Puissent la
faiblesse d'esprit et l'immoralité
politique qui frappent de plein fouet la
classe dirigeante française
d'aujourd'hui accélérer le mûrissement,
dans les profondeurs de notre nation et
de la vôtre, de la question de savoir
pourquoi tous les peuples de la terre se
proclament à la fois les propriétaires
et les serviteurs des dieux tartufiques
qu'ils installent dans le vide du
cosmos, alors que les personnages
célestes censés camper hors de
l'enceinte de leur crâne et dont ils se
racontent l'histoire se révèlent des
tueurs dociles à la morphologie et au
tempérament que la géographie, le climat
et les mœurs de l'endroit imposent à
leurs récits sacrificiels. Et pourtant,
au fond de leur cœur, les soumis les
plus intelligents savent fort bien que
l'existence ou l'inexistence hors de
leur conque osseuse de leurs
interlocuteurs meurtriers dépendent
tantôt de l'effroi qui les contraint de
les proclamer réels de peur de se voir
roués de coups, tantôt de leur vaillance
à les reconnaître pour fantomatiques par
nature et par définition, donc pour
physiquement inoffensifs.
Vous
vous apprêtez à servir de guides
spirituels aux théoriciens de la laïcité
avortée de la France, parce que vous
vous demandez maintenant avec insistance
ce que signifie le verbe exister
appliqué à celui qui, dans vos cœurs,
vous parle de vos frères de Palestine.
Chez nous, la question de l'agonie de
notre prochain a débarqué dans la
République en 1997, quand le pape
Jean-Paul II s'est présenté couvert d'or
et de pierreries dans les rues de notre
capitale. Savez-vous qu'il nous a crié
d'une voix de stentor: "France,
qu'as-tu fait des promesses de ton
baptême"? Et nous nous disions les
uns aux autres: "Notre prochain
paraderait-il sous la tiare de diamants
de ce maharadja de la dévotion? Quelles
sont les promesses d'un baptême roulant
carrosse?" Or, l'appel à la foi que nous
adressait ce souverain oriental avait
rassemblé sur le pavé de Paris des
foules plus nombreuses que celles de
1804, quand Napoléon avait promené Pie
VII plusieurs mois durant dans la "Rome
de la Liberté".
Rien ne
s'était-il donc passé depuis 1789 dans
les entrailles du verbe exister appliqué
à des divinités? Savez-vous que le
spectacle de notre souverain porteur des
chamarrures de la sainteté a paru
sacrilège à nos philosophes de la piété?
Savez-vous que la religion des grands
chambellans de la foi a provoqué un
électrochoc tellement violent au sein
des classes moyennes nées depuis un
siècle de notre éducation rationnelle
que nous nous sommes regardés avec
incrédulité dans le rétroviseur de notre
histoire? Savez-vous que c'est avec
stupéfaction que nous avons découvert
dans nos têtes le chemin vers nos
semblables que la République de la
raison nous a fait parcourir à notre
insu dans notre tête ? Quel spectacle
que celui d'un Pontifex maximus
couvert de broderies et véhiculé sur la
sella gestatoria des empereurs
romains! Ce théâtre d'une foi apeurée
par des raclées posthumes s'est révélé
tellement blasphématoire que le
catéchète à dos d'éléphant nous a
renvoyés aux fastes et à la pompe du
Moyen Age. Quel rendez-vous des cœurs
avions-nous avec un Olympe aussi pompeux
que celui de Jean Paul II, quels étaient
les problèmes de conscience que nous
posait depuis des années notre baptême
en Palestine?
2 -
L'Etat du faux-savoir
Cependant, l'heure n'avait pas encore
sonné, pour la laïcité française, de
s'enraciner dans une connaissance moins
acéphale du genre humain et de retrouver
la vocation élévatoire que notre raison
du XVIIIe siècle avait fait connaître au
monde. Nous avons été aidés dans notre
conversion à la lucidité ascensionnelle
de nos anciens philosophes par le
fac-similé d'un Président de la
République dont l'effigie se trouve
encore partiellement en exercice parmi
nous et qui a tenté de reprendre à son
compte l'entreprise avortée de son
prédécesseur de reconquérir d'un seul
coup l'électorat catholique du pays.
