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Opinion

Broussailles politiques et débroussaillements diplomatiques

Le lente libération de l'Europe
Manuel de Diéguez

Dimanche 12 juin 2011


1 - L'aube de l'Europe
2 - Les religions et la civilisation
3 - Les premiers pas
4 - Des causes de la vassalité de l'Europe
5 - Le retour du cyclope d'Homère
6 - La vassalisation irénique
7 - La spécificité politique du "printemps arabe"
8 - Le sionisme
9 - M. Alain Juppé et Talleyrand
10 - La France et la spectrograhie de l'inconscient théologique de la politique
11 - Un nouveau "Connais-toi"
12 - Une question à poser aux écologistes
13 - Une option nouvelle
14 - Le prurit de la frustration technologique

1 - L'aube de l'Europe

Beaucoup de bons esprits soutiennent que l'Europe demeurera vassalisée jusqu'à la moelle et que, de toute nécessité, elle ne pourra que le devenir sans cesse davantage. Il me semble que cette erreur de jugement ne saurait prospérer, tellement les signes avant-coureurs de la sortie du gouffre sont nombreux, manifestes et d'une signification dont il convient de souligner la nature et la portée. Du reste, ces heureux présages s'inscrivent tous dans un devenir continu du monde, donc dans une évolution de fond dont la logique enserre la planète depuis la chute du mur de Berlin.

Comment la descente aux enfers de notre civilisation obéirait-elle à une fatalité et se poursuivrait-elle indéfiniment, alors qu'au basculement lent et irrévocable de l'empire américain dans l'essoufflement militaire et l'agonie monétaire répond l'ascension de la Chine, de l'Inde, de l'Amérique du Sud et même de l'Afrique? Le sûr glissement de Washington hors de l'enceinte de son ancienne prééminence a reçu un coup d'accélérateur géant avec la mise en marche des "masses arabes", dont le débarquement dans l'arène de l'histoire vivante a d'ores et déjà permis à la Turquie, à l'Egypte et au Brésil d'engranger les premiers fruits de leur positionnement à la charnière d'une mutation sans exemple de la géopolitique vassalisatrice inaugurée en 1945 par une Amérique alors triomphante.

Le protocole est un enregistreur des glissements de terrain de la politique comparable à l'échelle de Richter des sismologues. Alors que le Président Bush II était venu dévaster les platebandes de Buckingham Palace avec des hélicoptères de sa police de choc et de son service d'ordre souverain, M. Obama y est venu en visiteur de marque à initier à l'étiquette de la cour. Ayant levé son verre en direction de la reine après avoir prononcé son toast, Sa Majesté a ignoré ce geste, le "God save the Queen" a suivi et la reine a enfin levé son verre en l'honneur de son hôte afin que les rites royaux reprissent leur cours naturel après l'entorse du néophyte au cérémonial d'usage. Quelques jours plus tard, M. Barack Obama a reçu Mme Merkel en grande pompe à Washington, mais plus il la couvrait de médailles, plus la Chancelière comprenait qu'il n'appartient qu'au souverain de couronner ses vassaux et que si l'Allemagne avait fait partie des membres permanents du Conseil de Sécurité, si elle avait disposé du droit de veto et si son pays possédait le hochet fascinateur de la bombe atomique, son territoire ne demeurerait pas occupé elle par deux cents garnisons américaines et que les humiliantes somptuosités de la condescendance n'auraient pas été de mise à son égard.

2 - Les religions et la civilisation

L'âme de l'Histoire s'est toujours exprimée par la substitution du mouvement à l'immobilité. Pendant des décennies, l'Europe a souffert d'un double piétinement, celui de l'attente impatiente de la chute du communisme et celui qui parquerait pour longtemps encore quatre cent millions d'Arabes dans la forteresse de leurs rites religieux. Tout ce qui bouge est vivant, tout ce qui demeure arrêté court au sépulcre. Les philosophes du XVIIIe siècle savaient encore que la religion va toujours de pair avec la décadence de la philosophie et que "le moment où l'on voit la foi chrétienne établie par toute l'Europe est celui de la barbarie la plus complète de tous les peuples." (Baron de Grimm)

Aussi le printemps arabe récoltera-t-il de grands succès et subira-t-il de terribles revers au gré de l'histoire philosophique des partis religieux qui piloteront les Etats-majors de la foi, mais jamais plus l'Islam des cerveaux ne connaîtra la paralysie et le grippage des encéphales pétrifiés par des dogmes intangibles, parce que le désert de sable et de poussière qui a si longtemps retardé la résurrection des sciences exactes en Europe n'est plus à franchir par les fidèles du Coran. Un Islam revivifié par le retour à la lecture de ses grands philosophes d'autrefois, un Islam remis dans la course de la pensée scientifique moderne aura une distance bien moindre à parcourir dans l'ombre de ses mosquées que la théologie catholique de notre siècle, qui n'est pas près de réfuter la croyance à des prodiges matériels et à la pluie de miracles grossiers auxquels le mythe de l'incarnation de l'absolu entraîne les esprits: la religion de la croyance stupide en la substantification d'une divinité en promenade sur la terre et en la métamorphose du pain des boulangers en chair d'un dieu se trouvera bien plus radicalement et plus rapidement éjectée de la civilisation de l'intelligence qu'un islam provisoirement fossilisé, mais dont les ressources intellectuelles demeurent intactes.

