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d'actualité
Lettre imaginaire
de M. Vladimir Poutine au chef de
l'Eglise catholique
et
Lettre réelle à Mme Autélie Filippetti,
Ministre de la culture
Manuel
de Diéguez
Manuel de
Diéguez
Samedi 14 septembre 2013
Avertissement
Par la force des
choses, le Ministère de la culture
occupe une place digne de la réflexion
politique sur l'histoire de la France -
et, à ce titre, son importance repose
sur un inventaire, celui de l'héritage
d'André Malraux et de Jack Lang. La rue
de Valois peut-elle se déclarer
solidaire de la conversion de la France
au principe du recours à la force sur la
scène internationale, peut-elle
légitimer la violation du droit
international qui se prépare au
détriment de l'ONU - et cela, à l'heure
où le pape François bouleverse la
théologie catholique de la guerre?
Pour illustrer un
tournant aussi décisif dans les
relations que les démocraties
entretiennent avec les fondements
éthiques de la civilisation mondiale,
j'ai rédigé deux lettres, l'une, réelle,
à Mme Aurélie Filippetti, l'autre,
censée écrite de la main de M. Vladimir
Poutine et adressée au successeur de
Saint Pierre. Verra-t-on
le Vatican se tourner vers le cogito
de Descartes et la France laïque vers
les méthodes de la théologie?
Reverendissimo Francisco Pontifici
Maximo ecclesiae catholicae, apostolicae
et Romanae, Vladimirus Poutinus, salutem
dat.
1 - Le retour du
Vatican sur la scène internationale
La lettre d'une
grande élévation morale que Votre
Sainteté a bien voulu, le 4 septembre,
me faire remettre en mains propres
portait le sigillum de la
noblesse particulière de votre mission
et de l'inspiration évangélique qui
guide l'Eglise des apôtres. Dans une
civilisation où les relations
protocolaires entre les chefs d'Etat ont
tellement perdu de la chaleur de la foi
franciscaine dont elles témoignaient
autrefois, la tonalité christique de
votre missive rappelle à la planète tout
entière, premièrement, que la tâche
quotidienne de tous les gouvernements
est ascensionnelle par définition,
secondement que la vie religieuse doit
se graver dans l'action au jour le jour
de tous les Etats, troisièmement, que
les nations sont appelées à gravir le
mont Carmel d'une dignité humaine sans
cesse à conquérir. Votre lettre fera
date dans l'histoire. Si elle devait
aider la politique mondiale à comprendre
que votre supplique convie instamment le
monde à s'élever à la hauteur de leurs
devoirs spirituels, elle donnerait à
votre initiative diplomatique l'élan
d'un renouveau ascensionnel que le XXIe
siècle attend de l'Eglise de Rome.
2 - Un dialogue
public entre la Russie et le Vatican
Je crois rendre
hommage à l'esprit de votre prière pour
la paix du monde et contribuer à lui
donner toute sa portée dans le temporel
si je repousse le principe trompeur
selon lequel votre plume apostolique
s'adresserait à ma personne. Si vous
avez tenu à élever la capitale de la
Russie au rang de la seule
interlocutrice actuellement habilitée à
jeter de toute urgence un pont entre le
ciel et la terre, c'est parce que la
Syrie est devenue la scène où se joue le
destin irénique ou guerrier du monde -
et l'accueil que j'ai aussitôt réservé à
l'initiative pourtant biaisée du
Ministre des Affaires étrangères des
Etats-Unis vous l'a d'ores et déjà
démontré.
C'est pourquoi je
suis grandement honoré de ce que vous
ayez si judicieusement décidé d'innover
dans l'ordre décisif - et qui va, en
réalité, au fond des choses - des rites
et des conventions diplomatiques en
usage. Car leur observance trop
littérale peut contrarier les efforts
les plus sincères des Etats de bonne
volonté.
Dans cet esprit, je
vous exprime toute ma gratitude d'avoir
tenu à rendre public le contenu de votre
méditation politique sur la guerre.
