Des millénaires
durant, l'école de la mémoire avait enseigné l'art de piloter
les cités ; et maintenant, Clio ne raconte plus le temps
véritable des peuples et des nations, parce que l'échiquier de
la planète échappe à ses mesures ; et maintenant les professeurs
des écoles récitent un passé catéchisé et obsolète; et
maintenant, leurs élèves se demandent pourquoi leurs pédagogues
lisent un livre d'heures étranger à leur siècle.
2 - La ciguë de la raison
Voici donc deux
lustres que vous m'aidez à prendre des vues spectrographiques de
l'inconscient zoologique qui pilote l'encéphale des semi-évadés
de la nuit animale, deux lustres que vos conseils m'aident à
observer de l'extérieur une espèce jaillie des forêts, deux
lustres que nous apprenons ensemble à décrypter l'évolution
cérébrale des descendants d'un primate à fourrure. Notre
ambition partagée nous a permis de moissonner un riche matériau
expérimental. Nous connaissons désormais les apories
guérissables et inguérissables dont souffrent les fuyards
effarés des ténèbres. L'heure d'une récapitulation et d'un bilan
des gangrènes et des bourgeonnements que nous avons recensés a
donc sonné au beffroi de notre commune espérance.
En 2001, quand nous avons lancé le premier
satellite d'observation de la ciguë de l'intelligence, la chute
du mur de Berlin remontait à douze ans et l'empire américain
commençait de s'affoler des entraves à son expansion politique
et militaire qui résultaient de l'absence d'un ennemi imaginaire
à pourfendre. Comment tailler en pièces un adversaire aussi
mythologique que le précédent et pourtant suffisamment vaporeux
à son tour pour entraîner les peuples européens enchaînés à leur
mythe de la Liberté dans une arène nouvelle de leur
asservissement aux idéalités totémisées de la démocratie?
3 - Les dieux mécaniques et les autres
Souvenez-vous : en ce temps-là, le marxisme avait conservé au
frais le vieil héritage d'un évangélisme politique qui s'était
enraciné deux millénaires auparavant dans le cœur et les gènes
de la civilisation occidentale. Bien que ce rêve eût été
entreposé depuis près de trois siècles dans la chambre froide
des psychobiologistes des dieux simiohumains, la croyance au
débarquement imminent du ciel sur la terre s'était réchauffée à
la lecture du prophète du Capital.
Ce qui faisait donc trembler l'Amérique, ce
n'était en rien la fausse menace d'une guerre mondiale que les
peuples de l'Est étaient censés brandir face à la planète de
l'industrie et de la finance, mais un prodige eschatologique
repeint aux couleurs du messianisme vétéro-testamentaire dont la
démocratie mondiale avait emprunté derechef la parure; car les
populations de la nouvelle délivrance s'étaient encloses dans
les herbages du salut bucolique qu'avaient brouté les ancêtres.
Soudainement, les moissons reverdies du rêve de la rédemption
nourrissaient les masses populaires sur les cinq continents et
l'utopie arrosait de ses eaux les gras pâturages du ciel de la
Liberté. Une espérance politique calquée sur nos anciens délires
posthumes irriguait à nouveaux frais le jardin des Hespérides du
prolétariat mondial et l'intelligentsia européenne retrouvait
intacts les râteliers et les fourrages de la délivrance,
tellement une dialectique du salut économique avait remplacé le
royaume ancien de l'éternité.
4 - Les chromosomes de Dieu
Et pourtant, la sotériologie de confection du "processus
historique" n'avait pas démontré la nature héréditaire de la
folie eschatologique de Jahvé, d'Allah et du dieu des chrétiens.
Que valaient les chromosomes de nos dieux? Il fallait se décider
à étudier en laboratoire le capital psychogénétique des trois
monothéismes. La dernière récolte du pommier de l'Eden dans les
goulags du salut marxiste avait laissé un grand vide
intellectuel sous notre os frontal. Aussi a-t-il fallu armer
d'urgence le péché originel des démocraties d'une machinerie
pilotée par un logiciel stellaire, qu'on avait baptisé la "guerre
des étoiles". Mais la nouvelle Rome ne disposait pas, pour
autant, des atouts et des apanages d'une cosmologie de la
rédemption mécanisée. L'annonciation d'un démiurge électronique
asservi à l'étranger n'était pas de taille à conduire l'Europe à
une servitude sotériologisée par la décapitation des suppôts du
capitalisme.
En 2001, je vous
ai mis en garde contre le retour des félicités sacrées et des
prie-Dieu du libéralisme économique ; et nous avons appris de
conserve à nous méfier d'une épopée technologique dont les
rouages affairistes étaient trop rudimentaires pour nous
leurrer. L'enjeu anthropologique que cachaient les ressorts
guerriers des dieux simiohumains n'était autre que la mise en
esclavage du cerveau des semi-rescapés de l'Erèbe animal.
