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Décodage anthropologique en direct de l'histoire contemporaine

Andres Behring Breivik et l'anthropologie critique
Manuel de Diéguez


Manuel de Diéguez

Dimanche 30 septembre 2012

Introduction

Au XVIIIe siècle, les Voltaire et les Diderot incarnaient l'avant-garde de la raison et de l'intelligence sur notre astéroïde. Que diraient-ils aujourd'hui d'un grippage de la pensée et de la philosophie mondiales qui réduit les armes de guerre contre la religion musulmane à l'ignorance et à la sottise de quelques caricaturistes? Comment se fait-il que l'esprit critique de la civilisation de la science ait dégénéré au point qu'il ne nous reste que quelques dessinateurs ridicules, comment se fait-il que le culte de la "liberté d'expression" paie tribut à la vulgarité et à l'infantilisme au point d'interdire le combat contre l'inculture et la bêtise, tellement le respect de la "tolérance" met désormais la faiblesse d'esprit elle-même à l'abri des offenses de la raison? Si le siècle des Lumières avait combattu le christianisme avec les armes de Charlie Hebdo, non seulement la censure ecclésiastique mais les tribunaux de la Sainte Inquisition auraient encore de beaux jours devant eux.

Mais puisque l'on n'a trouvé aucun écrivain et aucun philosophe pour traiter de la question centrale des relations que toutes les religions entretiennent nécessairement avec le meurtre sacré qui les fonde et qu'on appelle le sacrifice, je consacrerai deux analyses successives au cas Andres Behring Breivik, alors qu'il s'agissait d'une occasion à saisir pour une prise de conscience de la condition simiohumaine à la lumière d'une anthropologie transcendantale.

Car ce n'est pas de la Norvège et de sa culture qu'il s'agit, mais de l'immense et féconde postérité, politique et philosophique de la révolution littéraire inaugurée avec Antigone et Oedipe-roi de Sophocle, Crime et Châtiment de Dostoïevski, La Guerre et la Paix de Tolstoï, La Colonie pénitentiaire de Kafka, Le Voyage au bout de la nuit de Céline, qui ont situé le meurtre au cœur de la politique et de l'histoire.

Certes, la pensée rationnelle du XVIIIe siècle s'était encore limitée à une guerre rieuse ou sarcastique contre les superstitions cultuelles les plus sottes et les plus cruelles dans lesquelles la théologie de l'immolation rédemptrice des chrétiens était tombée depuis plus d'un demi-millénaire. Mais au XXIe siècle, s'il se trouvait que la mythologie doctrinale fondée sur l'assassinat de l'autel exigeait encore une réfutation calquée sur l'ironie superficielle de Voltaire, la planète de la raison demeurerait paralysée pour longtemps encore, tellement les armes de la pesée philosophique des offertoires et des propitiatoires sont devenues celles d'une radiographie anthropologique des théologies demeurée viscéralement oblatives. Mais Platon ne réfutait-il pas déjà le comique cérébral des sophistes de Zeus par le ridicule dont il couvrait ces précurseurs de toute la scolastique sur le théâtre de l'histoire des meurtres sacrés?

C'est dire que le XXIe siècle conduira à un approfondissement vertigineux de la connaissance des arcanes zoologiques de la condition simiohumaine; c'est dire que les actrices de vaudeville qu'on qualifie abusivement de "sciences humaines" seront reléguées dans l'astronomie de Ptolémée; c'est dire que le cœur de la civilisation de la pensée logique a commencé de battre avec le coup d'envoi d'un humoriste athénien, celui d'un "Connais-toi" sans frontières.

Mais pour que l'anthropologie critique se donnât l'ambition de porter un regard de l'extérieur sur deux meurtriers associés, Dieu et Caïn, encore fallait-il que se produisît un évènement exemplaire - l'apparition d'un tueur de masse dont le meurtre se révèlerait un décalque parfait de l'identité saintement dédoublée du génocidaire du Déluge, dont on sait que la justice se scinde entre les exigences d'une charité censée infinie et la sauvagerie réputée équitable des tortures éternelles auxquelles il soumet les récalcitrants à son autorité politique et morale.

