C'est l'heure que
quelques esprits choisissent pour élever leur raison au rang de
vigie du ciel des uns et des autres et pour rappeler notre
langage à ses devoirs de sentinelle de la vérité, c'est l'heure
où la magistrature des serviteurs de notre intelligence
politique se voit appelée comme jamais à présider le tribunal de
la mémoire du monde. Pour cela, il faudra lui enseigner à
séparer les lois du temps des nations des vaines péripéties qui
égrènent la course des flots. L'Océan est un roi séparé de la
houle qui ride seulement la surface de ses eaux, l'Océan se rit
des tempêtes qui démâtent les vaisseaux, l'Océan ignore les
voiles que le sourire de son roulis suffit à déchirer.
En tout premier lieu, il faut savoir que
l'humanité grouille de cerveaux protégés des caprices du vent et
solidement meublés. On recrutera les esprits sans cesse en
partance pour des destinations inconnues et avides de suivre des
chemins périlleux. En revanche, l'encéphale collectif de notre
espèce est lent, lourd et sommeilleux. Pour déplacer cet organe
et le rendre quelque peu prospectif, il faut des lustres et
quelquefois des générations. Tous nos efforts pour le mouvoir,
même sur de faibles distances, mais sur des routes peu
fréquentées demeureront vains. Au XIXe siècle, quelques boîtes
osseuses plus lucides que celles des foules , mais encore mal
outillées, ont remarqué qu'il était impossible de rassembler les
multitudes dans de vastes ateliers. Mais comme les remèdes aux
malheurs de ce pachyderme étaient empruntés aux recettes de
quatre évangélistes, qui avaient pourtant averti les
consommateurs que leur thérapeutique trop honnête exigeait une
métamorphose préalable et radicale de leur nature, le cerveau
collectif des médicastres du salut a négligé cette prescription,
de sorte que les élixirs d'un ciel naïf se sont changés en
utopies sanglantes.
Mais il a fallu soixante dix-ans aux croisés
de leur propre candeur pour apercevoir les fissures qui
lézardaient leur saint édifice ; et l'on attendit que leur
église tombât dans les crimes attachés aux orthodoxies pour que
la démence de leur inquisition devînt visible au globe oculaire
du clergé d'un vaste songe. Mais les rétines des survivants de
cette pharmacologie en ont conclu qu'elles détenaient les clés
de l'histoire véritable du genre humain et de ses déconvenues
sous le soleil: il fallait revenir, disaient-elles à l'Eden
capitaliste qui avait précédé la catastrophe des apothicaires de
la vertu; et comme le sauvetage de l'or et des écus en tas ne
résultait nullement des perfections du paradis des marchands,
mais seulement des maladies plus inguérissables encore dont les
cités idéales sont frappées par leur commerce, il devenait
indispensable de travailler à la guérison des infirmités dont
souffre l'encéphale des évadés de la zoologie.
2 - La Liberté
Alors un furoncle
immense est apparu au Moyen Orient, alors un cancer galopant a
commencé de dévorer le cœur du genre simiohumain , alors la
civilisation de la liberté, la civilisation de l'intelligence,
la civilisation des explorateurs des ultimes secrets de la
matière a commencé, sous la direction d'Israël, d'affamer et de
briser une ville peuplée de quinze cent mille descendants d'un
primate à fourrure.
Il nous faut donc
observer de quelles facultés cérébrales nous devrions doter une
espèce vaporisée pour moitié dans le ciel de la démocratie et
pour moitié dans celui des Eglises et lancer quelques dépisteurs
de notre perversité native inspecter les anfractuosités des
murailles de cette ville, puis préciser l'itinéraire que ces
éclaireurs devront emprunter pour les escalader. Bien que le
paysage demeure enseveli sous des brumes épaisses, de sûrs
indices nous permettent de tracer les sentiers qui nous
permettront de nous approcher des sinistrés et de secourir les
premiers blessés. Mais, dans le même temps, il faudra tenir le
gouvernail de la raison d'une main ferme et maintenir le cap
sans faiblir ; sinon le tribunal de l'intelligence oubliera les
responsabilités de sa haute magistrature et se laissera égarer
par la jurisprudence des casuistes que les avaries du navire
imposeront au droit international public.