Certes, la conque
osseuse encore partiellement cartésienne de la France de
l'époque ne s'était pas résolument rebellée; elle n'en avait pas
moins manifesté des réticences suffisamment criantes pour que
l'outillage cérébral du fantasmagorique militarisé nous fît tous
rire sous cape. Le 11 septembre 2001, en revanche, un nouvel
ennemi aux dehors beaucoup moins mythologiques, mais plus facile
à doter d'un corps et à cuirasser des pieds à la tête a fait
débarquer à vive allure son arsenal sur la terre. L'Olympe des
démocraties l'a baptisé le Terrorisme.
5 - Le terrorisme et la sotériologie de
Wall Street
Dès le 14 septembre 2001, j'analysais à
l'intention de vos premières phalanges les composantes
psycho-chimiques des foudres du Zeus de la sainteté
démocratique. Vous avez approuvé mes premières conclusions, vous
avez reconnu à mes côtés que l'heure du prochain écroulement du
messianisme américain avait sonné. Vos régiments clairsemés ne
s'élevaient encore qu'à quelque trois cents paires d'oreilles
par jour. Mais des sites-relais et de nombreux portails ont
bientôt épaissi vos rangs. Comment se fait-il que vous ne vous
soyez pas indignés de mon refus, alors solitaire, de consommer
l'euphorisant universel du sentimentalisme politique, alors que
toute l'Europe se précipitait en aveugle sur la brebis galeuse
que le Titan blessé montrait du doigt: l'Afghanistan? C'est que
vous étiez informés depuis longtemps qu'ils sont trompeurs, les
oracles que profère l'inconscient semi-zoologique de la
politique mondiale. Vous saviez déjà que l'événement simiohumain
à observer, ce n'était pas un apitoiement spectaculaire et
émotionnellement légitime de la planète des enfants de choeur,
mais l'effondrement d'un building invisible: la tour de contrôle
de l'univers qui, depuis 1945, avait rallié le cosmos derrière
le panache blanc des Atlantes s'était écroulé.
Et maintenant, il fallait se résoudre à
soumettre le ciel frelaté de la démocratie du Nouveau Monde à la
cure d'amaigrissement qui lui ferait retrouver quelque peu la
raison. Nous allions renouer avec l'élan du siècle des Lumières,
nous allions faire basculer les héritiers ingrats de Voltaire
dans la postérité généreuse de son génie, nous allions clouer au
pilori une démocratie d'outre-Atlantique qui prétendait ordonner
aux descendants de la Révolution française de s'abêtir à
confondre des totems langagiers avec notre Descartes, nous
allions sonner le tocsin au clocher d'un nouvel apostolat
philosophique, nous allions faire monter sur le bûcher les
idéalités contrefaites des dieux nouveaux, nous allions
convaincre les descendants de 1789 de déclarer la guerre aux
fétiches du langage dont se nourrissaient les Jupiter de la
Californie ou du Texas.
Par bonheur, un certain Ben Laden avait rappelé aux hérauts
ensanglantés de la bannière étoilée qu'un milliard et demi de
musulmans frappaient de leurs poings nus aux portes de la
civilisation de la pensée rationnelle. Aujourd'hui vous êtes
plus de trois millions de pifs alertés par l'odeur nauséabonde
d'un dieu de la Liberté non moins squelettique, rachitique et
spectral que celui de feu la "guerre des étoiles": le
Terrorisme. Celui-là, du moins, ne s'auréole pas de
constellations verbales, celui-là porte dans le monde entier
d'aujourd'hui les vêtements du patriotisme et du droit des
peuples de disposer d'eux-mêmes. Le Lucifer du terrorisme nous
enseigne seulement que le ciel du profit a mis la planète de la
"liberté", du "droit" et de la "justice" au service de la
sotériologie de Wall Street et de la City.
6 - " Le
temps du monde fini commence " (Paul Valéry)
Et maintenant,
vous savez tous que l'effondrement sanglant de deux building à
New-York et celui, plus mystérieux encore, d'un autre géant de
béton et d'acier situé à plusieurs dizaines de mètres des
premiers et qu'aucun aérolithe ni céleste, ni terrestre n'a
touché, cachent le véritable gratte-ciel écroulé, qui n'est
autre que celui du faux évangélisme capitaliste; et vous savez
que celui-là n'a été percuté de plein fouet que par le dieu
autiste et suicidaire qu'il était devenu progressivement à
lui-même. En vérité, le 11 septembre 2001 a fait débarquer
l'apocalypse financière et bancaire dans le jardin d'enfants de
l'eschatologie démocratique mondiale. Et vous vous demandez
maintenant comment le drapeau étoilé persévèrerait dans sa
prétention d'apporter le pain d'un ciel de la Justice à une
espèce qu'il appellera en vain à s'en prendre à un nain
ridicule, le Terrorisme, à pourchasser un Pygmée, le Terrorisme,
à s'échiner contre un bossu, le Terrorisme.
