A quel moment faut-il annoncer que
la démocratie mondiale se trouve en danger de mort ? Quand un
Président des Etats-Unis ne parvient pas à nommer les
collaborateurs qui lui permettraient d'appliquer au Moyen Orient
la politique voulue par la majorité de son électorat, la maladie
est-elle devenue incurable ? On sait que M. Freeman, ancien
Ambassadeur des Etats-Unis en Arabie saoudite et ancien
Secrétaire adjoint au Ministère de la défense a démissionné de
la présidence du Conseil national du renseignement à laquelle il
venait d'être nommé par M. Obama, au motif que le lobby sioniste
AIPAC lui a reproché d'avoir écrit : "La brutale oppression
des Palestiniens par l'occupation militaire israélienne ne
montre aucun signe de répit."
Si le Président des Etats-Unis
échoue à choisir à son gré ses collaborateurs de haut rang face
à l'omnipotence d'un groupe de pression devenu le maître de la
politique étrangère de la nation, ce chancre est-il plus
guérissable qu'un cancer qui rongerait l'encéphale même de la
démocratie et la conduirait à une incohérence sans remède, parce
que les médicaments qu'il convient d'appliquer au chaos cérébral
du monde requièrent une thérapie philosophique, c'est-à-dire un
traitement de choc dont seuls les Hippocrate de la logique
connaissent les ingrédients?
Cherchons le dialecticien du sens commun qui rédigerait
l'ordonnance salvatrice et dont le diagnostic serait rédigé en
ces termes. Primo : Mme Clinton a osé déclarer
publiquement et avant même de rencontrer M. Netanyahou, Premier
Ministre potentiel d'Israël, qu'aucune chance de paix ne sera
possible au Moyen Orient aussi longtemps qu'Israël n'aura pas
cessé d'étendre son territoire par la construction inlassable de
nouvelles colonies, ce qui ramène M. Obama à une évidence
énoncée par M. Bush père et par son Ministre des affaires
étrangères en 1993. Secundo, M. Netanyahou n'a en rien
validé cette prise de position logicienne, puisqu'il l'a
purement et simplement passée sous silence. Tertio, Mme
Clinton est allée torpiller les négociations entre le Hamas et
le Fatah au Caire en déclarant que le Hamas devait, au
préalable, reconnaître à Israël le statut d'Etat légitimé par le
droit international.
Mais comment demander au Hamas de
reconnaître un Etat aux frontières spongieuses et dont le
territoire n'a pas été mesuré par les topographes et les
arpenteurs assermentés de l'élasticité des Etats-nébuleuses?
Que disent les spécialistes du
droit international public des Etats en cours de constitution et
dont les contours ne sont pas encore fixés par les géographes?
Si la paix est exclue avec un Etat de ce type, faute qu'il
puisse exister juridiquement sous une forme floue et incertaine
aux yeux du droit international public, comment habiliter un
fantôme à négocier la paix? La politique étrangère est-elle une
danse des spectres ou bien la diplomatie ne connaît-elle que des
Etats en chair et en os?
Mais puisque la thérapie
applicable aux maladies de la raison politique n'est autre que
la logique démocratique, la gangrène de l'esprit de logique
signe l'arrêt de mort des démocraties. C'est cette nosologie
qu'on trouvera partiellement mise en évidence par l'examen,
ci-dessous, de quelques symptômes faciles à déceler.
On
souhaite à M. Obama de trouver les ambulanciers qui
hospitaliseront la démocratie américaine. Puissent des soins
intensifs remettre le moribond sur ses pieds ; puissent les
médecins éviter l'amputation de l'agonisant. Comment se fait-il
que, dans le même temps, un organisme aussi officiel que la CIA
ait publié un diagnostic selon lequel l'Etat d'Israël aura
disparu dans vingt ans ? Voyez la collusion entre la philosophie
et les services de renseignement; voyez comme cette discipline
assure la police du cerveau simiohumain et lui passe la camisole
de force de la dialectique.
