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Comment enseigner sa souveraineté au citoyen (2)

Le discours interdit
Manuel de Diéguez


Manuel de Diéguez

Dimanche 11 décembre 2011

Préambule

Où le peuple français, en apprentissage de sa souveraineté politique, découvre les secrets du bon sens, s'initie à la tromperie bancaire, découvre les arcanes de l'énergie nucléaire, se fait spectateur et prophète des cataclysmes économiques à venir.


1 - L'économie de luxe et l'économie de masse
2 - L'école du génie
3 - Le long chemin de la dévassalisation
4 - Le nucléaire
5 - Votre bon sens à l'épreuve de la scolastique
6 - Le génie de la logique
7 - M. Nicolas Sarkozy et M. Barack Obama au banc d'essai de l'anthropologie critique
8 - Les polichinelles de la démocratie
9 - Et nous ?

1 - L'économie de luxe et l'économie de masse

Comme M. Giscard d'Estaing vous le disait à propos du grippage socialiste, , apprenez pour quelles raisons le capitalisme, "ça ne marche pas" non plus; et pour cela, souvenez-vous seulement de ce que ce système économique est un fruit tardif, parce que sa nature même repose sur la fabrication et la vente d'objets de luxe que seules les civilisations somptueuses parviennent à produire. Dans l'Antiquité, Corinthe était devenue l'entrepôt des richesses de l'Asie et de l'Europe. On y voyait s'étaler les rouleaux de papyrus et les voilures des vaisseaux en provenance d'Egypte, l'ivoire importé de la Libye, les cuivres de Cyrène, l'encens de la Syrie, les dattes de la Phénicie, les tapis de Carthage, les fromages de Syracuse, les poires et les pommes de l'Eubée, les esclaves précieux de Phrygie et de Thessalie. La parure vestimentaire était réservée aux cérémonies solennelles en l'honneur des dieux; puis il s'est étendu aux tenues d'apparat des femmes, dont Rome a combattu l'inconvenance par la promulgation de lois dites somptuaires, parce que le luxe tapageur des parvenus est contraire à la simplicité des mœurs et au comportement modeste qui convient aux gouvernements issus de votre autorité. L'étalage du faste est une insulte aux peuples, tellement la liberté politique est née au sein de votre pauvreté.

Souvenez-vous de ce qu'au XVIIe siècle, les tapisseries des Gobelins, les porcelaines de Limoges, les verres de Saint Gobain, ont donné au capitalisme français naissant le fondement rutilant de la séparation multimillénaire entre la souveraineté de l'aristocratie et la misère des peuples dont l'Orient, l'Egypte, Athènes et Rome avaient donné l'exemple. Ce n'est qu'au XVIIIe siècle qu'on a entendu les encyclopédistes appeler la France des patriciens guerriers et des négociants de luxe à fonder l'économie sur votre aisance alimentaire et à substituer votre richesse paysanne à celle des grands par le commerce international des grains, à l'exemple de l'Angleterre. Mais, de nos jours encore, ce n'est pas la poule au pot d'Henri IV, mais l'industrie de luxe et de demi-luxe qui demeurent des oasis industrielles florissantes au sein de la stagnation économique mondiale, et cela du simple fait que la prospérité des groupes Arnaud ou Hermès ne requiert pas davantage une absorption de leurs produits par le peuple que dans l'Antiquité - je vous rappelle que, dans l'Europe actuelle fondée sur la "croissance ", 10% des possédants disposent de 50% de la richesse financière et industrielle du pays.

Au cours des XVIIIe et XIXe siècle, la production mécanisée des biens de consommation les plus courants a donc rendu contradictoire le fondement même d'un capitalisme fondé sur l'impossibilité logique de jamais vendre du matin au soir des biens fongibles et d'un usage courant à des acheteurs que la loi du profit a privés d'un numéraire équivalent à la valeur d'achat des produits fabriqués à la chaîne - valeur monétaire pudiquement assortie, il va sans dire, de l'escarcelle gloutonne qu'on appelle maintenant la "marge bénéficiaire". Un capitalisme sans écus sonnants et trébuchants est un carré rond.