Vous savez, vous, que le drame de la cécité qui frappe les
empires d'aujourd'hui est celui de la distance infranchissable
qui sépare désormais leurs ambitions terrestres démesurées des
empires de la peau de chagrin qu'on appelle encore le globe
terrestre: "Le temps du monde fini commence",
écrivait Paul Valéry en 1945; et il enchaînait: "Toute la
terre habitable a été de nos jours reconnue, relevée, partagée
entre des nations. L'ère des terrains vagues, des territoires
libres, des lieux qui ne sont à personne, donc l'ère de libre
expansion est close. Plus un roc qui ne porte un drapeau; plus
de vides sur la carte, plus de région hors des douanes et hors
des lois, plus une tribu dont les affaires n'engendrent quelque
dossier et ne dépendent, par les maléfices de l'écriture, de
divers humanistes lointains dans leurs bureaux. " [Paul
Valéry 1871-1945, Regards sur le monde actuel,
1945]
7 - L 'ignorance et les faux bijoux de la
connaissance
Dès 2003, vous
m'avez accompagné au théâtre. Nous nous sommes assis aux
premiers rangs. Vous étiez curieux de suivre le déroulement du
drame d'acte en acte; mais les péripéties de la pièce vous ont
laissé sur votre faim. Certes, la tragédie vous a permis
d'enrichir le trésor des documents anthropologiques que vous
m'aviez souvent signalés. Souvenez-vous, par exemple, du
spectacle réconfortant que la France nous a offert quand elle a
brutalement arraché son masque pseudo démocratique au plus
puissant empire de la terre. Nous avons vérifié, à cette
occasion, que si les Gaulois opposaient leur veto à la
bénédiction démocratique d'une guerre de conquête du pétrole en
Irak, nous donnions un peu de courage aux Nations Unis, qui se
trouvent placées sous le contrôle politique de Washington depuis
1945 et que l'empire américain se voit alors contraint de
retirer à la face du monde le manteau du pacifisme qui sert de
tenue d'apparat aux Républiques verbifiques d'aujourd'hui.
Mais était-il suffisant de réduire les
Tartuffe de leur ciel à envahir ce pays non seulement à visage
découvert, mais en violation ouverte du droit international et
des lois de la guerre? Etait-il suffisant, disiez-vous, de
rendre spectaculaire, l'attrape-nigaud mythologique qui avait
placé le Vieux Continent sous le sceptre de Washington ? Encore
fallait-il que le monde entier comprît que le faux dévot avait
piteusement rejoint le réalisme truqué d'Israël qui, depuis
1947, s'exerce à la gesticulation pseudo vertueuse et se
présente en victime harcelée par un farouche ennemi.
8 - Les ficelles théologiques de
l'humanité
Souvenez-vous du petit valet anglais, un
certain Anthony Blair, dont le tartuffisme est allé jusqu'à
proclamer l'univers menacé de se trouver rayé en trois quarts
d'heure du monde des vivants. Vous étiez inquiets par une
représentations demeurée en suspens; et vous vous demandiez si
la pièce n'occultait pas l'ultime secret de l'histoire du monde,
si l'auteur n'avait pas caché les vraies clés de l'histoire dans
sa poche, si les Etats-Unis et Israël n'avait pas appris à tirer
ensemble les ficelles théologiques de l'humanité, tellement
l'histoire illustrait maintenant une course de cochers de la
mort. Car des applaudissements nourris ont accueilli le discours
du vassal armé de sa fiole de l'apocalypse.
Et puis, observez les rênes de l'attelage :
l'Amérique et la démocratie mondiale emboîtaient le pas à
Israël. Vous vous disiez que le singe masqué conserverait
longtemps encore son cerveau microscopique et que la pièce ne
faisait que commencer Avec quel courage vous m'avez suivi dans
mes démonstrations consternées de ce que l'humanité actuelle ne
se trouve pas encore en mesure de comprendre les évènements
stupéfiants qui jalonnent son histoire. Vous m'avez également
fait connaître en grand nombre votre réprobation de spectateurs
pantois de ce que, cent mille ans après la découverte du feu et
de la roue, les quadrumanes épilés que nous appelons des humains
ne soient pas encore cérébralement armés pour observer les
rouages et les ressorts qui en font les otages de leur démence.
Mais songez que l'infirmité de l'entendement de notre espèce
ressortit à une ignorance fort singulière, non seulement en ce
quelle se montre sûre de son savoir, mais en ce qu'elle
s'enfonce toujours et nécessairement dans l'erreur à l'école des
démonstrations qui lui présentent fatalement l'erreur sous les
traits séduisants de la logique la plus sûre d'apparence. Les
descendants de l'animal à toison dont nous sommes issus croient
encore qu'ils comprennent le plus spontanément du monde ce
qu'ils entreprennent et ce qui leur arrive.
9 - L'inconscient de l'humanité et la
philosophie
Vers 2005, plusieurs d'entre vous m'ont suggéré d'introduire
dans la terminologie de la science historique et dans celui de
la géopolitique les néologismes "simianthropologie"
et "simianthrope". Plus nombreux encore sont les
sentinelles sur le qui-vive qui m'ont alors gentiment alerté
qu'il devenait bien impossible de faire comprendre plus avant
aux détenteurs de notre capital psychogénétique en panne qu'un
Etat nucléaire ne saurait se risquer à en attaquer un autre -
comme Israël feint de le croire. Cette petite nation armée
jusqu'aux dents d'une apocalypse de géants n'est pas aussi sotte
qu'elle s'ingénie à le démontrer: elle sait fort bien qu'elle
n'est menacée par aucun ennemi réel et que le feu et le fer sont
les masques d'une victime dotée de longs crocs. Mais comme il se
trouve que, depuis le 11 septembre 2001, c'est précisément au
même jeu que s'exerce l'empire américain sur la scène
internationale et à seule fin de s'étendre continûment sous le
rideau de fumée d'un terrorisme de pygmées qui le menacerait de
mort, vous avez visité les coulisses d'un carnage imaginaire et
vous avez passé en revue à mes côtés les mille cent garnisons
d'Alexandre qui illuminent de leurs torches les terres du saint
esprit.