Mais impossible de rompre d'un coup de
hache avec un demi-millénaire de la
philosophie mondiale dans laquelle la
France de l'esprit critique s'est
illustrée. L'ambition politique de
redonner à la nation née de la
Révolution le rang de "fille aînée de
l'Eglise" qu'elle n'avait affiché
que sous les Capétiens s'est révélée si
ridiculement d'un autre âge qu'elle a
sombré dans un sacré grandguignolesque.
Et pourtant, ne
croyez pas que l'Eglise catholique
souffrit la première et le plus durement
de cette mascarade; tout au contraire,
la victime en fut notre république.
Pourquoi se trouvait-elle si
ridiculement décérébrée, estropiée et
défigurée par notre laïcité tâtonnante?
Pourquoi le spectacle le plus criant
résidait-il maintenant dans l'étalage
des armoiries de l'ignorance, de la
sottise et de la vulgarité au sein de
notre Etat démocratique?
Comprenez l'
humiliation, pour les descendants des
Diderot et des Voltaire, mais également
des Pascal, notre incandescent du vide,
d'une civilisation pseudo-rationalisée
et rendue logicienne à titre épidermique
seulement, comprenez l'abaissement d'une
France tombée dans le chaos
intellectuel. Quel théâtre que celui
d'une inculture à laquelle nos
caricatures scolaires de l'esprit
religieux avaient conduit une raison
demeurée si altière et si cohérente au
XVIIIe siècle ! Les procès du chevalier
de la Barre et de Calas avaient inspiré
à nos philosophes une pénétration
d'esprit nouvelle, une profondeur
psychologique et un sens de l'histoire
inconnus avant eux, mais également une
charité trans-sacerdotale et qui
disqualifiait la foi cléricalisée,
privée de grandeur morale et stérile des
monarques de nos dernières liturgies. Et
maintenant, elles se sont éteintes, les
Lumières qui avaient ennobli de
vaillance les intelligences alors
apeurées sous la férule de l'Eglise.
3 -
Les arrivistes de Dieu
A l'occasion de son
intronisation à la fonction
traditionnelle de chanoine de Latran que
Rome réservait depuis 1482 aux rois de
France, M. Nicolas Sarkozy avait aggravé
la maladie qui frappait notre laïcité
étriquée. Quel Béotien d'une religion
anoblie par ses témoins sommitaux, quel
ilote qu'un Président étranger à l'âme
élévatoire de la sainteté! A ce compte,
les barbares, c'étaient nous. Pourquoi
notre raison s'était-elle avilie,
pourquoi notre citoyenneté était-elle
devenue indigne de la foi brûlante des
Jean de la Croix ou des François
d'Assise?
M. Nicolas Sarkozy
était un petit arriviste à la vue
courte, mais aux dents longues. Sans
l'aide que la presse corrompue de
l'époque lui avait apportée et qui avait
servi de marchepied à ses ambitions,
jamais il n'aurait été porté par le
peuple à la présidence de la République
des Renan et des Victor Hugo. Aussi
n'avait-il pas craint de comparer la
ténacité et l'énergie du démagogue dont
il avait fait preuve au cours de sa
campagne présidentielle à ces mêmes
qualités éminentes que Benoit XVI était
censé avoir illustrées afin de se
hisser, de son côté, sur les coussins de
velours du trône de Saint Pierre.
Puisque cette scène de Feydeau ou de
Courteline s'est déroulée sous les yeux
sidérés de la planète, puisse-t-elle
jouer le rôle d'un déclic culturel au
sein de votre élite politique. Mais vous
êtes mieux placés à Tunis que nous à
Paris pour nous dire pourquoi le cerveau
d'Adam apprête des idoles à l'école des
bouchers de son histoire; car les
religions que se donne notre espèce
recèlent sûrement les secrets
anthropologiques de Caïn. L'Allah pensif
qui germe dans vos têtes et dans vos
cœurs nous éclairera sur les arcanes
zoologiques du dédoublement cérébral
dans lequel le langage a fait tomber
notre espèce.
