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Décodage anthropologique de l'histoire contemporaine

Obama assis entre deux selles
La raison prophétique et la raison pratique
Manuel de Diéguez


Manuel de Diéguez

Samedi 13 avril 2013

1 - Les oracles de Chronos
2 - Tibère et Séjean
3 - Les guerriers d'Israël
4 - Résumé de l'histoire des dieux uniques
5 - Le retour de Jahvé
6 - Le secret anthropologique de la politique
7 - Qui est Jahvé ?
8 - Du sacrifice d'Iphigénie à celui des agneaux et des moutons
9 - Le pragmatisme et la politique
10 - Un raccourci
11 - Les armes de la raison de demain
12 - " Jusqu'à quand, Catilina, abuseras-tu de notre patience ? " (Cicéron)
13 - Des ruisseaux de sang frais
14 - Le télescope des observatoires de Dieu

1 - Les oracles de Chronos

Que penser des commentateurs patelins à l'affût des négociations de théâtre dont on raconte qu'elles vont s'ouvrir sur la scène du Moyen Orient, que penser des marionnettes aux mains jointes pour la prière, que penser des Etats empressées de paraître officier dans le temple des idéalités de la démocratie, que penser des gouvernements aux allures de grands prêtres habiles à jouer les maîtres de ballet sur la scène des illusions de la Liberté, que penser des confesseurs aux belles âmes, que penser des bénédictions rutilantes et des ciboires bien frottés de la politique mondiale? Tout ce beau monde rassemble trois catégories de comédiens bien connus du répertoire des vaudevilles et que l'on voit monter depuis des siècles sur les planches, tellement la nef des fous du Moyen Age est devenue celle du rêve démocratiques.

Et pourtant, cette tragi-comédie ensemence un champ de la réflexion sur notre astéroïde fatigué de ses autels. Les désastres de l'Histoire fourniraient-ils à la raison du grain à moudre, les leçons de la mort fertilisaient-ils les champs? Comme il est fécond de passer la charrue de l'esprit pratique, puis celle des prophètes sur les labours de Clio, comme il est utile de se demander si le temps de l'histoire se fertilise sous le soc des artisans patentés ou sous celui des esprits prospectifs!

2 - Tibère et Séjean

En 1870, Bismarck usait des ressources naturelles de la raison utilitaire - il était rationnel, disait-il, d'exploiter la victoire des armes et de ravir bien vite l'Alsace et la Lorraine au vaincu. S'il avait usé du canon à longue portée de la raison prophétique, il aurait su qu'il jetait dans les sillons de l'histoire le levain de la guerre de 1914, parce qu'il était évident que la France ne se laisserait pas amputer à jamais de ces deux provinces et que le glaive humilié des Gaulois viendrait tôt ou tard retourner le verdict de Siegfried.

En 1940, la raison des mécaniciens de Clio était du côté de Pierre Laval et du Maréchal Pétain, mais le Général de Gaulle s'était vissé à l'œil une longue vue qui lui présentait un tout autre paysage: il fallait, disait-il, jeter un regard sur la scène dans toute son étendue, il fallait changer de théâtre et donner un autre titre à la pièce, il fallait loger sur les planches le gigantesque arsenal industriel de la démocratie mondiale et défaire les tricots du pragmatisme des fantassins de la politique, parce que Chronos prend ses rendez-vous à l'écoute de sa propre tête et consulte la logique cachée sous le tissu des évènements - et les décisions de sa cervelle sont lisibles sur son agenda si seulement vous apprenez à en lire les pages par-dessus son épaule.

Transportez un instant l'encéphale de Chronos à Rome, à Athènes, à Alexandrie ou ailleurs. Que disait l'histoire au petit pied à Tibère par la bouche de Séjean, le Préfet de sa garde prétorienne ? Que Rome grouillait de comploteurs, que la vie de l'empereur était le bien le plus précieux des citoyens et que les légions cantonnées hors des murs de la ville seraient plus utiles à la sécurité de l'empire si elles protégeaient Tibère des poignards plutôt que de bivouaquer dans les champs.

3 - Les guerriers d'Israël

Que murmurait Chronos à l'oreille de Rome? Que les légions en vadrouille dans les rues de la ville deviendraient les maîtresses de l'empire, que les Sénateurs de feu la République avaient la tête mieux vissée sur les épaules que les courtisans et les flatteurs dont les faveurs de César caressaient la vanité et remplissaient l'escarcelle, qu'un peuple condamné à ne rencontrer que des hommes en armes à tous les carrefours perd bientôt l'allure et la fierté citoyennes, que la tyrannie est en marche quand un casque au bout d'un bâton soumet la République à une soldatesque oisive.