Votre pesée de la situation de monde ne
saurait demeurer confidentielle un seul
instant. Toute vérité condamnée à se
cacher dans le secret poussiéreux des
chancelleries serait infidèle à votre
stratégie spirituelle et à celle de
votre Eglise. C'est pourquoi Votre
Sainteté m'appelle à lui répondre dans
la même arène que l'Eglise dont vous
portez la voix, celle de l'opinion
publique mondiale; et vous m'incitez à
prendre acte à vos côtés et en communion
avec vous du changement d'altitude et de
tonalité de la politique auxquelles le
Saint Siège appelle tous les chefs
d'Etat d'aujourd'hui.
Mais, vous avez
également porté le débat démocratique
sur les planches du vaste théâtre de la
raison politique, parce que le pouvoir
populaire est le seul que sa nature même
appelle à faire entendre l'autorité de
la raison sur la scène internationale.
J'en appelle à l'ubiquité, désormais
partagée, de l'Eglise universelle et des
peuples auréolés de la souveraineté du
suffrage universel; et je vous propose
d'élever la pensée logique au rang d'un
médiateur inspiré de l'approfondissement
de la réflexion politique contemporaine.
Si vos écrits et les miens délivraient
una voce la diplomatie mondiale
des secrets inutiles de la Curie romaine
et de ceux, non moins stériles, des
chancelleries, il me semble que le monde
se libèrerait plus aisément des
traditions vénitiennes qui, depuis tant
de siècles font de la diplomatie la
chasse gardée des sentinelles du lourd
silence et des faux mystères des Etats.
3 - La diplomatie
mondiale en quête d'une transcendance
Mais l'accueil de
votre réflexion politique à la double
écoute des peuples et de l'Eglise
rénovée que vous appelez de vos vœux,
cet accueil, dis-je, répond de surcroît
à la nature nouvelle de l'histoire de ce
siècle, qui nous reconduit tous à la
haute tradition du sacerdoce romain, qui
n'a jamais cessé de court-circuiter les
Etats et de s'adresser aux peuples
par-dessus la tête de leurs
gouvernements. Pour l'instant, cette
tradition bi-millénaire du catholicisme
apostolique, les démocraties échouent
encore à l'incarner. Voyez à quel point
la presse, la télévision et la radio
qualifiées de démocratiques se sont
mises spontanément au service des Etats
immergés dans le temporel, voyez à quel
point le suffrage universel manque
encore d'une courroie de transmission
transcendante au monde pour apostropher
les gouvernements infidèles au droit
international.
Mais précisément,
vous avez accéléré le débarquement du
débat à la fois le plus intelligible aux
peuples et le plus décisif, celui de la
guerre et de la paix - et c'est votre
réflexion publique sur les massacres
militaires qui déclenchera une mutation
conjointe des moyens d'expression de la
démocratie mondiale et de l'éloquence
pontificis maximi ecclesiae romanae.
Car, jamais encore il n'était arrivé que
les Etats et le christianisme romain
prissent rendez-vous sur la scène
internationale avec l'histoire sanglante
de la planète tout entière. Pourquoi ce
retard? Parce que ni le degré
d'unification technologique encore
insuffisant de notre astéroïde du siècle
dernier, ni l'amoncellement monstrueux
des armements sur un astre rapetissé
depuis peu par les exploits de la
vitesse n'avaient rendu possible une
sainte alliance entre les combattants de
la vérité du ciel et ceux d'ici-bas.
Si les Etats et
l'Eglise catholique engageaient de
conserve un débat public et permanent,
un débat ascensionnel et vivant, un
débat de nature spirituelle par
définition sur la guerre et la paix dans
le monde, ce serait le cœur battant de
la géopolitique qui se déplacerait en
direction de l'histoire respirante,
tellement ce seraient les citoyens et
les croyants du monde entier qui
deviendraient jour après jour les
spectateurs et les acteurs de l'histoire
du sang et de la mort.
4 - l'Eglise
romaine et la solitude du génie
religieux
C'est dans cet
esprit que je salue un second aspect ,
non moins décisif, de la légitime
ambition de Votre Sainteté - ainsi que
de sa ferme volonté et de son courage
politique - de faire débarquer à nouveau
votre Eglise et la plupart de ses
apanages et de ses droits anciens dans
le concert des grandes puissances. Car
l'heure est venue où l'histoire somme la
démocratie universelle et l'Eglise à
réunir leurs flambeaux. Dans cet esprit,
je constate que vous avez discrètement
commencé d'aménager l'arène de la
théologie d'autrefois, afin que les
obstacles doctrinaux et les raideurs
dogmatiques du catholicisme officiel ne
dressent plus des obstacles
insurmontables aux succès terrestres
d'une diplomatie et d'une civilisation
de plus en plus mondialisées par
l'universalité de la raison
scientifique, par l'ubiquité de l'image
télévisuelle et par l'instantanéité de
la parole transportée par la voix des
ondes.