4 -
Une anthropologie spirituelle des trois
monothéismes
Voici, pour votre
instruction les dernières nouvelles de
l'histoire de l'encéphale de notre
espèce . Si je vous expose rapidement
les travaux les plus récents de nos
philosophes - et cela dans l'état
d'inachèvement où ils se trouvent -
c'est afin de vous suggérer de conduire
la raison de ce siècle vers les rivages
riants, mais encore lointains, d'une
connaissance du fonctionnement tant
psychique que politique de nos trois
dieux uniques et d'abord d'Allah. Je me
sens encouragé à confier à votre génie
naissant les espérances d'une raison que
nous avons estropiée depuis 1905, parce
que l'engagement solennel auquel vous
avez souscrit et que j'ai rappelé plus
haut vous conduit tout droit à situer la
Palestine au cœur du combat politique de
la planète de demain.
Mais
pour cela, la Tunisie devra occuper le
rang de la première démocratie musulmane
dont la vocation pédagogique l'appellera
à servir de guide spirituel à la pensée
laïque mondiale; et ce combat d'une
raison en marche, sachez que vous ne le
gagnerez que si vous disposez d'une
balance à peser l'âme et l'esprit de
Jahvé, d'Allah et du dieu cloué sur une
potence. Et pour cela, comment
n'acquerriez-vous pas en tout premier
lieu une connaissance proprement
politique des vices de fabrication et de
fonctionnement de Jahvé, d'une
connaissance proprement politique du "corps
spirituel" d'Allah, d'une
connaissance proprement politique du
dieu censé s'être incarné des chrétiens?
Je comprends
votre effroi de vous précipiter dans une
anthropologie grouillante de sacrilèges
ascensionnels, mais l'avenir d'un
humanisme spirituel dépendra de l'audace
de votre connaissance des secrets
élévatoires des dieux anciens et
nouveaux. Il n'est pas de destin plus
anagogique de la laïcité que de conduire
la raison du XVIIIe siècle français et
du monde arabe de demain à une
connaissance blasphématoire, donc
féconde, de la grandeur et de la
petitesse des dieux d'hier et
d'aujourd'hui.
5 -
L'ambition spirituelle de la raison et
l'anthropologie fondamentale
Vous
savez que la question à poser est la
suivante: si Allah existe
nécessairement, puisqu'il manifeste sa
présence, primo dans l'âme et
l'esprit de ses fidèles d'hier,
d'aujourd'hui et de demain, secundo,
sur les champs de bataille de l'histoire
théologique des peuples et des nations,
tertio dans la culture des
siècles passés et de notre propre
siècle, quarto, dans l'univers de
nos rites et de nos liturgies immuables
ou changeants, quinto dans
l'évolution de la morale universelle,
donc dans les mutations des notions de
"Bien" et de "Mal", comment se fait-il
qu'il appartienne désormais aux
philosophes et à eux seuls d'approfondir
la réflexion sur l'espèce de raison
polymorphe à laquelle la vie onirique du
genre humain est livrée, afin de tenter
de préciser le sens qu'il nous faudra
donner au terme d'existence
appliqué aux Célestes en général et en
particulier aux trois dieux distincts et
pourtant censés se concentrer
vigoureusement en un seul - Jahvé, Allah
et le dieu réputé s'être incarné en un
homme que vénèrent les chrétiens?
Pour que
Socrate le symbolique succède à Isaïe ou
à Jérémie dans l'interprétation des
dieux, et pour que la philosophie
devienne le berceau nouveau de la "vie
spirituelle" de l'humanité, il vous faut
mettre en lumière la vocation
prophétique qui appartient en
particulier à la pensée rationnelle,
donc préciser le statut auto-sacrificiel
propre à la pensée critique. Car le
grand Athénien ne s'immole pas sur
l'autel d'Iphigénie, mais sur
l'offertoire invisible de l'ascèse
intellectuelle. C'est pourquoi notre
époque fait face à un péril mortel et
pourtant plein de promesses: d'un côté,
notre civilisation cherche désormais ses
propitiatoires délivreurs dans les
victoires de la science et les exploits
de l'intelligence, de l'autre, nous nous
efforçons de nous placer au-dessus de
ces deux autorités naïvement oraculaires
afin de les définir, donc de les
enfermer à leur tour dans l'enceinte du
sens qui leur appartient. Mais si nous y
parvenions, nous disposerions d'une
science de notre science et d'une
intelligence de notre intelligence et
nous serions transportés dans un monde
non seulement transcendant aux
prétentions de ces faux savoirs, mais
qui les engloberait dans son filet,
d'une tout autre manière que Newton
englobe Copernic et Einstein Newton.