Quand, vers 1930, le marché de l'industrie automobile américaine s'est hyper automatisé et s'est trouvé coté en une bourse qui n'était pas la vôtre, le capitalisme élitaire s'est trouvé dans l'obligation de choisir entre une mévente et un bradage également suicidaires; mais comment écouler des carrosses motorisés à votre multitude impécunieuse? Il a donc fallu se décider à vous fournir un crédit bancaire artificiel et condamné à mourir en bas âge, afin de tenter de rentabiliser vos maigres salaires par une astuce de courte durée; mais, naturellement, sitôt que votre brève faculté d'emprunter des sous et d'acheter des biens durables eut rencontré son terme naturel dans votre obligation de vous nourrir, vos estomacs n'ont pas tardé à crier famine. L'ogre du profit commercial a révélé la mortalité de sa condition, parce qu'il s'est heurté à la contradiction radicale sur laquelle sa fausse longévité est construite et sur laquelle il est inévitablement appelé à se casser les dents. Lorsque le pactole éphémère de votre pouvoir d'achat illusoire eut conduit à l'avortement cataclysmique de toute la fiction économique vous vous êtes dit: "Comment remplir le porte-monnaie des salariés du cyclope".

2 - L'école du génie

Dites-vous bien que le naufrage programmé du capitalisme de masse était trop titanesque pour échapper à l'œil de lynx des Draghi, Monti, Papademos, Christodoulos, Issing, O'Neil, Sutherland, Borges, Miert et tutti quanti: du reste, la marche fatale vers le désastre a été exposée tout au long et enseignée ex cathedra à des générations d'étudiants pendant toute la seconde guerre mondiale et jusqu'en 1974 par un célèbre économiste français, Firmin Oulès (1904-1992). Tous les spécialistes de l'histoire du capitalisme connaissent l'Ecole de Lausanne, fondée par Léon Valras et Wilfredo Pareto sous Mussolini et que Firmin Oulès a continuée sous l'appellation, alors révolutionnaire de "Nouvelle école de Lausanne".

Oulès n'était pas de gauche - il enseignait seulement que l'économie mondiale est nécessairement fondée sur un appétit effréné et inassouvissable du gain, donc sur l'esprit de lucre blasonné du bourgeois et qu'il faut donc tenter de contrôler ces forbans-nés à votre avantage. Ce prophète moderne croyait en un capitalisme dont le peuple souverain aurait affaibli l'immoralité naturelle de ses ressorts; et il allait jusqu'à expliquer dans le détail et la bouche en cœur à ses étudiants les procédés d'une fourberie exemplaire, celle à laquelle les conseils d'administration des entreprises nationales et internationales ont recours afin de voler en douce la masse des petits actionnaires sans défense. A l'oral de l'examen des candidats à la licence ès sciences politiques et économiques, c'était au grand dam du reste du corps professoral bien pensant de l'université de Lausanne qu'il interrogeait les candidats sur les rouages les plus pervers et les mieux cachés du système économique mondial de l'époque. Son dernier titre paru à titre posthume, en 1993, est éloquent: Une fiscalité intelligente pour demain.

Mais n'allez pas vous imaginer que, soixante-dix ans plus tard, les économistes dûment préconditionnés par l'enseignement universitaire officiel et engagés à titre professionnel par la banque Goldman Sachs abandonneront jamais au profit de la "Nouvelle école de Lausanne", la meule traditionnelle qui lime leur faux savoir et pilote l' échiquier mental qu'ils cachent à votre regard. Si vous n'apprenez à porter un regard d'anthropologues sur les secrets du cerveau simiohumain d'aujourd'hui, vous ne saurez jamais comment les dogmes et les orthodoxies s'enracinent dans la psychobiologie de notre espèce et comment nos neurones sécrètent nos armures cérébrales. Comment demanderiez-vous aux descendants actuels des tables de jeu théologiques de l'humanité d'inaugurer soudainement les méthodes d'interprétation nouvelles que la simianthropologie politique applique aux stratifications doctrinales du sacré, lesquelles transmettent de génération en génération le culte d'une grâce divine tenue tantôt pour innée et tantôt pour achetée.