Du coup, toute radiographie luciférienne du cosmos des assassins devient heuristique à souhait ; et la démonstration de la férocité cachée des religions angéliques contraint l'humanisme craintif et timide de l'Occident à une levée d'écrou de ses prisonniers - à savoir les interdits qui frappent encore de nos jours l'analyse anthropologique donc sacrilège de Caïn et de son double céleste. La mise en lumière de la logique séraphique qui commande les massacres sacrificiels d'hommes et d'animaux illustrera les apories politiques qui condamnent désormais notre humanisme d'enfants de chœur à percer la cuirasse du sacré. Le scannage du tueur para biblique Andres Behring Breivik me permettra de soulever la chape de plomb de la peur qui paralyse la connaissance socratique de l'identité réelle des évadés bien-pensants de la zoologie?

1 - Salut à la Norvège
2 La sainteté du vengeur divin
3 - Remerciements
4 - La ciguë de la connaissance
5 - Les cruautés de la ruche et du nid
6 - L'animalité de Dieu
7 - Le microscope inconnu
8 - L'identité du simianthrope
9 - Une laïcité acéphale
10 - Le meurtre de masse
11 - La rencontre des sciences humaines avec Caïn
12 - Le débarquement de Caïn dans les sciences humaines du XXIe siècle

1 - Salut à la Norvège

On sait que le procureur près la cour d'assise d'Oslo a plaidé la folie, donc l'irresponsabilité pénale d'un assassin de soixante dix-sept de ses compatriotes et que les jurés populaires ne l'ont pas suivi dans sa clémence. Comme la corde, la hache et la guillotine se trouvent évidemment reléguées au musée dans un pays aussi définitivement civilisateur que la Norvège et qu'en outre aucun criminel n'y subit une peine d'emprisonnement d'une durée supérieure à vingt et un ans, ce sera dès la quarantaine et jusqu'à la fin de ses jours que la jeunesse de ce pays rencontrera sur les trottoirs de la capitale un citoyen purifié par le paiement rubis sur l'ongle et pour solde de tout compte de sa dette à ses concitoyens. Mais si, depuis l'abolition de l'écartèlement et de l'estrapade, les progrès de la civilisation des expiations carcérales ne coûtaient pas cher en frais rédempteurs tarifés, il y a longtemps que les vengeurs du Beau, du Bien et du Juste montreraient les crocs des lions de la démocratie. Et puis, rien ne saurait faciliter davantage l'approfondissement de la science anthropologique que le compagnonnage des descendants parfumés de Caïn que nous appelons l'humanité avec un pseudo pourfendeur de la démocratie qui croit combattre le salmigondis culturel mondial de notre temps par l'assassinat purificateur.

2 - La sainteté du vengeur divin

La preuve idéale de ce que l'humanité ne se laisse civiliser qu'à l'odeur de l'encens que sa crinière répand sur son parcours est précisément construite à son tour sur le modèle griffu du divin, de sorte que le Dieu unique et ses foudres ont tout simplement pris un immense retard sur les senteurs de la justice d'Oslo. La meilleure preuve en est fort connue : on sait que la bête à la fois tueuse et fleurie que nous avons substituée aux boys scouts de l'Olympe de nos pères et que nous avons installée en ermite de son éternité dans le vide de l'immensité a noyé la masse de ses créatures le plus charitablement qu'il était possible, à l'exception d'un certain Noé au sauvetage duquel je dois d'entretenir mes lecteurs de la connexion séraphique et luciférienne qui relie le tueur Andres Behring Breivik au génocidaire sacré dont nous saluons les saints nettoyages mais qui s'est mis tellement à la traîne des effluves que répandent ses créatures rachetées qu'il en reçoit siècle après siècle des leçons de justice en retour; et puisque le tortionnaire céleste que Pascal appelait le " boucher obscur " n'en finira jamais de me faire bouillir à petit feu ou à gros bouillons dans ses marmites souterraines, je salue la hauteur de vues et l'esprit d'équité d'un pays dont les tribunaux se montrent moins infatigables à mon égard que celui du grand exterminateur dont deux millénaires n'ont pas suffi à assouvir la vengeance à l'égard de sa chétive créature.

On me reprochera sans doute de livrer le cyclope divin aux sacrilèges et aux blasphèmes d'une anthropologie critique dont on connaît l'indocilité. Mais à qui la faute si les dévots béatifiés par leur propre obéissance se ruent sur leurs hosties comme les fauves sur leurs proies, à qui la faute si l'on brûlait tous vifs, il y a deux siècles encore, les impies dont l'œil évangélique jugeait pestilentiel le plus illustre des massacres sacrés dont l'humanité ait conservé la mémoire.

