Cette fatalité se dessine déjà dans le discours de la
sophistique de M. Barack Obama du 19 mai 2011, qui a rendu
orageuse sa rencontre du 20 mai avec M. Benjamin Netanyahou,
pour ne rien dire, j'y reviendrai, du ridicule d'un Président
qui voit un chef d'Etat étranger venir haranguer les députés de
son pays sous son nez et à sa barbe et qui se voit contraint
d'adresser un solennel discours d'allégeance à ses compatriotes
sionistes. Mais le jour viendra inéluctablement où nos
politologues à la vue basse se verront contraints de
s'interroger sur le fonctionnement dédoublé de l'encéphale d'une
espèce spéculaire de naissance et qui cache sa chair et son sang
sous le masque de ses dieux.
Déjà le monde arabe monte de toutes part à
l'assaut des phalanges d'Israël, déjà la civilisation
occidentale étend sa religion de la Liberté à tout le globe
terrestre, déjà l'humanité se voit inéluctablement conduite à
changer de rétine. Que ferons-nous quand les armées de Jahvé
auront reconquis la Cisjordanie pied à pied, que ferons-nous
quand elles s'enfermeront, l'arme au poing dans la ville sainte,
que ferons-nous quand l'auréole de l'apocalypse chapeautera les
autels du peuple hébreu? La forteresse imprenable des fous
bibliques n'est autre que leur tête. C'est cette interrogation
anthropologique qui bondira sur la scène internationale comme un
fauve enchaîné durant soixante-dix ans et que tous les Etats de
la planète tentaient de garder derrière les barreaux de sa cage.
Qu'adviendra-t-il quand le sionisme mondial aura fait triompher
le lion de Juda?
2 - M.
Dominique Strauss-Kahn et les cartes de la France de demain
M. Dominique Strauss-Kahn aurait accéléré le
débarquement de cette tragédie sur notre astéroïde s'il avait
été élu à la présidence de la République, parce que personne
n'imagine un seul instant qu'il aurait gardé la tête froide à
l'heure où la question de la parturition illégitime de l'Etat
d'Israël en 1947 aurait imposé à la conscience universelle et à
la France la nécessité de clarifier les fondements juridiques de
la démocratie mondiale. Comment valider la colonisation d'un
Etat par un autre au sein de l'Eglise de la Liberté? Comment
entériner devant notaire une conquête guerrière au nom même de
la religion des droits de l'homme? Qui peut nier que ce thème a
commencé de dresser l'oreille sur la scène internationale et que
le gouvernement israélien est consterné de ce que les faits se
permettent de prendre la parole?
Bien plus, le grand économiste du Fonds
monétaire international disait lui-même qu'on l'attaquerait sur
trois fronts: celui de ses relations ardentes avec le sexe dit
faible, celui de sa richesse et celui de sa judéité. On voit
d'avance comment il se serait barricadé dans une " judéité "
abstraite, extraterrestre et qu'il sait intouchable afin de
tenter d'imposer à la France et à l'Europe une solution
"biblique" à la question du blocage de la politique de la
planète par la volonté sacrée des théologiens d'Israël
d'occulter le réel. De ce point de vue, il faut regretter la
mise hors jeu prématurée de ce candidat à la présidence d'une
République laïque, tellement, il aurait hâté, sans le vouloir,
le sûr mûrissement d'une aporie insoluble, donc la prise de
conscience progressive du caractère religieux par nature de la
difficulté à résoudre, puisqu'un Occident devenu acéphale a
cessé d'approfondir le sens anthropologique des notions de
raison et de déraison.
3 - Le
sionisme et le monde
Quand les masses arabes de tout le bassin
méditerranéen se seront mises en mouvement, quand la démocratie
donnera son élan moderne à l'islam, quand des millions de
Palestiniens enserreront l'ilot des fils de David, les écailles
tomberont des yeux de la France ; mais la nation aurait compris
plus tôt qu'un président de la République juif , sioniste et
riche à millions est une hypothèse bien plus absurde et plus
ridicule que celle d'un chef d'Etat de gauche véhiculé sur les
coussins d'une Porsche somptueuse.
