Intelsat et Eutelsat
Europe et Usa
coupent[1] la télévision
iranienne. Censure ?
Marina Forti
Lundi 5 novembre
2012
Depuis quelques semaines les réseaux
satellitaires de la Radio-Tv d’état iranienne
ne sont pas visibles depuis le
territoire européen et depuis celui des
Etats-Unis. Il s’agit de plusieurs
chaînes :
Press TV en anglais,
Al-Alam en arabe et diverses chaînes
en langue farsi : des chaînes
entièrement d’information jusqu’à celles
de sport, dessins animés, programmes
didactiques, films, entretien sportif,
radios etc. : toutes les transmissions
satellitaires de
Irib,
la société radiotélévisée d’état
iranienne, sont
off air.
Ou, plus exactement, elles
transmettent de Téhéran, et continuent à
aller sur la chaîne satellitaire
iranienne
Sahar : mais depuis le 15 octobre
celle-ci n’est plus relayée par les
satellites de télécommunications gérés
par Intelsat et Eutelsat.
Il s’agit d’une décision
politique, c’est évident, mais le motif
(allégué,
NdT) n’est pas très clair.
Les deux sociétés de télécommunications
évoquent les sanctions contre l’Iran
décrétées par le gouvernement des
Etats-Unis et par l’Union européenne :
et pourtant jamais des sanctions
spécifiques contre les transmissions
radio et télé n’ont été approuvées.
Ont-elles reçu des requêtes précises de
la part des gouvernements respectifs ? A
notre demande de précisions, le bureau
de presse d’Intelsat nous a répondu que
non, « nous n’avons reçu aucun ordre du
gouvernement des Usa (Intelsat opère
sous licence étasunienne et répond à la
normative étasunienne sur les
télécommunications). « Notre
fonctionnons dans un
business dynamique dans lequel les
requêtes des clients et la capacité
disponible changent sans cesse : de ce
fait lancer ou arrêter des services sur
nos satellites est une routine », nous
dit le bureau de presse d’Intelsat (par
email). Puis ajoute : « Intelsat adhère
étroitement aux demandes des sanctions
Usa dans les services qu’il fournit à
l’Iran ».
Décision de « routine » ou dictée
par les sanctions ? Le bureau de presse
d’Intelsat ne répond pas.
Eutelsat, elle, est une société
française et gère les satellites de
télécommunications
Hot Bird en consortium avec
Arqiva (britannique) : dans un
communiqué du 15 octobre elle annonce
avoir arrêté de transmettre les chaînes
iraniennes « sur la base des sanctions
réitérées de l’Union européenne » et
après que « l’autorité française pour
l’audiovisuel a confirmé sa décision,
prise en 2005,
d’éteindre de façon permanente la
chaîne
Sahar 1, qui transmet les services
radiotélévisés d’Irib, par les
satellites
Hot Bird ». Il y a donc eu ici un
ordre précis de la part du gouvernement
de Paris, qu’Eutelsat, en tant que
société française, « est tenue de
suivre ». Peut-être dans un souci
d’approfondissement de sa motivation, le
communiqué note que le président d’Irib,
Ezzatollah Zarghami, a été placé le 23
mars dernier dans la liste des personnes
que l’Union européenne sanctionne
individuellement à la suite de
violations des droits humains accomplis
par la télévision d’état iranienne dans
ses programmes. La sanction individuelle
à l’encontre du président de la société
radiotélévisée de Téhéran peut-elle
justifier la coupure de toutes les
transmissions venant d’Iran, des
informations jusqu'aux émissions
d’entretien sportif ? Inutile de
demander de plus amples précisions : le
bureau de presse d’Eutelsat répond en
renvoyant à ce communiqué officiel.
Il
est difficile de comprendre la logique
d’Intelsat et d’Eutelsat, ou des
gouvernements qui l’ont sollicitée. Le
résultat est que les radios et
télévisions iraniennes en Europe et en
Amérique du Nord sont coupées (« obscurcies »),
comme sont coupées en territoire iranien
les transmissions de
BBC Persian ou de
Voice of America[2].
Une mesure de rétorsion ? Qui empêche
cependant l’information et le pluralisme
des points de vue, c’est-à-dire tout ce
qu’on reproche à l’Iran de ne pas
respecter. En effet, quand l’Iran
brouille (interdit,
NdT) les télés occidentales, ça
s’appelle censure. Quand ce sont les
Européens ou les Américains (du
nord, NdT) qui coupent les
transmissions iraniennes, comme cela
s’appelle-t-il ?
Edition de samedi 3 novembre 2012 de
il manifesto
http://www.ilmanifesto.it/area-abbonati/in-edicola/manip2n1/20121103/manip2pg/06/manip2pz/331146/
Traduit de l’italien par Marie-Ange
Patrizio
[1]
Titre original
italien
“Europe e Usa oscuranno la tv iraniana.
Censura
?” : le terme
oscuranno utilisé par l’auteur
devrait être traduit par
obscurcissent,
assombrissent ou brouillent; la
traductrice choisit d’employer ici le
terme couper, qui recouvre plus
clairement la réalité technique et
politique de l’opération contre la
société Irib. Le lecteur jugera par
lui-même de l’opportunité du point
d’interrogation posé par l’auteur (ou la
rédaction du journal) à propos de la
catégorie censure.
[2]
Voir apostille et
http://www.voltairenet.org/Hugo-Chavez-et-RCTV-censure-ou
.
Apostille de la traductrice :
A propos de la censure exercée par les
réseaux satellitaires européens et
étasuniens, voir :
Le Royaume-Uni suspend la liberté
d’expression de Press TV au nom de la
liberté d’expression
Réseau Voltaire,
20 janvier 2012. Extrait :
« Prompts à qualifier d’ « atteinte à la
liberté d’expression » la
révocation de la licence d’une chaîne de
télévision pour avoir ouvertement appelé
et participé à l’organisation d’un coup
d’État, les pays européens
n’hésitent pourtant pas à bloquer pour
des raisons manifestement fallacieuses
la diffusion de chaînes satellitaires
qui critiquent leur politique. »
http://www.voltairenet.org/article172430.html
Et
Post-démocratie : Press TV censuré en
Allemagne
Réseau Voltaire,
5 avril 2012. Extrait :
«[…] Ces
interdictions administratives de
télévisions du Proche-Orient visent à
l’évidence à empêcher les citoyens
européens de prendre connaissance d’un
point de vue particulier sur les
conflits de cette région, alors même
qu’un débat est ouvert sur de possibles
guerres auxquelles les Européens
participeraient. En ce sens,
elles contreviennent aux résolutions
381 [3]
et 819 [4]
de l’Assemblée générale des Nations
Unies, lesquelles font obligations aux
États membres de « supprimer les
obstacles qui empêchent les peuples de
procéder au libre-échange des
informations et des idées, condition
essentielle de la compréhension et de la
paix internationales. »
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