 31 juillet 2006, la
plainte sera classée.
A ce moment-là, je me suis persuadé que si je parvenais (par une
intrusion nocturne dans les bureaux de l'UE ?) à lui fournir le
renseignement qu'elle seule possédait, on me demanderait ensuite l'heure de signature
et la marque du stylo, voire le signe zodiacal des signataires et les numéros
de sécurité sociale de leurs ascendants.
Entre temps, RSF avait reçu le prix européen Sakharov, j'avais
appris que l'UE a négocié avec les USA des dérogations à la loi
extraterritoriale US Helms-Burton (qui limite le commerce avec Cuba) en échange de
condamnations répétées de l'île des Caraïbes, que Lucie Morillon, la représentante
de RSF à Washington, avait révélé que le contrat de RSF avec le
Center for a Free Cuba (paravent de la CIA oeuvrant à la « transition démocratique
») oblige l'ONG, en échange de dollars, à agir contre ce pays.
L'affaire étant entendue, je jetai l'éponge. Au demeurant,
l'objectif n'était pas de faire condamner RSF par l'Europe (ne rêvons pas), mais de
mettre à nue les collusions RSF/USA/UE.
Mais voilà que (surprise !) le Médiateur européen m'écrit, le
18 juillet 2007. Et pour me dire quoi ? Qu'il ne comprend pas pourquoi la
Commission européenne ne m'a fourni aucune réponse, qu'il suppose que l'UE
détient un registre décrivant les subventions versées ainsi que les actions
promues avec cet argent, que j'ai clairement exposé mes préoccupations :
déstabilisation « de gouvernements légitimes en utilisant les
fonds
européens pour la défense des journalistes. », qu'il fait part
de ces observations à la Commission européenne en lui demandant
pourquoi elle a été « incapable » de répondre à ma plainte.
Bref, il n'est pas content, il s'interroge, négligeant la date
butoir à laquelle devait être fourni, à ceux qui l'ont signé, le numéro
du contrat incriminé.
Pourquoi ce rebondissement ?
Parce qu'un nombre croissant de pays dans le monde n'admet plus
l'acharnement anti-cubain des affidés des USA ?
Parce que l'Espagnol José-Maria Aznar est sur la touche et que
José-Luis Zapatero agit autrement ?
Parce que, le 12 juin 2007, la Française Christine Chanet, représentante
du Haut-commissariat des droits de l'homme à l'ONU, dénigrant Cuba
à Genève lors de la réunion du Conseil des droits de l'homme a suscité
l'indignation ouverte de 26 pays membres sur 47 ?
Parce que de plus en plus d'Etats-uniens préconisent une autre
approche du cas cubain ? (Wayne S. Smith qui fut le représentant des
Etats-Unis à Cuba dans les années 80 a écrit, le 22 juillet 2007, que « Le plan
d'action de Bush ne marche pas »).
Parce que l'Europe perd peu à peu toutes ses positions économiques
et commerciales à Cuba, laissant la place libre à la Chine
aujourd'hui, et aux USA demain ?
Parce que RSF commence (enfin !) a sentir le soufre ?
Ou tout simplement parce que le traitement de ce dossier par la
Commission européenne relève d'un « foutage de gueule » dans lequel le Médiateur
lui-même est méprisé ?
Pour plusieurs de ces raisons ? Pour d'autres à découvrir ?
Allez savoir ! Ce qui est sûr, c'est que la question : une « ONG
» peut-elle ouvertement utiliser l'argent du contribuable européen dans l'intérêt
des USA n'est pas enterrée.
A suivre donc, sans illusion, mais en se délectant du numéro de contorsionniste/transformiste d'une Europe invitée par Cuba à
reconsidérer, sans précipitation, son comportement.
Le 18 juin 2007, le ministère des Relations extérieures cubain
publiait un communiqué invitant l'Union européenne à « rectifier les
erreurs commises envers Cuba ». Et d'ajouter orgueilleusement : « Mais rien ne
presse: nous avons tout le temps du monde ».
En effet, en multipliant ses échanges commerciaux avec un nombre
croissant de pays non européens, Cuba desserre l'étau US. Les campagnes
médiatico-politico-RSfiennes agissent surtout comme des
boomerangs.
En mêlant ses euros aux dollars entassés dans la caisse de RSF,
l'Union Européenne joue contre son camp.
Maxime Vivas
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