Dans les pages qui suivent, j'ai tenté de
débroussailler quelques sentiers de l'anthropologie critique de
demain, tellement il était vital, pour l'avenir politique
d'Israël dans le monde entier, qu'un Président Nicolas Sarkozy
devenu un allié fléchissant du sionisme sous le poids
grandissant d'une opinion mondiale informée du danger, plaçât un
autre sioniste à la tête de la France. Déjà deux bi-nationaux de
cœur, MM. Fabius et Hollande, entrent dans l'arène, prêts à
prendre la relève de la mission secrète que M. Dominique
Strauss-Kahn aurait accomplie, celle d'interdire à la France et
à l'Europe de se donner un destin à la tête du pôle nouveau de
la puissance vers lequel les Etats émergents appellent la
politique mondiale à basculer.
Dans ce contexte,
le devoir évident de la pensée critique est de se placer sous le
regard d'une problématique anthropologique et philosophique
avertie de l'avenir qui attend la civilisation démocratique
mondiale: car si l'Occident ne saisissait pas cette occasion
d'élargir à la planète l'échiquier européen du "Connais-toi",
nous courrions vers le même échec de l'humanisme mondial qu'à la
suite du drame nazi et soviétique et nous n'en saurions pas
davantage sur les arcanes des héritiers compliqués d'un primate
à fourrure et sur le désastre politique qui nous guette.
4 - A la
recherche d'un discours de la méthode
Alors que la presse nationale unanime, les
sondages d'opinion téléguidés et les conventions tacites qui
régissent les commentaires politiques jugés convenables se
coalisaient pour présenter la future candidature de M.
Strauss-Kahn à la présidence de la République sous un jour
exclusivement hexagonal, j'avais essayé à deux reprises, de
situer l' ambition politique de cet économiste dans le contexte
moins rapetissé qui seul lui donnait son sens véritable.
-
Israël et le destin de la démocratie
mondiale, 8 mai 2011
-
L'Europe aux yeux crevés, 19
décembre 2010
La mort politique subite de ce grand
banquier met en conflit le sentiment de commisération bien
naturel que j'éprouve, d'une part, avec la lumière politique
nouvelle, d'autre part, dont le naufrage d'un destin illumine
subitement la scène internationale tout entière - lumière dont
la politologie moderne tirera un grand bénéfice méthodologique.
Car il s'agit de rien de moins que d'éclairer à la chandelle du
bon sens et du sentiment d'évidence la stratégie cachée d'Israël
à l'échelle internationale - stratégie qui entend tenir d'une
main ferme les fils du conflit tragique, mais inéluctable vers
lequel le monde entier court à fond de train. D'un côté, on voit
rangés en bataille les beaux restes des principes universels
censés régir la démocratie mondiale, de l'autre le nationalisme
messianique et guerrier dont témoigne le "peuple élu" présente
les armes sous le soleil de ses saintes évidences.
Il s'agit de reconquérir les terres sacrées
qu'une divinité locale est réputée avoir données pour l'éternité
aux ancêtres mythiques des Hébreux d'aujourd'hui. Quiconque
entend expliciter cette seconde mouture de l'épopée biblique aux
flambeaux des paramètres conceptuels et aux cierges des
présupposés méthodologiques dont use la politologie semi
scientifique de notre temps se trompe de problématique,
d'échiquier et de méthode d'analyse, tout simplement parce que
le voyageur étranger aux chemins qui sillonnent un territoire
ressemble à un alchimiste qui essaierait de promener sa torche
sur les terres de Lavoisier, à un théologien qui tenterait
d'arpenter le pays de Freud et de Darwin la lanterne les
Evangiles à la main, à un astrologue que le ciel de Ptolémée
s'efforcerait d'égarer dans l'astronomie de Copernic, à un
géomètre qui s'épuiserait à mettre les théorèmes d'Euclide de
mèche avec l'univers à quatre dimensions.
Mais c'est
toujours l'expérience avortée qui réfute les fausses
problématiques: si la politique et la diplomatie du monde entier
s'obstinent à ignorer l'histoire réelle du Moyen Orient, ne
faut-il pas se demander vers quelle planète de leur inconscient
courent à tombeau ouvert les topographes munis d'instruments de
vérification qui leur grillent la politesse? C'est un étrange
phénomène cérébral, tout de même, que de donner rendez-vous avec
le catéchisme des chrétiens aux dieux de Pindare, d'étudier le
monothéisme à la lecture d'Homère et le Cantique des cantiques à
l'école du marquis de Sade. Qu'en est-il des preuves qui
prennent la poudre d'escampette devant les faits censés les
"vérifier"?