3 - Les premiers pas

Les signes avant-coureurs de ce que l'Europe vassalisée par la présence de l'étranger sur ses arpents se trouve sur le point de briser ses chaînes sont d'autant plus criants qu'ils épousent l'actualité politique et militaire jour après jour et que s'ils paraissent encore superficiels, c'est seulement parce qu'on oublie trop aisément que le train du quotidien n'est jamais que l'expression au ras des flots de mouvements cachés dans les profondeurs de la mer. La livraison, par exemple, de Mistrals réels, donc armés à la Russie est l'expression d'une rupture à ciel ouvert avec l'esprit de soumission et de démission qui inspire les décadences politiques et qui se perpétue longtemps encore après avoir paru interrompues: il y avait des mois que les Etats-Unis affichaient ad ostentationem leur réconciliation censée définitive avec Moscou, alors que, dans le même temps, le mot d'ordre adressé en secret aux vassaux demeurait inchangé: on ferait grésiller sous la cendre et l'on perpétuerait discrètement l'antagonisme hérité de la guerre froide. De même, Paris et Londres n'ont capitulé qu'en apparence devant la volonté brutalement affichée dans les coulisses par la Maison Blanche de prendre seule en mains le commandement militaire d'une intervention en Libye censée partagée avec ses "alliés" sous les faux-fuyants de l'OTAN. Mais les deux capitales persévèrent à mépriser le sceptre sous lequel elles se trouvent officiellement ficelées et elles n'ont pas tardé à rallier à la cause de l'Europe un Kremlin plus que réticent, au début, à une conduite des opérations militaires autonomes et même autarciques de Paris et de Londres.

En vérité, la France et le Vieux Continent se trouvent pleinement en mesure de prendre une longueur d'avance sur les évènements prochains et de jouer pour le moins les cartes d'un futur immédiat sur le terrain: ils disent d'une seule voix à la Chine et à la Russie qu'elles n'ont pas intérêt à demeurer plantées sur le quai, alors que le train de l'avenir partagé d'une démocratie mondiale européanisée et de l'islam moderne est sur les rails. Le temps n'est plus où l'Elysée réduisait l'ambition de la France à se tenir dans le "cercle de famille" atlantiste.

4 - Des causes de la vassalité de l'Europe

De quel recul intellectuel l'anthropologie critique dispose-t-elle à l'égard de l'histoire semi secrète de la vassalisation titanesque que l'Europe a acceptée et souvent voulue depuis 1945? Pour comprendre les ressorts d'une capitulation aussi longue des intelligences et des volontés politiques, il faut remonter aux causes durables de la disqualification progressive des termes mêmes de nation et de nationalisme à partir d'une date charnière, celle précisément que le "printemps arabe" a remise brutalement en mémoire. Ce rappel a provoqué un beau précipité, comme disent les chimistes. Mais pour tracer la voie d'une méthode rigoureuse d'analyse de la chute du Vieux Continent dans l'abîme et de sa sortie du sépulcre, il faut se demander en tout premier lieu quelle est l'origine historique de la dévalorisation constante du nationalisme européen depuis 1870 et de la perte de crédit de plus en plus irréversible d'un pôle guerrier de l'histoire et de la politique qu'on croyait éternel.

On sait que le déclin de la thématique nationaliste au sein d'une science politique pourtant immémoriale est résulté de l'engloutissement subit de la guerre dans un tragique sans gloire et de nature à interdire définitivement aux Etats les plus civilisés de recourir aux lauriers de l'héroïsme sur les champs de bataille. La politique militaire de Bismarck face à l'Autriche, au Danemark et à la France était encore rationnelle en ce qu'elle demeurait indispensable au retour des beaux restes de l'empire romain germanique sur la scène internationale. De même, il était inévitable, donc "nécessaire", que la France humiliée reconquît l'Alsace et la Lorraine au prix du trépas d'une génération. Mais la guerre mondiale de 1914 à 1918 a illustre un basculement fatal des hostilités dans la stérilité des galons de la mort.

Du coup le vieil adage des képis selon lequel la guerre ne serait que la "continuation de la politique par d'autres moyens" est tombé dans la gueule de l'apocalypse. La disqualification des mâchoires anciennes du réalisme politique a interdit de calculer les profits et les pertes au sein d'une dramaturgie des conflits jusqu'alors soumis à des repères "raisonnables". Le désastre de l'arithmétique des cadavres est devenu définitif à l'issue de la seconde guerre mondiale, qui a aussitôt conduit à un mythe de remplacement des crocs d'autrefois selon lequel une démocratie planétarisée par le triomphe de son prétendu pacifisme serait placée à jamais sous le sceptre des Etats-Unis d'Amérique, dont le messianisme conquérant éliminerait du champ de vision, donc de la pratique de l'histoire universelle le vieil acteur qu'on appelait la guerre.

5 - Le retour du cyclope d'Homère

Naturellement, la nature ayant horreur du vide, l'ignorance naturelle des peuples édentés a précipité la mappemonde sous deux houlettes antagonistes, mais nationalistes en diable et toutes deux déguisées en protectrices sacrées de la paix, celle du "paradis soviétique", donc du débarquement de l'évangile marxiste sur la terre et celle de la bannière étoilée. Jusqu'en 1989, la planète entière s'est pelotonnée ici sous l'enseigne d'une délivrance par la faucille et le marteau, là sous une sotériologie de la liberté universelle.