3 - Remerciements

M. Andres Behring Breivik n'est l'auteur que d'un Déluge miniaturisé, mais ses crimes se sont révélés non moins dévotement vengeurs que ceux du génocidaire insatiable de la Genèse. De plus sa célèbre hécatombe mettra à sa disposition un meublé de trois pièces dans une aile spécialement aménagée des Bastille que la Norvège réserve aux criminels d'un renom exceptionnel. Ce sera donc dans la prison la plus confortable de ce pays d'avant-garde qu'il me faudra mettre sous clé l'illustre Dieu inassouvi de Caïn. Dans la première chambre, le microscopique imitateur norvégien du Titan de la mort dormira sur les deux oreilles, dans la seconde il se livrera à des exercices de gymnastique et de musculation solitaires, mais utiles à la conservation de sa santé tant physique que mentale, dans la troisième il se livrera à l'étude minutieuse de mon anthropologie admonestative.

Je remercie le gouvernement norvégien de m'avoir procuré un élève aussi studieux et dont les simianthropologues les plus connus de la planète m'envieront le privilège d'observer les performances; car il s'agit bel et bien du spécimen le plus représentatif du genre simiohumain et de ses idoles les mieux apprêtées, donc de l'insecte dont les tentacules théologiques se laissent radiographier en laboratoire. Mais je m'empresse de rassurer les spécialistes sur la précarité des prérogatives qui me sont accordées. M. Andres Behring Breivik ne sera que le cobaye sur lequel une science nouvelle des neurones de Caïn et de ses descendants vérifiera les paramètres de son savoir et de sa méthode. La théopolitique expérimentale attendait une courroie de transmission emblématique de la problématique générale qui l'inspire. Il lui manquait un vérificateur d'exception, c'est-à-dire une bestiole à projeter sur l'écran géant des expiations qu'on appelle le péché originel.

4 - La ciguë de la connaissance

L'anthropologie d'avant-garde que je tente de déposer sur les fonts baptismaux d'une simianthropologie universelle attendait un document tellement paradigmatique qu'il permettrait enfin à cette discipline de filmer l'histoire de notre espèce d'un côté et, de l'autre, ses ramifications cérébrales dans le ciel d'un tueur-né. Il s'agit de soumettre à l'examen des spécialistes du sacré un tableau unifié du champ entier des carnages sacrés et profanes d'ici bas et de leur illustration amplifiée dans la théologie des représailles éternelles d'un justicier absolu, ce qui autorisera cette science à tracer une frontière nouvelle entre l'animalité de la créature et celle du Dieu qui la dédouble. Certes, il est sacrilège de mettre en parallèle - et à la lumière d'un comparatisme périlleux - l'évolution de l'éthique respective du singe locuteur et des mastodontes sanglants que sécrète son encéphale. Mais le petit génocidaire d'Oslo nous conduit tout droit et comme par la main à la question cruciale de savoir à quel instant le simianthrope est censé avoir quitté définitivement le règne animal pour devenir le tortionnaire gigantal qui lui servira de modèle et qu'il vénèrera de siècle en siècle. L'heure aurait-elle sonné à l'horloge de l'évolution où l'homme commencera de se colleter, lui aussi, en carnassier solitaire avec un vide terrifiant?

5 - Les cruautés de la ruche et du nid

Il faut savoir que le gouvernement norvégien a pris grand soin de mettre en place une équipe de rivaux résolus de ma discipline: l'illustre captif sera examiné sous toutes ses coutures et retourné cent fois sur le gril de la civilisation mondiale d'aujourd'hui. Un peloton de pédagogues chevronnés pèsera sa démence, sa normalité ou sa responsabilité restreinte sur la balance de la prudence du ciel norvégien ; et à titre préventif, mes confrères tenteront pieusement de réintégrer mon malade dans la communauté confessionnelle et civique du pays. Mais il s'agira, en réalité, de le conditionner à nouveaux frais et sur le même modèle d'individu supposé trans-zoologique et bien connu de notre temps, il s'agira de le faire couler derechef dans le moule d'un Adam répertorié dans nos herbiers. Bref, on demande en catimini à mon laboratoire de remettre discrètement mon scalpel dans sa trousse. Mais on me lance un défi redoutable, et qu'on se garde bien de m'avouer ; car loin d'observer l'abeille ou la guêpe avec les yeux souverains de la ruche ou du nid, on sait que mon laboratoire s'est spécialisé dans l'observation, la loupe à l'œil, des cruautés de la ruche et du nid. Il y faut une autopsie des insectes les plus représentatifs des dards dont ils sont armés sur la terre et dans l'éternité.