Or, l'économie moderne s'auto-légitime sur le même modèle que l'Eglise romaine enseigne sa foi : le capitalisme est censé ménager la souveraineté gratuite d'une "main invisible du marché" d'un côté, donc l'omnipotence du créateur auto-légitimé d'un univers de la prospérité générale et, de l'autre, calculer de près la juste rémunération de ses efforts que la créature vertueuse réclame aux guichets du ciel de la démocratie.

3 - Le long chemin de la dévassalisation

Jusqu'à présent, vos classes dirigeantes se montraient relativement à la hauteur de leurs responsabilités de défenseurs compétents de vos seuls intérêts nationaux. Mais maintenant qu'elles se sont disqualifiées dans l'ordre de l'intelligence et des savoirs que réclame notre époque, votre élite politique ressemble à celle du XVe siècle, dont l'ignorance s'était prolongée jusqu'à la fin du XVIIIe siècle. C'est à vous qu'il appartient désormais de vous mettre en apprentissage des devoirs mondiaux que votre souveraineté nouvelle vous appelle à honorer. Pour cela, vous devez hisser votre esprit de logique à la hauteur d'un autre regard sur la planète. Mais ne croyez pas que les lumières dont bénéficiera votre intelligence future de la politique vous feront franchir les saines frontières que votre bon sens naturel continuera de tracer. Vous retiendrez donc la leçon du vainqueur d'Austerlitz, qui disait que le génie n'est jamais qu'un "formidable bon sens". Quand vous aurez appris que votre sens rassis est le moteur du génie de la France, votre souveraineté intérieure se mettra aisément à l'école de Platon, de Descartes, de Montaigne et des plus grands esprits de vos diverses nations.

Si vous vous mettez à l'école des géants de l'humanité, vous assisterez en outre au lever de rideau d'une étrange pièce de théâtre, celle des moqueries dont on accable l'infime grain de raison qu'on accepte de vous concéder. Il y a un an encore, M. Strauss-Kahn vous mettait aux premières loges et vous prenait à témoins sur le petit écran de ce qu'un seul pas de plus de la France vers l'atlantisme ferait de vous des vassaux de la Maison Blanche. Quelques mois plus tard, c'étaient quatre sionistes - MM. Fabius, Elkabasch, Cohn-Bendit et Fottorino - qui, en moins de trois semaines, et sous vos yeux médusés mettaient sur orbite présidentielle ce candidat d'un petit Etat étranger et de son puissant allié d'outre-Atlantique.

Autrefois, M. Bernard Guetta vous murmurait à l'oreille que la vassalité de l'Europe n'était qu'une suite fatale du plan Marshall de 1947, parce que, vous disait-il, un continent secouru et nourri avec tant de sollicitude se laissera inévitablement domestiquer en retour. Aujourd'hui, le même commentateur demande à la Russie de s'allier gentiment à une Allemagne et à une Europe vassalisées en commun et à titre irréversible. Vous n'entendrez pas un mot de la fureur légitime de Moscou placée sous le feu du nouveau bouclier nucléaire américain installé au cœur d'une Europe réduite à la passivité, vous n'entendrez pas un mot de l'occupation militaire, depuis 1945 de l'Allemagne, de l'Italie et du Japon par des centaines de bases militaires américaines, vous n'entendrez pas un mot de la bouche de votre classe dirigeante concernant le quartier général de l'armée américaine à Mons en Belgique. Comme disait M. Védrine condamnant M. Assange, vous êtes des enfants en bas âge et l'on ne parle pas des affaires sérieuses du monde aux marmots.

Voyez comme on vous vassalise à l'école du silence dans lequel vous vous trouvez immergés, voyez comme le Corriere della Serra ou La Reppublica ont appris à se taire, elles qui, hier encore, rappelaient inlassablement au peuple italien l'extension continue et irrépressible des garnisons américaines sur le territoire de la Péninsule. Quel long chemin il vous faudra parcourir pour ouvrir les yeux sur le conquérant silencieux qui vous vassalise depuis soixante six ans!

4 - Le nucléaire

Vous aurez également le plus grand besoin de la souveraineté du bon sens qui inspire le génie des peuples libres quand il vous faudra porter vos regards sur le gigantesque attrape-nigaud sur lequel repose la production de votre électricité avec le secours de l' énergie nucléaire civile. Cette fois-ci, on vous demande, ni vu, ni connu, d'oublier jusqu'aux fondements de la physique élémentaire qu'on vous a pourtant enseignée sur les bancs des écoles de la République. Mais cette interdiction se trouve également imposée à la docilité scientifique de tous les physiciens de la planète. Ce n'est plus la théologie du Moyen Age, mais l'industrie capitaliste qui les vassalise.