Lorsque l'eschatologie greffée sur la catéchèse prolétarienne s'est évanouie sur les autels de l'utopie, l'orthodoxie rédemptrice s'est entièrement déplacée en direction d'un libéralisme carnassier; mais comme les deux camps se réclamaient d'une seule et même annonciation de la délivrance et du salut, l'une acéphale, l'autre réhabilisatrice de la loi de la jungle, l'histoire du monde est devenue pseudo apostolique à l'école de ces deux modèles d'une même décapitation para religieuse de la science politique. C'est pourquoi, soixante cinq ans après la fin de la seconde guerre mondiale, non seulement l'Europe confessionnalisée par la démocratie demeure vassalisée jusqu'à l'os par quelque cinq cents garnisons américaines sédentarisées sur ses lopins, dont deux cents lovées en Allemagne et cent trente sept incrustées en Italie.

On sait que le quartier général de l'occupant s'est installé à perpétuité à Mons en Belgique et que Mme Angela Merkel s'est empressée de juger salvifique à souhait l'extension militairement sans objet, mais politiquement payante pour l'étranger, d'un bouclier de missiles américains censés protéger l'Europe contre Personne. La substitution de cette forme de dissuasion à la précédente rend le nouveau cyclope d'Homère non moins onirique que l'arme nucléaire française et anglaise. C'est pourquoi le premier exploit diplomatique de M. Alain Juppé fut de réaffirmer le principe de la défense atomique du Vieux Monde, quelque fantomatique qu'elle fût par nature et par définition, puisqu'il n'existe aucun Titan militaire ni présent, ni futur contre lequel Ulysse serait en devoir de s'armer. Nous sommes donc tombés dans une forme colossale de la servitude, l'esclavage spéculaire, dont la spectrographie en appelle à une anthropologie du fabuleux doctrinal au sein des démocraties, puisque le songe d'une invasion possible du continent par des régiments de fantassins fantômes conduit la science historique à quitter le territoire de la pensée rationnelle.

6 - La vassalisation irénique

On comprend pourquoi, trois mois seulement après la duperie des accords des Etats-Unis avec la Russie sur le Salt II, l'opinion et la presse italienne se lamentent non point de ce que les Etats-Unis aient l'intention de réalimenter une tension diplomatique revigorante avec Moscou - il s'agit d'installer en Pologne et sous le nez des Slaves une partie des forces guerrières stationnées en chair et en os à Vicenza - mais de ce que ce déplacement de troupes et d'armes à feu prive l'Italie des profits pacifiques d'un petit commerce de babioles. C'est que la vassalisation irénique de l'Europe introduit un type inédit de passivité dans l'histoire du monde en ce que le règne d'un empire étranger sur le Vieux Continent s'enracine désormais au cœur du régime démocratique de la planète.

Que les peuples aient été rendus inconscients du poids politique qu'exerce fatalement la présence en armes de troupes étrangères sur le sol d'une nation et de ce que la souveraineté d'un pays tombe nécessairement en loques ou se trouve réduite en charpie par ce type de lauriers est une chose, mais que la classe dirigeante des démocraties asservies sur toute la terre n'en ait pas conscience en est une autre . C'est pourquoi l'analyse politique de la sortie de l'Europe de son vasselage requiert maintenant l'examen de nouveaux paramètres de la compréhension de l'histoire et quasiment une refonte des méthodes de la science historique transmises par la tradition tant savante que scolaire.

- M. Benjamin Netanyahou et l'exercice biblique du droit du plus fort - La sociologie et l'anthropologie philosophique, 5 juin 2011

Car le contraste est devenu saisissant entre la cécité politique que les masses et les élites se partagent et l'ubiquité magique des moyens d'information par le son et l'image. C'est pourquoi la science de la servitude des nations met en évidence les apparences démocratiques de la vassalité. Certes, de tous temps les révolutions politiques furent le fruit d'une pédagogie inégalement heureuse des peuples par les soins attentifs de leurs élites - et la révolution française n'avait pas innové sur ce chapitre. Mais, cette fois-ci, les moyens de communication instantanés des peuples entre eux permettent une métamorphose de la nature même des obstacles à franchir.

Quel est le modèle nouveau du déclic des révolutions que le "printemps arabe" a illustré ? Premièrement, la révolte populaire s'est non seulement propagée avec la rapidité de l'éclair sur tout le pourtour de la Méditerranée, mais il lui a suffi de quelques jours pour atteindre l'Europe. Le siècle des Lumières s'était mis en mouvement à l'école de libelles retentissants. Le genre renaît avec le manifeste de Stéphane Hessel, intitulé Indignez-vous. Malgré la platitude du propos et la médiocrité de l'écriture, il s'en est vendu trois millions d'exemplaires en trois mois; et l'on a vu l'Espagne se rassembler symboliquement sur la Puerta del Sol sous le signe des "Indignados" - les Indignés. Le Siècle des Lumières n'est pas encore de retour, les Indignés ne sont pas voltairiens pour un sou, mais c'est le monde politique et économique tout entier que les révoltés veulent apprendre à "penser par eux-mêmes", comme disait l'auteur de Candide.

