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Proche-Orient

La démocratie mondiale malade du camp de concentration de Gaza
Manuel de Diéguez


Manuel de Diéguez

Lundi 16 mars 2009

A quel moment faut-il annoncer que la démocratie mondiale se trouve en danger de mort ? Quand un Président des Etats-Unis ne parvient pas à nommer les collaborateurs qui lui permettraient d'appliquer au Moyen Orient la politique voulue par la majorité de son électorat, la maladie est-elle devenue incurable ? On sait que M. Freeman, ancien Ambassadeur des Etats-Unis en Arabie saoudite et ancien Secrétaire adjoint au Ministère de la défense a démissionné de la présidence du Conseil national du renseignement à laquelle il venait d'être nommé par M. Obama, au motif que le lobby sioniste AIPAC lui a reproché d'avoir écrit : "La brutale oppression des Palestiniens par l'occupation militaire israélienne ne montre aucun signe de répit."

Si le Président des Etats-Unis échoue à choisir à son gré ses collaborateurs de haut rang face à l'omnipotence d'un groupe de pression devenu le maître de la politique étrangère de la nation, ce chancre est-il plus guérissable qu'un cancer qui rongerait l'encéphale même de la démocratie et la conduirait à une incohérence sans remède, parce que les médicaments qu'il convient d'appliquer au chaos cérébral du monde requièrent une thérapie philosophique, c'est-à-dire un traitement de choc dont seuls les Hippocrate de la logique connaissent les ingrédients?

Cherchons le dialecticien du sens commun qui rédigerait l'ordonnance salvatrice et dont le diagnostic serait rédigé en ces termes. Primo : Mme Clinton a osé déclarer publiquement et avant même de rencontrer M. Netanyahou, Premier Ministre potentiel d'Israël, qu'aucune chance de paix ne sera possible au Moyen Orient aussi longtemps qu'Israël n'aura pas cessé d'étendre son territoire par la construction inlassable de nouvelles colonies, ce qui ramène M. Obama à une évidence énoncée par M. Bush père et par son Ministre des affaires étrangères en 1993. Secundo, M. Netanyahou n'a en rien validé cette prise de position logicienne, puisqu'il l'a purement et simplement passée sous silence. Tertio, Mme Clinton est allée torpiller les négociations entre le Hamas et le Fatah au Caire en déclarant que le Hamas devait, au préalable, reconnaître à Israël le statut d'Etat légitimé par le droit international.

Mais comment demander au Hamas de reconnaître un Etat aux frontières spongieuses et dont le territoire n'a pas été mesuré par les topographes et les arpenteurs assermentés de l'élasticité des Etats-nébuleuses?

Que disent les spécialistes du droit international public des Etats en cours de constitution et dont les contours ne sont pas encore fixés par les géographes? Si la paix est exclue avec un Etat de ce type, faute qu'il puisse exister juridiquement sous une forme floue et incertaine aux yeux du droit international public, comment habiliter un fantôme à négocier la paix? La politique étrangère est-elle une danse des spectres ou bien la diplomatie ne connaît-elle que des Etats en chair et en os?

Mais puisque la thérapie applicable aux maladies de la raison politique n'est autre que la logique démocratique, la gangrène de l'esprit de logique signe l'arrêt de mort des démocraties. C'est cette nosologie qu'on trouvera partiellement mise en évidence par l'examen, ci-dessous, de quelques symptômes faciles à déceler.

On souhaite à M. Obama de trouver les ambulanciers qui hospitaliseront la démocratie américaine. Puissent des soins intensifs remettre le moribond sur ses pieds ; puissent les médecins éviter l'amputation de l'agonisant. Comment se fait-il que, dans le même temps, un organisme aussi officiel que la CIA ait publié un diagnostic selon lequel l'Etat d'Israël aura disparu dans vingt ans ? Voyez la collusion entre la philosophie et les services de renseignement; voyez comme cette discipline assure la police du cerveau simiohumain et lui passe la camisole de force de la dialectique.