On vous avait appris qu'au XIXe siècle, l'humanité a découvert la première force illimitée, celle de la vapeur d'eau mise sous pression par son ébullition dans une marmite au couvercle vissé. On vous avait également enseigné que ce n'était pas l'énergie calorifique produite par la combustion du charbon des locomotives qui leur permettait de tirer sur des rails des milliers de tonnes à plus de cent vingt kilomètres à l'heure, mais exclusivement la mécanique ingénieuse et d'une précision admirable pour l'époque qui avait permis à vos ingénieurs de capter l'énergie fabuleuse de la vapeur comprimée dans la chaudière des Lisons de Zola. Mais savez-vous que cette évidence n'a pas tardé à s'imposer aux centrales électriques les plus modernes, puisque l'énergie de la vapeur captive de gigantesques réservoirs d'acier assure la production d'électricité de vos nombreuses centrales à gaz, dont la plupart sont dotées en outre d'un mécanisme fort simple de récupération et de réinjection dans la chaudière de la vapeur refroidie après son passage par les turbines - il s'agit d'une mesure d'économie, celle d'alimenter sans cesse un cycle de condensation et de vaporisation de l'eau afin d'éviter un réapprovisionnement en H²O en provenance de l'extérieur.

Il vous suffira donc d'apprendre qu'une centrale nucléaire est une machine industrielle qui transforme en électricité une portion de la chaleur produite par la fission du noyau atomique, il vous suffira donc de savoir qu'on appelle " turbine à vapeur" une hélice dont la rotation se trouve accouplée à un alternateur. On appelle "énergie cinétique", du grec kiné, mouvement, un courant électrique engendré par les pales de l'hélice des turbines.

5 - Votre bon sens à l'épreuve et de la scolastique des modernes

Mais voyez où le génie du bon sens conduit la logique innée que la France a apprise de Descartes, lequel, le premier a délivré la philosophie mondiale de son temps des fables, des coutumes, des traditions et des mythes et dont la France s'est bien gardée de commémorer le cinq centième anniversaire de la naissance en 1596, tellement la logique de l'auteur du Discours de la méthode fait peur à vos dirigeants. Car depuis la catastrophe de Fukushima au Japon, vous vous étonnez à bon droit de ce qu'on tente désespérément et le plus illogiquement du monde de recourir à des moyens mécaniques plus onéreux que le nucléaire, afin de se procurer une énergie électrique hors de prix - éoliennes, exploitation des marées, énergie solaire - alors que le réacteur nucléaire baptisé "de la troisième génération", dont vous savez qu'il se trouve en cours de construction à Flamanville, se fonde à son tour sur le principe élémentaire de l'exploitation de la pression infinie qu'exerce la vapeur, donc sur le branchement de la source calorigène la moins chère , celle de l'atome civil, sur une gigantesque masse d'eau soumise à une compression titanesque et au contrôle de son ébullition, donc sur le modèle des locomotives des XIXe et XXe siècles.

Quel est le syllogisme que vous dicte la logique cartésienne du génie de la mécanique? D'un côté, le bon sens de la France vous met à l'école des premiers chemins de fer, de l'autre, il vous démontre la surdité de la scolastique dont use la classe dirigeante des démocraties industrialisées. Je vous entends raisonner: l'énergie dégagée par la mise sous une pression cyclopéenne de la masse liquide à vaporiser pourrait tout aussi bien se trouver accumulée à très bas prix : il suffirait, pour cela, de brancher la masse d'eau à chauffer sur le réseau civil, afin de déclencher une production de l'énergie électrique en circuit fermé, à la manière dont des millions d'étincelles imperceptibles de la batterie électrique des automobiles sans cesse réalimentées par le moteur à explosion, permettent d'exploiter un carburant dont la puissance énergétique dormante, donc virtuelle et liée à son cubage, demeurera sans proportions avec la dépense initiale.