Car si vous observez Caïn avec les gentilles bésicles du Dieu de Caïn sur le nez, vous le verrez avec les yeux béatifiés de la Norvège, donc avec les lunettes de la conscience auto sanctifiante de la piété protestante, tandis que si vous observez le tueur réfléchi sur la rétine de Caïn, vous aurez des surprises, dont la première sera de faire progresser le "Connais-toi" d'un certain buveur de la ciguë de la connaissance.

6 - L'animalité de Dieu

Dès ses premiers pas, je ferai de mon tueur sanglant le plus socratique des auxiliaires de la mort, afin qu'en retour il initie ses éducateurs démocratiques au démontage des saints ressorts et des engrenages dévots de la théopolitique d'un gibet sur lesquels les semis évadés de la zoologie ont été construits par la nature, puis affûtés à l'épreuve de leurs potences. Alors seulement, le nid de guêpes deviendra la balance sur laquelle notre espèce s'exercera à la pesée du Caïn céleste et de son sosie parmi nous. Quand nous connaîtrons les arcanes de l'animalité partagée de Dieu et de sa créature - ces deux-là se révèleront de mèche - et il faudra bien qu'ils avouent sous le bistouri du chirurgien ce qu'il adviendrait de leur éthique en indivision s'ils quittaient le règne animal d'un commun accord et la main dans la main. Mon spécimen norvégien nous conduira donc à la découverte des secrets de l'évolutionnisme darwinien. Aussi vaut-il la peine de coucher sur la table d'opération les documents anthropologiques à disséquer qu'on appelle des théologies ; car seule cette audace-là d'une raison encore à venir nous permettra d'observer sous anesthésie l'humanité enfermée dans le bloc opératoire du sacré.

7 - Le microscope inconnu

La question posée à la psychobiologie mondiale des mythes religieux par le spécimen inachevé de simianthrope célestiforme qu'illustre mon monstre norvégien exige la construction d'un microscope inconnu. Car la lentille de l'anthropologie classique observait avec assurance les traits censés séparer de tous les autres le seul animal devenu bavard. Et qu'enseigne pourtant la logique la plus élémentaire de l'évolutionnisme, sinon qu'une bête provisoirement mise au piquet entre l'espèce qu'elle voudrait déserter et celle dans laquelle elle rêve d'entrer ne saurait, dans le même temps, prétendre avoir d'ores et déjà débarqué dans la seconde un chapelet à la main. Il est donc irrationnel de s'imaginer qu'une ossature et une boîte crânienne qui auront seulement changé quelque peu de forme et de voilure seront devenus ceux d'un homme achevé. Au contraire, une bête rendue locutrice par un miracle neuronal répondra à un modèle zoologique dont la spécificité demeurera entièrement à décoder; et toute la difficulté de ce déchiffrement sera précisément de tracer les sillons qui seuls nous permettront de constater qu'une bête propulsée sur le chemin qui la conduit du connu à l'inconnu aura subitement débarqué avec armes et bagages parmi les anges et les séraphins. Qu'en est-il de l'identité à décrypter du Caïn céleste et de son émule lilliputien sur la terre?

8 - L'identité du simianthrope

Le simianthropologue averti constatera que tout bimane phonétisé par le langage articulé se construit nécessairement son identité sur le socle de diverses signalétiques collectives, donc sur les solfèges codés qui lui serviront d'assise psycho-cérébrale. Le sens proprement simiohumain du monde se révèlera tantôt inné tantôt sécrété en cours de route par l'encéphale sonorisé du groupe. Les référents identitaires de cet animal demeureront néanmoins instables et changeants sur le cadran de son évolution cérébrale: les époques, les climats et la géographie changeront sans cesse de poids sur les plateaux de la balance.