1 -Gaza, un
tremblement de terre politique
2 - Que se passera-t-il quand…
3 - La pesée de l'encéphale simiohumain
4 - Un " Discours de la méthode " à
l'usage de la politologie moderne
5 - Une panne des bénédictions
6 - Israël et ses prophètes
7 - L'histoire comme personnage et
l'histoire comme destin
1 - Gaza, un tremblement de terre
politique
La
guerre catastrophique d'Israël contre le Liban avait ruiné la
légende dorée qui auréolait cet Etat; le mythe de sa vocation
semi-céleste par nature et par définition a trépassé. La Finul
entoure à perpétuité le peuple irénique d'un cordon sanitaire
utile à la protection de son voisin. Des dizaines de nations,
aux côtés desquelles on compte des contingents venus de la
Russie et de la Chine, montent à jamais la garde aux frontières
d'un Etat hébreu dont les coups de sang sont jugés
imprévisibles. L'assaut apocalyptique d'une des plus puissantes
armées du monde contre le minuscule territoire de Gaza aura des
conséquences irréversibles: une patrie originellement innocente
et dont l'Eden national passait pour se trouver sans cesse sur
la défensive face à de méchants agresseurs a définitivement
changé de Bible sur la scène internationale. Non seulement ce
haut fait d'armes du peuple des prophètes a entraîné une
réprobation universelle, mais cet exploit plus titanesque encore
dans l'insensé que dans l'ordre politique s'appelle, en droit
public, un génocide. Que penser d'une contre-performance
qui place Israël sur l'échiquier du Tribunal pénal de la Haye?
La
shoah avait définitivement assoupi un antisémitisme que les
siècles avaient rendu endémique en Europe. Quand une société ou
une civilisation se fondent sur une identité collective
compacte, donc principalement construite sur le ciment d'un
mythe religieux, tout groupe allogène se trouve frappé d'un
ostracisme sacré. Puis le rejet des "déicides" avait été
quasiment suspendu en raison des progrès de l'athéisme qui avait
dissous les identités oniriques sur lesquelles les deux
mythologies reposaient. Mais Israël se trouve désormais menacé
par un antisémitisme qui aura entièrement changé de socle
magique et qui résultera de la solidarité affichée et
indéfectible des communautés nationales juives du monde entier
avec l'expansion territoriale continue et irrépressible de
l'Etat d'Israël. Alors que, depuis les origines, l'antisémitisme
était demeuré de nature foncièrement théologique il risque de
devenir strictement nationaliste en raison du prosélytisme
sioniste du peuple juif miraculeusement, mais sans doute
provisoirement ressuscité sur un territoire déterminé.
La
gravité d'un rejet oublié depuis Titus et Vespasien se fondera
donc sur une condamnation morale devenue focalisable. C'est dire
combien le "peuple élu" n'avait vraiment pas besoin de
territorialiser, donc de politiser, sur un lopin de la
mappemonde un terrible retour du boomerang d'Abel.
Au premier siècle, le rejet
d'Israël reposait sur un progrès religieux - ce peuple était
seul à rejeter les idoles de bois, de pierre ou d'airain du
monde antique. Et voici toutes les nations de la terre changées
en spectatrices effarées d'un camp de concentration à ciel
ouvert. Que faire d'un million et demi d'hommes, de femmes et
d'enfants qui localiseront inévitablement un bourreau placé sous
la surveillance permanente d'un tribunal tantôt mis sous
somnifère, tantôt aux yeux grands ouverts?
Mais, dans le même temps, ce
désastre exercera une fonction cathartique, parce que, d'un
instant à l'autre, l'heure va sonner où la classe dirigeante
internationale se trouvera accusée de complicité avec Caïn.
Comment échapper à ce reproche, sinon en plaidant l'innocence
attachée à un titanesque retard intellectuel? Il vaut mieux se
faire l'avocat d'une méconnaissance dramatique des lois de
l'histoire et des fondements anthropologiques de la politique
que de partager sciemment la responsabilité d'un crime de guerre
prévisible et inévitable. Le moment approche donc d'une prise de
conscience dont la vocation sera d'approfondir l'humanisme
superficiel dont l'Europe vit depuis le XVIe siècle - retard qui
aura privé des sciences humaines encore héritées de la théologie
du Moyen Age de toute interprétation darwinienne et freudienne
aussi bien de la politique des mythes sacrés que de la politique
tout court.