7 - La spécificité politique du "printemps arabe"

Il y a lieu de relever deux autres traits de la spécificité qui caractérise l'évasion de l'Europe de la prison de son vasselage politique: d'un côté, le réveil de la jeunesse, de l'autre, la participation officielle des Etats démocratiques du monde entier à l'insurrection des peuples contre un ordre mondial injuste. Au XVIIIe siècle, les peuples devaient encore leur sortie subite du sommeil à des décennies d'insolence intellectuelle des élites minoritaires au sein de la bourgeoisie, de la noblesse et du clergé. Mais par des tirs brutaux et précis, les philosophes avaient fait changer d'univers mental aux meilleures têtes de l'Europe, tandis qu'au XXIe siècle, une jeunesse privée de guides reconnus et dignes d'écoute, mais éduquée à l'école des techniques nouvelles de l'information politique, est descendue en autodidacte et sans armes dans la rue, comme si deux mille ans d'un irénisme officialisé, celui que professait une école du salut de l'humanité par la torture d'un innocent, avait gravé une potence dans l'inconscient collectif de notre espèce et y étaient devenus un capital héréditaire du mythe de la libération du monde par la souffrance récompensée.

Quant à l'engagement des gouvernements démocratiques aux côtés de l'insurrection, il résulte de la prise de pouvoir stupéfiante d'une population arabe qui traîne tous les Etats comme un bœuf au bout d'une corde. Le même phénomène avait conduit la Grèce de l'âge des monarchies chtoniennes au règne de l'agora, puis la Rome des patriciens à l'ascension continue et massive du petit peuple. Mais autant la démocratie romaine a vu les tribuns de la plèbe se muer en généraux césariens, puis en démagogues impériaux, autant la démocratie moderne exclut l'ascension des tyrans, tellement les chefs d'Etat que le suffrage universel hisse brièvement au sommet des Républiques se trouvent, du moins en Europe, réduits d'avance au rôle d'acteurs dont les masses scrutent heure par heure la gestuelle ou la pantomime sur une scène cruelle aux fantoches - celle d'un monde démocratique éclairé d'une crue lumière.

8 - Le sionisme

Mais la scène s'est élargie bien davantage qu'il n'y paraît, parce que le vasselage de la planète en appelle désormais à une réflexion anthropologique sur la politique et l'économie. Dans ce contexte, il ne sera pas inutile de retrouver un vocabulaire de la servitude que connaissait encore le petit Larousse illustré de 1956, où l'on pouvait lire, comme dans le Littré", "faire vasselage, réduire à l'état de vassal". A ce titre, non seulement le naufrage terminal de l'évangélisme politique dans l'utopie marxiste n'a évidemment pas guéri le capitalisme des vices mortels que le prophète du prolétariat mondial avait diagnostiqués avec tant de sûreté; mais, depuis 1989, la maladie s'est cancérisée au galop, de sorte que le monde entier "fait vasselage" à l'école d'un servage plus inguérissable que les précédents. En vérité, le capitalisme bancaire a inventé des formes entièrement nouvelles de la servitude. Aussi, la sortie de l'Europe de la domestication se déroule-t-elle sur deux fronts, celui du combat, jour après jour, pour la reconquête de la souveraineté des nations qui la composent et celui d'une mutation cérébrale du capitalisme quasi irréalisable dès lors que le refus de l'idyllisme politique des ignorants a fermé les portes aux espérances de la sottise.

Pour observer le premier champ de bataille du tragique, celui des illusions perdues du roman rose , il faut analyser la connexion continue et réfléchie qui s'établira entre le réveil des héros d'un monde arabe encore désarmé et les entreprises d'un nouvel et gigantesque occupant de la scène internationale, le sionisme. Un "printemps arabe" vaillant et qui cherche son pas a aussitôt rencontré ce qu'il est convenu, depuis des décennies, d'appeler le "conflit israélo-palestinien", comme s'il s'agissait d'un litige ordinaire et dont le droit international traiterait couramment à l'école d'us et de coutumes dûment recensés au sein de la science diplomatique mondiale. Mais l'Egypte n'a pas tardé à démontrer, et sans trop tituber, qu'il ne s'agit en rien d'une banale querelle locale; et l'on sait que la terre entière se mobilise contre Israël aussi bien par la médiation de l'Assemblée générale des Nations Unies que sous la pression d'une opinion publique de plus en plus hostile au sionisme sur tout notre astéroïde, parce que le genre humain entend mettre fin à un spectacle extraordinaire et sans exemple dans l'histoire de l'humanité depuis le siège d'Alesia par Jules César, celui de l'encerclement de la ville et du port de Gaza et de la réduction de son immense population à la famine.

Dans ce contexte, je n'ai cessé de souligner qu'à l'instar de toutes les vraies sciences, l'anthropologie moderne se veut une discipline critique et qu'à ce titre, son ambition naturelle n'est autre que de conquérir la problématique qui lui permettra de connaître les enjeux psychobiologiques qui sous-tendent les retrouvailles d'Israël avec les apories de la condition simiohumaine dont témoigne son mythe fondateur, celui de son "élection", donc de sa mise à l'écart du reste de notre espèce - séparation dont cette nation entend bénéficier à titre viscéral.