1 -Gaza, un tremblement de terre politique
2 - Que se passera-t-il quand…
3 - La pesée de l'encéphale simiohumain
4 - Un " Discours de la méthode " à l'usage de la politologie moderne
5 - Une panne des bénédictions
6 - Israël et ses prophètes
7 - L'histoire comme personnage et l'histoire comme destin

1 - Gaza, un tremblement de terre politique

La guerre catastrophique d'Israël contre le Liban avait ruiné la légende dorée qui auréolait cet Etat; le mythe de sa vocation semi-céleste par nature et par définition a trépassé. La Finul entoure à perpétuité le peuple irénique d'un cordon sanitaire utile à la protection de son voisin. Des dizaines de nations, aux côtés desquelles on compte des contingents venus de la Russie et de la Chine, montent à jamais la garde aux frontières d'un Etat hébreu dont les coups de sang sont jugés imprévisibles. L'assaut apocalyptique d'une des plus puissantes armées du monde contre le minuscule territoire de Gaza aura des conséquences irréversibles: une patrie originellement innocente et dont l'Eden national passait pour se trouver sans cesse sur la défensive face à de méchants agresseurs a définitivement changé de Bible sur la scène internationale. Non seulement ce haut fait d'armes du peuple des prophètes a entraîné une réprobation universelle, mais cet exploit plus titanesque encore dans l'insensé que dans l'ordre politique s'appelle, en droit public, un génocide. Que penser d'une contre-performance qui place Israël sur l'échiquier du Tribunal pénal de la Haye?

La shoah avait définitivement assoupi un antisémitisme que les siècles avaient rendu endémique en Europe. Quand une société ou une civilisation se fondent sur une identité collective compacte, donc principalement construite sur le ciment d'un mythe religieux, tout groupe allogène se trouve frappé d'un ostracisme sacré. Puis le rejet des "déicides" avait été quasiment suspendu en raison des progrès de l'athéisme qui avait dissous les identités oniriques sur lesquelles les deux mythologies reposaient. Mais Israël se trouve désormais menacé par un antisémitisme qui aura entièrement changé de socle magique et qui résultera de la solidarité affichée et indéfectible des communautés nationales juives du monde entier avec l'expansion territoriale continue et irrépressible de l'Etat d'Israël. Alors que, depuis les origines, l'antisémitisme était demeuré de nature foncièrement théologique il risque de devenir strictement nationaliste en raison du prosélytisme sioniste du peuple juif miraculeusement, mais sans doute provisoirement ressuscité sur un territoire déterminé.

La gravité d'un rejet oublié depuis Titus et Vespasien se fondera donc sur une condamnation morale devenue focalisable. C'est dire combien le "peuple élu" n'avait vraiment pas besoin de territorialiser, donc de politiser, sur un lopin de la mappemonde un terrible retour du boomerang d'Abel.

Au premier siècle, le rejet d'Israël reposait sur un progrès religieux - ce peuple était seul à rejeter les idoles de bois, de pierre ou d'airain du monde antique. Et voici toutes les nations de la terre changées en spectatrices effarées d'un camp de concentration à ciel ouvert. Que faire d'un million et demi d'hommes, de femmes et d'enfants qui localiseront inévitablement un bourreau placé sous la surveillance permanente d'un tribunal tantôt mis sous somnifère, tantôt aux yeux grands ouverts?

Mais, dans le même temps, ce désastre exercera une fonction cathartique, parce que, d'un instant à l'autre, l'heure va sonner où la classe dirigeante internationale se trouvera accusée de complicité avec Caïn. Comment échapper à ce reproche, sinon en plaidant l'innocence attachée à un titanesque retard intellectuel? Il vaut mieux se faire l'avocat d'une méconnaissance dramatique des lois de l'histoire et des fondements anthropologiques de la politique que de partager sciemment la responsabilité d'un crime de guerre prévisible et inévitable. Le moment approche donc d'une prise de conscience dont la vocation sera d'approfondir l'humanisme superficiel dont l'Europe vit depuis le XVIe siècle - retard qui aura privé des sciences humaines encore héritées de la théologie du Moyen Age de toute interprétation darwinienne et freudienne aussi bien de la politique des mythes sacrés que de la politique tout court.