Et que dit Clio à Obama ? Que s'il ne chausse pas au plus vite les bésicles de Chronos, il jouera les Séjean au service du roi David, que s'il ne se visse à l'œil que la lentille des myopes de la politique, l'histoire tombera dans le gousset des flatteurs et des courtisans d'Israël. Lisons la confirmation de ce piège dans l'oracle de Chronos qui vient de tomber sur nos téléscripteurs.

"M. Obama, ouvrez les yeux sur les légions de Séjean en balade dans la ville, observez le glaive de vos guerriers de la Liberté, cessez d'écouter les courtisans et les flatteurs qui vous glissent à l'oreille qu'une démocratie peut fleurir sous les pas des légions. Séjean feint de ramper à vos pieds - mais voyez comme les légions de Séjean n'obéissent qu'à Séjean ! Quel marché vous mettent-elles entre les mains ? Quel est le piège qu'elles s'amusent à vous tendre? Elles troquent contre quelques sucreries les régiments d'indigènes qu'elles ont incarcérés en Galilée, puis elles jettent dans leurs geôles un nombre égal de prisonniers nouveaux, afin d'en laisser la masse inchangée. Pourquoi, Tibère, te laisses-tu prendre à ce jeu de dupes, pourquoi ta vue est-elle devenue aussi basse, pourquoi laisses-tu ce flatteur de Séjean peupler Rome de guerriers d'Israël? Change de lunettes, Tibère et prête une oreille attentive aux gardiens de l'empire qui te disent que les opticiens des millénaires ne sont pas les vigiles de Séjean." (Signé Chronos)

4 - Résumé de l'histoire des dieux uniques

Quel spectacle de l'histoire du monde Chronos étalerait-il sous nos yeux si Rome rentrait dans Rome, si Rome retrouvait le regard de Scipion sur Carthage, si Rome ouvrait l'œil des Auguste, des Trajan ou des Marc-Aurèle, si Rome se souvenait de ce que le globe oculaire de Clio n'est pas celui de la garde prétorienne de Tibère?

Au Moyen Orient, deux peuples se disputent les mêmes arpents au nom du Jupiter divisé entre l'un et l'autre. Le premier prend le ciel de ses ancêtres à témoin de ses droits et de ses écrits, le second se réclame du ciel de son temps. On cherche la balance à peser les révélations de deux Olympes. Celle qui recevra des personnages de ce calibre sur ses plateaux est encore en fabrication. Depuis la nuit des temps, les hommes d'Etat n'ont pas de machine à calibrer les têtes; mais le temps presse et l'on s'impatiente dans les laboratoires de la science politique.

Pour tenter d'informer M. Obama des carences dont souffre la politologie mondiale et celle de l'Amérique en particulier, tournons ensemble quelques pages de l'histoire de Rome. Tibère a rendu l'âme, étouffé sous une couverture. Caligula, Claude, Néron, Galba, Othon, Vitellius tous nés des acclamations des prétoriens, tous héritiers de Séjean, nous font assister aux soubresauts de l'empire agonisant, Vespasien et Titus ont paru redonner son souffle au géant tombé entre les mains des émeutiers, Domitien a laissé Tacite achever ses Annales, Trajan, Marc-Aurèle, Hadrien accompagnent les dernières convulsions du moribond.

Souviens-toi Obama: depuis Tibère notre espèce a changé d'Olympe par deux fois. Quand tu te rends au Moyen Orient, tu y rencontres une paire de successeurs de Zeus dont le premier s'est voulu fidèle à la tradition grecque - il s'est attardé à féconder une mortelle dans un village de Palestine. Tu sais que l'Alcmène des chrétiens a enfanté un demi-dieu auquel son père éternel a promis le plus bel avenir. Mais au VIIe siècle, la tradition païenne des dieux séduits par la beauté d'une Eve de passage se trouve interrompue à nouveau: Allah n'a pas de progéniture immortelle parmi les mortels. Entre temps, le Jahvé de Moïse s'est tellement décorporé dans le cosmos que tu y chercherais aussi vainement sa charpente que celle d'Allah. Sache donc que le simianthrope passe d'un chef politique et militaire du cosmos au suivant sur notre astéroïde et qu'il n'est pas près de se reconnaître pour orphelin de naissance dans le vide et le silence de l'immensité. A quel maître demanderas-tu de départager les combattants de Jahvé et d'Allah si Séjean a seulement changé la tenue de ses prétoriens?