6 - Notre regard
sur les faux dieux
De même, nous
demander qui est Allah, c'est partir à
la recherche du regard intérieur qui
nous gratifierait d'un regard de
l'extérieur sur un nain, un Allah de
petit gabarit, le petit poucet dont nos
congénères se satisfont encore.
L'ambition spirituelle de la pensée de
toiser les dieux au rabais est-elle
blasphématoire à l'égard de ces
garçonnets, ou bien, au contraire,
est-elle seule véritablement sacrée et
seule réellement religieuse? Car enfin,
nos prophètes n'ont jamais rien tenté
d'autre que de purifier l'idole ridicule
de leur siècle et, par conséquent,
d'accoucher d'une divinité infiniment
supérieure à la précédente - celle au
nom de laquelle ils jetaient l'ancienne
aux ordures.
Mais de quelle
hauteur les prophètes reçoivent-ils le
regard sommital qu'ils portent sur les
dieux des Pygmées? Quel est le globe
oculaire qui les autorise à précipiter
les faux dieux dans le néant?
N'appartient-il pas à votre connaissance
de la rétine des prophètes de loger
cette interrogation-là à la source de
votre anthropologie fondamentale? Ne
pensez-vous pas que si votre philosophie
de la raison ne suffisait pas à porter
votre regard sur la raison supérieure
dont s'inspirent les prophètes, votre
pensée manquerait de la dimension qui
lui permettrait de se jeter elle-même à
la poubelle? Vous devez donc porter
votre raison jusqu'au télescope dont le
miroir vous permettrait d'apercevoir de
loin l'encéphale des prophètes. Comment
feriez-vous franchir cette distance aux
bésicles de la laïcité myope de la
France!
Car le regard que
notre raison embryonnaire s'efforce de
porter sur les dieux infirmes est celui
qui cherche à tracer l'ultime frontière
à laquelle le "Connais-toi" socratique
est susceptible d'accéder. Or
l'histoire, la géographie, la langue et
la religion de la Tunisie font de votre
pays le centre stratégique de la guerre
aux dieux estropiés et manchots, parce
que vous vous trouvez pris en étau comme
aucune autre nation de la côte africaine
de la Méditerranée entre une raison
occidentale coupée de toute réflexion en
profondeur sur la spécificité de notre
espèce, d'une part, et d'autre part, une
culture arabe appelée à demander à ses
philosophes quel est le véritable Allah
et sur quel sommet cette divinité peut
bien se trouver.
Or, le
déshabillage des idoles auquel la pensée
du XXIe siècle se livrera sur la terre
entière a commencé depuis belle lurette.
Vous avez appris qu'Allah ne porte pas
de vêtements d'emprunt, vous savez qu'il
ne trône pas sur je ne sais quel Olympe,
vous savez qu'il ne recourt pas aux
mêmes couturiers que les Anciens
appelaient à cacher la nudité de Mars,
de Vulcain ou de Jésus-Christ, vous
savez également qu'il ne se trouve ni
dans son clergé, ni dans ses liturgies,
ni dans les exploits que les théologiens
d'autrefois attribuaient au tranchant de
son glaive sur les champs de bataille du
monde, ni dans quelque zéphyr souffleur.