2 - Que se passera-t-il quand…

La date de l'accouchement d'une pesée psychobiologique et transreligieuse de l'Histoire de notre espèce est devenue prévisible en raison de l'impossibilité de la parturition d'un Etat palestinien à laquelle la diplomatie mondiale va fatalement se heurter au Moyen Orient, ce qui contraindra toutes les chancelleries à ouvrir quelque peu les yeux sur les arcanes de l'encéphale simiohumain. Car, d'un côté, Israël a définitivement perdu toute chance de déclencher une expédition dite "défensive" contre un voisin désarmé: il ne lui reste que l'Iran à "punir" à titre préventif. Mais toute expédition militaire contre cet Etat ambitieux de disposer de l'arme de l'émasculation du dieu Mars à l'échelle de la planète provoquerait une opposition résolue à cette bimbeloterie politique non seulement de la Russie et de la Chine, mais également des Etats-Unis et de l'Europe, pour ne rien dire, je le répète, du cataclysme que serait le déchaînement d'un antisémitisme de type nationaliste d'une radicalité auprès de laquelle celui des siècles de foi ferait figure de bergerie. Mais, dans le même temps, on s'apercevra que, dans l'état gélatineux qui caractérise le "connais-toi" un siècle et demi après la parution de L'évolution des espèces, nous ne disposons encore d'aucune réponse rationnelle à la situation au Moyen Orient, de sorte que notre embryon de science politique sera mise à la rude épreuve d'une évaluation du degré de carence cérébrale dont elle se trouve affectée, ce qui n'était plus arrivé depuis Copernic. Pis que cela : si notre anthropologie scientifique est tombée en panne faute de balance à peser notre tête, le danger est imminent de voir renaître le péril le plus mortel, celui que Socrate avait placé à l'origine de tous les maux; car Adam demeure tellement dépourvu d'esprit critique au point qu'il se convainc de savoir ce qu'il ignore, et cela qu'il se fait, de sa méconnaissance même au chapitre de sa véritable nature, le fondement le plus résolu et le plus assuré de l'errance dont sa science politique et sa gouvernance de son destin se trouvent frappées de naissance.

Que se passera-t-il quand toutes les chancelleries de la planète auront fini par comprendre qu'Israël ne consentira jamais à partager Jérusalem avec les disciples de Mahomet et que, de son côté, l'Islam se laissera arracher les yeux plutôt que de se laisser ravir ce fleuron d'Allah et de son prophète? Que se passera-t-il quand tous les Etats du monde auront compris qu'Israël n'évacuera jamais la Cisjordanie et ne rendra jamais les territoires occupés depuis 1967 ? Que se passera-t-il quand les cinq continents auront constaté que jamais Israël n'acceptera la création d'un Etat aussi souverain que lui-même à ses côtés? Pour l'instant une diplomatie réduite à prendre son ignorance même pour un savoir se livre encore à des incantations d'une pieuse stérilité. Mais que se passera-t-il quand une vraie science des peuples et des nations aura fait ses premiers pas et formulé les prolégomènes d'une politologie digne du XXIe siècle?

3 - La pesée de l'encéphale simiohumain

Pour porter une telle anthropologie sur les fonts baptismaux d'une connaissance rationnelle des coulisses de l'encéphale actuel de notre espèce, il faut séparer le cerveau hébreu de celui du reste de l'humanité, puis les placer tous deux sur les plateaux d'une seule et même balance, afin de peser leur science respective de la nature et de la portée politique de l'apocalypse nucléaire. Dans cette paire de masses grises, la première sait fort bien que deux singes armés d'une foudre tellement stupide qu'elle les condamne à s'exterminer réciproquement se garderont bien de se suicider à seule fin de fêter leurs épousailles et leurs funérailles dans les plus hautes régions de l'atmosphère.