Souviens-toi des légions de Pompée, de Vespasien, de Titus. En ce temps-là, Rome logeait encore des dieux de bois, de pierre ou d'airain dans ses temples, en ce temps-là, les prêtres et les prêtresses des Célestes rendaient des oracles écoutés, en ce temps-là les dieux des Grecs et des Romains campaient en chair et en os sur une haute montagne. Puis Israël a refusé de payer le tribut de la gratitude que les peuples vaincus nous versaient en échange de la protection que nos armes et nos dieux leur accordaient avec tant de générosité. Et maintenant, ce sont deux divinités jumelles qui s'agitent là-bas. Mais l'une voudrait nous intimer ses ordres, l'autre se rebelle, l'une arme les légions de Séjean jusque sur nos terres, l'autre nous conjure de désarmer les légions d'Israël sur notre propre sol.

5 - Le retour de Jahvé

Qui t'a placé en bout de table, qui t'a donné à juger deux cervelles logées dans le cosmos, celle d'Allah et celle de Jahvé? Apprends que ton espèce est demeurée aussi schizoïde sous le sceptre de ces divinités qu'à l'heure où un Zeus courroucé fronçait les sourcils et nous menaçait de sa foudre, apprends que l'encéphale de l'humanité est demeuré aussi scindé sous le joug du ciel des uns et des autres que du temps de Tibère, apprends que les bimanes dédoublés par leurs idoles ne sont pas moins terrorisés que sous les éclairs et le tonnerre d'autrefois, car ils vivent maintenant dans la crainte d'une menace nouvelle: aucun locataire du vide et du silence du cosmos ne consent plus à graver leur effigie épouvantée sur sa rétine. Sache donc que, depuis deux siècles, cet animal voit l'infirmité de sa cervelle cesser soudainement de le brinqueballer d'un Zeus au suivant. Il n'y a pourtant pas si longtemps qu'il vivait dans un si grand effroi qu'il se nourrissait exclusivement du pain du fabuleux et du fantastique que ses dieux lui cuisinaient dans le ciel et sous la terre, que le sol s'ouvrait sans cesse sous ses pas et l'engloutissait dans les flammes. Mais maintenant, il s'est tellement planté dans le sol que ses armes brillent moins de l'éclat de ses délires et des rutilances de son ciel que de ses intérêts et de ceux de ses Etats.

C'est pourquoi Israël a trouvé de grands avantages de se disperser sur toute la surface de la terre; car sans le zèle de cette masse dispersée, jamais les fils de Jahvé ne seraient parvenus, il y a soixante ans seulement, à armer quelques pelotons de guerriers et à leur insuffler l'ardente ambition de remettre la main sur quelques arpents laissés en friche autour de Jérusalem. Et maintenant les phalanges macédoniennes de Moïse ne veulent plus en démordre: ce sont des légions de prophètes, disent-ils, des armées d'eschatologues inspirés, des régiments de messies nés du souffle du géniteur de l'univers qui rebâtissent, les armes à la main, le temple des ancêtres au milieu des terres en jachère d'Allah le vaporeux.

6 - Le secret anthropologique de la politique

Elu pour guider quelques instants l'encéphale et les armes d'un peuple d'au-delà des mers, tu n'es ni Claude le titubant, ni Hadrien l'helléniste, ni Trajan le sage, ni Marc-Aurèle le philosophe. Qui es-tu, Obama, sinon un roi intelligent, mais ignorant, qui es-tu, sinon un apprenti sur la scène du monde, qui es-tu, sinon un manœuvrier mal informé des secrets d'un animal dichotomisé de naissance? Sache donc que dans la boîte osseuse des évadés actuels de la zoologie campent désormais trois divinités aussi provisoires que les précédentes, sache également que cette triple folie, quoique inégalement abolie ou ardente au gré des climats et des lieux n'est pas près de jamais quitter la boîte osseuse de tes congénères, sache que le seul Jupiter du trio qui s'est voulu le père du demi dieu des chrétiens n'a enfanté ni un Achille, ni un Hercule et que son sperme, disent ses psychogénéticiens, n'est autre que sa parole théorisée par ses théologiens, sache enfin qu'il lui a suffi de cinq siècles pour acquérir les mêmes apanages et prérogatives que Zeus et seulement sept siècles de plus pour se rendre entièrement son semblable au ciel et sur la terre. Aujourd'hui, ce demi-dieu a conquis le statut d'une divinité à part entière, de sorte qu'il se déclare à la fois incréé et né d'une femme dont la parturition a suivi son cours naturel. Comment peux-tu passer au large de si grands vertiges, comment peux-tu te mêler de politique si tu n'en sais pas davantage que Tibère sur la démence innée de l'espèce dont tu es censé partager les délires?