2
- Que se passera-t-il quand…
La
date de l'accouchement d'une pesée psychobiologique et
transreligieuse de l'Histoire de notre espèce est devenue
prévisible en raison de l'impossibilité de la parturition d'un
Etat palestinien à laquelle la diplomatie mondiale va fatalement
se heurter au Moyen Orient, ce qui contraindra toutes les
chancelleries à ouvrir quelque peu les yeux sur les arcanes de
l'encéphale simiohumain. Car, d'un côté, Israël a définitivement
perdu toute chance de déclencher une expédition dite "défensive"
contre un voisin désarmé: il ne lui reste que l'Iran à "punir"
à titre préventif. Mais toute expédition militaire contre cet
Etat ambitieux de disposer de l'arme de l'émasculation du dieu
Mars à l'échelle de la planète provoquerait une opposition
résolue à cette bimbeloterie politique non seulement de la
Russie et de la Chine, mais également des Etats-Unis et de
l'Europe, pour ne rien dire, je le répète, du cataclysme que
serait le déchaînement d'un antisémitisme de type nationaliste
d'une radicalité auprès de laquelle celui des siècles de foi
ferait figure de bergerie. Mais, dans le même temps, on
s'apercevra que, dans l'état gélatineux qui caractérise le "connais-toi"
un siècle et demi après la parution de L'évolution des
espèces, nous ne disposons encore d'aucune réponse
rationnelle à la situation au Moyen Orient, de sorte que notre
embryon de science politique sera mise à la rude épreuve d'une
évaluation du degré de carence cérébrale dont elle se trouve
affectée, ce qui n'était plus arrivé depuis Copernic. Pis que
cela : si notre anthropologie scientifique est tombée en panne
faute de balance à peser notre tête, le danger est imminent de
voir renaître le péril le plus mortel, celui que Socrate avait
placé à l'origine de tous les maux; car Adam demeure tellement
dépourvu d'esprit critique au point qu'il se convainc de savoir
ce qu'il ignore, et cela qu'il se fait, de sa méconnaissance
même au chapitre de sa véritable nature, le fondement le plus
résolu et le plus assuré de l'errance dont sa science politique
et sa gouvernance de son destin se trouvent frappées de
naissance.
Que se passera-t-il quand toutes
les chancelleries de la planète auront fini par comprendre
qu'Israël ne consentira jamais à partager Jérusalem avec les
disciples de Mahomet et que, de son côté, l'Islam se laissera
arracher les yeux plutôt que de se laisser ravir ce fleuron
d'Allah et de son prophète? Que se passera-t-il quand tous les
Etats du monde auront compris qu'Israël n'évacuera jamais la
Cisjordanie et ne rendra jamais les territoires occupés depuis
1967 ? Que se passera-t-il quand les cinq continents auront
constaté que jamais Israël n'acceptera la création d'un Etat
aussi souverain que lui-même à ses côtés? Pour l'instant une
diplomatie réduite à prendre son ignorance même pour un savoir
se livre encore à des incantations d'une pieuse stérilité. Mais
que se passera-t-il quand une vraie science des peuples et des
nations aura fait ses premiers pas et formulé les prolégomènes
d'une politologie digne du XXIe siècle?
3 - La pesée de l'encéphale
simiohumain
Pour porter une telle
anthropologie sur les fonts baptismaux d'une connaissance
rationnelle des coulisses de l'encéphale actuel de notre espèce,
il faut séparer le cerveau hébreu de celui du reste de
l'humanité, puis les placer tous deux sur les plateaux d'une
seule et même balance, afin de peser leur science respective de
la nature et de la portée politique de l'apocalypse nucléaire.
Dans cette paire de masses grises, la première sait fort bien
que deux singes armés d'une foudre tellement stupide qu'elle les
condamne à s'exterminer réciproquement se garderont bien de se
suicider à seule fin de fêter leurs épousailles et leurs
funérailles dans les plus hautes régions de l'atmosphère.
C'est pourquoi Tel Aviv tente de convaincre les gouvernements de
tous les autres Etats de la planète de ce qu'Israël se
trouverait menacé d'extermination vaporeuse si l'Iran disposait
de la foudre inutile qui ne permet aux huit stupides Jupiters de
la modernité que de jouer aux matamores de leur propre trépas.