Mais votre
aplanissement discret de l'arène
montueuse de la christologie classique
se révèle d'ores et déjà décisif en
raison du bouleversement radical de la
manière théologique de penser que vous
défendez désormais: car l'Eglise
d'autrefois rangeait toujours et pour
ainsi dire fatalement la vérité
religieuse du côté de l'unanimité des
suffrages épiscopaux obtenus dans les
Conciles sous la poigne de fer du Saint
Siège. Rome faisait donc dépendre de la
force physique l'autorité qu'elle
semblait attacher aux verdicts exclusifs
du ciel.
Or, le dimanche 8
septembre, c'est avec une grande
vaillance que vous avez explicité sur la
place Saint Pierre le principe
philosophique tout opposé, selon lequel
l'intelligence et la raison sont vouées
à la solitude par nature et par
définition; et vous vous êtes opposé aux
deux plus puissants Etats de la terre -
les Etats-Unis et Israël - qui
proclamaient juste et légitime
l'écrasement du peuple syrien sous les
bombes des démocraties moutonnières.
Comment seriez-vous monté sur la scène
en démocrate du christianisme si vous
n'aviez pris acte en votre âme et
conscience que jamais, depuis la
création du monde, la vérité ne s'est
manifestée collectivement, unanimement
et majoritairement?
C'est une grande
date que celle où un pape immense impose
à l'Eglise catholique l'évidence que, de
tous temps et en tous lieux, non
seulement ce sont exclusivement des
individus isolés qui ont osé dévoiler
aux peuples la vérité cachée à laquelle
la tribu s'est ensuite lentement et
difficilement ralliée, mais encore que
l'assassinat des prophètes a toujours
été le prix que l'histoire demandait à
leur génie de lui payer en retour. Je
vous promets le martyr que le monde
réserve aux grands buveurs de la ciguë
de la vérité.
5 - La trahison
de la France de la raison
Je salue d'autant
plus la grandeur de votre courage
intellectuel et de votre isolement moral
que, dans le même temps, l'alliance
impie des Etats-Unis et de la France
avec le culte de la force a fait
rebrousser chemin à l'humanité en
direction du Concile national
d'Alexandrie en 430 et du Concile
général d'Ephèse en 431, où Nestorius a
été chassé dans le désert, donc
assassiné, bien qu'il fût le patriarche
de Constantinople, pour avoir soutenu
seul " l'hérésie " selon laquelle Jésus
était doté de deux natures et de deux
personnes, ce qui, vingt ans seulement
plus tard, en 450, est devenu
l'expression de l'orthodoxie catholique
au Concile de Chalcédoine.
Vous avez également
remarqué, primo que, le vendredi
6 septembre, la ministre des affaires
étrangères de l'Italie soutenait encore
avec la dernière énergie qu'une guerre
déclenchée sans l'aval de l'ONU serait
inacceptable et secundo que le
lendemain, M. Letta, chef du
gouvernement italien, a fait signer à la
rebelle et à une Italie asservie plus
que jamais la déclaration opposée, selon
laquelle la "fermeté", c'est-à-dire le
recours à la force, serait légitime. Et
vous constaterez, Très Saint Père, que
votre propre pays d'origine fait de vous
le Diogène de la démocratie mondiale.
Bien plus, la presse allemande a
reproché à Mme Merkel d'avoir hésité une
journée entière à se rallier "librement"
au bellicisme masqué et nécessairement
censé détenteur de la vérité politique
au sein de la démocratie mondiale. Et
comment la Chancelière s'est-elle
défendue contre l'hérésie? Elle a
prétendu qu'il aurait été imprudent,
pour l'Allemagne, de se précipiter trop
tôt du côté de l'orthodoxie des vassaux,
alors que celle-ci n'avait pas encore vu
le sceau du plus fort gravé sur son
front.