- M. Benjamin Netanyahou et l'exercice biblique du droit du plus fort - La sociologie et l'anthropologie philosophique, 5 juin 2011

C'est pourquoi le "printemps arabe" ne ressortit pas à la littérature sentimentale : son réalisme se révèle d'ores et déjà tellement prometteur qu'il devient possible d'observer la loupe à l'œil le rôle de frein et de moteur que jouera involontairement le sionisme dans le débâillonnement tardif d'une Europe encore placée sous le joug de l'OTAN et occupée par près cinq cents bases militaires des Etats-Unis sur son sol, mais irrésistiblement appelée à faire tomber ses chaînes. Dans ce contexte, pourquoi Israël croit-il soudainement avoir intérêt à paraître se ranger du côté des idéaux concrétisés d'une démocratie mondiale longtemps demeurée abstraite? Certes, il importe à Tel-Aviv de ne pas persévérer à soutenir à bout de bras des nababs submergés par l'insurrection subite de leurs peuples. Mais comment se placer sous le joug des concepts jusqu'alors si idéalement vaporeux de la démocratie mondialisée si ces anges en viennent à se substanstantifier et vous réduisent brutalement à les prendre au sérieux? Et pourtant, il est évident que la feinte approbation, par Tel-Aviv, de régimes démocratiques autrefois émaciés se retournera fatalement contre les ambitions territoriales du "grand Israël".

9 - M. Alain Juppé et Talleyrand

Pris en étau entre des monarchies musulmanes aux abois et la désapprobation de plus en plus vigoureuse des chancelleries du monde entier, qu'entreprendra Tel-Aviv sur le terrain? On l'a compris au spectacle du vol à tire-d'aile de Bernard-Henry Lévy en direction du peuple libyen, puis de sa galopade au secours de Jérusalem menacé. Que signifie la visite impromptue et hors protocole de ce Pégase médiatique au Premier Ministre israélien en personne - et cela sous les yeux d'un Alain Juppé ahuri de cette intrusion? Il s'agit, de toute évidence, de doubler la politique officielle de la France au Moyen Orient, il s'agit de dénoncer clairement les réticences affichées du Quai d'Orsay à condamner l'antisémitisme du Colonel Kadhafi, il s'agit de placer ostensiblement le soutien encore embryonnaire et embarrassé d'Israël aux insurgés au coeur de la politique qui régira les relations du sionisme avec le monde arabe. M. Bernard-Henry Lévy est censé avoir remis toutes affaires cessantes un "message oral" dans ce sens, des insurgés de Benghazi au Premier Ministre de l'Etat juif. Mais il ne suffisait pas de signifier au monde entier que le peuple hébreu serait censé combattre aux côtés du "printemps arabe", il fallait, de surcroît, que la Libye de demain s'affichât avant l'heure et sans perdre un instant comme le pivot de la future alliance de Mahomet avec Israël le conquérant.

Mais comment la Libye future ne prendrait-elle pas la défense de ses frères palestiniens. Comment ferait-elle sécession au sein du monde arabe ? Naturellement, un tel renversement des alliances se révèlera un fantasme politique, puisque l'Etat juif dont la conquête du Grand Israël se veut la colonne vertébrale, se montrera nécessairement et résolument étranger sur tout le pourtour de la Méditerranée aux idéaux anti-colonialistes d'une civilisation fondée sur des principes universels, donc sur les droits des peuples à disposer d'eux-mêmes. L'apostolat "démocratique" d'Israël n'est autre que celui de la conquête de "sa" terre.

Dans ce contexte, comment M. Alain Juppé mène-t-il la barque de la France, quelle est sa stratégie de la dévassalisation progressive de l'Europe et comment juge-t-il la situation au Moyen Orient? Premièrement, il a clairement compris que la difficulté à surmonter ressemblait fort à celle que Talleyrand avait rencontrée au Congrès de Vienne en 1815, quand les puissances victorieuses du Premier Empire entendaient réduire la France à un rang subalterne et la contraindre à "faire de la figuration", comme on ne disait pas encore. Aussi Talleyrand avait-il déclaré d'emblée qu'il ne participerait en rien aux négociations et que les décisions qui seraient prises par le congrès demeureraient autistes aussi longtemps que la Russie, l'Autriche, la Prusse, l'Angleterre n'auraient pas solennellement reconnu l'intangibilité des principes sacrés dont leur religion se réclamait en paroles, mais auxquels ils attribuaient néanmoins leur victoire - le principe de la légitimité des Etats monarchiques et de droit divin, seul fondement inattaquable et céleste des négociations de paix.

C'est cela que Talleyrand leur rappelait maintenant en théologien de leur propre victoire sur la Révolution française, et les alliés avaient été mis de but en blanc devant le vide théologique terrifiant que la France d'un mécréant de génie aurait imposé à leur conscience vaticane si elle s'était proclamée présente corporellement, mais spirituellement absente au nom du sublime chrétien, celui du seul ciel insurpassable, parce que révélé. Du coup, la France vaincue sur la terre s'était vu conviée, au nom du triomphe de Jésus-Christ et de son père dans le ciel, à s'asseoir à la table des grands et à jouer pleinement son rôle de grande puissance au sens d'une religion fondée sur l'incarnation de la vérité divine. La souveraineté inaliénable et céleste des Bourbons retrouvait toute sa place sur la terre. Puis, le diplomate du sacré concluait avec la Prusse, l'Angleterre et l'Autriche une alliance souterraine qui, dans les coulisses de la pièce, faisait de la France le pilote invisible et tout-puissant du Congrès.