Je remercie les
centaines de vigiles qui m'ont fait remarquer que
l'anthropologie critique est appelée à faire débarquer dans la
science historique et dans la politique de notre temps des
spectrographies d'une forme étrange de l'ignorance, celle qui
apprend à s'ignorer à l'école des masques du savoir qu'elle se
donne. Mais puisque l'ignorance dont les vêtements sont ceux de
la raison a été détectée il y a vingt-cinq siècles par le
premier martyr de la pensée que l'humanité ait exécuté, puisque
le type d'ignorance, dis-je, à laquelle seule la ciguë peut
servir d'antidote, puisque cette ignorance-là se met
volontairement à l'écoute des preuves qu'elle appelle à la
piéger en retour, l'évolutionnisme n'entre-t-il pas maintenant
dans un territoire fort nouveau pour lui, puisque la postérité
de Darwin rend désormais accessibles à nos instruments des
clichés radiographiques de l'état de développement du cerveau
moyen de notre espèce? Apprenons donc à peser de siècle en
siècle l'outillage qui nous leurre; car si c'est sous les
vêtements des démonstrations de la prétendue "vérité" que
l'erreur simiohumaine se présente toujours et nécessairement,
alors la philosophe ressortit à la science de l'inconscient
depuis Platon et Freud n'en a défriché que quelques arpents.
10 - Les
sentiers riants de la vassalité
D'autres parmi vous - et plus nombreux
encore - se demandent pourquoi le singe parlant se forge des
ennemis et des amis qu'il colloque dans le vide du cosmos et
quel profit il tire de faire semblant de combattre les uns ou de
faire alliance avec les autres, mais toujours, à l'entendre,
pour le plus grand bien de la masse de ses congénères demeurés
dans l'ignorance. Vous m'avez convaincu qu'il est devenu
illusoire de tenter de rendre intelligible l'évolution de notre
grain de raison si nous ne conquérons pas de haute lutte le
globe oculaire, la rétine, la pupille, le nerf optique et le
cristallin qui nous armeraient d'un regard de l'extérieur sur le
fonctionnement de la machine qui nous plonge à tous coups dans
la cécité; et vous avez commencé de coller votre œil à la
lunette du télescope qui vous fait apercevoir dans le lointain
les contours du cerveau des peuples et des nations d'hier et
d'aujourd'hui , tellement l'évolution de notre encéphale se
trouve étroitement liée aux vrais progrès de l'intelligence et
de la raison de notre espèce.
Encouragés par vos objurgations incessantes, j'ai semé les
pierres du petit Poucet tout au long d'un décryptage de la
servitude de l'Europe. Vous m'avez encouragé à placer mes
cailloux sous un microscope capable d'enregistrer l'évolution de
notre encéphale proprement politique. En voici un exemple: "Vous
autres, Gaulois, vous n'avez connu que des rois et des guerres
jusqu'au jour où vous vous êtes rangés sous l'autorité de nos
lois. Puis, vous n'avez cessé vos harcèlements, mais nous
n'avons usé de notre victoire que pour percevoir les tributs qui
vous accordent les bienfaits de la paix. C'est vous, le plus
souvent, qui commandez nos légions sur votre territoire, c'est
vous qui gouvernez vos provinces." (Tacite, Histoires,
L. IV, chap.74, Discours du Général Cerialis aux Gaulois
tentés par la sécession)
Voyez comme les sentiers riants de la
vassalité sont diversement empierrés d'un millénaire à l'autre
et comme ils se ressemblent. Par bonheur, vous courez à vive
allure sur les pistes d'une science anthropologique de la
servitude de l'Europe. C'est vous qui avez remarqué les premiers
que, depuis le 11 septembre 2001, le déclin que j'avais annoncé
de l'empire américain il y a dix ans obéit à des règles si
simples, si évidentes et si faciles à faire comprendre aux
enfants en bas âge que nous serions confus de recourir à des
vanteries sous prétexte que notre téléobjectif nous permet de
photographier l'encéphale de nos congénères de plus près.
Dès lors que les plus grands empires en décousent avec l'Ulysse
aux cent yeux que vous êtes devenus, que dis-je, dès lors que la
machine ronde dispose de plusieurs centaines de millions de
rétines qui surveillent nuit et jour la rotation de nos
congénères autour du soleil de notre politique, il est fatal que
notre masse encéphalique accélèrera son grossissement à bride
abattue. Combien d'entre vous ne cessent de me rappeler que
votre simianthropologie observe maintenant siècle après
siècle les performances croissantes des neurones que nous avons
hérités d'un lointain quadrumane toisonné!