Comme du temps de
Nestorius, l'orthodoxie et l'hérésie
démocratiques dépendent exclusivement de
ce qu'aura décidé le cerveau collectif
de l'Europe des serfs. Je salue en vous
le prophète et le convertisseur d'une
Eglise que vous avez ralliée à la
grandeur suicidaire de l'individu
pensant. Vous enseignerez donc
maintenant que jamais ni la vérité
religieuse, ni la connaissance
rationnelle du monde ne sont montées du
suffrage des moutons; et ce sera la
France oublieuse de Descartes qui
recevra de vous le solennel rappel de la
nature même du "Je pense, donc je suis".
Car l'acquiescement
aux droits de la force sanctifiée n'a
pas été acquis à l'unanimité en Europe:
la Suède, la Finlande, la Hollande, la
Belgique, le Luxembourg en veulent à Mme
Merkel d'avoir tourné casaque.
Direz-vous que cette minorité-là demeure
seule et isolée dans la défense du droit
international, mais que Dieu est du côté
des solitaires de la raison et de la
pensée?
6 - François et
la théologie de l'intelligence
Certes, on me dit
que vous auriez remercié Dieu d'avoir
exaucé vos prières, puisque les
Etats-Unis et Israël ont accepté de
retarder leur assaut guerrier contre
Damas et de remettre momentanément
l'épée au fourreau. Mais je fais
confiance au Dieu auquel vous
convertirez votre Eglise. Le ciel vers
lequel montent vos prières n'est pas
celui d'une Europe qui saluerait à
l'unanimité un triomphe de la force sur
la justice et qui se glorifierait de ce
que la Russie et la Syrie auraient
soi-disant capitulé devant le principe
nouveau selon lequel la suspension
seulement provisoire de l'écrasement
sous les bombes du peuple syrien ne
signifierait en rien la reconnaissance,
par l'Occident, de ce que seule
l'autorité du droit international
incarné par l'ONU est légitime pour
qu'une guerre soit déclarée "juste". Je
salue votre entrée dans le désert où la
solitude de l'intelligence se révèle le
nectar et l'ambroisie de la pensée
rationnelle. Puissent votre soif et
votre faim de la vérité et de la justice
convertir le Dieu de Rome à la sainteté
de votre solitude intellectuelle; puisse
votre foi vous détourner d'une idole qui
confondrait le malfaiteur qui rengaine
provisoirement son arme avec le Dieu de
paix.
Mais votre audace
intellectuelle témoigne également de
votre retour héroïque à l'origine et aux
fondements mêmes de la religion
chrétienne. J'ai déjà dit que la source
de la vie spirituelle dont la religion
de la Croix se réclame n'est autre que
la promotion mondiale de la dignité
intellectuelle et morale du genre
humain. Ces valeurs universelles ne
seront défendues que si le Vatican et
les Etats demeurés réflexifs combattent
côte à côte non seulement la pauvreté,
mais également l'ignorance et la
sottise. En revanche, si la Curie de
demain se changeait derechef en une
forteresse des dogmes de la
transsubstantiation eucharistique, de la
naissance virginale d'un grand prophète,
de son ascension et de celle sa mère
dans le ciel physique de l'astronomie de
Ptolémée, ce serait l'assise même du
renouveau politique et philosophique de
l'Eglise qui se trouverait à nouveau
sapée. La postérité de votre génie
religieux sera-t-elle validée par
l'Eglise de vos successeurs ? Pour
combien de temps l'avez-vous rendue
prospective?
7 - Le
christianisme russe
C'est ici, Très
Saint Père, que la Russie me semble
digne de siéger au premier rang des
interlocuteurs et des acteurs de
l'ascension spirituelle et rationnelle
confondues d'une politique mondiale
christianisée à nouveaux frais. Certes,
le ciel de Calvin et celui de Luther se
sont révélés des protagonistes de
l'évolution cérébrale du genre humain,
certes, l'une et l'autre de ces
confessions ont inauguré, il y a cinq
siècles, la guerre de la science et de
l'esprit évangélique réconciliés contre
les aspects les plus mythologiques et
les plus régaliens de la théologie
catholique.