Mais si je t'enseignais rapidement les rudiments des songes et de la folie d'un ciel et d'une catéchèse qu'un milliard et demi de chrétiens se partagent à tes côtés, peut-être saurais-tu qu'on ne comprend pas un traître mot de la politique si l'on ignore que tout ce théâtre mental repose sur deux piliers réels de l'histoire et que ceux-ci sont aussi immémoriaux l'un que l'autre - les récompenses tangibles et les châtiments effrayants. Sache donc que la masse des dieux que le monde a enfantés depuis le paléolithique sort d'un seul et même creuset, celui d'une espèce condamnée à se châtier et à s'innocenter tour à tour, et cela du seul fait qu'elle vit en société.

Tel est le secret anthropologique de l'alliance imprescriptible que les mythes religieux scellent avec l'histoire du monde, telle est la connaissance de ton espèce sans laquelle un homme d'Etat du XXIe siècle ne saurait disposer du bagage cérébral qu'exige la pratique de son métier sur la scène internationale. Les temps sont révolus où les empereurs romains séparaient la science politique proprement dite de la science et de la pratique de leurs Olympes. Mais toi, quelle est ta science des arcanes psychobiologiques des fuyards de la mort ? Sais-tu seulement pourquoi Israël refusait de loger des dieux de bois ou de pierre des Romains dans le temple de Jérusalem?

Si tu l'ignores, comment saurais-tu ce que Jahvé et Allah se racontent dans leurs tête-à-tête en Palestine? Mais les neurones d'Adam et d'Eve te réservent d'autres surprises encore au Moyen Orient; et ton expérience de l'histoire sera bien insuffisante pour te permettre de jamais démêler les difficultés les plus enchevêtrées qui t'attendent à Jérusalem. Cesse donc de t'imaginer que ta politologie en bas âge répondrait aux attentes de ce siècle.

7 - Qui est Jahvé ?

Le genre humain fait usage de ses géants du cosmos selon deux modèles principaux: ou bien il croit en leur tutelle et leur protection et il perd son temps en prières plutôt que de prendre en mains ses affaires, ou bien il ne croit plus aveuglément en l'existence des acteurs dont il a dressé les gigantesques effigies dans le vide. C'est alors qu'il te faut apprendre à les connaître davantage, parce que leurs fidèles se mettent soudainement au travail avec tant d'ardeur qu'ils commencent de ressembler sans s'en douter à la divinité qu'ils ont façonnée à leur "image et ressemblance", comme ils le reconnaissent eux-mêmes. C'est ainsi qu'Israël a endossé avec zèle l'armure de son conquérant imaginaire à la Knesset, tellement le géniteur rejeté a vaincu la paresse de ses adorateurs et se rend plus visible que l'ancien.

De même, Allah n'est pas le même à Paris à Tombouctou, à Tokyo ou à New Delhi, de même encore, le dieu des chrétiens change d'esprit et d'allure à Madrid, à Rome, à Athènes, à Moscou, pour ne rien dire du dieu de Luther, tellement le paysan allemand n'a que faire des ors et de la pompe de Byzance. Mais le dieu Jahvé, lui, a tellement niché son armure dans son temple qu'il ne s'en laissera pas déloger. Sais-tu que, depuis deux mille ans qu'il a perdu son palais, nul fidèle ne lui offre de sacrifices dans ses synagogues, parce qu'il ne se laisse pas déplacer d'un pouce? Comprends donc que si tu n'as pas de science des relations que les nations entretiennent avec leur propre éternité et dont leur Zeus illustre la dégaine, il te faut rappeler en toute hâte ton ministre des affaires étrangères du manège où il tourne en rond: Jérusalem n'est pas le pré où croiser le fer avec lui.

Apprends également que les descendants du chimpanzé appartiennent à une espèce dont l'encéphale sécrète des idoles, apprends que ces idoles permettent aux sociétés de placer une enseigne à leur tête et d'en guider les pas d'une main ferme, mais également de paraître suivre les ordres des aigles qui commandaient les légions. Mais Jahvé est le seul chef domicilié dans sa forteresse et qui a passé du fétiche voyageur des nomades au guerrier campé dans ses murs.