11 - Un laboratoire planétaire de la mort
Vous m'avez également signalé qu'il existe
un abcès de fixation universel des progrès de la raison et de
l'éthique du chimpanzé vocalisé. C'est désormais sous les yeux
de la planète tout entière, me dites-vous, qu'Israël et l'empire
américain assiègent et affament une masse immense de nos
congénères dans une ville de quinze cent mille âmes et que ces
deux vauriens ont transformé Gaza en un gigantesque champ
d'observation en plein air des capacités de survie à la famine
de nos frères en Allah. Cent quatre-vingt cinq nations, me
dites-vous, viennent de condamner solennellement la barbarie de
cette paire de chenapans internationaux.
Mais vos derniers
télégrammes me laissent abasourdi. Est-il bien vrai que vingt -
six hommes politiques de haut rang, dont MM. Felipe Gonzalez,
ancien premier ministre espagnol, M. Javier Solana, ancien chef
des relations extérieures de l'Union européenne, Romano Prodi,
ancien chef du gouvernement italien et ancien président de la
commission européenne, Mme Mary Robinson, ancienne présidente
d'Irlande, M. Richard von Weizsacker, ancien Président d'
Allemagne, M. Helmut Schmitt, ancien Chancelier d'Allemagne, M.
Chris Patten, ancien commissaire européen, M. Hubert Védrine,
ancien ministre des affaires étrangères de la France, M.
Thorvald Stoltenberg, ancien premier ministre de la Norvège
auraient dénoncé cette sauvagerie d'une seule voix et que seuls
Washington et deux de ses vassaux anglo-saxons , Ottawa et
Sydney se seraient rangés du côté des tueurs agenouillés devant
les vaines icônes que les idéalités de la démocratie sont
devenues entre leurs mains?
Est-il vrai que l'humanité escalade soudainement un pic de la
vertu à donner le vertige à tous les primates ? Est-il vrai que
Gaza signifie "Trésor" en latin ? Est-il vrai que la planète
entière se rue au secours de la ville-martyre ? Est-il vrai
qu'au printemps, une flottille de trente sept navires de
ravitaillement tentera de forcer le blocus ? Est-il vrai que
cinquante nations et cent vingt cinq organisations humanitaires
parcourront huit mille cinq cents kilomètres pour tenter de
délivrer les affamés? Est-il vrai que cent vingt cinq
organisations humanitaires de nationalités, iranienne, indienne,
pakistanaise, nippone, népalaise, bahreïnie, turque,
australienne, azerbaïdjanaise, malaisienne, indonésienne et
singapourienne vont inverser le parcours des croisades du Moyen
Age? Est-il vrai que cent nations ont reconnu l'Etat palestinien
et que, parmi eux, on compte des poids lourds tels que
l'Argentine et le Brésil? Est-il vrai que le Monde
du 11 décembre 2010 aurait évoqué, pour la première fois depuis
sa fondation en 1944, la "génuflexion" des Etats
européens devant Washington? Est-il vrai que l'Europe aurait
approuvé à l'unanimité vingt-cinq résolutions des Nations unies
qui condamneraient la décision de Washington de légitimer la
conquête de la Cisjordanie par le glaive de l'Etat hébreu et de
contraindre les Palestiniens à négocier un dossier vide? Est-il
vrai que l'Europe aurait demandé à son tour le retour des
réfugiés, le rétablissement des frontières de 1967, la création
d'un Etat palestinien souverain et le partage de Jérusalem entre
les deux prétendants?
- Voir
L'Europe aux yeux crevés,
19 décembre 2010
12 -
Appel à votre vigilance
Un spectacle
aussi réjouissant a incité quelques-uns d'entre vous à me mettre
fort aimablement en garde contre un pessimisme persévérant de ma
réflexion. Vous m'avertissez gentiment que les démocraties
occidentales auraient d'ores et déjà basculé entièrement et de
manière irréversible du côté de l'alliance du trio de la Russie
de l'empire du Milieu et de l'Inde, vous me dites que l'Europe
de la foi et de l'espérance serait redevenue ascensionnelle à
souhait, vous me dites que Washington et Israël sombrent sous
nos yeux dans un naufrage de leur éthique, parce que les croisés
du ciel de la vérité courent à nouveau arracher à son tombeau
une démocratie torturée sur sa potence.
Je vous mets en
garde contre les pièges que les euphories insidieuses tendent à
votre candeur. Sachez que le conflit du Moyen Orient demeurera
insoluble par la négociation diplomatique, tout simplement parce
que la civilisation mondiale périrait à légitimer le rapt de la
plus grande partie de la Palestine par un antique prédateur
ressuscité. Croyez-moi, les verdicts de la raison ne peuvent
descendre définitivement au tombeau. Jamais vous n'obtiendrez du
genre humain que les principes de 1789 sacralisent
l'asservissement d'un peuple. Ce serait demander à l'Eglise
d'abolir le dogme de la transsubstantiation ou de la naissance
virginale.