M. Alain Juppé n'ayant bénéficié d'aucune initiation anthropologique aux secrets théologiques de la politique mondiale ne dispose pas du recul d'une science des masques sacrés qu'arbore l'humanité, mais dont l'ex-évêque d'Autun, l'abbé Sieyès, Richelieu et Mazarin, faisaient d'instinct un si savant usage; mais le titre de docteur en théologie et en droit canon n'est plus nécessaire pour comprendre que M. Barack Obama s'est nécessairement conformé au type d'ensorcellement de la vie onirique de la politique qui régit l'inconscient religieux d'un empire de confession protestante. C'est donc à ce titre qu'il s'est bien gardé de seulement citer le rôle de la France et de l'Europe dans son discours devant le Congrès du 25 mai 2011, qu'il a entièrement consacré à réserver à son pays et à lui seul la gestion du "printemps arabe" et du conflit du Moyen Orient.

10 - La France et la science théologique de la politique

Et pourtant, en proposant la tenue d'une conférence diplomatique mondiale à Paris, afin de traiter dans la capitale de son pays la conduite d'un univers désormais régi par la foi démocratique, M. Alain Juppé s'est placé en héritier de Talleyrand sur l'échiquier de la planète du sacré d'aujourd'hui ; et il est parvenu à faire accorder non seulement l'existence diplomatique au continent européen sur cette terre, mais il a raflé d'avance et nécessairement une grande partie de la mise ; car il savait bien que M. Benjamin Netanyahou confirmerait roidement le même refus catégorique de son gouvernement de négocier avec le Hamas qu'il avait signifié au monde le 26 mai dans une semonce retentissante au Congrès américain, alors que M. Barack Obama se trouvait en escapade à Londres et à Deauville. Il était donc certain qu'Israël s'enferrerait encore davantage dans son tartuffisme démocratique et que la France en serait renforcée en septembre, en raison du plus grand appui encore de l'opinion internationale dont elle allait bénéficier. A laisser la bride sur le cou à Israël, la décision irrévocable de l'Assemblée générale des Nations Unies de fonder à toute allure un Etat palestinien souverain en serait hâtée et sa légitimité irréfutablement démontrée.

Quant au risque qu'Israël accepterait, même provisoirement et par ruse, une négociation nécessairement sans issue avec deux partenaires rendus définitivement non éjectables l'un et l'autre - les Etats-Unis et l'Europe - M. Alain Juppé savait, comme il est dit plus haut, qu'il s'agirait seulement d'une obstruction de plus de l'Etat juif, de sorte que la notion même de succès ou d'échec diplomatique de la France sur l'échiquier du Moyen Orient prenait d'avance le sens diplomatique exclusif d'imposer notre présence sur la scène internationale. Le blocage ultérieur et prévu des pseudo négociations ne serait jamais qu'un trompe l'œil diplomatique, le seul but réellement poursuivi ayant été pleinement atteint. Tout Ministre des affaires étrangères obéit au premier devoir de servir son pays sur la scène internationale et, ce faisant, de mettre sa vocation au service de la paix du monde - et c'est ce rôle "apostolique" que Talleyrand était parvenu à faire jouer aux Bourbons vingt-six ans après la prise de la Bastille.

Naturellement, si Tel-Aviv s'est donné le luxe de ne pas réserver d'emblée un accueil négatif et glacé à la proposition du Talleyrand français, c'est seulement comme le Quai d'Orsay l'avait prévu jusque dans les détails, parce que le Département d'Etat américain allait fatalement décharger son allié hébreu de cette corvée, ce qui s'est produit dès le lendemain. "Le sort de l'initiative française est scellé à la suite des déclarations de Mme Hillary Clinton en notre faveur" a aussitôt déclaré Tel-Aviv. Mais la problématique réelle dans laquelle M. Alain Juppé a placé l'échiquier de son pays demeurait intact, primo parce que la France s'est installée à la table des négociations et s'y est rendue inamovible, comme en 1815, secundo, parce que l'Amérique demeure paralysée par la feinte naïveté diplomatique, à laquelle le lobby juif la contraint, candeur selon laquelle les parties concernées pourraient décider de se rencontrer en toute innocence sur les lieux, alors que, même dans ce cas, aucun résultat tangible ne saurait en découler, tertio, parce qu'Israël courra fatalement - et pour des raisons psychophysiologiques - vers l'abîme.

- M. Benjamin Netanyahou et l'exercice biblique du droit du plus fort , 5 juin 2011

quarto, parce que le jour viendra où les Palestiniens se mettront tout simplement en marche en direction de leur patrie et sous les yeux admiratifs des cinq continents, quinto, parce que la moitié des Israéliens se sont déjà procuré un second passeport afin de s'assurer un point de chute dans la prochaine diaspora, sexto, parce que la communauté juive américaine s'organise afin de les accueillir.

Certes, des milliers d'Israéliens voient clairement le danger; et ceux-là descendent dans la rue pour demander la cessation de la construction des colonies en Cisjordanie - mais, en 70 après Jésus-Christ, le parti de la paix s'était également et en vain opposé au nationalisme des Zélotes. L'historien Flavius Josèphe, qui faisait partie des "manifestants" de l'époque, n'avait eu la vie sauve que par l'intervention des Romains.

11 - Un nouveau "Connais-toi"

Mais l'on voit que la libération de l'Europe suivra nécessairement un cours parallèle à l'évolution des relations que le monde arabe de demain entretiendra avec les restes ou les ruines d'Israël. D'un côté Washington se trouvera longtemps encore en position d'otage de la communauté juive américaine; puis, les juifs de France se trouveront entraînés à leur tour dans la tourmente. Alors seulement un débat de fond deviendra inévitable concernant la double nationalité de fait dont ils jouissent depuis la création de l'Etat d'Israël en 1947 et qui les a soumis à un déchirement intérieur entièrement nouveau.