Que dit le pilote dont la sagesse dissipera
le rideau de fumée des circonstances? Que la liberté est une
lionne intelligente. Si vous la lâchez dans la nature, rien ne
la ramènera à sa cage. Mais comme elle ne sait où courir, il lui
arrive de s'égarer dans la brousse. Alors, elle trouve son
chemin à bien observer les tireurs embusqués autour d'elle.
Bientôt elle apprend à les reconnaître, à les éviter, à les
leurrer; et c'est ainsi que, mieux informée de sa destination et
de la nature du port qui l'attend, elle reprend la route et va
droit au but. Puis elle s'assagit encore à limer ses crocs -
mais jamais elle ne doit oublier ce qu'elle a appris dans la
jungle où elle est née et qui lui a servi de premier pédagogue.
Aujourd'hui, elle
sait que la jeunesse arabe ne retrouvera pas son éducateur dans
les nues, parce que les fauves se civilisent à l'école de leur
propre chasse et ne rebroussent jamais chemin pour seulement
retourner se loger dans les nues. Comment les aiguilles des
horloges dérouleraient-elles le fil du temps à l'envers ? Mais
quelle sera la feuille de route de la liberté sur le cadran
d'une histoire du monde encore inconnue?
Car le Hamas et le Fatah viennent de signer
un accord selon lequel ils s'engagent à former un semi
gouvernement. Leur intention est de peser sur les négociations
prévues pour le mois de septembre avec l'organisation des
membres des Nations-Unies, qui siège à New-York et dont une
écrasante majorité votera pour la création immédiate d'un Etat
palestinien dont les frontières seront reconnues par la
communauté internationale. (voir chapeau)
3 -
Comment délégitimer la démocratie avec les armes de la
démocratie ?
Quel éloquent retour au bercail ! En 1947,
la même assemblée avait enfanté Israël; et elle avait pris grand
soin d'assigner ce jeune Etat à résidence: "Tel-Aviv sera ta
capitale" était le mot d'ordre qu'on lui avait non point murmuré
à l'oreille, mais gravé sur le front. La Liberté arabe
serait-elle d'ores et déjà devenue tellement sage qu'elle se
serait quelque peu initiée à l'histoire et à la politique
réelles du monde? Dans ce cas, parions qu'elle connaît quelques
secrets des peuples et des nations. Mais sait-elle qu'ils se
ruent sur les enclos qu'on prétend dresser autour de leurs
arpents et qu'ils dévorent les lopins qui attendent leurs
mâchoires ? De quel œil Israël regardera-t-il le jeune Etat
qu'on va loger à ses côtés? Comment saluera-t-il ce frère puîné?
"Sûrement, se dira-t-il, il aura les dents aussi agacées que moi
en 1947, sûrement, il se fera une pitance légitime des hectares
qui attendent sa denture, sûrement, il prendra si bien exemple
sur son aîné qu'il criera à pleins poumons: "Liberté, Liberté ,
et cela non point seulement afin de mettre à son tour la main
sur les terres de ses lointains aïeux, mais sur celles, toutes
proches, de ses parents et de ses grands-parents. Comment
vais-je délégitimer cette jeune démocratie avec les armes mêmes
de la légitimité démocratique dont je me réclame depuis
soixante-quatre ans?"
4 - L'Egypte et la Turquie
On voit que le
navire de l'histoire qu'on appelle la Liberté doit se trouver
commandé par un amiral pour lequel les cartes marines n'auront
pas de secrets ; sinon sa navigation serait si mal assurée que
des rochers cachés sous la surface des eaux viendraient en
éventrer la coque. En premier lieu, le capitaine demeurera jour
et nuit en communication avec le centre de commandement de la
flotte ; car seule l'Egypte est en mesure de prêter aux Achéens
la rade d'où s'élanceront leurs vaisseaux. Et puis, la question
des préséances n'est pas à négliger sur la scène internationale.
Le peuple des pharaons, dont la masse est égale à celle de la
Turquie, saura-t-elle tenir d'une main ferme la barre de
l'histoire du monde, alors que l'empire ottoman renaît? Le
niveau de vie de la population et la production industrielle y
ont déjà quadruplé face à la stagnation relative du pays du Nil.