Mais comment peser le cerveau de la masse tout entière des
singes vocalisés, sinon par l'examen minutieux des instruments
de mesures perfectionnés dont dispose la balance construite à
cet effet par les anthropologues les plus éminents de la
planète? Or, le Quai d'Orsay a officiellement déclaré "inacceptable"
le "prétexte" selon lequel la possession de la bombe
atomique par d'autres Etats que l'Iran - tels l'Inde et le
Pakistan - serait de nature à réfuter la dangerosité réservée à
la seule foudre dont la Perse pourrait disposer dans le futur,
alors que ladite fulmination ne serait pas moins inutilisable
sur un champ de bataille réel que celle d'Israël.
C'est ici que les hypothèses simianthropologiques les plus
audacieuses des peseurs hébreux du cerveau de notre espèce
triomphent de celles de tous leurs rivaux : "Voyez, disent-ils,
nous n'avons même pas à fabriquer de balance raffinée pour
calculer avec une grande exactitude le volume de la boîte
osseuse de nos apparents congénères. Car l'adjectif "inacceptable"
n'est autre que le poids et la mesure qui lui permettent de ne
rien peser et de ne rien calculer du tout et de conquérir en un
tournemain la connaissance verbifique de ce qu'ils ignorent. Ils
ne placent donc jamais que leurs adverbes vides de sens sur les
plateaux de la balance qui leur permet de peser leur tête. Mieux
que cela : ce vide lui-même, ils s'interdisent les uns aux
autres de jamais en examiner la vacuité spécifique et "bombinans
in vacuo", comme disait leur scolastique du Moyen Age. Leur
infirmité encéphalique naturelle et innée nous permet donc de
piloter la planète entière à notre seul avantage. Voyez,
ajoutent-ils, la capacité crânienne de la population mondiale
moyenne d'aujourd'hui doit être estimée non pas à 50%, mais à
30% seulement de celle d'Israël."
Ces prémisses rendent ardue la
pose des fondements de la science anthropologique rigoureuse du
politique à laquelle nous devons cependant nous essayer avec les
moyens du bord.
4 - Un " Discours de la méthode "
à l'usage de la politologie moderne
Le
"Discours de la méthode" que nous attendons enseignera
aux scolastiques de la Sorbonne des laïcs ce que l'Assemblée des
nations unies de 1948 aurait dû apprendre sur les bancs de
l'école, à savoir que si vous implantez un peuple venu
d'ailleurs sur un territoire vierge ou déjà peuplé de congénères
appartenant à une autre variété du genre humain , ce peuple
s'appliquera avec une ardeur et une persévérance sans pareilles
à unifier et à étendre un rassemblement aussi inespéré de
spécimens de son espèce. La monarchie gauloise a consolidé le
royaume des Capétiens un demi millénaire durant, l'Espagne a mis
des siècles à chasser les Maures, le Saint Empire romain
germanique a longtemps tenu à bout de bras les dépouilles de la
Rome antique, la Germanie du XIXème siècle a vaincu
successivement le Danemark, l'Autriche et la France afin de
fonder l'Allemagne moderne, la petite Suisse elle-même a groupé
vingt-quatre Etats microscopiques autour de deux chefs de file,
Zurich et Berne, et elle a abusivement baptisé cette fédération
de "confédération" - mais il a fallu attendre le XIXè
siècle pour que les cantons de Vaud et de Neuchâtel secouassent
le joug bernois. Quant au "canton et République du Jura",
sa naissance remonte à 1974. Passons derechef du minuscule au
gigantesque : la Russie a conquis l'accès à la Mer Noire sous
Catherine II en 1783; puis elle s'en est trouvé dépossédée en
1856 par Napoléon III pour la reconquérir sous le tsar Alexandre
II. Mais de nos jours, l'empire américain tente de lui disputer
à nouveau et âprement le port de Sébastopol. Quant à l'empire
américain, il n'est pas nécessaire de récapituler les patientes
étapes de sa marche de deux siècles vers la conquête du monde.