Mais paradoxalement, leur schizoïdie est comparable à celle qui frappe toute l'élite intellectuelle et politique de la France depuis 1945, puisque l'aliénation atlantiste se révèle d'une force et d'une constance quasiment égale à celle que l'Allemagne aurait exercée si Hitler avait gagné la guerre. Il ne faut pas oublier que la Gaule est née de l'occupation romaine et que l'inconscient de notre nation en demeure marqué depuis deux mille ans. Aussi le franchissement des obstacles que le Vieux Monde ne manquera pas de rencontrer sur le chemin caillouteux du desserrement progressif de l'étau de sa propre vassalité, ce franchissement, dis-je, dépendra de l'armure cérébrale que la politologie mondiale se sera façonnée à l'écoute d'une anthropologie du sacré.

Il faudra donc approfondir au préalable une science demeurée superficielle, celle de la connaissance des arcanes de l'encéphale politique d'une espèce que son évolution a scindée schizoïde à titre héréditaire. Cela signifie qu'une révolution politique de grande envergure et qui tentera de rendre intelligible l'histoire du XXIe siècle empruntera une fois de plus et nécessairement le chemin d'une révolution proprement cérébrale. Cette nécessité a déjà été expérimentée par deux fois: il a fallu changer radicalement de cosmos pour remplacer les dieux anté-homérique par le casque et la lance de la déesse des philosophes, Athéna, et un second séisme mental s'est révélé indispensable pour substituer aux trônes de droit divin une monarchie non moins flottante et onirique que la précédente, celle d'une raison censée autonome, mais ridiculement supposée majoritaire par nature. Néanmoins, le mythe d'une raison censée inspirée par le souffle para-divin des majorités présente encore de nos jours l'avantage décisif de délégitimer du moins et définitivement tous les ciels antérieurs.

Ce sera la découverte de l'impossibilité psychobiologique d'Israël de jamais renoncer à la vocation messianique, sotériologique et rédemptrice inscrite dans ses gènes - donc l'impossibilité, pour ce peuple, de se confiner un jour dans les frontières étroites et définitives d'un Etat fossilisé par son cadastre, qui contraindra M. Alain Juppé, Mme Clinton, le Hamas, le Fatah et les élites dirigeantes du monde arabe de demain de se demander de ce qu'il en est du cerveau biblique du "bûcheron d'Isaïe".

- M. Benjamin Netanyahou et l'exercice biblique du droit du plus fort, 5 juin 2011

Pourquoi le peuple élu n'est-il sédentarisable que sur la terre mythique qu'il a demandé à son idole de lui accorder?

12 - Une question à poser aux écologistes

Mais c'est dire également que l'Europe de la pensée critique de demain, celle qui sera vouée au décryptage anthropologique de la généalogie des dieux, ne se libèrera de la servitude politique attachée à la tutelle américaine depuis 1945 que si une révolution post cartésienne la conduit à une mutation des mentalités économiques actuelles . Pour l'heure le progrès mondial des techniques ne dépend encore que fort peu de découvertes proprement scientifiques, mais presque exclusivement des conditions économiques de leur accueil ou de leur rejet par telle ou telle société, tellement l'essentiel demeure le jugement que les investisseurs financiers portent sur leur rentabilité immédiate ou à brève échéance.

C'est ainsi que, dès 1945, il aurait été possible de produire l'électricité à usage civil par le moyen de centrales nucléaires infiniment plus économiques que les centrales au charbon ou au fuel. En Allemagne Werner Heisenberg avait refusé d'expérimenter plus avant la désintégration de l'uranium au-delà de ce qu'on appelait la "masse critique". Il était même allé secrètement rassurer le grand Niels Bohr, son premier maître: lui vivant, lui avait-il dit, jamais l'Allemagne de Hitler n'entrerait dans la voie qui aurait fatalement conduit le pays à remettre une arme atomique entre les mains d'un dictateur. Aussi les savants allemands de bonne foi qui l'entouraient avaient-ils été stupéfiés et terrifiés par l'explosion d'Hiroshima, qui leur démontrait qu'une démocratie dûment évangélisée par ses idéalités avait fait froidement le choix militaire inverse du leur. On sait que, depuis lors, la démocratie séraphique et la tyrannie cynique se partagent la même arme, comme Bunuel l'avait prédit avant tout le monde. Mais il aura fallu attendre le choc pétrolier de 1977 pour que l'Europe se convertît massivement à l'exploitation industrielle d'un type de domestication pacifique de l'atome devenu impératif pour des motifs exclusivement économiques.

Ce n'est pas le lieu d'évoquer plus avant et en historien de l'atome un aspect de la question devenu anachronique aux yeux des physiciens d'aujourd'hui. Je m'excuse de renvoyer mes lecteurs que le sujet intéresserait aux trente deux colonnes que j'ai bien modestement consacrées dans l'Encyclopedia Universalis de 1972 à exposer ma philosophie de la physique mathématique et ma définition de la notion, alors demeurée inconsciemment théologique, de "loi naturelle", puisque mes vues de l'époque sont aujourd'hui unanimement partagées par la communauté scientifique internationale.