Et pourtant, c'est impérieusement que les
avantages diplomatiques de l'Egypte lui dictent le devoir de
prendre la tête du tournant de l'histoire qui replacera la
civilisation musulmane au centre de l'échiquier du monde. La
Turquie, elle, ne parle pas l'arabe, et il faut une nation arabe
pour délivrer Gaza. De plus l'Egypte contrôle le Canal du Suez,
qui la situe au cœur du monde musulman. Enfin, l'Egypte a une
revanche à prendre sur les grands désastres militaires qu'Allah
a subis face à la coalition des armes d'Israël et de celles des
Etats-Unis. Ses défaites l'ont tellement humiliée que l'âme
politique de la nation se nourrit désormais de la fierté bafouée
des grands Etats. Enfin, l'Egypte est la fille immortelle de sa
propre éternité. Elle a repris les hostilités avec Israël sur le
front des six millénaires de la mémoire du monde qui l'ont
rendue impérissable. Sans l'alliance de l'Egypte avec la
démocratie mondiale, pas d'épicentre musulman du temps de
l'histoire dans cette région du monde; mais sans la Turquie, pas
de pont à jeter en direction de l'Occident des sciences et des
techniques. Par bonheur, les généraux du Caire se révèlent des
guides avertis d'un peuple écarté du soleil des arènes depuis un
demi-siècle.
5 - L'Europe et l'islam
La seconde
difficulté que rencontrera la remise en marche du monde arabe
sera le flottement politique d'une Europe qui a quitté ses
habits de lumière et qui dort à l'écart de la corrida. Seule La
France semble peu à peu sortir du toril: elle se risque à dire
que le futur Président de la République sera gaullien. Mais
aucun toréador ne se pose encore publiquement la question
chirurgicale de l'impossibilité psychologique, pour un Président
sioniste, de se montrer favorable à un avenir éclairé et vivant
du Vieux Continent, alors qu'on ne saurait placer à la tête
d'aucune nation un homme qui se révèlerait déchiré au plus
profond de son être entre deux patries, donc entre deux
identités nationales. Redisons-le
fermement: la cohérence de la personnalité qui s'attache
nécessairement à l'identité comme à la fonction d'un Président
de tout Etat souverain est incompatible avec la dichotomie
psychique d'un dirigeant scindé entre les intérêts fatalement
contraires de deux nations aux vocations radicalement ennemies
l'une de l'autre.
Or, la planète
court à toute allure vers une alliance indéfectible entre les
idéaux universels de la démocratie et les sceptres locaux. On
disait: "Tel terroir, telle religion". Maintenant on dit: "Tels
arpents, tel régime politique" - mais comme il n'existe plus
qu'un seul monothéisme, celui du saint concept de liberté,
l'antiquité de l'occupation d'un territoire impose son cadastre
au ciel des modernes: "possession vaut titre", de sorte que Dieu
lui-même perd ses droits par péremption s'il s'est rendu en
villégiature pour deux millénaires. C'est ainsi qu'en réalité ,
la terre seule tient le sceptre de l'universel à la place du
Dieu absent, ce qui est démontré du seul fait qu'un autre Dieu
vient alors s'emparer des lieux et piloter les têtes en lieu et
place du précédent.
C'est ainsi que
le conflit intérieur entre les devoirs opposés auxquels l'esprit
d'un Président sioniste de la France servirait de théâtre en
ferait nécessairement un otage habilement masqué de l'étranger,
mais seulement aussi longtemps que la question de la validité
des titres à l'existence même de l'Etat hébreu sur la scène
internationale ne sera pas ouvertement posée à la conscience
démocratique mondiale et résolue par la négative. Mais sitôt
qu'elle sera fatalement posée au grand jour de l'opinion
publique de la planète, l'heure sonnera inévitablement où il
s'agira de savoir si la civilisation de la Liberté se suicidera
pour les beaux yeux d'Israël, ce qu'elle ferait immanquablement
si elle entérinait l'occupation d'un Etat souverain par la force
des armes d'un Dieu périmé et antérieur au dernier arrivé. Or,
une telle prétention demeurera étrangère à la nature, au rang et
aux attributs de toute nation réelle et reconnue à ce titre au
regard du droit international d'hier, d'aujourd'hui et de
demain. Comment la conscience universelle introduirait-elle une
exception et une seule à sa loi fondamentale, et cela au profit
du glaive du peuple élu?