13 - La
bancalité cérébrale de la laicité
C'est ici que
votre réflexion d'anthropologues de la méthode historique et de
spéléologues du politique doit progresser jusqu'à vous initier à
une philosophie nouvelle de l'évolution de notre espèce. Car le
XVIIIe siècle s'en était tenu à des indignations de la raison
devant les excès de la superstition pieuse et à une
délégitimation colérique des immenses richesses du clergé; mais
l'Etat rationnel et la société cultivée étaient demeurés dévots
au point que la laïcité du siècle suivant se proclamait encore
théologienne jusque dans les écoles de la République où la
croyance en l'existence de Dieu était enseignée aux enfants.
Puis la loi de séparation de l'Eglise et de l'Etat elle-même a
perpétué l' affichage officiel d'une foi religieuse.
Aussi l'éducation
nationale s'appliquait-elle exclusivement et le plus
discrètement possible à effacer les traces d'un enseignement
doctrinal et d'une catéchèse formaliste, de sorte qu'il en est
résulté une sorte de désert ou de vide culturel, tellement la
France d'une raison demeurée sinon liturgique, du moins semi
religieuse se gardait bien de poser ouvertement à l'Etat la
question de la bancalité confessionnelle de la République, alors
que la plus simple logique philosophique imposait à Socrate de
se demander pourquoi le genre simiohumain se forge des
personnages fantastiques, pourquoi il les loge dans le vide de
l'immensité et pourquoi il entre de siècle en siècle dans un
dialogue serré avec des acteurs cérébraux installés dans le
cosmos par ses soins.
14 - Les Robinsons de la démocratie
Ce rétrécissement du territoire qu'occupe un
psychisme humain erratique a paralysé non seulement la
connaissance rationnelle de la complexion cérébrale et des
ressorts mentaux des déserteurs partiels du règne animal, mais
également la scientificité de la méthode historique et de la
politologie. Longtemps l'Occident ne s'en est pas aperçu, parce
que l'hégémonie mondiale qu'exerçaient ses techniques et ses
mathématiques lui donnaient la double illusion de se colleter
avec le monde réel et de détenir les clés de l'intelligibilité
du passé, du présent et de l'avenir. Souvenez-vous de la IIIe et
de la IVe République: la planète semblait tourner autour des
Assemblées nationales. La vaine éloquence d'un quarteron de
députés faisait croire aux cinq continents que le genre humain
se trouvait dirigé de la voix et du geste par d'étroits cénacles
d'élus du peuple souverain.
Du lundi au vendredi, le compte-rendu des débats parlementaires
occupait du haut en bas et en caractères gras la colonne de
gauche de la première page du Monde, jusqu'au jour
où une France abasourdie par les guerres d'Indochine, puis
d'Algérie s'est subitement aperçue que, par sa nature même, le
régime démocratique ne saurait respirer au rythme de l'histoire
du globe terrestre et que le suffrage universel ne jette pas un
regard au cadran de l'horloge où le temps court sur d'autres
chemins que ceux de la gestion municipale des Etats. Le Général
de Gaulle lui-même n'a été qu'un intermède respirant entre deux
séances de l'Assemblée nationale.
Il a fallu attendre le coup de semonce du 11
septembre 2001 pour découvrir que non seulement les démocraties
passent au large de l'histoire de la planète, mais qu'elles sont
condamnées à en ignorer le tragique et les tempêtes, puisque la
laïcité elle-même a seulement déposé la France de la raison et
de la pensée sur un îlot où le coup de théâtre de la mort de
tous les dieux se trouvait apprivoisé par une humanité heureuse
de camper désormais sur une île déserte. Et pourtant, il n'est
pas de révolution cérébrale plus extraordinaire que le
débarquement de la solitude du singe privé de compagnons dans le
cosmos. Depuis lors, les aventures de notre conque osseuse ne
seront décryptables, comme il est dit, plus haut que si nous
découvrons pourquoi notre espèce se plaçait depuis des
millénaires sous la protection de ses idoles.
15 - La planète du sacré et la France
Le 11 septembre
2001 a rappelé que non seulement la France de la IIIe, mais de
la IVe République n'a jamais rien compris à l'histoire véritable
du monde onirique dans lequel baigne le simianthrope,
puisqu'elle a interdit à ses historiens de jamais tenter
d'expliquer la furie des Croisades, les enjeux anthropologiques
des guerres de religion les couperets des théologies et des
dogmes. Mais la Ve République des Robinsons du cosmos a encore
aggravé le retard cérébral de la nation de Descartes,
puisqu'elle n'en est pas encore revenue de ce qu'il existe un
milliard et demi de musulmans en chair et en os sur la terre et
un milliard de chrétiens à couteaux tirés entre eux sur le point
de savoir pourquoi ils perpètrent sur leurs autels un meurtre
dont ils ont fait leur nectar.
Et pourtant, il existe une statue du Christ de trente mètres de
hauteur à Rio de Janeiro et une autre de trente-trois mètres
vient de se dresser en Pologne, et pourtant, la Russie se
prosterne à nouveau devant ses icônes antérieures à 1917, tandis
qu'en raison du campement de la France de la laïcité à l'écart
des ciels surpeuplés des autres nations de la terre, la France
fondée sur la séparation de l'Eglise et de l'Etat, la France de
la postérité du Discours de la méthode, la France
demeurée ennemie des sciences de l'inconscient se révèle
impuissante à prendre la tête de la guerre des sciences
humaines, et d'éclairer la planète sur la nature délirante de
l'étrange animal qui, partout dans le monde, se regarde encore
dans le gigantesque miroir collectif de ses théologies
nationales.