Voir : - Science et philosophie, (Encyclopaedia Universalis) 1974

13 - Une option nouvelle

Mais aujourd'hui, un nouveau tournant a été pris : la Suisse et l'Allemagne ont décidé les premières de renoncer progressivement à exploiter la désintégration de l'uranium enrichi et la majorité des Français a tout de suite fait le même choix, parce que le danger, premièrement, d'exposer la planète à des catastrophes comme celles de Tchernobyl ou de Fukushima, secondement, l'imprudence d'accumuler une masse immense de déchets qui demeureront radioactifs pendant des siècles, ces deux périls, dis-je, placent la science mondiale à une nouvelle croisée des chemins. Ou bien un consortium de banquiers et d'industriels incultes domineront les institutions des démocraties modernes et l'encéphale sous-informé des classes dirigeantes, pour ne rien dire des députés attentifs seulement à assurer leur réélection et cette ploutocratie réduite à quelques têtes imposera aux Etats la mise en service de centrales nucléaires au seul bénéfice de leurs intérêts financiers à court terme - ou bien, on recourra avec des mines d'écologistes en prières à la fabrications d'éoliennes et de panneaux solaires, alors que tous les physiciens de la planète savent fort bien qu'il serait possible de produire de l'électricité à un prix de revient sans concurrence par le simple recours à la mise sous pression de la vapeur d'eau qui permettait aux locomotives d'autrefois de tracter des milliers de tonnes à une vitesse qui, en Angleterre, s'était élevée à deux cents kilomètres à l'heure dès 1937.

Mais faute d'une philosophie démythifiée et désacralisée de la théorie physique, toute la communauté savante demeurera fascinée par la découverte des ultimes secrets de l'atome; et elle éprouverait le sentiment d'une régression technologique inacceptable si elle revenait à la vapeur d'eau des ancêtres. Et pourtant, les faits sont aussi simples qu'irréfutables: si vous chauffez de l'eau à l'aide d'une source d'énergie dont la consommation obéira à une simple progression arithmétique - celle de l'énergie électrique produite par le réseau civil - alors que l'énergie accumulée par l'augmentation immense de la pression de l'eau vaporisée sera géométrique, donc exponentielle, vous produirez une puissance incalculable par nature. Qui peut soutenir que si dix tonnes d'eau portées à ébullition par la combustion du charbon dans des réservoirs étanches suffisent à produire l'énergie fantastique dont usaient les locomotives du XIXe siècle, cinq cents tonnes ou davantage vaporisées par le courant électrique dans des cuves d'acier cent fois plus résistantes que celles des machines à vapeur ne produiraient pas une énergie incalculable? Comparez seulement l'énergie produite par l'explosion continue de l'essence dans le moteur de votre voiture avec celle de l'étincelle électrique microscopique qui la déclenche et vous obtiendrez une relation mathématique encore calculable, donc inférieure à celle, infinie, de la vapeur mise sous pression dans d'immenses centrales hydrauliques. Il faut donc que vous considériez cette dernière comme une manière d'explosion ralentie, persévérante et d'une puissance illimitée.

14 - Le prurit de la frustration technologique

Quant à la prétendue régression vers un obscurantisme technologique, l'assemblage sur des lieux appropriés des pièces les plus pesantes de gigantesques réservoirs d'acier dans lesquels la pression de la vapeur dépassera des centaines de fois celle des réservoirs tubulaires des locomotives à vapeur des XIXe et XXe siècle, elle exigera un savoir-faire à acquérir. De plus il faudra recueillir la vapeur sous pression au sortir des turbines et la condenser afin de disposer continument d'eau bouillante à réinjecter dans les cuves afin de limiter au maximum la consommation de l'eau et de maintenir la masse de la vapeur à un niveau de compression relativement constant. Mais qui ne voit que la quantité d'électricité produite demeurera nécessairement proportionnelle à la simple résistance des cuves, ce qui donnera aux centrales à vapeur un avenir dont on ne voit pas les limites. On a oublié que le XIXe siècle a découvert la première énergie mécanique infinie, donc supérieure à la puissance de l'explosion atomique elle-même.

- Modestes propositions post-nucléaires, 20 mars 2011

- Un meurtre d'Etat,L'assassinat d'Oussama Ben Laden, 15 mai 2011

- Civilisation et raison, L'Europe des dieux morts, 13 mars 2011

Aussi la vapeur sous pression n'a-t-elle été abandonnée que pour des motivations économiques erronées: l'invention du moteur électrique a fait croire à tort que la production de l'électricité serait rendue presque gratuite et à jamais par l'exploitation d'immenses barrages hydrauliques dont la rentabilité compenserait rapidement le coût exorbitant à première vue de l'électrification du réseau ferroviaire mondial. Mais les barrages n'ont bientôt plus suffi à satisfaire les besoins sans limites de la consommation civile; et si la terreur nucléaire fait danser le monde sur un volcan, il faudra bien se décider pour une solution moins dispendieuse que le vent et le soleil, qui quadruplent le prix de revient du nucléaire. Une fois de plus, ce sera l'économie qui fera entendre raison à la civilisation dite de la raison. Aussi tout cela s'est-il d'ores et déjà déclenché, tout cela est-il en marche, tout cela va-t-il son chemin, simplement, parce que la sortie du sommeil de quatre cent millions d'Arabes rend parallèle le désassujettissement politique de l'Europe et le désassujettissement des peuples d'Allah.

Publié le 12 juin 2011 avec l'aimable autorisation de Manuel de Diéguez

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Source : Manuel de Diéguez
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