C'est pourquoi Tel Aviv tente de convaincre les gouvernements de tous les autres Etats de la planète de ce qu'Israël se trouverait menacé d'extermination vaporeuse si l'Iran disposait de la foudre inutile qui ne permet aux huit stupides Jupiters de la modernité que de jouer aux matamores de leur propre trépas. Mais comment peser le cerveau de la masse tout entière des singes vocalisés, sinon par l'examen minutieux des instruments de mesures perfectionnés dont dispose la balance construite à cet effet par les anthropologues les plus éminents de la planète? Or, le Quai d'Orsay a officiellement déclaré "inacceptable" le "prétexte" selon lequel la possession de la bombe atomique par d'autres Etats que l'Iran - tels l'Inde et le Pakistan - serait de nature à réfuter la dangerosité réservée à la seule foudre dont la Perse pourrait disposer dans le futur, alors que ladite fulmination ne serait pas moins inutilisable sur un champ de bataille réel que celle d'Israël.

C'est ici que les hypothèses simianthropologiques les plus audacieuses des peseurs hébreux du cerveau de notre espèce triomphent de celles de tous leurs rivaux : "Voyez, disent-ils, nous n'avons même pas à fabriquer de balance raffinée pour calculer avec une grande exactitude le volume de la boîte osseuse de nos apparents congénères. Car l'adjectif "inacceptable" n'est autre que le poids et la mesure qui lui permettent de ne rien peser et de ne rien calculer du tout et de conquérir en un tournemain la connaissance verbifique de ce qu'ils ignorent. Ils ne placent donc jamais que leurs adverbes vides de sens sur les plateaux de la balance qui leur permet de peser leur tête. Mieux que cela : ce vide lui-même, ils s'interdisent les uns aux autres de jamais en examiner la vacuité spécifique et "bombinans in vacuo", comme disait leur scolastique du Moyen Age. Leur infirmité encéphalique naturelle et innée nous permet donc de piloter la planète entière à notre seul avantage. Voyez, ajoutent-ils, la capacité crânienne de la population mondiale moyenne d'aujourd'hui doit être estimée non pas à 50%, mais à 30% seulement de celle d'Israël."

Ces prémisses rendent ardue la pose des fondements de la science anthropologique rigoureuse du politique à laquelle nous devons cependant nous essayer avec les moyens du bord.

4 - Un " Discours de la méthode " à l'usage de la politologie moderne

Le "Discours de la méthode" que nous attendons enseignera aux scolastiques de la Sorbonne des laïcs ce que l'Assemblée des nations unies de 1948 aurait dû apprendre sur les bancs de l'école, à savoir que si vous implantez un peuple venu d'ailleurs sur un territoire vierge ou déjà peuplé de congénères appartenant à une autre variété du genre humain , ce peuple s'appliquera avec une ardeur et une persévérance sans pareilles à unifier et à étendre un rassemblement aussi inespéré de spécimens de son espèce. La monarchie gauloise a consolidé le royaume des Capétiens un demi millénaire durant, l'Espagne a mis des siècles à chasser les Maures, le Saint Empire romain germanique a longtemps tenu à bout de bras les dépouilles de la Rome antique, la Germanie du XIXème siècle a vaincu successivement le Danemark, l'Autriche et la France afin de fonder l'Allemagne moderne, la petite Suisse elle-même a groupé vingt-quatre Etats microscopiques autour de deux chefs de file, Zurich et Berne, et elle a abusivement baptisé cette fédération de "confédération" - mais il a fallu attendre le XIXè siècle pour que les cantons de Vaud et de Neuchâtel secouassent le joug bernois. Quant au "canton et République du Jura", sa naissance remonte à 1974. Passons derechef du minuscule au gigantesque : la Russie a conquis l'accès à la Mer Noire sous Catherine II en 1783; puis elle s'en est trouvé dépossédée en 1856 par Napoléon III pour la reconquérir sous le tsar Alexandre II. Mais de nos jours, l'empire américain tente de lui disputer à nouveau et âprement le port de Sébastopol. Quant à l'empire américain, il n'est pas nécessaire de récapituler les patientes étapes de sa marche de deux siècles vers la conquête du monde.