7 - La cachette
d'Allah
Et pourtant,
c'est votre raison, la vraie, celle dont
vous vous demandez d'où elle accourt,
c'est votre raison d'incendiaires, c'est
votre raison d'ailleurs qui vous dit que
vous êtes les isaïaques de la pensée
critique du monde, c'est votre raison de
feu qui, au plus secret de votre
intelligence, vous demande où Allah peut
bien se cacher. Vous ne savez pas encore
quelle est sa demeure, mais vous savez
fort bien où vous ne le trouverez
jamais, vous savez fort bien qu'il
n'habite pas les faux apôtres de la
démocratie mondiale qui passent au large
de la Palestine le nez dans leur
bréviaire des droits de l'homme, vous
savez fort bien qu'il n'a pas élu
domicile dans les pieuses litanies que
chantonne l'Occident de la "Liberté" et
de la "Justice", vous savez fort bien
qu'il ne campe pas dans les invocations
contrefaites et les liturgies apprises
de la fausse religion d'une "raison" qui
ignore votre prochain.
C'est un grand
avantage stratégique de savoir où Allah
n'a pas planté sa tente. Je dirai même
que, plus elle est infinie, l'étendue
dont il a fui la boue, plus vous rôdez
autour de sa demeure véritable, parce
que son absence ne cesse de rétrécir le
territoire où il vous faut vous mettre à
la recherche de son parfum; et plus se
rapetisse le territoire où vous avez des
chances de le rencontrer, plus vous
brûlez. Car il est étroit, le pays
d'Allah sur la terre. Quel prodige que
votre raison fasse de vous des
théologiens d'Allah l'insaisissable ;
mais quelle heureuse surprise que votre
laïcité cherche l'odeur d'Allah l'incapturable,
quelle chance que votre futur
gouvernement vous ait d'ores et déjà
avertis qu'il vous appartiendra de
chercher Allah l'Inconnu sur les pistes
de l' intelligence, de la logique et de
la dialectique du "Connais-toi" qui vous
attend.
Mais à force que
l'espace où se cache Allah se resserre,
vous voici tout près de courir en
direction de votre cœur. Vous y êtes
aidés, il est vrai, par le spectacle de
toute la terre habitée; car le monde
entier vous présente le théâtre d'une
ville d'un million sept cent mille
habitants assiégés par les héros au cœur
sec de la "Liberté" et de la "Justice".
Si vous n'habitiez le cœur d'Allah,
comme vous erreriez parmi ossements
desséchés et les vaines reliques!
C'est à se
demander si Allah n'étale pas
l'immensité de son absence afin de vous
conduire à la découverte du diamant le
plus précieux, celui de son cœur et du
vôtre confondus. Si vous trouviez le
cœur d'Allah à Gaza, dites-le nous -
nous annoncerions la bonne nouvelle au
monde entier.
8 - Qu'est-ce
qu'un dieu mort ?
Mais alors, vous
allez faire débarquer la raison et
l'intelligence dans la politique
mondiale et vous demanderez à vos
philosophes de la laïcité pourquoi Jahvé
a échangé le soldat Shalit contre un
menu fretin de mille vingt-sept de vos
frères en Palestine; et vous apporterez
à la pensée de l'Occident les promesses
d'une véritable anthropologie
scientifique des religions. Car vous
radiographierez les trois dieux uniques
à la lumière d'une raison armée du
télescope évoqué ci-dessus et qui vous
apprendra qu'Allah le compatissant et le
miséricordieux répond à un autre modèle
de construction de votre tête que celui
qui préside encore et jour après jour à
la fabrication de Jahvé. Et pour vous
initier plus rapidement à cette science
nouvelle de votre cœur, vous demanderez
ce qu'il en est du "corps de Jahvé" et
du "corps d'Allah", tellement les dieux
privés de "corps" se reconnaissent à la
recherche désespérée de leur charpente à
laquelle ils ne cessent de se livrer.
Voyez comme Jahvé se met à la chasse de
sa chair et de son sang. Il les cherche
dans le granit du mur des lamentations,
et dans tous les quartiers de Jérusalem,
et dans les rites cultuels à l'aide
desquels il rassemble ses fidèles au
cliquetis de son squelette. Allah, lui,
vous informe que votre corps spirituel
s'appelle votre prochain.