On ne trouvera nulle part un combustible moins cher que l'électricité obtenue par une ponction de l'énergie immense produite par la compression de la vapeur dans la chaudière, parce que l'écart demeurera incalculable entre la quantité d'énergie soustraite à la chaudière et celle de la vaporisation, de l'autre. Tout l'effort des techniciens devrait donc porter exclusivement sur la fabrication de chaudières d'acier dont la résistance des parois à la pression de la vapeur serait des centaines de fois supérieure à celle des locomotives les plus robustes des XIXe et XXe siècles.

- Modestes propositions post-nucléaires, 20 mars 2011

- Un meurtre d'Etat,L'assassinat d'Oussama Ben Laden, 15 mai 2011

- Civilisation et raison, L'Europe des dieux morts, 13 mars 2011

6 - Le génie de la logique

Citoyen, je ne te donne un exemple aussi politique que parce qu'il est hilarant au premier chef, donc de nature à te démontrer combien il en coûte de se moquer de ton bon sens inné et à quel prix on t'interdit d'entrer dans le temple de la raison et de la logique qui seules donneraient son poids à la souveraineté de l' intelligence qui t'attend. Observe de tes yeux les causes qui fondent la tyrannie sur le mensonge. Les Anciens disaient que la loi est un palmier, que l'humanité placée sous son ombre s'y repose et que le despote est un arbre planté sur une montagne et autour duquel on ne voit que des vautours et des serpents.

Mais le despotisme moderne a fait de ton ignorance et du silence qui la nourrit les vautours de la démocratie ; et ces vautours, ce n'est pas le foie de Prométhée qu'ils dévorent, mais le cerveau de la France. A l'heure du premier choc pétrolier, on a construit des usines nucléaires civiles dans la fierté de posséder le nucléaire militaire. Et maintenant on recourt aux éoliennes et aux marées, afin de te cacher que, depuis le début, on aurait pu te procurer des mégawatts par une rentabilisation peu coûteuse de l'énergie qu'on avait déjà - celle des centrales à vapeur auxquelles on revient, mais par le chemin le plus onéreux possible.

Mais tu n'imagines pas que, parmi les centaines d'ingénieurs et de physiciens, chevronnés auxquels nos grandes écoles accordent chaque année leur patente sur le marché, on ne compterait que des enfants de chœur de la physique élémentaire, et cela au point qu'aucun d'entre eux ne s'apercevrait seulement de l'absurdité que serait un branchement des réacteurs nucléaires civils sur des chaudières à vapeur si le surcroît fabuleux d'énergie électrique produite par les turbines ne multipliait à l'infini la puissance initiale, pourtant considérable, dégagée par la désintégration contrôlée de l'uranium enrichi, autrement dit, si la force liée à la compression de l'eau vaporisée n'excédait pas immensément celle de l'exploitation de la "masse critique" de la matière fissile, laquelle assure pourtant la propulsion nucléaire des plus gigantesques porte-avions et donne, pour la première fois un rayon d'action illimité aux cuirassés. Vous devez donc en conclure que l'industrie capitaliste mondiale ne se moque pas seulement de votre irréflexion sur les rudiments de la physique qu'on vous a enseignée à l'école, mais qu'elle obtient également le silence apeuré des représentants les plus qualifiés du savoir scientifique banalisé, fonctionnarisé et salarié.

Mais la marche irrésistible de la raison scientifique dans l'histoire du monde accompagne pas à pas la conquête, si lente et si difficile, de votre souveraineté cérébrale, celle que la constitution française vous a pleinement accordée il y a plus de deux siècles et qui, pour l'instant, demeure largement enfouie, donc formelle et vide de sens politique. Patience, demain, le chômage atteindra des sommets, demain la production industrielle de la France se réduira à zéro, demain, les prix connaitront une inflation foudroyante, demain, l'effondrement du système économique et financier sur ses contradictions internes bouleversera la gouvernance actuelle de la planète. Quand MM. Monti, Draghi, Papademos vous auront précipités dans la misère par grandes pelletées au profit du marché et des Etats au ventre rebondi, la lumière la plus crue éclairera la sûre ascension de votre souveraineté politique, tellement le chemin de la méthode n'est jamais autre que la trajectoire de la logique et tellement la logique est le ressort naturel du vrai génie des peuples et des nations d'hier, d'aujourd'hui et de demain.