M. Andres Behring Breivik se présente sous la lentille du simianthropologue en spécimen frustré de l'usage et du maniement quotidien des signes convenus qui rendaient sa nation et son peuple reconnaissables entre tous. Ce phénomène est fort connu. Les historiens de l'époque byzantine l'ont décrit depuis longtemps. Quand les identités collectives se mélangent à l'extrême, on tombe dans les brouillaminis d'une décadence dont le naufrage de la civilisation grecque nous a fourni l'exemple le plus illustre.

9 - Une laïcité acéphale

Les fjords glacés et les soleils couchants du grand nord sont-ils les signaux du trépas prochain de la civilisation de la pensée critique et le premier pas de ce naufrage sera-t-il l'interdiction universelle de disséquer les dieux déguisés en porteurs de la casaque des cultures? Comme les religions sont les souveraines de l'encéphale simiohumain et de la logique embryonnaire dont cet animal s'est armé depuis sa sortie partielle de l'Eden de la zoologie, il est devenu évident qu'à cadenasser les Célestes dans leurs empyrées originels, on exterminera toute science et toute philosophie prospectives notre astéroïde et que les mesureurs de mon petit génocidaire réduiront son hérésie à un grain de sable. Car il est plus incontestable encore qu'en déclarant intouchables la foule des religions qui se pressent aux portes du ciel, l'éthique culturelle de la planète d'aujourd'hui s'interdit expressément non seulement un approfondissement de la connaissance rationnelle de l'homme et de son histoire, mais des radiographies anthropologiques de la tiare de l'auto-bénédiction glorieuse qu'Adam se pose sur la tête.

Une pensée laïque sans contenu philosophique est une outre vide. Le combat contre l'infantilisme philosophique et scientifique de l'Eglise ne redeviendra donc fécond que si la raison laïque apprend à décrypter la pauvreté de son propre regard, donc la superficialité de sa connaissance du genre humain. On ne lutte pas contre une mythologie si l'on a chu soi-même dans des superstitions langagières. La laïcité sans tête de la France actuelle croit tourner à son propre avantage un culte des idéalités dont elle n'a pas découvert les racines anthropologiques.

10 - Le meurtre de masse

Puisque la rage meurtrière que l'engloutissement des relais identitaires du genre simiohumain de l'endroit a soudainement inspirée à mon spécimen norvégien répond à une fureur exterminatrice calquée sur les ressorts psycho-cérébraux de l'orchestrateur benêt du Déluge, nous devrons apprendre à observer la sottise du simianthrope dans le miroir universel que nous tend sa théologie du salut et des châtiments. Alors seulement nous découvrirons la solitude d'une colère qui devrait nous frapper d'un étonnement heuristique. Car sitôt que cet animal dispose de l'accord unanime de ses congénères dans le brandissement de la signalétique qui lui permet de s'identifier à un ciel et de s'y localiser, il se rue sur les hérétiques sans faire de quartier et les extermine jusqu'au dernier.

Prenez l'assassinat sacré de la saint Barthelemy. Quelle était la nature de la bataille théologique entre deux signalétiques de la foi chrétienne qui se déchiraient en ce temps-là sur toutes les places publiques de l'Europe de Caïn et du Dieu de Caïn ? Les uns arguaient mordicus que le meurtre perpétré par les paroles réputées effectivement trucidatoires du prêtre face à l'autel de la messe procuraient aux fidèles les cellules de chair et l'hémoglobine d'un cadavre à mâcher et à boire dans un esprit apostolique, tandis que les malpensants de l'époque soutenaient, la tête sur le billot, que le repas sanglant n'était que le signe et le symbole d'une immolation originelle à la fois honnie et providentielle; car elle était censée avoir sauvé notre espèce tout entière du trépas. Depuis lors, il fallait confesser que nous nous trouvions transportés en bloc au paradis de notre immortalité.

Que la victime du sacrifice convertisseur fût corporelle ou figurée, des armées de bêtes parlantes se trouvaient alors engagées sur le champ de bataille d'une guerre à mort pour la "défense et illustration" de leur migration massive vers le paradis perdu d'Adam et Eve et retrouvé à l'école d'une potence miraculée. On allait tous retrouver l'innocence d'une créature rachetée in extremis par une crucifixion délivrante et sauvage. Il ne fait pas l'ombre d'un doute que les deux identités salvifiques jugeaient sanctifiants et rédempteurs les massacres nécessaires au sauvetage d'une éternité posthume conquise au forceps de la torture. Du reste, le pape de la charité avait fait graver une médaille en or massif afin de célébrer dignement les retrouvailles de la créature rescapée du péché originel par le meurtre indispensable à la rédemption universelle de l'humanité.