Voyez comme la
laïcité véritable a rendez-vous avec
l'anatomie comparée des dieux, voyez
comme la corruption des Célestes
s'attaque aux démocraties privées du
vrai corps que l'humanité est à
elle-même, voyez comme votre science
d'Allah éclaire votre raison sur la
véritable nature des Etats, tellement
seule une anthropologie des théologies
monothéistes donnera à la Tunisie de
demain son élan et son souffle
politiques. Mais c'est également à la
condition que vous deveniez à vous-mêmes
la chair invisible d'Allah que vous
aurez en mains les clés de votre combat
pour le sauvetage de vos frères
palestiniens . Si votre laïcité ne vous
enseignait pas le corps ascensionnel
d'Allah, comment armeriez-vous vos
frères face au Jahvé sans âme et sans
feu que vous voyez errer parmi les
pierres et qui se trouve réduit à
échanger la charpente du soldat Shalit
contre une marchandise sans valeur à ses
yeux!
9 - Les
résurrecteurs
Vous voyez bien que
les vrais dieux ont un "corps", vous
voyez bien que ce "corps" est
élévatoire, vous voyez bien que les
dieux privés de "corps" n'ont pas
d'assise ascensionnelle dans vos cœurs.
Mais encore une fois, que vaudrait votre
politique si votre laïcité n'avait pas
de "corps surnaturel" à servir, si la
Tunisie démocratique manquait de la
science d'Allah" qui élèvera votre
patrie au rang d' un corps surréel, d'un
corps vivant et respirant, d'un corps à
l'école et à l'écoute de votre justice
et de votre liberté?
Sachez
que le faux dieu qui cherche son corps
parmi les cailloux et la poussière est
une idole et que les idoles sont
condamnées au nanisme politique. Comment
un "vrai dieu" demeurerait-il sans prise
réelle sur l'histoire? Comment un "vrai
dieu" ignorerait-il que les cœurs
habités d'une intelligence de feu sont
les moteurs d'Allah? Quel Pygmée, le
faux dieu qui vous change la chair du
soldat Shalit en un objet coté à la
bourse des corps sans âme et sans voix!
Mais sachez qu'un dieu privé de "corps
céleste" dans les âmes jettera bientôt
ses propres fidèles au rebut - d'ores et
déjà Shalit n'est plus que poussière aux
yeux de Jahvé. Que votre Allah soit
votre corps spirituel, que votre Allah
soit la chair ascensionnelle de
l'humanité et vous saurez pourquoi Jahvé
ne voit, dans les mille vingt-sept
musulmans extraits des geôles d'Israël
qu'un objet de troc en regard du corps
en or massif de Shalit.
10 - Un
itinéraire
Voici un itinéraire
qui aidera votre raison à ouvrir l'œil
sur la raison d'Allah. Les trois étapes
principales qu'a parcourues la piété des
hommes d'autrefois sont les suivantes.
Quand les Grecs dégoulinants du sang de
leurs sacrifices avaient épuisé toutes
les ressources de leurs immolations
d'hommes, de vierges et d'animaux
domestiques, ils se résignaient à subir
la loi de la fatalité à laquelle
l'univers était soumis à leurs yeux.
Quand les chrétiens avaient fatigué un
ciel aveugle de leurs prières sans écho,
ils se disaient que les affaires
humaines demeuraient décidément trop
indignes de l'omniscience et de
l'omnipotence de leur divinité et ils
s'emmuraient dans leurs boîtes aux
macérations afin d'accélérer, à l'école
de leur suicide dans l'ascèse, leur
entrée au paradis accessible à leurs
cloîtres seulement.
Mais la Tunisie
du sang socratique appellera votre
laïcité à l'incandescence de
l'intelligence spirituelle, parce qu'il
est devenu vain de substantifier les
dieux affamés et rapaces et de leur
dresser des statues, même doctrinales.
Voici que les armes de l'apocalypse ont
élevé les nations au rang de Célestes
auto-neutralisés par la fatalité qui les
conduit par la main à s'entendre entre
eux ou à se pulvériser en chœur sous le
soleil de leurs idoles.
Si votre laïcité
vous initiait à la science de l'âme,
notre civilisation sortirait du caveau
mortuaire dans lequel repose son
humanisme trépassé. Que demeure-t-il de
la foi de l'islam, sinon ce qu'elle a de
plus précieux, votre cœur tout brûlant
du corps spirituel d'Allah? A vous
d'entrer dans la lumière des
résurrecteurs de l'intelligence. .
Le 27 novembre 2011