7 - M. Nicolas Sarkozy et M. Barack Obama au banc d'essai de l'anthropologie critique

Tentons maintenant d'observer en commun les obstacles que vous rencontrerez fatalement sur votre route sitôt que vous aurez la volonté de fonder un Etat plus démocratique que celui d'aujourd'hui, donc sitôt que votre courage politique ira jusqu'à donner à votre souveraineté le sens et le contenu rationnels que toutes les républiques appellent de leurs vœux depuis plus de vingt-cinq siècles. Ouvrez seulement le manuel scolaire des débutants qui se trouve entre vos mains et lisez-y le dialogue suivant dont vous savez qu'il a été enregistré en secret par des micros-pirates entre M. Nicolas Sarkozy et M. Barack Obama à l'occasion d'une rencontre internationale aussi tapageuse que stérile - celle qui a réuni les vingt plus grandes puissances du monde à Cannes les 11 et 12 octobre 2011:

- Nicolas Sarkozy : Je ne supporte plus Benjamin Netanyahou, c'est un menteur.

- Barack Obama : Et moi, je l'ai sur le dos tous les jours.

Que vous enseignera le décryptage anthropologique de cet échange entre deux esprits municipaux délégués aux affaires de la démocratie mondiale? Primo, vous ne serez pas surpris d'apprendre que M. Nicolas Sarkozy ignore le premier mot de la question, à savoir qu'Israël a placé le général Jahvé à la tête de sa sotériologie rédemptrice. Cette mythologie est fort ancienne, mais elle appelle la politologie moderne à élaborer une science de l'inconscient simiohumain qui pilote les eschatologies délirantes. M. Benjamin Netanyahou n'est pas un menteur au petit pied; sinon, l'enfant de chœur de la politique qui, en 1938, aurait dit: "Je ne supporte plus Hitler, il m'a menti sur les Sudètes et sur Danzig" n'aurait pas mérité le bonnet d'âne, parce que la politique internationale se réduirait effectivement à un brouet électoral à enseigner sur les bancs de l'école.

Mais Hitler était un menteur si peu ordinaire que la pureté de la race aryenne alimentait le feu de sa folie. S'il mentait, le pauvre, c'était sur le modèle peu banal des chrétiens, qui s'imaginent, le plus sincèrement du monde, consommer effectivement la chair crue et saignante d'un ressuscité couché sur l'autel et boire son hémoglobine mise en flacon à la messe. Qu'est-ce qu'un chef d'Etat dont la raison politique ne sait pas un iota du fonctionnement onirique du cerveau des pithécanthropes, qu'est-ce qu'un Président de la République qui n'a pas en mains la balance nouvelle qui seule lui permettrait de peser la folie "de bécarre et de bémol", comme disait Rabelais, des descendants actuels du chimpanzé?

8 - Les polichinelles de la démocratie

Quant à M. Barack Obama, il avoue, sans seulement s'en douter, que le Président actuel des Etats-Unis d'Amérique, ce n'est pas lui, mais M. Benjamin Netanyahou. C'est pourquoi il demande en toute candeur à M. Nicolas Sarkozy de lui rendre en retour le discret service de voter quelques jours plus tard, aux Nations Unies, contre l'élévation de la Palestine au rang d'un Etat souverain. Cet innocent aux mains pleines a-t-il confessé à son interlocuteur français que le Congrès mettra un terme définitif aux relations de l'Amérique avec les représentants du peuple palestinien si ceux-ci se réconciliaient avec un Hamas que la conscience mondiale déclare illégitime, bien qu'il ait gagné des élections démocratiques ? Aurait-il glissé à l'oreille de l'hôte de l'Elysée que tout candidat du peuple américain à son élection au Sénat ou à la Chambre des représentants doit signer entre les mains du groupe de pression AIPAC, composé exclusivement de juifs du pays, l'engagement édifiant de défendre en toutes circonstances l'expansion par la force des armes d'Israël au Moyen Orient? Lui a-t-il remis en mémoire que M. Netanyahou s'est fait applaudir à tout rompre cinquante sept fois d'affilée et en ovations debout par le Congrès - c'est-à-dire par le Sénat et la Chambre des Représentants réunis - au cours d'un discours solennel et exclusivement consacré à la politique étrangère des Etats-Unis à l'égard d'Israël? Lui a-t-il rappelé que ce petit chef d'Etat a prononcé cette algarade au nez et à la barbe de son hôte? Savez-vous que l'AIPAC est le souverain in partibus des Etats-Unis et qu'il envoie, de sa propre autorité, des délégations aux chefs d'Etat étrangers en lieu et place du Président? Savez-vous que ce lobby double effrontément et pas à pas un Département d'Etat mis sous tutelle sur la scène internationale au vu et au su d'une mappemonde réduite à un silence craintif? Savez-vous que le Président de la Tunisie, M. Moncef Marzouki, a eu l'audace inouïe de refuser une intrusion aussi spectaculaire dans la politique extérieure de la Tunisie et que le monde est demeuré à la fois abasourdi d'une telle indépendance d'esprit et inquiet des châtiments qui l'en puniront?