5 -
L'inconscient théologique de l'histoire
Il est temps de
prendre pleinement conscience de ce que la politologie mondiale
actuelle - et avant tout celle de la France - ne disposent en
rien des instruments d'investigation et de réflexion
susceptibles de situer Israël sur le terrain de son histoire
politique et anthropologique véritable: aujourd'hui encore, on
voit l'Egypte proposer le plus sérieusement du monde à la
communauté internationale de tenir une conférence planétaire sur
le Moyen Orient puis, en cas d'échec de ce concile mondial , de
proclamer, au mois de septembre et à une écrasante majorité des
membres de l'Assemblée générale des Nations Unies, l'existence
d'un Etat palestinien qu'on déclarerait officiellement souverain
- hypothèse, rappelle M. Obama, qui rendrait symbolique, donc
fantomal le statut de ce prétendu Etat.
Quant au gouvernement français, aurait-il perdu la mémoire ?
Voici qu'il réaffirme sans sourciller la ferme position
diplomatique qui a fait perdre au président Bush senior, la
présidence des Etats-Unis au profit de Bill Clinton en 1992.
Certes, Paris n'a pas froid aux yeux de sommer Israël de cesser
de conquérir la Cisjordanie au bulldozer, mais la vaillance de
Roland le preux nous reconduit à Roncevaux: comme en 778,
l'arrière-garde de la communauté internationale sera taillées en
pièces, les Etats-Unis en tête, de s'opposer au nationalisme
messianique, rédempteur et apostolique du "peuple élu". Le 13
mai 2011, George Mitchell a jeté l'éponge: "Après deux ans et
quatre mois à essayer de remplir ce qui était l'un des objectifs
majeurs de Barack Obama - la paix au Proche-Orient - l'envoyé
spécial du président a annoncé sa démission vendredi 13 mai,
dans une lettre qui sonne le glas des espoirs américains de
parvenir à un règlement du conflit israélo-palestinien." (Le
Monde, 15-16 mai 2011)
Une presse bien domestiquée rappelle sur un ton patelin que le
Charlemagne américain avait gentiment abandonné, le 4 décembre
2010, son exigence la plus extrême, celle d'un gel des colonies
en prélude à toute négociation, ce qui avait "nui à sa
crédibilité auprès des Palestiniens". L'histoire du monde ne
présente aucune parabole plus ahurissante que celle d'un
Tamerlan que l'Olympe du moment aurait expressément autorisé à
poursuivre ses conquêtes au cours des prétendues négociations de
paix qu'il imposerait à ses victimes.
Si le peuple palestinien a suffisamment de
bon sens pour montrer quelque scepticisme à l'égard d'une
religion mondiale de la Liberté dont l'ecclésiocratie est un
Tartuffe herculéen, on s'étonne que les diplomates du monde
entier ne se demandent pas un seul instant comment et pourquoi
ces cartes-là se trouvent entre les mains du seul peuple de la
terre demeuré eschatologique de la tête aux pieds.
Comme
l'écrit Aristote, la philosophie naquit un jour de l'étonnement.
Mais, depuis lors, elle ne cesse de naître
et de renaître d'un étonnement au second degré: il est étonnant
que le genre humain ne soit pas davantage plongé dans
l'étonnement.
6 - Une chaire de l'étonnement politique
Mais n'allez pas vous imaginer qu'il
existerait dans nos principale universités des chaires de
l'étonnement politique qui étudieraient le sens historique et
anthropologique des termes d'apostolat, de rédemption, de
messianisme, de sotériologie ou d'eschatologie, tellement ce
vocabulaire est censé avoir trépassé avec la loi de séparation
de l'Eglise et de l'Etat de 1905 et ne plus mériter qu'un
haussement d'épaules de la République, de sorte que si vous
essayez de donner à lire l'histoire laïque du monde le nez
chaussé des lunettes d'un étonnement armé pour le décryptage du
cerveau des théologies, on vous renverra d'une pichenette à
l'humanité du Moyen Age.