Mais voyez par
quels chemins astucieusement détournés
Genève et Wittenberg sont retombés dans
une hégémonie du temporel subrepticement
réintroduite dans la place; voyez à quel
point elles ont sacralisé les Etats
césariens en cachette et par le biais
d'une fétichisation rampante de leur
bureaucratie et de leur machinerie
administrative, voyez, en outre, combien
le matérialisme du monde actuel se
trouve auto-sacralisé par la perversion
des idéaux mêmes de la démocratie, qui
rendent désormais un culte tout formel à
leurs valeurs pseudo séraphiques, voyez
combien un totémisme couronné de la
tiare de quelques abstractions
divinisées a pris en catimini sa
revanche au sein de ces Eglises, voyez
leur Stasi mondialisée par la sainteté
supposée immaculée à l'innocentisme
protestant, voyez comment leur police
inquisitoriale et leur clergé d'une
fausse liberté ruinent en tapinois leur
rêve ridicule d'un débarquement tout
conceptuel du ciel sur la terre!
La Russie - et cela
depuis sa conversion au christianisme en
987 - ne cesse de spiritualiser la
cosmologie mythique du vieux Testament,
la Russie interprète la Pentecôte comme
un récit symbolique, celui de la
descente de l'esprit saint dans la
politique et dans l'histoire, la Russie
a placé le double héritage religieux des
successeurs de Platon et des philosophes
de la raison spiritualisée de la Grèce
antique au cœur d'une révélation
prospective, la Russie ne mange plus les
cellules de la chair et ne boit plus
l'hémoglobine physique d'une victime
humaine assassinée sur l'autel des
sacrifices païens retrouvés, la Russie
demeure à l'avant-garde du christianisme
en marche de l'Eglise d'Antioche, de
Grégoire de Nysse et de saint Jean
Chrysostome - bref, de tous les grands
mystiques dont les premiers humanistes
européens et d'abord Erasme avaient
compris le génie.
Certes, nous avons
, nous aussi nos ustensiles cultuels, et
tout le bois, et tout le plâtre des
statuettes de nos saints, et tout
l'argent de nos ciboires et toute la
cire de nos cierges, et tout l'or de nos
icônes, mais la Sainte Russie demeure le
foyer ardent de l'alliance du
christianisme le plus trans instrumental
avec une signalétique de nos élévations
intérieures. Notre vie spirituelle
s'attache à des emblèmes et à des
symboles réduits à des figures et à des
images seulement de notre foi véritable.
C'est sur ce
fondement-là de la spiritualité
chrétienne que nous défendons le droit
international et que nous jugeons
inquiétante l'ingérence militaire
continuelle des Etats-Unis dans les
conflits intérieurs des autres Etats.
J'ai confiance en votre foi, celle qui
dira à M. Barack Obama: "Monsieur le
Président, votre politique n'est pas
celle que réclament les intérêts à long
terme de votre pays, parce que le monde
entier voit dans les Etats-Unis, non
plus un modèle de démocratie, mais un
Etat fondé sur la force et qui proclame
que quiconque n'est pas avec nous est
contre nous."
8 - Une vocation
spirituelle partagée
Ne pensez-vous pas,
Très Saint Père, que si votre piété pèse
les intérêts de la paix et de la guerre
sur la balance des élévations morales du
genre humain, si votre piété dépose les
souffrances des peuples sur les plateaux
de la balance de la justice, de la
charité et du droit, si votre piété juge
les fidèles à leur degré de conscience
et de lucidité, si votre piété élève le
croyant au rang de prêtre de son
intelligence et de son éthique, alors la
Russie et le Vatican peuvent devenir le
moteur commun de la vie spirituelle de
l'humanité de demain?
Tous deux nous
jugeons monstrueux que des peuples
innocents soient massacrés à l'image des
bêtes du sacrifice des Anciens ( -
La démocratisation de la barbarie,
7 septembre 2013), tous deux nous
jugeons sacrilège le principe même de la
culpabilité des Grecs et des Troyens,
tous deux nous exigeons que la
souveraineté des peuples et des patries
soient celle de leur pouvoir politique
réel sur la scène internationale, tous
deux nous voulons rendre l'humanité
digne de gravir le mont Carmel de la
Démocratie.