Cette question est d'autant plus primordiale
qu'Israël s'est lié corps et âme aux Etats-Unis d'Amérique, dont
il a acheté les institutions et dont il contrôle un par un, et
pour longtemps encore les sénateurs et les députés de la chambre
des représentants. C'est dire qu'un président sioniste de la
République française se trouverait non seulement entre les mains
de l'Etat d'Israël, mais entièrement au service du titanesque
serviteur américain du ciel et de la terre du peuple élu, de
sorte que la dépendance à l'égard de la nation la plus puissante
du globe terrestre à l'égard d'un petit Etat puissamment ramifié
sur notre astéroïde s'étalerait tellement au grand jour et de
manière si criante qu'il lui serait impossible de faire un pas
sur la scène internationale sans provoquer l'indignation ou la
fureur de ses compatriotes.
6 - La
liberté de la presse et le rang de la France
Mais il y a plus : Israël a aussitôt obtenu
de l'Allemagne qu'elle s'oppose à la politique de Paris et de
Londres. Mais aussi longtemps que l'Allemagne demeurera occupée
par deux cents bases militaires américaines et que la péninsule
italienne ne sera qu'un gigantesque porte-avion
d'outre-Atlantique amarré au travers de la Méditerranée,
l'Europe aura seulement passé du rang de vassale affichée du
Nouveau Monde à celui d'arrière-cour de l'empire américain et
d'Israël. La vocation européenne de la diplomatie française
s'inscrit donc tout entière dans la mission qu'une vieille
civilisation lui a confiée, celle de la délivrer de l'occupation
étrangère. Comment un Président ni entièrement sioniste, ni
entièrement français, mais condamné, en fin de parcours, à
toujours placer les intérêts de l'Etat d'Israël au-dessus de
ceux de la démocratie mondiale tout entière, comment un
président dichotomisé, bipolarisé et biphasé sur ce modèle se
convertirait-il à la responsabilité d'exercer la première et la
plus fondamentale de ses responsabilités à la tête de l'Etat,
celle de délivrer l'opinion publique d'une presse nationale et
mondiale bâillonnée par Israël?
7 - Qu'est-ce qu'une grande puissance ?
Jamais, depuis l'occupation allemande, la
France ne s'était vue contrainte de s'informer auprès de la
presse étrangère de ce qui se passe sur le territoire du pays.
Comment un Président sioniste consacrerait-il toutes ses forces
à redonner immédiatement et en toute hâte leur ancienne liberté
d'expression aux journaux de l'hexagone? Comment un Président
bifide verrait-il seulement qu'une presse privée de tout vrai
regard sur le monde extérieur n'est jamais qu'un effet dûment
prévu et recherché du ligotage en amont qui permet à l'étranger
de fausser la balance à peser le poids des Etats? Or, c'est la
primauté absolue accordée à la puissance industrielle et
marchande des nations qui permet de faire croire aux citoyens
que la France occuperait seulement le cinquième rang dans le
monde, derrière le Japon, l'Allemagne et le Canada, alors que le
pays des Samouraïs est un enfantelet du fait qu'il demeure
occupé par de puissantes bases américaines soixante-dix ans
après la fin des hostilités, qu'il ne dispose pas de l'arme
mythologique actuellement régnante sur les imaginations et qu'il
n'a pas le droit de veto au Conseil de Sécurité.
De même,
l'Allemagne a beau vendre des dizaines de milliers d'excellents
aspirateurs et soumettre l'euro à un minimum de discipline
prussienne - tant que plus de deux cents garnisons américaines
quadrilleront son territoire et qu'elle ne possèdera ni la
foudre théologale, ni le fameux droit de veto dont seuls les
Etats-Unis osent se servir, elle ne saurait passer avant la
France sur la scène internationale. De plus, la littérature et
la philosophie allemandes n'ont que quarante lustres, alors que
notre langue a exercé un règne continu depuis quatre siècles et
qu'elle demeure largement répandue. Quant au Canada, quel
ridicule de qualifier de puissance mondiale une pâle ombre
portée de son gigantesque voisin!
8 - La vraie voix de la France
Non seulement la
France fait jeu égal avec la Chine et la Russie, mais elle
pourrait jouer le rôle du dernier et du seul interlocuteur de
poids des Etats-Unis si elle savait se servir du levier de
l'Europe et défendre les vrais intérêts de la démocratie
mondiale face à Israël.
Quelle chance, pour un Talleyrand, que le 14
janvier 2011, les Etats-Unis aient promis à Israël d'opposer à
jamais leur refus inflexible et imperturbable à toute tentative
de la communauté internationale, y compris de l'immense majorité
de l'Assemble générale des Nations Unies, de s'opposer à
l'expansion territoriale de Jahvé en Cisjordanie et à Jérusalem!