Mais non seulement Israël façonne l'histoire
contemporaine la Bible à la main, mais le monde entier est
demeuré viscéralement messianique sans le savoir, parce qu'il
s'est seulement revêtu d'autres parures rédemptrices que de
celles des cosmologies mythiques. Qu'est-ce que l'Amérique
sotériologique, sinon une eschatologie démocratisée? L'apostolat
religieux n'a fait que changer de batterie. Le nouveau moteur
chargé d'assurer la promotion internationale du salut par la
Liberté et la Justice a remplacé l'annonciation ancienne, celle
d'un royaume de Dieu dont l'équité retardée vous donnait
rendez-vous aux calendes grecques. Non seulement le mythe de la
délivrance ne s'est pas éteint dans les têtes, mais son
campement s'est transporté du séjour des morts au cœur des
principes de 1789, qui substituent allègrement la trinité
verbale de la Liberté, de l'Egalité et de la Fraternité sur la
terre à la trinité non moins vocalisée, mais posthume, de
l'Espérance, de la Foi et de la Charité.
Mais puisque
l'annonciation précédente du Père, du Fils et du Saint Esprit
véhiculait un plus somptueux apparat théologique que celui des
constitutions démocratiques, l'étonnement anthropologique
moderne est sommé de conduire la science de l'inconscient et la
psychologie expérimentale au décryptage du sens
psycho-biologique du mythe stupéfactoire qu'on appelle le
monothéisme. Sinon la diplomatie mondiale ne disposerait
d'aucune connaissance opérationnelle du terrain ahurissant
qu'elle prétend décrypter; et nos chancelleries privées d'abassourdissement
se révèleraient aussi platement irrationnelles dans leur
déchiffrage d'Israël que les écoles de théologie du XVIIIe
siècle face aux premiers théoriciens de la piété
révolutionnaire, les Montesquieu, les Rousseau, les Voltaire,
les Sieyès.
7 - Les nouveaux goupillons
Pour l'instant,
les ministères des Affaires étrangères du monde entier sont
victimes d'une panne cérébrale : elles s'imaginent demeurer
crédibles à tenir à Israël le langage lénifiant d'un
rationalisme privé du carburant d'une anthropologie. Un tel
rationalisme n'est qu'un élixir à l'usage des démocraties
flasques de notre temps: depuis les origines, non seulement les
alliances que la puissance politique conclut avec les mythes
sacrés demeurés en état de marche sont à la fois durcis au feu
et bancalisées par le poids de la tradition. Après la
proclamation de la souveraineté du peuple français par
l'Assemblée Constituante, les révolutionnaires étaient
convaincus que la monarchie des Capétiens se rendrait bicéphale
en un tournemain, donc compatible comme à plaisir avec le nouvel
enracinement de l'autorité de l'Etat dans le mythe de la
Liberté.
Qui peut aujourd'hui, face à un Etat guerrier tel qu'Israël, se
convaincre que l'inspiration populaire se laissera vaguement
téléguider par la subite métamorphose de la voix du Saint Esprit
en celle des trois totems langagiers de la démocratie
messianique, la Liberté, l'Egalité et la Fraternité? Quel
serait, se demandait Sieyès, le nouveau gouvernail
transcendantal de la nation dont bénéficierait dare dare une
monarchie dépouillée de son ciel et dite "constitutionnelle",
donc tout soudainement guidée par une vox dei passée
entre les mains du peuple? Comment hisser le trône d'un dieu au
berceau au ciel encore vacant de la démocratie? Comment donner
sans tarder à un suffrage populaire titubant l'infaillibilité
des anciennes décisions conciliaires? Comment élever à l'aide de
cordes et de poulies la déesse raison dans les nues si l'idole
vieillie a pris de l'épaisseur à l'école des siècles?
Aussi les
"démocraties royales", si je puis dire, sont-elles tombées bien
vite dans le chaos mental que Talleyrand avait prévu avec sa
pénétration d'esprit de premier décrypteur politique des
théologies. Près de deux siècles après la mort de l'évêque
d'Autun en 1838, tout le monde devrait savoir qu'une dynastie
républicaine est un marmot enrubanné de dentelles et de
fioritures et qu'un Etat roulant carrosse sous le sceptre du
Dieu de Londres et de Washington n'est qu'un cérémonial à l'aide
duquel la démocratie ridiculise une dynastie fantomale et
réduite à des colifichets époustouflants. Mais le naufrage de
ses cours célestes laisse l'humanité orpheline de ses trésors
mythologiques. La voici appelée à faire son salut sous la tiare,
la crosse et la chasuble du suffrage universel. Comment
transporter au paradis d'un langage placé d'autorité sous le
goupillon de l'abstrait le même capital verbal que celui dont
disposait un Eden censé s'incarner dans la royauté?