Passons à la contre-épreuve: un empire qui cesse de s'étendre ou de se consolider se fossilise et disparaît. L'empire des Habsbourg s'est évanoui au XIXè siècle sous les coups de la Prusse, l'Amérique du Sud n'a pas accédé au destin d'un continent dominant pour le simple motif que la révolution de Bolivar y a échoué, l'Italie n'a reconquis son unité qu'au XIXè siècle pour la reperdre au XXe siècle - un territoire occupé à titre perpétuel par cent trente sept puissantes garnisons étrangères et qui, en 1945, a dû céder à titre définitif le port de Naples à la flotte de guerre des Etats-Unis n'est évidemment plus une nation souveraine. Non seulement une Allemagne quadrillée par cent quatre vingt dix-huit places fortes étrangères dotées, en fait, du statut de l'exterritorialité, n'est pas libre de ses mouvements sur la scène internationale, mais, de surcroît, le découpage de son territoire en Länder largement autonomes l'empêche de jamais former des élites politiques de stature mondiale, du seul fait que le pouvoir démocratique se conquiert sur les masses, donc par des promesses électorales nécessairement fondées sur la crédulité populaire : l'Allemagne n'a même plus de vraie capitale culturelle, parce que les Länder défendent une vision provinciale du génie.

Quant à la France, elle perdra son âme le 4 avril 2009, non point seulement comme l'a écrit M. Védrine le 5 mars 2009 dans le Monde, parce que peu importent les nationalités des officiers et des soldats qui reçoivent les ordres du Pentagone au sein de l'OTAN, mais parce que notre nation était la seule, depuis quarante trois ans, à refuser la légitimation sur le long terme de la domination militaire de l'Europe entière par une puissance étrangère vingt ans après la chute de l'union soviétique, donc la seule à sauver l'honneur par son obstination à faire flotter le drapeau de la souveraineté nationale sur le continent de Copernic. Quand cette vassalisation aura pris fin, la France ne se lavera qu'après une interminable souillure d'une tache sur son drapeau dont son histoire demeurera maculée aux yeux des siècles à venir. On ne joue pas avec l'âme et la mémoire des nations. C'est pourquoi M. Jean-Luc Pujo Président des clubs Penser la France, a pu écrire : "Comment, dans ce contexte, la France peut-elle - au pire moment ! - imaginer rejoindre l'OTAN? Il ne s'agit plus là d'une faute politique, mais bel et bien d'un crime ! Crime contre l'Europe, en la privant de toute perspective d'autonomie possible. Crime contre la France, en soldant le cœur stratégique de notre défense nationale. Heureusement, à ce crime, la Constitution répond par un dispositif renforcé en février dernier. L'hommage à Jacques Chirac s'impose de lui-même : la destitution. Etonnante prémonition ! "

Voir - I : Une révolution du droit international public: Réflexion sur la destitution du Président de la République en vertu de l'art. 68 de la Constitution révisée le 23 février 2007, 15 octobre 2007

De la sagesse et de la frivolité en politique,LETTRES PERSANES , 3 avril 2007

La Constitution modifiée le 23 février 2007 et la défense de la souveraineté de la France , 14 mars 2007

Or, l'Etat hébreu sait qu'un peuple adulte se définit à l'écoute de son autonomie psychique et que celle-ci est consubstantielle à l'indépendance des nations. La France a mis des siècles à donner une identité nationale commune à l'Alsace et à la Gascogne, l'Allemagne n'a pas eu le temps de donner une identité nationale commune à la Prusse protestante et à la Bavière catholique, l'Espagne a perdu son identité nationale avec la désertion de la Catalogne et Rome n'a plus la puissance de rassembler la Calabre et le Piémont.

"Israël, que vas-tu devenir, toi qui t'es convaincu non point de conquérir une terre, mais seulement de la réoccuper après un long exil? Mettras-tu la planète à feu et à sang pour défendre ta vocation de peuple et de nation ou bien retourneras-tu traîner le boulet de trois millénaires de ton histoire sur une terre étrangère?"