Demain le Dieu de
vengeance que vous avez vaincu en
vous-même bondira de nouveau sur les
planches de l'histoire, demain votre
combat solitaire témoignera de nouveau
de la grandeur des martyrs de la raison,
demain votre vocation prophétique vous
fera tomber de nouveau sous la poigne de
fer du Dieu de justice qui vous appelle
à accomplir votre mission.
Très Saint Père, à
mon tour je vous appelle à renouveler la
sainte alliance du cœur avec
l'intelligence.
9 - A Mme Aurélie
Filippetti, Ministre de la culture
Le 9 septembre 2013
Madame le Ministre,
Depuis que l'Eglise
a perdu l'élan ascensionnel qui lui
donnait une écoute universelle, les
Ministères de la culture de tous les
Etats modernes exercent seuls la
fonction élévatoire d'anoblir les
esprits et de servir la vocation
civilisatrice des grandes nations. Mais
à l'heure où Rome retrouve une grandeur
résolument transcendante à sa dogmatique
et à sa raideur doctrinale d'autrefois,
à l'heure, dis-je, où Rome apostrophe
publiquement la France de la culture et
l'appelle à se montrer fidèle à son
combat multiséculaire de guerrière de
l'intelligence et de la raison du monde,
comment votre Ministère se montrerait-il
solidaire d'un Etat décidé seulement à
l'écrasement sous les bombes d'une
population sans défense et au seul
profit des intérêts de deux nations
étrangères?
Jamais, depuis des
siècles, la planète ne s'était trouvée
tout entière devant un choix moral aussi
simple et d'une telle portée. Par
bonheur, la santé d'esprit naturelle des
peuples et leur instinct inné du juste
et de l'injuste n'ont pas besoin d'une
initiation minutieuse aux dispositions
claires et fermes du droit international
public. L'honnêteté de leur jugement
rejoint les clauses générales des
traités qui, non seulement interdisent
catégoriquement aux Etats toute
agression militaire contre un autre Etat
sans l'autorisation expresse de l'ONU,
mais établissent également que les
dirigeants du monde entier peuvent
désormais se trouver cités à comparaître
à la barre du tribunal pénal des nations
s'ils enfreignent les dispositions de
l'éthique politique mondiale.
C'est dire que les
démocraties actuelles échoueront à
opposer un bellicisme arbitraire au
sentiment le plus invincible et à la
conviction la plus élémentaire de
l'humanité, à savoir que seules la
sauvagerie et la stupidité de se venger
d'un tyran - coupable ou non - par
l'extermination massive de son peuple
peuvent conduire une France
méconnaissable à tomber dans une hérésie
politique aux conséquences irréparables.
Qui sont les justiciers du ciel de la
démocratie mondiale ? Le cours
implacable des évènements situe
nécessairement votre Ministère au cœur
de la défense de l'éthique de la France
dans le monde.
Mais vous vous
trouvez également au cœur d'une tragédie
culturelle, parce que l'Eglise saisira à
bon droit cette occasion titanesque de
se substituer à nouveau et à la face du
monde aux Etats oublieux de la défense
de la morale universelle et du droit
international. L'infériorité
intellectuelle et la passivité d'une
France assoupie éclateront-elles au
grand jour, alors que, depuis deux
siècles, c'est exclusivement aux Etats
rationnels que l'humanité doit
l'abolition de la peine de mort, les
progrès de l'esprit scientifique et tous
les progrès d'une civilisation de la
raison et de l'intelligence?
Les historiens
observeront de près comment votre
Ministère aura compris le tournant
décisif de l'histoire de notre astéroïde
au cours duquel on aura vu la France se
solidariser avec un projet seulement
retardé de massacrer un peuple innocent
à titre censé punitif, et cela au nom
même des idéaux de la démocratie
universelle.
J'ai confiance en
votre lucidité, mais également en la
hauteur de votre jugement politique,
parce qu'on n'enseigne pas Molière,
Swift ou Shakespeare sans avoir conquis
un regard de haut et de loin sur les
ultimes rouages et ressorts du genre
simiohumain.
Je vous prie de
bien vouloir agréer, Madame le Ministre,
l'expression de ma haute considération.
Le 14 septembre
2013
Reçu de l'auteur pour publication
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