Israël joue à merveille de la flûte des
démocraties sans tête: la knesset donne si bien le change qu'on
se croirait dans un parlement de la IIIe ou de la IVe
République. Mais le pouvoir exécutif demeure théologique; et
c'est à ce titre qu'il tient le glaive des guerriers d'une main
ferme - à Washington de trembler devant les dogmes de fer et
d'acier des nouveaux doctrinaires de la planète.
8 - Le
piège théologique du genre humain
Telle est la problématique anthropologique
dont les rets enserrent la démocratie mondiale depuis plus de
deux siècles: alors que l'humanité autrefois messianisée par un
monothéisme de croisés a cessé tout récemment de légitimer ses
conquêtes terrestres à l'école du mythe casqué du salut et de la
délivrance des chrétiens, l'Assemblée générale des Nations Unies
de 1947 a revêtu la cuirasse et hissé le heaume de la foi
démocratique pour accorder à Israël la même tiare de diamants
d'un apostolat du glaive qui avait fondé la civilisation
messianique depuis la chute de l'empire romain. Mais à la suite
de la décolonisation, une démocratie autrefois eschatologique,
sotériologique et rédemptrice les armes à la main ne s'étend et
ne se ramifie plus que par le commerce et l'industrie. Du coup,
la civilisation dite de la Liberté se trouve en porte-à-faux
avec son propre et récent évangélisme: aussi tente-t-elle
désespérément de légitimer son propre coup de force de 1947 et
de délégitimer les suivants, ceux d'Israël, qui ne cesse
d'étendre ses frontières, de sorte que, paradoxalement, le monde
entier est tombé dans le piège du pacifisme armé jusqu'aux dents
que l'humanité schizoïde est à elle-même depuis les origines.
C'est pourquoi
Israël joue du handicap théologique qui alimente le sacré
bicéphale d'une démocratie mondiale oscillante entre l'irénisme
et la guerre, donc coincée entre son affichage christique et son
ostentation atomique. Mais les Hébreux savent fort bien qu'une
planète vouée au culte d'une Liberté dichotomisée par ses
contradictions internes est condamnée, in fine, à délégitimer
leur Etat bipolaire. Comment la civilisation mondiale ne
serait-elle pas contrainte de paraître se mettre en accord avec
les idéaux biphasés d'une planète démocratique dont le
messianisme inné rejette depuis peu les conquêtes guerrières?
Mais Israël sait également que la délégitimation radicale de son
Etat bifide est devenue irréalisable, puisque tout saine
contestation de la légitimité des conquêtes dites sacrées
auxquelles se livre le peuple élu est censée ressortir au
terrorisme, donc aux formes modernes de l'hérésie et du
blasphème anti-démocratiques.
Tel est le contexte que le décès politique de M. Dominique
Strauss-Kahn éclaire de la lumière confondue des glaives et des
ciboires. Car il est clair, d'un côté, que la diplomatie
mondiale ne parviendra jamais à légitimer en droit international
la sainte hostie qu'Israël est censé incarner et que, de
l'autre, on nepourra reconnaître officiellement la légitimité
politique du Hamas sans placer les chancelleries catéchisées par
le tartufisme démocratique dont témoignent leurs propres
contradictions théologales sous la crue clarté de la logique
politique, celle qui fait écrire à Musset le bel alexandrin: "Et
comme le bon sens fait parler le génie".
Pendant ce temps, l'expansion territoriale
d'Israël se poursuit avec une constance tellement inéluctable
qu'elle contraindra le monde entier à reconnaître qu'il a pris
une fausse route en 1947. On sait qu'en se fondant sur mille
prétextes, Israël vient d'interdire l'accès de la ville de
Jérusalem à cent quarante mille musulmans de plus et que rien
n'arrête sa progression en Cisjordanie sous la poigne de cinq
cent mille colons fanatisés à la voix et à l'appel de Jahvé.
Pendant combien de semaines encore le tartufisme démocratique
pourra-t-il feindre de tenir la balance égale entre Israël et la
Palestine?
9 -
L'apocalypse démocratique
Les contradictions internes dans lesquelles
la civilisation mondiale du XXe siècle était tombée et dont
l'anthropologie critique commence de dénouer les fils nous
apparaîtront dans la même crudité que celle de la grande
Révolution à l'heure où les Etats Généraux s'étaient proclamés
l'Assemblée des trois ordres réunis afin de se qualifier de
représentants légitimes de la souveraineté exclusive du peuple.
Dès 1789, la nouvelle aporétique générale se révélait de type
anthropologique en ce que l'on se demandait maintenant où était
passé le gouvernail transcendantal de l'humanité et comment la
démocratie allait s'en emparer. Qu'en était-il d'un suffrage
universel qu'il fallait apprendre à téléguider à l'école d'une
mystique de la raison? Deux siècles durant, les heurts entre le
ciel des Eglises et celui des hommes avait emprunté les formes
classiques de l'oscillation entre le trône et l'autel d'un côté
et de l'autre, la voie des peuples, certes inexperte, mais
ennemie du despotisme.
Et maintenant, Israël se veut un Etat
démocratico-religieux, démocratico-biblique, démocratico-rédempteur,
démocratico-délivreur. Comment dénouer l'alliance du patriotisme
avec le messianisme et du sacré avec l'expansion irrépressible
d'Israël en Cisjordanie? La gauche allait porter un nabab
sioniste à sa tête, la droite n'a plus de patrie. Entre une
gauche qui a perdu la foi et une droite qui assiste au naufrage
mondial du capitalisme, on cherche une nouvelle alliance des
cœurs avec les intelligences - mais la même asthénie politique
des démocraties que face à Hitler et à Staline envahit les deux
camps.
Comment armer
d'une volonté politique de haut vol une masse de citoyens
devenus amorphes? Comment nantir une opinion publique sans
grandeur des prérogatives de la majesté et de la sacralité?
Comment fonder la transcendance du peuple sur son autonomie
auto-proclamée et désarrimée des nues? Pour y parvenir, un seul
subterfuge demeurait à la disposition de la volonté des
démocraties, celui de sacraliser le hasard, celui d'exiger de la
vérité politique qu'elle joue à la balle avec son bon plaisir
sans se métamorphoser, pour autant, en un otage pantelant des
majorités de passage. Tel est l'obstacle anthropologique qui
empêchera une démocratie mondiale désormais privée d'âme et de
cervelle d'éradiquer le messianisme pseudo apostolique d'Israël.
La terre de cet Etat est demeurée porteuse de son mythe aux yeux
du "peuple élu" et de ses dirigeants. C'est dire que si des
chimpanzés avaient fondé la civilisation démocratique mondiale
d'aujourd'hui, on entendrait sans doute chaque année, le 15 mai,
retentir les chants lugubres du "jour de la catastrophe" - la
Nakba - et les vainqueurs danseraient dans l'allégresse des
démocraties messianiques. Mais comment fêterions-nous à notre
tour le rapt des terres et l'expulsion de leurs maisons des
habitants du pays? Combien de temps la civilisation mondiale
assistera-t-elle à ce spectacle sans frémir ? Peut-être le mythe
démocratique s'effondra-t-il sur le même modèle de l'échec de
son accouchement que la monarchie de droit divin en 1789.
10 - De
l'avortement mondial du mythe démocratique
Quelle préfiguration éloquente de ce
naufrage que le discours chaotique et courant dans tous les sens
que M. Barack Obama s'est trouvé contraint de prononcer le 20
mai 2011. Sans doute les historiens et les politologues d'un
monde désordonné le considèreront-ils comme la clé de voûte des
tractations semi secrètes qui auront ponctué le glissement
progressif de l'encéphale de la diplomatie mondiale vers une
focalisation de l'attention politique de la planète tout entière
sur la boîte osseuse que cette région du globe terrestre
ballotte depuis 1947, tellement l'axe central de la géopolitique
d'une espèce vocalisée par le mythe démocratique est devenu
celui du jugement qu'il conviendra de prononcer demain sur
l'éthique asphyxiée dont témoigne un régime schizoïde de
naissance.
Le Président des Etats-Unis s'imagine
qu'Israël est un Etat comme les autres et qu'on lui fera
entendre raison à l' aide des arguments d'un Talleyrand au
Congrès de Vienne. Il ignore tout de l'assise anthropologique de
la politique démocratico-messianique. Sa connaissance du genre
humain remonte à celle dont nous disposions à l'heure de notre
sortie partielle du Moyen Age, quand la civilisation
occidentale, devenue sceptique, a négligé de se demander
pourquoi le genre humain loge des idoles dans sa tête - et le
trépas de l'Olympe des Anciens nous a seulement précipités dans
les bras d'un nouveau Jupiter.
Mais puisque le
sionisme jette la démocratie mondiale dans une confusion mentale
plus criante et plus spectaculaire que le précédent, saluons la
constitution d'un tribunal composé de quatorze lauréats du prix
Nobel et que la conscience universelle appellera à faire le
procès de l'humanité. Comment ces magistrats pèseront-ils un
accusé aussi énigmatique? En vérité, il se pourrait que leur
verdict, déjà fort attendu, nous renvoyât à Sophocle et à
Shakespeare, à Cervantès et à Molière, à Swift et à Kafka. A mon
humble avis, la cour ne pourra que constater la chute de notre
espèce dans un désarroi psychique dont les aliénistes ont depuis
longtemps diagnostiqué les symptômes. Depuis trois mille ans, la
maladie endémique dont souffrent les descendants du primate à
fourrure que vous savez, ils l'appellent la schizophrénie; et le
premier clinicien de la schizophrénie n'est autre qu'Homère, qui
nous montre Ajax en guerre contre des troupeaux de moutons - et
l'on sait que le Quichotte n'a pas manqué de tomber dans le même
délire.
Quand le chorège des savants aura fait passer l'humanité
actuelle en jugement, nous saurons qu'Adam s'est dichotomisé sur
la scène internationale et que son encéphale, devenu bipolaire,
fait désormais proclamer à M. Barack Obama qu'Israël devra
partager Jérusalem avec les moutons de la région et cesser de
conquérir la Cisjordanie au détriment des troupeaux de
l'endroit, mais que cet Etat sera néanmoins autorisé à les
chasser de leurs pâturages. Les brebis du Seigneur devront
négocier en apparence et pied à pied avec leurs prédateurs; puis
l'accord en bonne et due forme qu'ils seront contraints de
signer sera assorti d'une capitulation générale de la gent
moutonnière. De plus, si quelque berger virgilien prétendait
délivrer ses brebis de la tonte, il serait qualifié de
terroriste et poursuivi par la justice internationale. Dans
l'état actuel de la procédure et à la lumière des premières
dépositions des témoins, nos lauréats du prix Nobel paraissent
fort embarrassés par l'exercice clinique auquel leur
magistrature se trouve appelée, tellement ils s'attendaient à
juger un accusé sain d'esprit alors qu'ils se trouvent au chevet
d'un déséquilibré. Quel médecin appeler au secours d'Ajax le fou
furieux?
Mais si la
démocratie mondiale est une Dulcinée des moutons de Panurge,
l'heure n'a-t-elle pas sonné de rappeler aux historiens et aux
politologues que la littérature et la philosophie sont les
peintres de la démence native de notre espèce et que la question
qui tourmente les infirmiers est seulement de savoir entre les
murs de quel asile se cache le miroir le plus fidèle de la folie
de l'humanité.
Quel exploit, pour Israël, d'appeler les
Homère, les Cervantès, les Swift, les Molière au chevet de la
démocratie mondiale, quelle leçon biblique pour Israël, de
contraindre ses congénères à chercher l'Esculape qui recueillera
la confession d'une civilisation sur son lit d'agonie!
11 - Un
sioniste à la tête de la République
Demain la cécité
joyeuse des diplomaties rationalisées par la sagesse moutonnière
des démocraties laïques contraindra la politologie à
radiographier à une autre profondeur le tragique et les danses
d'une espèce follement onirique. C'est de cela que le sort
dramatique de M. Dominique Strauss-Kahn servira de révélateur;
car ce sioniste de naissance se demandait chaque matin ce qu'il
pourrait bien entreprendre pour servir au mieux les intérêts
d'un Etat étranger, et cela, alors même que la barrière de
protection de l'antisémitisme qui stigmatisait l'antisionisme
commençait de se disloquer et le mettait de moins en moins à
l'abri.