Passons à la contre-épreuve: un
empire qui cesse de s'étendre ou de se consolider se fossilise
et disparaît. L'empire des Habsbourg s'est évanoui au XIXè
siècle sous les coups de la Prusse, l'Amérique du Sud n'a pas
accédé au destin d'un continent dominant pour le simple motif
que la révolution de Bolivar y a échoué, l'Italie n'a reconquis
son unité qu'au XIXè siècle pour la reperdre au XXe siècle - un
territoire occupé à titre perpétuel par cent trente sept
puissantes garnisons étrangères et qui, en 1945, a dû céder à
titre définitif le port de Naples à la flotte de guerre des
Etats-Unis n'est évidemment plus une nation souveraine. Non
seulement une Allemagne quadrillée par cent quatre vingt
dix-huit places fortes étrangères dotées, en fait, du statut de
l'exterritorialité, n'est pas libre de ses mouvements sur la
scène internationale, mais, de surcroît, le découpage de son
territoire en Länder largement autonomes l'empêche de jamais
former des élites politiques de stature mondiale, du seul fait
que le pouvoir démocratique se conquiert sur les masses, donc
par des promesses électorales nécessairement fondées sur la
crédulité populaire : l'Allemagne n'a même plus de vraie
capitale culturelle, parce que les Länder défendent une vision
provinciale du génie.
Quant à la France, elle perdra son âme le 4 avril 2009, non
point seulement comme l'a écrit M. Védrine le 5 mars 2009 dans
le Monde, parce que peu importent les nationalités des officiers
et des soldats qui reçoivent les ordres du Pentagone au sein de
l'OTAN, mais parce que notre nation était la seule, depuis
quarante trois ans, à refuser la légitimation sur le long terme
de la domination militaire de l'Europe entière par une puissance
étrangère vingt ans après la chute de l'union soviétique, donc
la seule à sauver l'honneur par son obstination à faire flotter
le drapeau de la souveraineté nationale sur le continent de
Copernic. Quand cette vassalisation aura pris fin, la France ne
se lavera qu'après une interminable souillure d'une tache sur
son drapeau dont son histoire demeurera maculée aux yeux des
siècles à venir. On ne joue pas avec l'âme et la mémoire des
nations. C'est pourquoi M. Jean-Luc Pujo Président des clubs
Penser la France, a pu écrire : "Comment, dans ce
contexte, la France peut-elle - au pire moment ! - imaginer
rejoindre l'OTAN? Il ne s'agit plus là d'une faute politique,
mais bel et bien d'un crime ! Crime contre l'Europe, en la
privant de toute perspective d'autonomie possible. Crime contre
la France, en soldant le cœur stratégique de notre défense
nationale. Heureusement, à ce crime, la Constitution répond par
un dispositif renforcé en février dernier. L'hommage à Jacques
Chirac s'impose de lui-même : la destitution. Etonnante
prémonition ! "
Voir -
I : Une révolution du droit international public:
Réflexion sur la destitution du Président de la
République en vertu de l'art. 68 de la Constitution
révisée le 23 février 2007, 15 octobre 2007
De la
sagesse et de la frivolité en politique,LETTRES
PERSANES , 3 avril 2007
La Constitution modifiée le 23
février 2007 et la défense de la souveraineté de la
France , 14 mars 2007
Or, l'Etat hébreu sait qu'un
peuple adulte se définit à l'écoute de son autonomie psychique
et que celle-ci est consubstantielle à l'indépendance des
nations. La France a mis des siècles à donner une identité
nationale commune à l'Alsace et à la Gascogne, l'Allemagne n'a
pas eu le temps de donner une identité nationale commune à la
Prusse protestante et à la Bavière catholique, l'Espagne a perdu
son identité nationale avec la désertion de la Catalogne et Rome
n'a plus la puissance de rassembler la Calabre et le Piémont.
"Israël, que vas-tu devenir, toi
qui t'es convaincu non point de conquérir une terre, mais
seulement de la réoccuper après un long exil? Mettras-tu la
planète à feu et à sang pour défendre ta vocation de peuple et
de nation ou bien retourneras-tu traîner le boulet de trois
millénaires de ton histoire sur une terre étrangère?"