5 - Une panne des bénédictions

La classe dirigeante d'Israël voit l'étau des lois de l'Histoire se refermer inexorablement sur elle. Aussi le génocide de Gaza est-il également le fruit d'une panique d'entrailles du peuple hébreu. Comment cette nation se contenterait-elle de retrouver sa vieille demeure et d'en dépoussiérer les aîtres, comment ses immigrants ne verraient-ils pas que leur entreprise est vouée à un échec fatal du seul fait que le XXIè siècle ne se prête plus aux expansions sournoises et cachées aux regards de la planète des nations en gestation? Depuis cinq siècles, la poudre à canon avait pris la relève des épées. Et maintenant, le pain de la gloire a cessé de monter dans le four du trépas sur les champs de bataille. Que valent encore des victoires réduites à de hideux carnages sous les yeux des caméras du monde entier, que valent encore des massacres offerts en spectacle à une humanité tout entière assise dans ses fauteuils devant les "étranges lucarnes"? Il est difficile de bomber le torse à l'école des triomphes du glaive si ceux-ci se réduisent à l'extermination systématique et ciblée de populations sans défense, il est difficile aux films d'horreurs de faire flotter des drapeaux sur des amoncellements de cadavres. Voici que le journal de bord de la mappemonde de Caïn se trouve placé entre toutes les mains.

C'est pourquoi la "communauté internationale" aux mains jointes sait qu'elle est à bout d'absolutions, primo, parce que personne au monde ne fera reculer Israël d'un seul pouce sans recourir à la force des armes, secundo, parce que personne au monde non plus ne lèvera une armée aguerrie afin de remettre les Palestiniens en possession de la terre de leurs ancêtres. La nation rescapée des camps de concentration de Hitler, puis devenue le garde-chiourme du plus grand camp de concentration en plein air de tous les temps, sait qu'elle est assurée de l'impunité. Mais s'enfermera-t-elle dans l'enceinte d'une forteresse invisible, celle du trépas de l'éthique de ses prophètes? Partout les produits du sol d'Israël se trouvent boycottés, partout des universités prestigieuses - Princeton, Columbia - mobilisent les futures élites de la politique afin de contraindre Israël à "autoriser" un Etat palestinien à se dresser à ses côtés - mais, encore une fois, la pauvreté anthropologique de la science historique et de la politologie contemporaines nous prive des spéléologues de l'espèce simiohumaine qui enseigneraient aux Etats à se connaître.

Et pourtant, quand l'Histoire a perdu son chemin, elle découvre un sentier étroit et rejoint son propre personnage un instant oublié, bafoué, amputé. Quel étonnant acteur que l'Histoire au pas pressé ou nonchalant! L'ignorance et la sottise peuvent bien la faire tituber - elle finit toujours par retrouver ses esprits. Je ne sais quelle route elle va tracer, mais je suis sûr qu'elle se rendra vers ses quartiers d'hiver et d'été. Pour cela, courons à grandes enjambées à ses côtés - les personnages dédoublés entre leur corps et leur destin qu'on appelle des nations attendent les Fellini, les Renoir, les Bergman de l'Histoire du monde.

6 - Israël et ses prophètes

Sachez que tous les peuples sont des personnages en chair et en os, mais que rares sont ceux qui incarnent un destin; sachez que ceux-là seuls se rendent éternels pour s'être dotés du corps invisible qu'on appelle une destinée. L'Angleterre déplace encore sa carcasse sur le théâtre de la mappemonde, mais l'âme que symbolisait cette charpente grelotte dans un carrosse cahotant sur des chaussées ignorées de l'Histoire. L'Espagne n'est plus qu'une ossature embarrassée - que faire, se dit-elle, du personnage sans destin et sans voix qui fait tinter mon squelette? Comment, se dit-elle, me réduirais-je à un spectre de Sancho Pança sur les planches de ce bas monde? Comment renoncerais-je à mon destin de chevalier de mes songes? Courons retrouver en Amérique du Sud et en Europe le conquérant que je suis. Le Japon a perdu l'ombre allongée ou raccourcie qui suit pas à pas les nations et qui s'appelle leur destin. La Chine et l'Inde sont sur le point de retrouver leur ombre - mais il leur fallait le temps de s'armer des os et de la musculature sans lesquels les nations ne sauraient basculer dans le royaume des âmes. La Russie vient seulement de se remettre sur ses jambes ; mais ce Quichotte ne rencontre jamais son destin qu'à la faveur des retrouvailles de sa chair avec son ciel en folie.