11 - La rencontre des sciences humaines avec Caïn

On voit que l'animalité spécifique du simianthrope immortalisé par un gibet repose sur des symboles sanctificateurs, donc sur des signes et des emblèmes de sa survie dans une béatitude accordée à titre du paiement d'un tribut et que les attaches cérébrales et psychiques qui ficellent cet animal à des mondes imaginaires et fantastiques pose à la simianthropologie la question la plus pressante de toutes, celle de savoir si notre sainteté peut se déficeler de ses repères dans un au-delà surnaturel ou si un désenchaînage aussi sacrilège précipite la simianthrope dans une déréliction tellement désespérée que ses tentatives d'une guérison blasphématoire déclencheraient une saint Barthelemy sanglante par semaine.

Cette aporie médicinale est d'autant plus tragique aux yeux de la simianthropologie expérimentale que la paix conclue en Irlande entre les catholiques et les protestants date de quelques années seulement et que le massacre récent de centaines de milliers de Tutsis par leurs congénères, les Hutus, démontre à quel point les signes et les symboles dont s'arment les diverses identités collectives entre lesquelles le simianthrope se divise ne se laissent nullement parquer dans les diverses théologies du sacrifice bien saignant entre lesquelles cet animal se partage: le champ entier de la politique - donc du profane - s'allie à son tour aux vastes territoires livrés de la purification de type immolatoire afin de conduire notre espèce à de gigantesques étripages expiatoires - donc nettoyeurs - auxquels il ne manque que le remède lustral d'une liturgie chargée d'en sacraliser le meurtre.

12 - Le débarquement de Caïn dans les sciences humaines du XXIe siècle

On voit également l'immense portée simianthropologique de la décision de la cour d'assise d'Oslo de déclarer M. Andres Behring Breivik sain d'esprit, donc responsable de ses actes et pleinement coupable pour ce motif-là. Si la solitude de son crime avait été déclarée démente, donc innocente aux yeux de la loi et soustraite au lavage, la masse des individus dont notre espèce se compose aurait joui longtemps encore d'une tranquillité cérébrale et morale à l'abri de tout nettoyage, parce que les deux questions les plus abyssales, celle de l'universalité de Caïn le meurtrier et celle de l'étroite connexion de ce héros biblique avec sa copie dans le ciel des trois monothéisme n'auraient pas eu l'occasion de débarquer dans une connaissance anthropologique de la fonction de lessivage qu'exercent les meurtres expiatoires. Mais nos sciences humaines dans les limbes sont demeurées tellement irrationnelles qu'elles demeurent amputées d'avance de toute analyse méthodique de l'espèce tueuse de naissance: l'humanisme mondial se regarde encore avec les yeux angéliques de la ruche et du nid.

Décidément, nous découvrons un peu tard qu'à peine évadés partiellement du règne animal, nous avons installé un génocidaire "à notre image et ressemblance" dans le ciel. Le tueur d'Oslo n'est donc qu'un prototype normal de la piété des prétendus fuyards de la zoologie; et il devient grotesque, le spectacle de leur cécité que nos sciences humaines nous présentent dévotement , elles qui persévèrent à passer sous silence la question de la nature meurtrière des idoles que sécrètent pieusement des tueurs-nés. C'est dans les crimes de ses dieux que le simianthrope se dédouble saintement; et il ne se doute pas un instant de la vocation viscéralement assassine des masques d'anges et de séraphins derrière lesquels il cache son vrai visage depuis des millénaires. Qu'en est-il de ce jumelage sacré si l'abolition de la peine de mort mettra sans cesse sous les yeux des Norvégiens le Caïn aux yeux bandés que l'humanité est demeurée à elle-même?

C'est l'examen de cette question délicate que vous attendez de la plume de votre serviteur la semaine prochaine. ?

Reçu de l'auteur pour publication

 

 

   

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Source : Manuel de Diéguez
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