5 - Une panne des bénédictions
La
classe dirigeante d'Israël voit l'étau des lois de l'Histoire se
refermer inexorablement sur elle. Aussi le génocide de Gaza
est-il également le fruit d'une panique d'entrailles du peuple
hébreu. Comment cette nation se contenterait-elle de retrouver
sa vieille demeure et d'en dépoussiérer les aîtres, comment ses
immigrants ne verraient-ils pas que leur entreprise est vouée à
un échec fatal du seul fait que le XXIè siècle ne se prête plus
aux expansions sournoises et cachées aux regards de la planète
des nations en gestation? Depuis cinq siècles, la poudre à canon
avait pris la relève des épées. Et maintenant, le pain de la
gloire a cessé de monter dans le four du trépas sur les champs
de bataille. Que valent encore des victoires réduites à de
hideux carnages sous les yeux des caméras du monde entier, que
valent encore des massacres offerts en spectacle à une humanité
tout entière assise dans ses fauteuils devant les "étranges
lucarnes"? Il est difficile de bomber le torse à l'école des
triomphes du glaive si ceux-ci se réduisent à l'extermination
systématique et ciblée de populations sans défense, il est
difficile aux films d'horreurs de faire flotter des drapeaux sur
des amoncellements de cadavres. Voici que le journal de bord de
la mappemonde de Caïn se trouve placé entre toutes les mains.
C'est pourquoi la "communauté internationale" aux mains
jointes sait qu'elle est à bout d'absolutions, primo,
parce que personne au monde ne fera reculer Israël d'un seul
pouce sans recourir à la force des armes, secundo, parce
que personne au monde non plus ne lèvera une armée aguerrie afin
de remettre les Palestiniens en possession de la terre de leurs
ancêtres. La nation rescapée des camps de concentration de
Hitler, puis devenue le garde-chiourme du plus grand camp de
concentration en plein air de tous les temps, sait qu'elle est
assurée de l'impunité. Mais s'enfermera-t-elle dans l'enceinte
d'une forteresse invisible, celle du trépas de l'éthique de ses
prophètes? Partout les produits du sol d'Israël se trouvent
boycottés, partout des universités prestigieuses - Princeton,
Columbia - mobilisent les futures élites de la politique afin de
contraindre Israël à "autoriser" un Etat palestinien à se
dresser à ses côtés - mais, encore une fois, la pauvreté
anthropologique de la science historique et de la politologie
contemporaines nous prive des spéléologues de l'espèce
simiohumaine qui enseigneraient aux Etats à se connaître.
Et pourtant, quand l'Histoire a
perdu son chemin, elle découvre un sentier étroit et rejoint son
propre personnage un instant oublié, bafoué, amputé. Quel
étonnant acteur que l'Histoire au pas pressé ou nonchalant!
L'ignorance et la sottise peuvent bien la faire tituber - elle
finit toujours par retrouver ses esprits. Je ne sais quelle
route elle va tracer, mais je suis sûr qu'elle se rendra vers
ses quartiers d'hiver et d'été. Pour cela, courons à grandes
enjambées à ses côtés - les personnages dédoublés entre leur
corps et leur destin qu'on appelle des nations attendent les
Fellini, les Renoir, les Bergman de l'Histoire du monde.
6 - Israël et ses prophètes
Sachez que tous les peuples sont des personnages en chair et en
os, mais que rares sont ceux qui incarnent un destin; sachez que
ceux-là seuls se rendent éternels pour s'être dotés du corps
invisible qu'on appelle une destinée. L'Angleterre déplace
encore sa carcasse sur le théâtre de la mappemonde, mais l'âme
que symbolisait cette charpente grelotte dans un carrosse
cahotant sur des chaussées ignorées de l'Histoire. L'Espagne
n'est plus qu'une ossature embarrassée - que faire, se dit-elle,
du personnage sans destin et sans voix qui fait tinter mon
squelette? Comment, se dit-elle, me réduirais-je à un spectre de
Sancho Pança sur les planches de ce bas monde? Comment
renoncerais-je à mon destin de chevalier de mes songes? Courons
retrouver en Amérique du Sud et en Europe le conquérant que je
suis. Le Japon a perdu l'ombre allongée ou raccourcie qui suit
pas à pas les nations et qui s'appelle leur destin. La Chine et
l'Inde sont sur le point de retrouver leur ombre - mais il leur
fallait le temps de s'armer des os et de la musculature sans
lesquels les nations ne sauraient basculer dans le royaume des
âmes. La Russie vient seulement de se remettre sur ses jambes ;
mais ce Quichotte ne rencontre jamais son destin qu'à la faveur
des retrouvailles de sa chair avec son ciel en folie.