16 - L'inconscient théologique des
peuples démocratiques
Vous qui jouissez
de l'immense privilège philosophique d'habiter le seul
territoire du monde en attente du lancement de la fine fleur de
son élite intellectuelle dans l'aventure prodigieuse
d'approfondir la connaissance anthropologique des religions,
sachez que vous y êtes poussés l'épée dans les reins, parce que
la politique et l'histoire des démocraties se révèlent des
décalques fidèles des délires sacrés auxquels les nations
demeurent amarrées.
Puisque, depuis
la nuit des temps notre espèce se forge des dieux à son image,
et cela non point seulement afin de se donner des guides et des
protecteurs sous le soleil et de se laisser piloter par une
éthique utile à l'autorité de leurs Etats et de leurs lois, mais
également afin d'apprendre à se regarder dans les miroirs géants
qui répondent à sa taille et à ses ambitions sur la terre, vous
en conclurez qu'il existe autant de démocraties que de
cosmologies mythiques.
La nation anglaise a fait de son roi le chef de sa foi insulaire
; et puisque ce peuple obéit comme un seul homme à sa double
effigie sur la terre et au ciel, voyez, en outre, que la nation
espagnole fait don à sa démocratie de l'alliance du Christ avec
le taureau de Mithra, voyez, en outre, que la démocratie
allemande de Luther fait, de la religion de la croix, une copie
de la discipline militaire et de la moralité des Germains de
Tacite, voyez en outre que la démocratie italienne négocie avec
le dieu des chrétiens sur le modèle des Romains avec Mars et
Jupiter, voyez en outre, que la France des docteurs de Sorbonne
a mis, dès le Moyen Age, le christianisme à l'école de la
logique d'un Descartes encore dans les limbes et que nos
républiques s'appliquent à défricher depuis deux siècles la
planisphère de la démocratie par la mise en coupe réglée de
l'empire de la liberté à l'aide des arguments pro et
contra des controversistes du Moyen Age. Apprenez donc qu'il
n'y aura pas de connaissance scientifique de l'histoire et de la
politique si vous ne percez les secrets d'un chimpanzé que la
nature a rendu théologique de naissance. Si vous ne vous y
exercez, vous ressemblerez à un homme qui se regarderait de la
tête aux pieds dans un grand miroir et qui, ayant vendu son
image spéculaire aux enchères, s'imaginerait non seulement avoir
perdu son effigie avec son réflecteur, mais avoir changé
entièrement de nature.
17 - L'avenir de Jahvé
Et maintenant,
regardez Jahvé monter la garde dans l'enceinte de la Knesset,
regardez Allah tenir l'immense troupeau de ses fidèles à l'écart
du champ de la politique mondiale, parce que le réel, dans
l'encéphale des lecteurs du Coran se divise entre le territoire
mental des chiites et celui des sunnites. Si après cela, vous ne
dites pas que l'Europe et l'Amérique n'y voient goutte, vous
vous interdirez de monter sur la caravelle de Christophe Colomb
de demain.
Commémorons dix ans de notre ascension
commune par un appel à votre vigilance. Ne quittez pas le
moribond du regard, observez les derniers soubresauts de
l'agonisant, demeurez des cliniciens avertis. Vous êtes sur vos
gardes au chevet d'une civilisation en panne du "Connais-toi".
Si vous n'assistiez aux derniers soubresauts du géant, comment
le chasseriez-vous du territoire des nations de l'Europe où il
s'est incrusté depuis 1949. Mais pour cela, il vous faut
progresser de quelques pas encore dans la connaissance
anthropologique de l'inconscient du politique, sinon, le sort
qui vous attend serait celui des futurs Palestiniens de
l'Europe!
Car Jahvé, c'est
Israël en chair et en os, tellement les peuples sont les
interlocuteurs glorieux de leurs idoles, tellement ils en
portent les armes et en affichent l'ossature, tellement le
simianthrope s'adresse à sa propre effigie agrandie à l'échelle
de la nation qui en exprime le surmoi dans l'immensité du
cosmos.
A partir de Tibère, les dieux romains se
sont sentis menacés. Isis et Sérapis les talonnaient, et leurs
parures sentaient bon l'universalité du divin. Mais le
christianisme lui-même n'a fait que multiplier les apanages
abstraits et insaisissables du crucifié. Nous venons de
souligner qu'il existe, en réalité, autant de religions de la
potence que de nations chrétiennes; et que, de tous les Etats de
la terre, Israël est le seul qui ait conservé intact le Céleste
du territoire de son peuple. Quand vous aurez élu un Président
de la République livré en sa chair et son sang à un conflit de
devoirs, de loyautés, de vision du monde insolubles, dites-vous
bien que si vous lui demandez tels ou tels arrangements
territoriaux avec les Palestiniens, il vous les accordera du
bout des lèvres et sous la contrainte internationale ; mais
quand il verra que le dieu Jahvé n'acceptera jamais le retour
des réfugiés, les frontières de 1967, l'abandon de Jérusalem, il
obéira aux ordres de son Jahvé intérieur - et jamais l'Europe ne
courra vers le destin nouveau qui l'attend en Asie, et jamais la
civilisation européenne ne retrouvera une vocation, une vision,
un destin.
