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Europolitique

Honte à une Europe quadrillée de missiles américains
L'Europe et la France à la croisée des chemins
Manuel de Diéguez


Manuel de Diéguez

Dimanche 24 juin 2012

1 - Bouche cousue, Allemagne !
2 - L'Europe des vassaux
3 - La capitulation de Chicago
4 - L'Europe, un vaisseau privé de mâture
5 - Le bateau ivre de Rimbaud

1 - Bouche cousue, Allemagne !

Une Chancelière d'Allemagne au terme de sa carrière, un Président de la République française à l'aube de son destin, quelle occasion de peser les forces en guerre ou en rivalité entre elles sur cette planète!

Comment se fait-il que l'Allemagne ait conquis une manière de prééminence passagère sur le Vieux Continent, alors que son territoire se trouve occupé depuis trois quarts de siècle par deux cents bases militaires américaines, que l'armée de Siegfried ne dispose pas du feu nucléaire, que la chaise du héros demeure vide au Conseil de Sécurité des grandes puissances et que les fils d'Arioviste ne sauraient ouvrir la bouche au Moyen Orient, parce qu'Israël n'est pas d'humeur à leur laisser piper mot sur son expansion continue en Cisjordanie et à Jérusalem?

Et puis, où sont les parfums enchanteurs des Germains de Tacite, leurs bijoux sans prix, leurs liqueurs précieuses, leurs grands couturiers, leurs vins renommés? Outre qu'un marché du goût et du luxe n'est pas près de naître outre-Rhin, la langue allemande est à la dérive - il serait ridicule de seulement tenter de faire accoucher des chefs-d'œuvre littéraires à un vocabulaire contrefait et étranger au génie du pays, il serait grotesque de mettre reagieren, realisieren, debattieren, declarieren, initieren, demonstriere, instabil, rapide dans la bouche du Werther de Goethe ou du Guillaume Tell de Schiller. Nous lisons encore Ronsard et même Villon, les malheureux Germains lisent leurs auteurs du XIXe siècle notre petit Larousse à la main.

2 - L'Europe des vassaux

Dans ces conditions, pourquoi la France se trouve-t-elle empêchée de seulement montrer au monde les cartes gagnantes qu'elle a entre les mains, pourquoi lui est-il interdit de s'installer à la table de jeu de l'histoire, pourquoi M. Lavrov ne répond-il même pas aux déclarations de notre ministre des affaires étrangères, mais directement au maître américain qui tire les ficelles d'une France qui fut gaullienne dans une vie antérieure, pourquoi M. Poutine en appelle-t-il au réveil politique de l'Europe, alors que M. Barack Obama craint seulement une baisse des exportations des Etats-Unis en direction de ses vassaux du Vieux Monde? Parce que l'alliance de Paris avec les jumeaux monozygotes qui tiennent les rênes de l'univers a fermé aux Gaulois, et pour longtemps encore, la porte de leurs ambitions naturelles et multiséculaires sur le Vieux Continent.

Comment conquérir de haute lutte le rang de chef de file d'une Europe vassalisée par soixante dix ans d'occupation étrangère si vous ne pouvez faire sortir de l'écurie le cheval que son maître d'ailleurs tient par la bride? Essayez seulement de saisir l'histoire par les naseaux et vous vous trouverez assigné à comparaître en citation directe devant le tribunal d'un monde piaffant et écumant. Un procureur de la République des droits de l'homme et du citoyen vous lira d'une traite l'acte d'accusation que vous savez - vous serez reconnu coupable d'avoir contrevenu aux règles du champ de course et vous serez reconduit à l'étable. Le nouveau péché originel est né de la victoire de la démocratie sur la tyrannie : vous répondrez du délit d'antisémitisme devant le Saint Office des modernes.

On peut rechigner à l'avouer, mais c'est un fait qu'il faut reconnaître sans tarder davantage: le peuple allemand se serait soulevé depuis longtemps contre l'occupant, le peuple italien aurait chassé depuis belle lurette la flotte de guerre américaine du port de Naples, un nouveau Garibaldi aurait remis les places fortes de Pise et de Bologne entre des mains romaines, la Belgique aurait expulsé de Mons le quartier général des forces armées de l'OTAN si la communauté juive de l'Europe entière ne se trouvait intimement alliée à celles d'un Nouveau Monde dont les prêts gigantesques à l'Etat d'Israël conditionnent l'extension territoriale du peuple élu au Moyen Orient.