Israël est-il un personnage
reconnaissable seulement à ses muscles et à ses viscères ou bien
l'incarnation d'un destin? D'un côté, il semble qu'il s'agisse
seulement d'un personnage aux gants de boxe, d' un Pygmée armé
en Hercule, d'un faucon auquel vingt siècles d'absence au monde
ont désappris l'Histoire, d'un Cyclope monté sur un bulldozer,
d'un nain sous une cuirasse trop lourde à porter, d'un enfant
amusé par sa foudre, d'un infirme titubant parmi des éclairs et
des fulminations dont il ne sait que faire. Mais, en réalité,
Israël est tellement un destin et seulement un destin que ce
peuple semble caricaturer l'effigie de la fatalité qu'il
incarne. Quelle silhouette digne de la plume d'un Cervantès ou
d'un Shakespeare qu'une nation réduite à l'errance, quel symbole
en marche qu'un peuple dont le tragique illustre l'orgueil, la
solitude et l'irréductible singularité d'un destin!
7 - L'histoire comme personnage et
l'histoire comme destin
Le drame dans lequel l'humanité
va entrer sera celui du dialogue que l'histoire du monde comme
personnage entretiendra avec l'histoire comme destin. Car il
existe des hommes de chair et des hommes dont le corps véritable
s'appelle un destin. Diogène a un destin de lanterne allumée en
plein jour, Socrate de buveur de ciguë, Jésus d'immolé passif ou
rebelle. Mais tout destin national se déroule sur les planches
du globe terrestre, tout grand peuple se fait du monde entier un
théâtre à sa mesure. Les vraies nations sont déchirées entre
leur chair et leur destin. Israël a pris rendez-vous avec un
destin que personne n'avait incarné avant lui : celui d'un
peuple qui ne sait ni sur quelle terre marcher, ni vers quel
ciel s'envoler, parce que son destin est étranger à sa terre et
sa terre étrangère à son destin. Quel paradigme du tragique de
la condition humaine que de symboliser le divorce entre les deux
faces du singe parlant, quel destin, pour un peuple, que de
porter la potence d'une humanité sans asile.
Israël retombera dans une histoire sans ciel et sans terre, une
histoire toute grouillante de chair et d'os, Israël retrouvera
sa destinée seulement trottinante à ses côtés, Israël mourra et
renaîtra du personnage de Chamisso qui avait perdu son ombre.
Alors seulement les prophètes hébreux retrouveront un corps et
une voix : "Israël, diront-ils, regarde nos corps trop lourds et
notre ombre enchaînée. Ton tour est venu de te disloquer entre
ton absence à toi-même et ton existence chargée de chaînes; ton
tour est venu de te mettre à l'école des disloqués à ton image,
tes prophètes."
Peut-être la chance d'Israël
est-elle d'avoir d'ores et déjà pris rendez-vous avec son destin
de martyr de la condition humaine. Quel sera le second
rendez-vous de cette nation avec son personnage en chair et en
os sur cette terre? Naîtra-t-il un prophète qui demandera à
l'Histoire : "Pourquoi ne peux-tu ni t'incarner, ni t'envoler ?
Vois, toutes se dandinent sur le sol, toutes agitent leurs ailes
inutiles. Ni l'errance ne suffit à leur fourrage, ni le ciel ne
leur permet de prendre leur vol. Mais toi seul, Israël, tu perds
ton ciel à vagabonder sur la terre ; et quand tu retrouves ta
terre, tu n'entends plus la voix de tes prophètes. Pourquoi les
as-tu mis à mort ? Serait-ce que ni au ciel, ni sur la terre tu
ne peux vivre ?"
Peut-être est-ce cela, les
retrouvailles d'Israël avec son destin : celui de donner à
l'errance de tous les peuples et de toutes les nations leur
premier témoin de l'exilé universel qu'on appelle l'humanité.