Face à un obstacle diplomatique dont la taille devrait inspirer
à la France l'audace de mener une véritable politique étrangère,
de quelles armes de guerre disposons-nous? Une seule s'élèvera à
la hauteur d'un défi stratégique aussi titanesque, celle de la
démonstration patiente et jour après jour dans la presse
nationale de ce qu'il n'existe plus, pour l'heure, de Président
des Etats-Unis réellement en exercice, plus de décisions
politiques autonomes de la Maison Blanche, plus de nation
américaine au service des descendants de la guerre
d'indépendance de 1775 à 1783, parce qu'une Amérique au service
de l'illégitimité morale, juridique et politique d'Israël, ce
n'est plus l'Amérique.
On voit que c'est à juguler la presse
mondiale qu'Israël impose son hégémonie politique à la planète
tout entière et que si la France élisait à la présidence de la
République un Français sioniste, ce serait dans l'œuf que le
véritable avenir de la démocratie mondiale en serait étouffé,
tellement seul notre pays occupe une position tellement centrale
sur la planète qu'elle se trouve en mesure de faire basculer le
monde entier vers un épicentre nouveau, celui dont le monde
arabe et la démocratie mondiale se partageraient l'influence à
la faveur du déclin de Washington et de l'ascension de la Chine,
de la Russie et de l'Amérique du Sud.
9 - La France et le bâillonnage de la
presse
Ce sont ces cartes-là que la presse
française et européenne asservie commence de se voir contrainte
de faire connaître partiellement, ce sont ces atouts-là que la
conjuration internationale des défenseurs de l'hégémonie
américaine tente de cacher à tous les regards. Mais, en juin,
l'échec des Etats-Unis en Afghanistan coïncidera avec un
spectacle dont la portée politique et le retentissement seront
immenses, celui du second secours à Gaza de la "Flottille de la
Liberté". Cette fois-ci, la France et l'Europe ne pourront
ignorer cette croisade, puisque le divorce entre l'opinion
mondiale et Israël deviendra spectaculaire à l'échelle de la
planète, et cela en raison du changement de cap de cent
quatre-vingts degrés qu'Alain Juppé a imposé à une diplomatie
française à laquelle il a dessillé les yeux: je rappelle que,
sous sa houlette, la France et l'Europe sont désormais
entièrement engagées en faveur du tournant de l'histoire du
monde qu'illustre le printemps arabe.
Aussi , les historiens futurs seront-ils
ahuris, abasourdis et tout pantois de faire connaître à leurs
lecteurs et aux écoliers de leur temps que le Quai d'Orsay du
début du XXIe siècle avait encore placé des agents d'Israël à
tous les points névralgiques de la diplomatie de la France dans
le monde et que la représentante de la Ve République en
Cisjordanie, pour ne prendre qu'un seul exemple, avait contraint
la ministre des affaires étrangères de l'époque à ne se rendre à
Gaza qu'après avoir rendu une visite apitoyée et très médiatisée
aux parents du soldat Shalit. Mais la presse française laisse
ignorer au pays que cent trente professeurs et chercheurs des
plus célèbres Universités des Etats-Unis ont protesté
publiquement contre la décision du Conseil d'Etat de légitimer
l'interdiction prononcée par la directrice de l'Ecole Normale
supérieure, Mme Canto-Sperber, de débattre du blocus de Gaza en
présence de l'ancien Ambassadeur Stéphane Hessel, de Régis
Debray, d'Edgar Morin, de Leila Shahid, représentante de
l'Autorité palestinienne auprès des Communautés européennes.
Mais si un peuple
de six millions d'habitants a réussi l'exploit diplomatique le
plus extraordinaire de tous les temps, celui de mettre la main
sur tout l'appareil d'Etat d'une nation de trois cent cinquante
millions d'habitants - et, de surcroît, la plus puissante du
monde, celle qu'on appelle la Mecque de la démocratie mondiale -
comment s'étonner de ce que le public français ne soit pas
informé de l'histoire réelle du monde? Décidément, il faudra que
la foi en la démocratie nous demeure chevillée au corps pour que
la France se souvienne de la vaillance de la liberté, celle que
ni Robespierre, ni Napoléon, ni Charles X, ni Louis-Philippe, ni
Napoléon III, ni Vichy n'ont réussi à faire retourner dans la
jungle. