On sait
que l'Inquisition fut rétablie sous
Louis XVIII en 1814, et qu'elle ne fut
derechef et officiellement abolie qu'en
1834, quatre ans après la Révolution de
1830 - ce que rappelait encore le très
laïc "Nouveau Petit Larousse illustré"
de 1951. Mais, sans l'artillerie du
Saint Office, Talleyrand aurait-il pu,
en 1815, mettre les monarchies de droit
divin en demeure de paraître honorer les
dogmes de leur propre théologie
concernant la légitimation des Etats à
la voix de leur ciel et qui
contraignaient, par conséquent, tous les
trônes d'Europe de feindre saluer bien
bas l'autorité inaliénable du sacre de
Louis XVIII? Seul l'athéisme aurait pu
faire obstacle aux retrouvailles
diplomatiques de la France avec la
solennelle profession de foi de la
religion catholique, apostolique et
romaine.
Mais puisqu'il y a deux siècles, la
Sainte Alliance se voyait déjà interdire
de tenir rigueur aux Gaulois d'avoir
chu, depuis 1789, dans une "hérésie"
sans remède, on verrait de nos jours un
évêque d'Autun de la démocratie mettre
en demeure les monarques de l'islam
actuel de " pardonner " sa défaite sur
la scène internationale au "printemps
arabe" dans le cas où celui-ci serait
vaincu. C'est dire à quel point la
situation se trouve inversée: ce sont
les défenseurs d'un Coran orthodoxe et
conservateur qui se trouvent réduits et
à légitimer d'avance les " relaps " et "
renégats " de l'islam démocratique à
venir, et cela au nom même des adeptes
les plus ardents de la lettre du Coran
et du ritualisme musulman le plus
vieilli.
2 - Ne jouez pas
au plus malin avec l'Histoire
Je
convie la jeunesse arabe à s'initier au
premier théorème d'une science politique
lucide, donc sans illusions, laquelle
vous commande instamment de ne pas mêler
vos opinions concernant la droiture
morale des individus et votre
appréciation de l'honnêteté
intellectuelle de l'esprit civique dont
ils se réclament à titre privé, d'une
part, avec la pesée objective et
critique des calculs stratégiques qui
guident les manœuvres de Machiavel sur
la scène internationale d'autre part. Il
serait irrationnel de tomber tête
baissée dans une confusion infantile
entre des règles du jeu non confusibles
et qui commandent des échiquiers
différents. Henri IV était-il sincère à
se convertir au catholicisme ? N'en
croyez pas un mot: ce faux adepte du
dogme de l'eucharistie avoue
tranquillement que "Paris vaut bien
une messe". Cynisme ? Sachez que la
politique repose sur des actes
proprement politiques et que c'est d'eux
seuls qu'il vous faut apprendre à peser
la pertinence.
Pourquoi le roi
d'Arabie saoudite s'est-il entendu avec
Washington et Londres afin de se placer
à leurs côtés sur l'échiquier du seul
avenir mondial ouvert à l'islam
politique en ce début du XXIe siècle ?
Parce qu'il a retenu la leçon de
Gorbatchev, qui a cru sauver l'utopie
marxiste s'il sacrifiait le mur de
Berlin et s'il laissait Helmut Kohl
réunifier l'Allemagne - mais ses
espérances au petit pied n'ont recueilli
que 1% des voix du suffrage universel à
l'heure où il s'est imaginé que les
décombres du piétisme prolétarien de
Lénine le porterait à la tête de l'Etat.
Puis Ryad a retenu la leçon de Charles
X, qui avait cru fonder la Restauration
sur le retour au culte de la Sainte
Ampoule et qui a été balayé quatre ans
plus tard par le réveil en sursaut de la
Révolution de 1789. Puis le fidèle d'un
Coran du Moyen Age a retenu la leçon de
Louis-Philippe, qui avait cru jouer
habilement au roi bourgeois sous son
parapluie et son haut de forme et qui a
rencontré sur son chemin une démocratie
sortie de dix-huit ans d'un long
sommeil.
Les Al Saoud ont
conquis l'Arabie le sabre à la main.
Depuis plus de quatre-vingts ans,
quarante frères et demi-frères de cette
dynastie se succèdent au pouvoir. Mais
en 2005, le peuple s'est vu autorisé à
élire la moitié des conseillers
municipaux. La population ne paie pas
d'impôts, ce qui, se dit-elle, vaut bien
une messe. Le sexe faible ne fait pas
partie du corps électoral. Ce "problème"
sera étudié quatre ans durant - il reste
qu'il est posé. Si vous criez à
l'hypocrisie religieuse, sachez qu'en
théologie il n'y a pas de mauvaise foi.
Il s'agit seulement, si je puis dire, de
paraître entrer dans les vues
stratégiques de la divinité et de percer
ses derniers secrets, lesquels ne sont
impénétrables qu'en proportion des
obstacles qu'ils rencontrent sur le
terrain, et qu'on contourne ou retarde
habilement à les reléguer dans
l'inconnaissable.
Mais la leçon à
tirer des habiletés politiques d'Allah
et de leurs usagers est limpide: le roi
Abdallah s'est amputé à jamais du droit
de sa religion de tirer au canon sur
aucun peuple arabe et les milliards de
dollars dont il arrose les défenseurs de
la charia en Occident et au Moyen Orient
lui sauteront jour après jour à la
figure. Mais sur la scène
internationale, la manœuvre va plus loin
encore: le pacte avec Washington et
Londres empêchera le monde musulman de
demain de se prosterner devant un
éventuel Napoléon III de l'islam, parce
que dès aujourd'hui, aucune conspiration
extérieure ne réussirait à jeter dans
les rues des plus grandes villes du pays
des masses de centaines de milliers de
Syriens pauvres et fervents: ce sont les
innombrables laissés- pour-compte des
sociétés qui font les révolutions, et
rien n'arrêtera leur marche.
3 - Qui trahit sa
foi ?
A l'heure d'un
risque immense, celui de la chute du
monde arabe tout entier dans un régime
policier, le calcul de Ryad est
politique. Il aurait été suicidaire de
se ranger derrière les Kadhafi et les
Assad à l'heure où l'avenir spirituel de
la religion musulmane est en jeu. De
plus, ces deux dictateurs se gardent
bien d'invoquer le Coran : ils
n'ignorent pas que le fanatisme
théologique des Torquemada est étranger
à l'islam et qu'ils ne combattent que
pour rester au pouvoir. C'est pourquoi
la Russie a condamné à son tour et dans
son principe la répression d'une
révolution démocratique qui, pour
l'instant, demeure entièrement étrangère
à la séparation radicale de l'Eglise et
de l'Etat et à l'enseignement, dans les
écoles publiques, de l'histoire mondiale
des progrès de la raison de Voltaire à
nos jours. Mais Mahomet crie à la face
du monde qu'il ne s'appelle pas
Robespierre et que son génie ne renvoie
pas aux myopes de la Terreur.
Ne reprochez donc pas leur hypocrisie
politique et religieuse en quelque sorte
innée à ceux de vos rois qui feindront
de confesser le sacre de la présence
dite "réelle" de la Liberté sur les
autels d'un républicanisme mondial
contrefait. Seuls les Ravaillac
s'imaginent qu'il faut croire à la
sainte transsubstantiation moléculaire
du pain et du vin de la messe en chair
et en sang de l'Histoire pour faire un
bon roi de France. Vous êtes les
catéchumènes de la géopolitique, non les
confesseurs du credo des théologiens de
l'Histoire. Mais si vous deviez demeurer
dans l'ignorance du contenu
anthropologique et politique des mythes
sacrés, jamais vous n'aurez en mains les
clés de l'histoire du monde, parce que
notre évolution a fait de nous une
espèce onirique, de sorte que si nous ne
disposons pas d'une science de nos
songes sacrés, nous ne savons rien.
A ce titre, le roi Abdallah a fait
exploser, qu'il l'ait voulu ou non, le
quartier général de l'islam du Moyen
Age. Vous remarquerez que la ligue arabe
ne s'y est pas trompée. Si elle a
aussitôt emboîté le pas, c'est parce
qu'il était vain d'aller défendre les
frères palestiniens avec des vêtements
tachés de sang à l'assemblée générale
des Nations-Unies à New-York en
septembre 2011.
A vous de veiller à
ce que l'édit de Nantes de l'islam ne
soit jamais révoqué, parce que la
religion musulmane ne gagnera pas avec
l'arme du fanatisme religieux dans sa
giberne, mais par la force du glaive sur
le terrain. Ce n'est pas vous, c'est la
démocratie mondiale qui trahit sa foi au
Moyen Orient.
4 - Les despotes de
l'universalité
C'est dans cet
esprit que je vous signale les périls
nouveaux et immenses que vous allez
rencontrer sur l'Océan de l'Histoire où
s'affrontent deux géants, le glaive et
le sacré. Car le culte même que la
démocratie mondiale rend à ses propres
simulacres peut vous faire tomber dans
l'abîme d'une naïveté aussi scolaire que
la précédente.
Je vous en conjure, mes amis, ne vous
laissez pas tromper par le sceptre et le
joug du nouveau royaume des cieux, celui
de la démocratie que l'Amérique se forge
sur la plus vieille enclume du monde,
celle des servitudes dont le genre
simiohumain souffre à titre immémorial,
je vous en conjure, ne laissez pas se
perpétuer à vos dépens les formes
éternelles de la tyrannie auxquelles les
nains nouveaux de la politique vont
tenter de vous soumettre, je vous en
conjure, ne vous laissez pas égarer par
les vêtements séraphiques dont se parent
une Justice et une Liberté plus
tartuffiques que jamais, je vous en
conjure, ne laissez pas le langage d'un
nouvel empire de la délivrance vous
accabler d'une vassalité seulement mieux
cachée et devant laquelle votre
génération aura été dressée à son tour
et dès l'enfance à s'agenouiller, je
vous en conjure, méfiez-vous des Pygmées
de la Vérité et du Bien qui ont gravé le
mot Liberté sur leur bannière et qui
vous placeront sans seulement que vous
vous en doutiez sous le joug d'un
despotisme universel.
Je vous mets en garde contre le
dangereux esclavage dont les démocraties
catéchisées à leur propre école
menaceront votre initiation à la
politique: les faux apôtres de la
liberté vous diront, le cœur sur la
main, qu'il vous faut un drapeau par
région, par canton, par village, par
tribu, les faux apôtres de la République
lèveront les yeux au ciel de la Justice
et du Droit, mais leur ambition réelle
demeure de régner jusque sur vos
cailloux, les faux apôtres de 1789 vous
sermonneront au nom de l'universalité de
leurs dévotions bien récitées, mais leur
foi ânonnée les rendra aussi
stratosphériques que votre Allah d'hier,
qui avait renoncé à s'occuper nommément
de chacun d'entre vous. Le risque est
grand que vous vous précipitiez dans les
fers d'une nouvelle Sainte Alliance
entre vos guetteurs et vos chasseurs,
celle qui allumera les cierges de la
sainteté des démocraties, celle qui
chantera à tue-tête les droits du mythe
de la Liberté sur toute la terre
habitée. Si vous ne corsetez les
chantres à gorge déployée de la
démocratie, elle empruntera les couleurs
d'un caméléon planétaire et elle sèmera
la démocratie parmi vous comme on jette
du grain aux poules.
5 - Une philosophie
de l'esprit
Voyez, mes amis, le
petit Kosovo et sa microscopique Liberté
nationale. C'est à jamais que ses
pauvres hectares sont occupés par la
base militaire américaine la plus
gigantesque des Balkans. Voyez la
malheureuse Yougoslavie dépecée pour
longtemps au seul nom d'une indépendance
dont les autels regorgent de vaines
offrandes au dieu Liberté. Voyez l'Irak
tronçonné au nom d'un empire universel
de la Démocratie. Voyez l'unité
politique de la France menacée pour la
gloire d'un empire étranger. Voyez,
l'Europe tout entière occupée par cinq
cents garnisons incrustées depuis
soixante cinq ans par un importateur
triomphal de la Liberté à ses vassaux
prosternés!
Si votre "printemps
arabe" ne retenait pas ces rudes leçons,
ce serait la civilisation musulmane tout
entière qui se ferait voler ses plus
beaux lauriers, tellement les fruits de
sa victoire lui seraient dérobés,
tellement l'islam se verrait leurré par
des théologies qui paraissaient à bout
de souffle depuis plus de trois siècles
sur le continent européen. Certes, vos
roitelets de l'or noir n'étaient que les
otages consentants d'un empire
vassalisateur et qui les spoliait des
richesses de leur sous-sol, certes vos
valets du dollar pratiquaient un culte
doublement humiliant, l'un à leur
servitude politique, l'autre à un Allah
des vassaux, certes, leur Coran à deux
faces dictait le missel de leur piété
pétrolière au ciel et à la terre du
prophète. Mais si votre liberté
installait maintenant sur le trône du
monde un roi des démocraties dont la
couronne des faux délivreurs vous
écraserait plus durement encore, vous
n'auriez que changé de livrée dans le
ciel et ici bas, tellement les esclaves
d'un empire de la "Liberté", de la
"Justice" et du "Droit" portent la même
défroque de la domesticité que les
serviteurs d'un empire dont la
légitimité frelatée avait seulement
remplacé les glaives du temporel par les
glaives d'en-haut.
Sachez que l'heure du jugement dernier
approche : en septembre, le peuple
palestinien saura, par la voix de
l'Assemblée générale des Nations-Unies
si le roi Abdallah est le Louis-Philippe
américain de la démocratie mondiale et
de droit divin de notre temps ou le
préfigurateur de l'islam de la liberté,
en septembre, vous saurez que votre
véritable apostat s'appelle Muhammad.
Cherchez-le.
6 - Funérailles
Et maintenant,
qu'attendent l'Europe et le monde du
réveil de votre civilisation? Que vous
remettiez en marche la planète des âmes.
Nous sommes les oubliés de
l'intelligence, nous sommes les
délaissés de la Liberté. Depuis que nous
avons vaincu le nazisme et le
stalinisme, nous sommes descendus de
marche en marche du piédestal sur lequel
nous nous étions hissés. Pourquoi
avons-nous perdu notre sceptre jour
après jour? Pourquoi avons-nous vu la
liberté que nous avions replacée sur les
fonts baptismaux de l'intelligence se
dégrader et s'asservir entre les mains
d'un maître étranger? Pourquoi le
trophée de la liberté que nous avions
cru reconquérir est-il tombé en
poussière entre nos mains ? Pourquoi
sommes-nous devenus les narrateurs de
nos petits soucis et les récitants de
nos petits ennuis ? Pourquoi le souffle
de nos romanciers s'est-il épuisé,
pourquoi la voix de nos poètes
s'est-elle éteinte, pourquoi le génie
tragique a-t-il déserté notre théâtre,
pourquoi nos agonies sont-elles trop
vaines pour le pinceau de nos peintres,
le ciseau de nos sculpteurs et l'oreille
de nos musiciens, pourquoi notre
victoire de 1945 a-t-elle tué l'Europe
des intelligences et des cœurs? A nous
de vous enseigner les secrets d'une
Liberté qui s'est desséchée entre nos
mains, à nous de vous éclairer des
derniers feux de notre lucidité, à nous
de vous enseigner le secret du
pourrissement des civilisations.
Sachez donc que la Liberté n'est pas un
héritage, que la Liberté n'a pas de
propriétaires, que la Liberté ignore les
administrateurs et les gestionnaires.
Nous avons cru recevoir la Liberté des
mains d'un délivreur, d'un donateur et
d'un vainqueur généreux; mais son
sceptre s'est bientôt hérissé de pics et
de crocs. Nous sommes devenus les
ordonnateurs des pompes funèbres de la
Liberté du monde. Voyez comme tout ce
qui tombe entre nos mains d'esclaves se
dissout, voyez comme elles dépérissent,
les fleurs que nous tentons de cueillir,
voyez comment les cinq cents places
fortes du donateur de notre Liberté qui
occupent notre sol ont fait de nous les
orchestrateurs des funérailles de notre
civilisation.
7 -
Qu'allons-nous faire de Dieu ?
Notre libérateur
s'est armé des pics et des fourches de
son mythe de la Liberté et du nôtre
confondus. Comme son sceptre et ses
lauriers nous narguent sur nos terres !
Il n'est pas de glaive plus pesant que
celui d'une Liberté qui nous met sous
tutelle, il n'est pas de harnais plus
lourd que celui sur lequel les emblèmes
de la Liberté sont gravés.
Mais notre maladie
est plus cruelle encore que celle de la
vassalité dont notre Liberté porte la
couronne. Nous avons perdu la tiare de
nos élévations. Nous ne sommes plus des
animaux ascensionnels, nous rampons sur
la terre, nous faisons de notre Liberté
le licol de notre raison, nous tenons
par le bride un asservissement qui nous
procure notre fourrage. Ce sont nos
picotins que nous broutons sous le
heaume de notre Liberté. Nous avons
perdu notre âme en chemin. La Liberté
qui roule carrosse à nos côtés est un
produit d'importation, la Liberté
charrie nos victuailles au milieu des
ruines du génie de l'Europe.
Amis arabes, nous
avons besoin de vous pour libérer nos
chevilles de leurs chaînes. L'histoire
des civilisations est une affaire de
lacets à desserrer. Avec la Renaissance,
nous avions retrouvé la mémoire et nous
avons repris un élan que quinze siècles
avaient interrompu sous la férule d'un
souverain sourcilleux du cosmos. Alors
nous avons jeté dans la poussière les
attributs de notre dernier Jupiter. Mais
quand le feu eut ravagé ses temples et
réduit en cendres ses écrits, pourquoi
cet incendie n'a-t-il pas fait prospérer
notre Liberté ! Pourquoi ne sommes-nous
pas devenus à nous-mêmes un grand arbre
dont les branches seraient montées
jusqu'au ciel ? Parce que l'Europe a
péché contre son propre génie. Quelle
incohérence d'abattre un Dieu si le
trône sur lequel nous l'avions assis,
nous ne voulons pas le connaître!
Nous avons cru que nos dieux étaient
morts tout seuls et de leur belle mort,
comme s'ils n'étaient pas nos racines,
comme s'ils ne descendaient pas dans les
entrailles de la terre, comme si nous
n'avions pas le devoir de chercher leur
cadavre, comme si leur squelette n'était
pas le nôtre. Pourquoi l'Europe des
décombres a-t-elle été prise de peur,
pourquoi n'a-t-elle pas appris à se
regarder dans le miroir de ses dieux
morts ? Aurait-elle craint d'y autopsier
le législateur, le moraliste, le
sacrificateur, le guerrier, le tueur ?
Pourquoi avons-nous assassiné notre Dieu
sans seulement songer à nous mettre en
apprentissage à l'écoute de sa tombe?
Certes, nous avons
goûté quelques instants la saveur de
notre liberté; mais cette pauvresse nous
a laissés dans l'ignorance de ce que nos
dieux nous auraient appris de nous-mêmes
si seulement nous avions eu le courage
de scruter leur charpente. Et
maintenant, notre Liberté d'infirmes
nous interdit de nous connaître à
l'école de nos idoles trépassées et
portées en terre ; et maintenant, c'est
sous le joug de notre fausse liberté que
notre délivreur d'outre-Atlantique nous
a placés. Croyez-vous que ce barbare
nous aurait vassalisés en un tournemain
si nous l'avions précédé d'un siècle
dans la connaissance de l'humanité?
8 - " Les peuples
se lèvent au nom des valeurs
supérieures. Aidons-les (Jean-Luc Pujo)
(*)
Amis arabes, nous sommes à l'aube de la
seconde Renaissance. A vous de prendre
le relais d'une civilisation en panne du
"Connais-toi" socratique qui pilotait
notre civilisation. Vous êtes la
nouvelle jeunesse du monde - à vous
d'assurer la relève d'un humanisme
demeuré bouche bée devant un trésor
immense, celui des faux dieux qui ont
servi de guides et de miroirs à
l'humanité. Voyez à quel carrefour
l'islam à venir et l'Europe de la
résurrection de la pensée sont appelés à
se rencontrer: alors que notre pauvre
Liberté a fait de nous les serviteurs
d'un empire étranger, votre foi tournée
tout entière vers la lecture du Coran
vous a interdit de chercher le Dieu que
vous êtes à vous-mêmes en esprit et au
plus secret de vos cœurs.
Mais quelle source de la vie spirituelle
et quelle source de la pensée que deux
civilisations dont chacune appelle
l'autre à boire à la source de vie qui
lui manque ! L'une nourrira les âmes,
l'autre meublera les têtes. Notre
collaboration secouera un seul et même
joug, celui de l'ignorance et de la
peur. C'est la terreur de penser qui
nourrit votre paresse, c'est la terreur
de nous connaître qui nourrit la nôtre.
Apprenons en commun à observer de
l'extérieur un quadrumane appelé à
devenir l'homme. Pour cela, observons la
double négligence qui, d'un côté régit
les civilisations en attente de leur
avenir intellectuel, de l'autre les
civilisations passives et résignées.
Comment secouer cette servitude
partagée? En suppliant l'étoile à la
lumière de laquelle la politique
internationale nous apprendra l'art de
naviguer sur notre minuscule astéroïde.
Cette étoile sera celle de l'alliance du
cœur vivant de l'islam avec la raison à
féconder de l'Occident. Si vous tenez
nos faux prophètes de la Liberté par la
bride, nous marcherons ensemble, vous
vers les profondeurs où veille la
pensée, nous en direction de notre
future humilité, celle de chercher la
cachette du dieu de Caïn et du dieu
d'Abel. Mais si vous escaladiez les nues
des démocraties imaginaires comme la foi
coranique vous transportait au septième
ciel d'Allah, jamais nous ne
deviendrions la voûte stellaire du
monde.
(*)
« Méditerranée, noeud de civilisations !
Pour un appel conjoint aux peuples
Arabes et Européens », par Jean-Luc Pujo
Reçu de l'auteur pour
publication