8 - Du sacrifice d'Iphigénie à celui des agneaux et des moutons

Certes, tu n'es pas le premier homme politique à se colleter avec l'ignorance de son temps au chapitre des secrets des Etats dans l'enceinte desquels cet animal se rassemble en nations. Depuis le XVIe siècle, les protestants et les catholiques s'imaginent qu'un homme solidement fixé par les mains et les chevilles sur une potence de bois sec et saignant de toutes ses plaies au soleil serait un tribut de grand prix et de bonne odeur à présenter à une divinité renifleuse et dont les narines seraient si délicieusement chatouillées par cette chair mêlée de ferraille qu'en échange de ce plat odorant, elle accorderait son soutien indéfectible ou son secours le plus inébranlable à la foule de ses maîtres-queux.

Mais, parmi les quémandeurs, les uns s'imaginent, de surcroît, boire effectivement le sang enivrant et manger la chair toute crue, mais comestible de la victime égorgée sur l'autel, tandis que les autres y voient un assassinat sacrificiel seulement figuré et dont ils se contentent de déposer le symbole ensanglanté entre les mains de leur boucher des nues. Or, les saints prosternements de cet animal scindé par les couteaux de ses idoles n'ont jamais été sérieusement étudiés par les simianthropologues du sacré. Mais toi, tu devrais en savoir davantage - sinon comment trancherais-tu à bon escient entre Jahvé et Allah au Moyen Orient?

Par bonheur, la tâche qui attend ta politique se trouve allégée du fait que Jahvé et Allah ont aboli les trucidations payantes des spécimens les plus coûteux de leurs sujets et en ont remplacé la viande par des agneaux chez l'un et des moutons chez l'autre. Mais les entretiens entre les deux Jupiter du Moyen Orient tournent au dialogue de sourds, parce que ces divinités ne parlent pas la même langue, ne lisent pas les mêmes ouvrages, n'écoutent pas les mêmes annonciations, ne respectent pas les mêmes coutumes, n'habillent pas leurs fidèles de la même façon et ne leur font pas pratiquer les mêmes rites sacrificiels, tellement les dieux sont des tueurs dont les complexions diverses renvoient à des hommes et à des nations différemment construits.

Et pourtant, l'espèce schizoïde se présente en tous lieux et à toutes les époques sous des identités cérébrales bipolaires et seulement intellectualisées selon des recettes multiples et changeantes. Et toi, encore une fois, que sais-tu des métamorphoses encéphaliques des hommes et des Etats si tu ignores pourquoi les simianthropes se croient réfléchis sur les rétines de quelques globes oculaires logés dans le cosmos et pourquoi ces animaux se prosternent devant les statues de leurs dieux gigantifiés dans le vide?

Mais je te propose d'emprunter un raccourci. Les Juifs se disent les uns aux autres qu'un géniteur du cosmos parlant l'hébreu les aurait présélectionnés de toute éternité et les aurait appelés à régner un jour sur toute la terre habitée. De leur côté, les musulmans sont persuadés que les succès innombrables de Muhammad sur les cinq continents sont la preuve physique de la vérité dont témoignent leurs récitatifs. Mais les deux divinités partagent la conviction des hommes politiques, qui prétendent unanimement que leurs exploits heureux seraient des démonstrations tangibles des volontés du ciel à leur égard. Trancheras-tu entre Allah et Jahvé à seulement peser les succès de l'un et de l'autre sur la terre ou chercheras-tu un autre sceau du vrai et du faux?

9 - Le pragmatisme et la politique

Il y a soixante-cinq ans, en 1948, l'année même de la naissance de l'Etat d'Israël, j'écrivais, dans un maladroit essai de jeunesse sur l'histoire du nihilisme depuis la Renaissance jusqu'à Albert Camus et à son Mythe de Sisyphe: "Je qualifie de pragmatique toute pensée qui se juge à la lumière du but qu'elle poursuit, notamment celui de consolider l'ordre social et les valeurs collectives du moment. Le pragmatisme renverse les fondements de la pensée logique : il commence par peser les conséquences d'une proposition à l'aide de critères soustraits à l'examen, puis il la déclare vraie ou fausse selon ses conséquences heureuses ou négatives. Cette confusion entre l'éthique et la science met en place les "mensonges utiles" qu'évoquait Frédéric Nietzsche , mais elle pilote la vie pratique tout entière et fonde la sagesse de toutes les nations et de tous gouvernements." (De l'Absurde, éd. du Triolet,1948, p. 105-106)