Israël est-il un personnage reconnaissable seulement à ses muscles et à ses viscères ou bien l'incarnation d'un destin? D'un côté, il semble qu'il s'agisse seulement d'un personnage aux gants de boxe, d' un Pygmée armé en Hercule, d'un faucon auquel vingt siècles d'absence au monde ont désappris l'Histoire, d'un Cyclope monté sur un bulldozer, d'un nain sous une cuirasse trop lourde à porter, d'un enfant amusé par sa foudre, d'un infirme titubant parmi des éclairs et des fulminations dont il ne sait que faire. Mais, en réalité, Israël est tellement un destin et seulement un destin que ce peuple semble caricaturer l'effigie de la fatalité qu'il incarne. Quelle silhouette digne de la plume d'un Cervantès ou d'un Shakespeare qu'une nation réduite à l'errance, quel symbole en marche qu'un peuple dont le tragique illustre l'orgueil, la solitude et l'irréductible singularité d'un destin!

7 - L'histoire comme personnage et l'histoire comme destin

Le drame dans lequel l'humanité va entrer sera celui du dialogue que l'histoire du monde comme personnage entretiendra avec l'histoire comme destin. Car il existe des hommes de chair et des hommes dont le corps véritable s'appelle un destin. Diogène a un destin de lanterne allumée en plein jour, Socrate de buveur de ciguë, Jésus d'immolé passif ou rebelle. Mais tout destin national se déroule sur les planches du globe terrestre, tout grand peuple se fait du monde entier un théâtre à sa mesure. Les vraies nations sont déchirées entre leur chair et leur destin. Israël a pris rendez-vous avec un destin que personne n'avait incarné avant lui : celui d'un peuple qui ne sait ni sur quelle terre marcher, ni vers quel ciel s'envoler, parce que son destin est étranger à sa terre et sa terre étrangère à son destin. Quel paradigme du tragique de la condition humaine que de symboliser le divorce entre les deux faces du singe parlant, quel destin, pour un peuple, que de porter la potence d'une humanité sans asile.

Israël retombera dans une histoire sans ciel et sans terre, une histoire toute grouillante de chair et d'os, Israël retrouvera sa destinée seulement trottinante à ses côtés, Israël mourra et renaîtra du personnage de Chamisso qui avait perdu son ombre. Alors seulement les prophètes hébreux retrouveront un corps et une voix : "Israël, diront-ils, regarde nos corps trop lourds et notre ombre enchaînée. Ton tour est venu de te disloquer entre ton absence à toi-même et ton existence chargée de chaînes; ton tour est venu de te mettre à l'école des disloqués à ton image, tes prophètes."

Peut-être la chance d'Israël est-elle d'avoir d'ores et déjà pris rendez-vous avec son destin de martyr de la condition humaine. Quel sera le second rendez-vous de cette nation avec son personnage en chair et en os sur cette terre? Naîtra-t-il un prophète qui demandera à l'Histoire : "Pourquoi ne peux-tu ni t'incarner, ni t'envoler ? Vois, toutes se dandinent sur le sol, toutes agitent leurs ailes inutiles. Ni l'errance ne suffit à leur fourrage, ni le ciel ne leur permet de prendre leur vol. Mais toi seul, Israël, tu perds ton ciel à vagabonder sur la terre ; et quand tu retrouves ta terre, tu n'entends plus la voix de tes prophètes. Pourquoi les as-tu mis à mort ? Serait-ce que ni au ciel, ni sur la terre tu ne peux vivre ?"

Peut-être est-ce cela, les retrouvailles d'Israël avec son destin : celui de donner à l'errance de tous les peuples et de toutes les nations leur premier témoin de l'exilé universel qu'on appelle l'humanité.

Publié le 8 février 2010 avec l'aimable autorisation de Manuel de Diéguez

Les textes de Manuel de Diéguez



Source : Manuel de Diéguez
http://www.dieguez-philosophe.com/


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