Certes, dès 1966 - en pleine guerre froide - la France avait chassé les troupes d'occupation d'un sauveur et délivreur qui entendait bien s'incruster sur son sol à perpétuité; mais, sorties par la porte, les légions de l'étranger sont rentrées par la fenêtre. Aujourd'hui, elles demeurent stationnées au cœur de toutes les nations de l'Europe en vertu de la conclusion de traités bilatéraux imposés sous la menace de dures rétorsions aux vassaux de l'empereur de la démocratie mondiale. Assurément, la France demeure appelée à jouer le rôle de chef de file d'une guerre de reconquête de sa souveraineté que l'Europe entreprendra tôt ou tard, assurément, tout contraindra notre pays à incarner une fois encore l'émancipation d'une civilisation qui ne mérite ni une déchéance précipitée, ni une humiliation honteuse, ni une léthargie éprouvante. Mais la capitulation définitive des volontés et des courages du Vieux Monde est-elle vraiment exclue?

3 - La capitulation de Chicago

Certes, les chances de la victoire ne sont pas minces: outre que l'Asie court à toute allure en direction de l'Afrique, de l'Amérique du Sud et de l'Europe, seule l'Angleterre arme encore son bastion insulaire sur le flanc océanique des descendants de Christophe Colomb. Mais comment ne pas s'inquiéter de tant de passivité des chefs de file de la zone euro, alors que le basculement rapide et massif du centre de gravité de l'astre qui nous charrie mollement autour du soleil dépend d'une révolution politique d'ores et déjà suffisamment mûre dans les esprits pour se déclencher subitement? Cette instantanéité d'une foudre libératrice se trouve placée entre les mains de la France "des armes et des lois". Mais la Gaulle serait-elle subrepticement devenue la belle prisonnière de la "douceur angevine" de nos premiers poètes et les Germains, les otages consentants du suicidaire préromantique dont Goethe a armé la passivité et la mélancolie allemandes?

Mais il se trouve que les peuples placés sous le joug d'un conquérant lointain perdent jusqu'à la mémoire de leur servitude parmi leurs fourneaux, mais il se trouve que la vassalité rampante et cuisinière anéantit à domicile jusqu'à la crudité du spectacle de la vassalité largement étalée, mais il se trouve que l'oubli de leur joug est l'analgésique des esclaves. La classe politique européenne est une amnésique, mais également une opiomane. La science politique est cruelle: elle enseigne qu'il n'est pas de souveraineté d'une valetaille de nations oublieuses de la fierté des Etats et dont les baïonnettes d'un empire étranger hérissent le territoire. Aussi n'est-ce pas sous les applaudissements de l'ignorance, mais également de la lâcheté que l'Amérique vient d'étendre sa puissance guerrière et sa souveraineté politique à rassembler autour de leur propre pleutrerie ses auxiliaires domestiqués - ils sont allés jusqu'à se rendre à Chicago afin d'y assister à un match de football retransmis à la télévision; et c'est au cours de cette rencontre sportive et comme en passant, mais à l'unanimité, que les supplétifs ont opiné pour leur propre mise sous la tutelle d'un bouclier plus démocratico-salvifique que jamais, tellement les conquérants au grand coeur transportent leurs évangiles dans leurs bagages.

4 - L'Europe, un vaisseau privé de mâture

Pendant ce temps, la civilisation des canons de la Liberté demeure bousculée par des songes qui se chamaillent entre eux. A peine étions-nous sortis des suffocations confessionnelles et doctrinales du Moyen Age que de nouveaux ravages de nos dévotions ont assailli nos vieilles canonnières - et l' échine de notre sainteté a fléchi sous une grêle de boulets bourrés d'une poudre inconnue de nos anciennes rédemptions. Puis nous avons troqué les séraphins de Karl Marx contre les anges cuirassés et griffus de l'argent-roi.

Du coup, nous avons oscillé entre l'artillerie démocratique et celle du marché. Tout cela a tellement brisé l'identité politique un peu raide, mais d'une belle fierté que nous avions héritée du glaive romain que nous ne savons plus à quelles longitude et latitude de la planète des obéissants nous voguons présentement. Tantôt le vent du grand large caresse encore nos voilures, tantôt nous ne cabotons plus qu'au ras des côtes. Le plus souvent nos sillages prudents évitent les récifs au ras des flots. Mais le désarroi gagne nos équipages; et nos derniers capitaines au long cours suivent à la jumelle les souverains des mers qui nous font la nique ou nous montrent leurs griffes. La pompe et la parure de nos derniers vaisseaux gardent parfois le rang et la majesté de nos trois mâts d'autrefois , mais déjà il nous arrive de lâcher le gouvernail, tellement le destin qui nous traque passe au large de nos quilles.