Aussi la cruelle exécution médiatique de M. Strauss-Kahn par la
presse française vingt-quatre heures seulement avant son suicide
politique dans un hôtel de Manhattan fournit-elle un puissant
rétroviseur à l'historien, au politologue et surtout à
l'anthropologie critique des malheurs de la transcendance
démocratique dont j'explore les sentiers sur ce site depuis
2001; car pour la première fois, la mise sur orbite
présidentielle en moins de trois semaines d'un sioniste déclaré
s'était accomplie sous les yeux ahuris de la nation et par les
soins de quatre mousquetaires seulement, MM. Fabius, El Kabbasch,
Cohn Bendit et Fottorino.
Mais si les indices du complot démocratico-théologique d'Israël
à l'échelle du globe terrestre se multiplient à ciel ouvert, on
observe également, ici ou là, les présages d'une vigoureuse
contre-offensive des patriotes. On commençait de faire connaître
au public les noms, les attributs, le salaire et les employeurs
des quatre principaux conseillers, meneurs de jeu et sionistes
musclés de M. Dominique Strauss-Kahn - Stéphane Fouks, Ramzi
Khiroun, Gilles Finchelstein, Anne Hommel. Déjà des
intellectuels binationaux - Bernard Henry Lévy, Glucksmann,
Finkielkraut, Pascal Bruckner, Goupil, Taguieff et Weiztmann -
expliquaient dans le Monde le déclin subit de leur
fascination pour M. Nicolas Sarkozy. Il ne faisait pas de doute
qu'ils avaient été pris de court par la chute de M. Dominique
Strauss-Kahn - sinon on les aurait vus, dans les prochaines
semaines, se rallier à des intervalles calculés au nouveau
candidat binational à l'Elysée. Mais, encore une fois, quel sera
le noyau dur de la République de demain si une gauche
déboussolée s'est convertie à plaider pour le féminisme, à
combattre le racisme et à noyer les droits de l'homme dans un
pan -culturalisme décérébré et si la droite ne sait à quel saint
se vouer, alors que la victoire du capitalisme sur le marxisme a
rendu ce système plus incurable encore que précédemment?
12 -
L'étonnement d'Israël
Et déjà des dizaines de milliers de
Palestiniens éclairés des feux du printemps arabe marchent en
direction de leur patrie. Quel spectacle hallucinant que celui
d'une armée de ressuscités, quel défi à la mémoire du monde
qu'un peuple immortel et spectral. L'armée de Jahvé n'a tué
qu'une vingtaine de ces fantômes, parce que les légions
bibliques ont reculé d'effroi au spectacle d'une chair et d'un
sang jaillis du royaume des morts. La perspective d'un immense
massacre d'hallucinés a fait changer de camp à l'épouvante.
Certes, le gouvernement de Tel-Aviv a protesté avec vigueur
contre la paresse de ses propres gâchettes: "Comment, dit-il,
Damas, Beyrouth, le Caire peuvent-ils autoriser un défi aussi
criant à la souveraine ossature du peuple élu?" Demain, le
squelette cliquetant M. Netanyahou se rendra aux Etats-Unis. Il
y dénoncera l'illégitimité de l'alliance conclue entre le Hamas
et le Fatah. Soixante-trois ans après la capitulation du IIIe
Reich, comment la démocratie mondiale en est-elle venue à
qualifier de terrorisme la résistance à une occupation?
Et pourtant,
l'histoire a repris son élan. Demain, la flottille de la paix
patrouillera dans les eaux territoriales du port de Gaza, demain
la planète changera de cap, demain la planète accélèrera sa
rotation, demain notre astre sortira du sommeil des morts. Quand
nous regarderons les chaînes qu'Israël nous avait mises aux
pieds, nous demanderons au "peuple élu": "Qui es-tu? Pourquoi
flottes-tu entre le ciel et la terre? Pourquoi, de siècle en
siècle, demeures-tu à toi-même un objet d'étonnement? Qui
t'éclairera sur ton étonnement?"