De quelle forme de la raison pratique feras-tu usage au Moyen Orient ? Songe que si le soleil tourne effectivement autour du globe terrestre du fait que l'homme "perdrait infiniment de dignité dans l'univers", selon Nietzsche, dans le cas où la terre girerait piteusement autour d'une étoile naine, il te faut en conclure que Jahvé se trémousse autour d'Allah ou Allah autour de Jahvé. Vois, Obama, combien la politique est demeurée un enfant au berceau, puisqu'elle ne porte pas encore de regard du dehors sur les idoles qui se promènent en rangs serrés sous l'os frontal de la bête onirique: car c'est bel et bien cette question-là, vois-tu, qui a débarqué dans l'arène de l'homme d'Etat de notre temps - et tout Machiavel n'y changera rien.

Mais il semble que aies tranché la question d'avance et sans examen, puisque ton pays déverse chaque année et sans y comprendre goutte des milliards de dollars dans les caisses d'Israël. Tu crois donc que la vérité penche du côté de Jahvé l'invincible et tu cours à grandes enjambées dans les bras du vainqueur. Apprends donc à peser le pragmatisme en tant que tel, donc à radiographier les critères du vrai et du faux dont un autre pragmatisme fait usage, place donc la critériologie utilitaire des ignorants sur le plateau d'une interrogation plus savante.

Car si tu jugeais qu'il vaut mieux commencer par apprendre quelque peu à penser, si tu estimais que la vérité n'est pas nécessairement du côté du plus riche et du mieux armée, tu changeras la plateforme même et toute la méthode des raisonnements exclusivement pratique de ton pays; et tu découvriras une autre assise de la notion même de vérité - et tu tenteras de mettre cette vérité-là au cœur de la politique mondiale .

10 - Un raccourci

Comment libèreras-tu Rome et le monde des légions de Séjean ? Car c'est dans l'enceinte de la Maison Blanche que campent maintenant les légions d'Israël. Je te propose un pragmatisme dont l'éthique te permettrait de retrouver le chemin de notre planète au prix d'un approfondissement modéré de ta connaissance du genre humain: tu te demanderais en tout premier lieu s'il est pragmatique de légitimer le retour sur ses terres d'autrefois des lointains descendants d'un peuple dispersé, dès lors qu'il lui faudra, pour cela, en chasser les habitants, en emprisonner et en torturer toute la population et lui faire une guerre d'extermination pendant plusieurs générations, et cela, dans le vain espoir de terrasser à jamais son histoire, son âme et sa raison.

Vois comme le pragmatisme politique change tout subitement de camp, de preuves et de convictions selon la portée du télescope de l'homme d'Etat, vois comme mon raccourci philosophique t'évite de descendre à une trop grande profondeur dans la connaissance des arcanes de la politique et de l'histoire des nations et des encéphales. Car maintenant, ton pragmatisme au petit pied te permet du moins de te poser la question élémentaire de savoir s'il est physiquement possible d'exterminer un peuple par la seule force des armes et sous des flots de dollars. Car enfin, si l'alliance de ce Pactole avec l'acier de tes canons courait à l'échec, qu'adviendra-t-il de toute ta philosophie de la vérité politique? Que vaut un pragmatisme fondé sur la légitimation des victoires seulement musculaires?

Songe sans cesse à Séjean, songe sans relâche à Tibère. L'empereur était-il encore en mesure de poser la question de la vérité politique au Sénat et au peuple romain ou bien la raison pragmatique qui commandait l'art de gouverner se heurtait-elle déjà aux limites de ses méthodes et de son champ de réflexion? Sache que le destin de l'empire de la Louve ne dépendait plus des succès du glaive romain sur les champs de bataille, mais, comme de nos jours, d'un approfondissement vertigineux de la connaissance de l'histoire de notre espèce, parce que seule une spéléologie de la politique aurait permis à Tibère de redonner son assise à la vérité!

11 - Les armes de la raison de demain

Te voici à la croisée des chemins de la connaissance de l'humanité et du monde: car si tu entends bel et bien poser la vraie question à la planète de ce siècle - celle de la légitimité de l'existence d'Israël sur la scène des Etats - tu rencontreras les mêmes obstacles que Tibère face aux légions de Séjean, parce qu'Israël campe en armes au cœur du droit international et de la géopolitique à nouveau aussi étroitement confondues qu'au premier siècle de notre ère. Tibère ne pouvait dire à Séjean ce qu'Hadrien sera le premier en mesure d'avouer aux descendants de Cincinnatus: "Quirites, sachez que l'expansion de l'empire romain est achevée, sachez qu'il nous faut nous résoudre à tracer des frontières que nous nous interdirons de franchir, parce que si nos armes devenues oisives faisaient de Rome elle-même leur dernier bastion, nous introduirions dans l'Etat la gangrène qui retournerait la gloire de nos légions contre nous et nous détruirait au sein de notre dernière et inutile forteresse."

Ecoute-moi, roi d'un jour: l'empire à la bannière étoilée a couru jusqu'au terme de ses conquêtes. Si Israël se gave de tes sesterces, Rome se donnera à dévorer de l'intérieur et si Séjean triomphe à Washington, l'empire deviendra à lui-même un chancre voué à s'auto-consommer jusqu'à la moelle. Ouvre les yeux sur ce qui arrive aux nations quand la raison du monde a changé d'échiquier et de calibre, porte tes regards sur l'étendue de la connaissance du genre humain qui se présente à ta vue, résigne-toi à passer de Ptolémée à Copernic - sinon l'Amérique empruntera le même chemin que Rome a suivi sous la plume de Tacite et Suétone, puis à l'écoute de l'auteur de L'histoire auguste, qui s'est déguisé sous vingt pseudonymes. Mais si tu entends précéder les lumières de demain, sache du moins à quel prix les audaces de l'intelligence s'achètent les armes de la raison de demain.

12 - "Jusqu'à quand, Catilina, abuseras-tu de notre patience?" (Cicéron)

Tu le sais, Obama, mais tu gardes le silence face aux légions d'Israël présentes en armes dans l'enceinte du Sénat. Tu n'oses changer de planète et pourtant l'expérience te l'a enseigné cent fois. Souviens-toi de Mitchell, que tu envoyais sans relâche semoncer l'homme de Tel-Aviv et qui revenait déposer à tes pieds les derniers bouquets de l'humiliation de l'Amérique et du mépris pour ta nation du géant de Tel-Aviv, souviens-toi de l' abaissement de ta personne le jour où le roi des Juifs est venu haranguer le Congrès sous ton nez, souviens-toi de l'abaissement de l'empire le jour où cinquante sept acclamations debout ont salué la parole de vérité et de la justice du monde réputée couler de la bouche du prophète qui te haranguait, le livre d'Esther à la main. Souviens-toi, Obama, du jour où tu t'es enfui sous les cris des légions de Séjean, souviens-toi de l'heure où l'Egypte a pris un instant ta place au gouvernail du monde - car c'est la nation du Nil qui a mis un terme provisoire à la guerre d'Israël contre Gaza assiégée. Certes, ton ministre des affaires étrangères de l'époque, Hillary Clinton, est venue paraître sceller en ton nom un accord où "fulgurait ton absence", comme disait Tacite; puis, tu as porté sur les fonts baptismaux de ta servitude le nourrisson de ta carence et c'est en solitaire sur la scène internationale et aux côtés seulement d' Israël que tu as refusé d'accorder à la Palestine le titre et le rang d'un Vatican dont la souveraineté se réduit à celle d'un "Etat observateur". Jusqu'à quand, Obama, les légions d'Israël occuperont-elles Washington sous les yeux du monde entier, jusqu'à quand le spectacle de l'impuissance de Rome sur toute la terre habitée t'offrira-t-elle le même spectacle que celui des légions de Séjean sous Tibère?

Souviens-toi comment le flatteur mettait l'empereur en garde contre ses assassins, souviens-toi comment le meurtrier de Gaza a fait payer sur tes deniers une gigantesque machine à catapulter des missiles sur ce pelé et ce galeux du monde qu'on appelle Gaza. Obama, si les hommes sont aveugles et s'il est impossible de leur ouvrir les yeux avant l'heure, pourquoi reprends-tu le combat sur de faux paramètres, pourquoi recours-tu aux syllogismes d'une scolastique et d'une sophistique de la démocratie selon laquelle le colonialisme et l'asservissement des peuples ne seraient plus permis qu'à un seul Etat, celui d'Israël?

13 - Des ruisseaux de sang frais

Ce n'est plus un Mitchell, c'est ton ministre des affaires étrangères en personne que tu envoies négocier à Tel-Aviv jour et nuit, mais pour rire et dans le vide. Vois comme Israël a renvoyé le chef de la diplomatie américaine à ses moutons: "Les négociations, oui, les signes de bonne intention, non." Autrement dit, négocions, mais sache qu'il n'y a rien à négocier. On se paie ta tête, Obama. Mais si tu ne demandes pas pourquoi le Président des Etats-Unis est devenu un objet de risée et de railleries, à qui la faute? Car Israël t'a dit: "Le département américain n'a pas d'appréciation exacte de la profondeur du différend entre les deux parties." Saisiras-tu cette perche? Diras-tu au monde entier que le différend entre les chats et les souris est de "nature" et qu'il est inutile d'en mesurer la "profondeur"? Diras-tu au monde que la morale et l'esprit pratique ne logent pas dans le même récipient? Diras-tu qu'il y va de l'éthique de l'humanité et que le droit du glaive ne saurait se trouver légitimé au cœur de la civilisation mondiale, au nom de la nation d'Abraham Lincoln ?

Vois comme les lunettes de l'homme d'Etat ont débarqué dans la postérité de Séjean! Car, à l'exemple de Tibère, tu ne saurais poser à Séjean la question de savoir ce qu'il en est de la bête au cerveau schizoïde que la nature s'obstine depuis des millénaire à faire vivre tout ensemble sur la terre et dans les nues. Mais, il se trouve que la tâche qui attend la raison de ton temps est autrement plus difficile à entreprendre et à conduire à son terme que celle qui aurait éclairé Tibère sur les secrets des empires: c'est le genre humain tout entier qu'il te faut apprendre à décrypter si tu entends t'initier aux secrets cérébraux qui gouvernent la bête eschatologique, messianique et rédemptrice.

14 - Le télescope des observatoires de Dieu

Voici un peuple qui, depuis trois millénaires projette dans les plus hautes régions de l'atmosphère le plus gigantesque animal politique de tous les temps. Vois comme cette bête est construite à l'image et ressemblance d'Israël, vois comme ce guide suprême de l'univers, vois comme cet empereur du vide et du temps, vois comme ce souverain du silence et de la nuit regarde le microbe qui siège à la Maison Blanche et qui frétille sous la lentille du microscope d'Israël! Observe cet Hercule fou, et ce démiurge des sucreries éternelles, et ce roi des tortures infernales, et ce tortionnaire dément, observe ce saint boucher campé dans le néant sans limites et sans voix. C'est avec lui, Obama, que tu te collètes.

Or, de ce Titan-là, nous n'en connaîtrons les rouages et les ressorts que dans un siècle. Mais observe l'encéphale de la bête biphasée, sinon toute ta politique piétinera aux portes d'une science inachevée des descendants du chimpanzé, laisse du moins le grain de raison qui t'habite suivre à la trace la postérité politique de Séjean; sinon tu perdras ta place parmi les laboureurs de demain. Creuse quelques sillons dans ce champ et récolte quelques moissons dans ce désert, sinon l'histoire te dira que tu n'as pas répondu à Séjean.

Mais supposons que tu restes planté là, que va-t-il arriver? Israël se rira de toi et se rira du monde, Israël courra le glaive à la main sur les terres que son géant du cosmos est censé avoir mis entre ses mains, Israël courra à l'abîme - et demain une nouvelle diaspora campera dans l'enceinte de la fureur du monde.

Qui es-tu, Obama? Je monde entier a jeté à la casse les statues d'Auguste, de Trajan, d'Hadrien et de tous les autres dieux qui trônaient dans les temples du peuple romain. Mais toi qui ne confesse aucun Dieu, apprends du moins à connaître celui que tu feins d'adorer et dont tu ignores la doctrine et les écrits, l'origine, l'histoire et le sens. Car si tu ne sais rien de la bête dont la cervelle grouille de divinités courant dans toutes les directions, je crains que tu ne deviennes l'otage du Dieu sans visage et sans voix des guerriers d'Israël, je crains que tu n'apportes, à ton tour, le tribut de sang frais à boire et de viande à dévorer à ce dieu-là.

Décidément, si la science politique mondiale ne bénéficiait pas d'une mutation de ses neurones, nous ne saurions ni qui nous sommes, ni où court le monde - et le sang confondu de Jahvé et d'Allah courra en ruisseaux de Jérusalem à Washington.

Le 13 avril 2013

Reçu de l'auteur pour publication

 

 

   

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Source : Manuel de Diéguez
http://www.dieguez-philosophe.com/

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