Quel orgueil bienvenu nous remettra-t-il au timon des affaires, quelle fierté nous réveillera-t-elle au bord du gouffre? Reprenons le sextant de nos humiliations et de notre engloutissement: nous disions que l'histoire du monde mettait des cartes nouvelles entre les mains de la France, nous disions que des vents propices jouaient aux brises printanières, nous disions que nous allions remonter sur le pont de l'histoire et voguer à nouveau toutes voiles dehors.

Mais ce qui manque le plus à l'Europe, c'est le mât de misaine; et puis, la surface de la terre est tellement bombée qu'à peine voyons-nous les flottes ennemies surgir des flots à dix lieues de nos bésicles.

5 - Le bateau ivre de Rimbaud

Voici qu' un Titan des mers se présente à bâbord. Quelle multitude de casaques, quelle forêt de porte-voix, quel équipage tout entier sous les armes! Navire de guerre ou bateau de plaisance, forteresse flottante d'un continent naufragé, croiseur hérissé de bouches à feu ou d'étendards criblés d'étoiles? Que signifient ces oriflammes de sang, ces bannières déchirées sur nos remparts en feu, ces têtes de mort brodées sur des tibias entrecroisés, ces foudres d'une liberté engluée de carnages? Que nous crie maintenant à tue-tête le capitaine du géant? "Frégate des ombres et des songes, barque de spectres et de fantômes, où vais-je conduire ton orgueil et tes gibernes, tes fanions et ta poussière, tes écussons et tes blasons ? Europe sans mémoire, tes drapeaux ont souillé leurs hampes en Afghanistan et en Irak. Vais-je te remorquer à Damas? Europe des dentelles et des hommes de main, Europe des glaives rouillés dans leur fourreau, Europe sans nom et sans voix, dis-moi, est-il une rade en attente de ta carcasse, Europe vermoulue, dis-moi, est-il une baie à l'abri des tempêtes, est-il un havre dont les eaux ne fuiront pas la honte de bercer ta carène, Europe, dis-moi, vais-je agripper ton rafiot par la poupe et te traîner par la queue?"

Il n'est plus de fleuves impassibles, disait Arthur Rimbaud, plus de haleurs criards, plus de clapotement furieux des marées, plus de tohu-bohu triomphants, plus d'ouragans et d'éveils. Europe au cerveau d'enfant, bouchon dansant sur les flots, l'eau verte a pénétré ta coque de sapin. Et maintenant, noyé pensif, où sont tes cieux crevés d'étoiles, et tes incroyables Florides, et tes flots frissonnants? Et maintenant, dormeuse à reculons de l'histoire, tu gis le ventre en l'air, la carène crevée, la carcasse éclatée, la quille brisée; et maintenant seul le génie d'un poète fait de toi le glorieux porte-voix de ton naufrage en haute mer.

Savez-vous, Européens de Chicago, qu'un canon immense se prépare à tonitruer jour et nuit au-dessus de vos têtes, savez-vous, Européens d'Amérique, que vos terres vont trembler sous le tonnerre d'un occupant lointain, savez-vous, Européens de l'oncle Sam, que l'envahisseur d'outre-Atlantique piétinera vos jardins d'un cœur compatissant, savez-vous Européens couards, que le mufle de votre dompteur suivra la trajectoire d'une étoile, savez-vous que les foudres de votre évangélisateur sillonneront vos cieux poussifs? Europe d'un cosmos en vadrouille, Europe vagabonde et craintive, Europe quadrillée de missiles, il était plus grand que toi, le destin qui te mettait un glaive à la main ! Et maintenant, tu te penches seulement sur ton tiroir-caisse, et maintenant tu joues les criblés de dettes, et maintenant tu ne rechignes que devant la dépense, tellement la fierté n'est plus de taille à venir à la rescousse de ta charpente, et maintenant, continent du roi Arthur, le bateau ivre de l'histoire du monde est celui de ta honte.

Le 24 juin 2012

Reçu de l'auteur pour publication

 

 

   

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Source : Manuel de Diéguez
http://www.dieguez-philosophe.com/

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