Sachez donc que le quarante quatrième successeur d'Abraham Lincoln ne se risque plus à lever le petit doigt dans le monde arabe, sachez que Washington et Tel-Aviv ont déjà mis au service d'Israël la légitime insurrection du peuple syrien contre son dictateur et cela avec la complicité de la Turquie et de la France; sachez qu'à votre exemple, le peuple turc bouillonne de colère et que le printemps arabe ne sera pas étouffé par le retournement de veste de M. Erdogan, mais qu'il en recevra, tout au contraire, un second souffle, sachez que M. Barack Obama se trouve contraint, aux yeux du monde entier, de servir les intérêts d'un pays étranger au détriment de ceux du peuple américain, sachez que cette ombre de Président doit combattre les vues de sa propre patrie sur tout le globe terrestre, sachez que cette marionnette ne sera peut-être pas réélue, parce que si elle l'était, elle ne serait plus contrôlable heure par heure par l'Etat d'Israël, sachez que, dans les coulisses, on met sur les rails une Mme Clinton entièrement entre les mains d'Israël.

9 - Et nous ?

Quand cet Etat bombarde notre consulat à Gaza, quand notre consul, sa femme et ses enfants sont blessés, l'entourage sioniste du chef de l'Etat se hâte de faire publier à un Quai d'Orsay vassalisé un communiqué lénifiant et qui répète seulement le soutien inconditionnel de la France à une "sécurité d'Israël" que personne ne menace par les armes; et notre représentant diplomatique devient un simple civil à protéger du bout des lèvres. Il faudra vingt-quatre heures à M. Alain Juppé pour reprendre quelque peu la main sur ses propres services et pour convoquer l'ambassadeur d'Israël. Mais que de combats vous attendent si vous entendez donner un sens et un contenu politiques à la souveraineté rêvée du peuple français sur la scène internationale!

On reproche à l'Egypte une armée cousue d'or, on reproche à la Grèce son clergé de ventrus du ciel, on reproche à l'Arabie Saoudite ses prières, sa lecture littérale du Coran et ses femmes ensevelies sous leurs housses. Mais un continent européen rendu passif et sur le territoire duquel un empire étranger brandit ses missiles contre un ennemi imaginaire est-il digne de toréer dans l'arène du monde qu'on appelle l'histoire?

Sachez, Français, Françaises que, depuis soixante ans le Vieux Monde est dirigé par des esclaves de l'étranger et que le jour approche à grands pas où l'éthique politique de votre démocratie vassalisée vous ordonnera de citer les valets que vous avez élus à comparaître devant le tribunal de la souveraineté que vous aurez conquise sur l'ignorance et la peur , parce que, pour tout chef d'Etat européen, le seul fait d'accepter, par une usurpation rampante de votre identité et au titre d'un fait irréversible la domination mondiale conjointe de l' empire américain et d'Israël ressortit au crime de haute trahison à l'égard de votre citoyenneté.

Je vous donne rendez-vous le 18 décembre pour vous entretenir de votre cerveau de demain.

11 décembre 2011

Reçu de l'auteur pour publication

 

 

   

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Source : Manuel de Diéguez
http://www.dieguez-philosophe.com/

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