18 - Que signifie " penser " ?
Observez donc à
mes côtés à quel point le simianthrope européen souffre encore
de deux infirmités crâniennes majeures. La première l'entraîne à
reprocher à l'empire américain de s'étendre par la force des
armes. Mais vous savez, vous, que, depuis six mille ans, les
grandes puissances s'étendent à la manière dont poussent les
cornes des taureaux et que si vous ne décidez pas de les
combattre les armes à la main, elles ne sauraient trahir par
miracle d'une intervention du ciel la complexion conquérante qui
leur appartient, tellement le glaive ne se laisse vaincre que
par le glaive. Fiez-vous donc à la droiture d'esprit qui vous
enseigne qu'il n'y aura pas de laïcité vivante sans mission
intellectuelle de la France, pas de démocratie vivante sans
vocation cérébrale de la nation, pas d'Etat vivant sans appel à
l'intelligence du monde, pas de République vivante sans trophées
du "Connais-toi".
Vous êtes les ouvriers de la maturation
politique de l'Europe, vous êtes les éducateurs du suffrage
universel des démocraties, vous êtes le levain des peuples qui
attendent de vous un vrai regard sur le monde. Si vous ne
devenez des guides politiques de l'histoire de la planète, les
générations futures retomberont parmi les otages de leurs
idéalités sur la scène internationale.
19 - Les chimpanzés du cosmos
Voyez comme la
République des évangélistes de la Liberté s'est seulement
félicitée de n'avoir pas laissé la France s'empêtrer en Irak,
mais non d'avoir porté le premier coup d'arrêt à l'expansion
d'un empire! C'est qu'il y faudrait des spectrographies
simianthropologiques des trois chimpanzés du cosmos que nos
ancêtres n'ont pas appris à toiser, le dieu de la Croix, le dieu
Jahvé et le dieu Allah. Beaucoup d'entre vous savent que, depuis
vingt-cinq siècles, une philosophie à peine évadée de la
zoologie débattait vainement de l'existence ou de l'inexistence
corporelle ou incorporelle de "Dieu" et que Freud s'est
interrogé le premier sur la généalogie d'un père mythique du
cosmos dans le cerveau des enfants.
Si vous vous
essayez donc à une psychanalyse anthropologique de la schizoïdie
politique de Jahvé et du dieu des chrétiens, vous observerez
comment la créature dichotomisée entre le réel et le songe copie
et partage les embarras politiques et éthiques du démiurge
qu'elle a forgé à son image et ressemblance, comme elle le dit
elle-même. Alors, vous saurez comment Israël se piège à tenter
de fonder la légitimité politique de sa conquête de la
Cisjordanie par les armes sur le rejet de l'autre face de son
idole et de lui-même.
Ne soyez pas
scandalisés par mes blasphèmes, parce que l'avenir spirituel des
dieux tâtonnants a toujours dépendu de leurs prophètes. Il vous
appartient d'enfanter les Isaïe de demain, il vous appartient de
donner à l'athéisme les armes de la raison élévatoire en mesure
de décoder les personnages oniriques qu'on appelait des dieux.
20 - Les
anthropologues du sacré
Quand vous aurez démontré que les théologies sont des documents
biphasés dont seule une simio-anthropologique peut éclairer les
arcanes, vous saurez également que l'effort actuel d'Israël de
renoncer à l'héritage ascensionnel de Jahvé face au synode des
juristes du ciel romain fournira à la science historique et à la
politologie abyssale à venir les instruments d'une quête sans
laquelle la connaissance des fondements théo-politiques de la
vassalisation de l'Europe demeureront énigmatiques et sans
profit pour les sciences humaines à venir.
Voir -
Le Saint Siège et Israël - Qu'est-ce qu'un personnage
historique 1 ? 5 décembre
2010
Ce sera en anthropologues du sacré qu'il vous faudra plonger
dans les entrailles du mythe dualiste, ce sera en simiologues du
chimpanzé actuel qu'il vous faudra observer la face isaïaque et
la face guerrière de Jahvé.
Vous êtes
l'avenir de la France de la raison. Si vous donnez rendez-vous à
l'intelligence du monde, si vous vous situez dans la postérité
encore à féconder du siècle des lumières, le déclin de
l'Amérique et de son mauvais génie, Israël, feront, du XXIe
siècle, le "royaume des cieux" transfiguré qu'attendent les
résurrecteurs d'une civilisation responsable de la grandeur et
du tragique de ses lucidités.
Je vous remercie de votre accompagnement de dix ans. Puisse le
chemin que nous avons tracé ou du moins jalonné ensemble entre
l'histoire racontée et l'histoire spectrographiée paraisse
heuristique à votre génie, celui de la génération que vous aurez
enfantée à votre propre écoute.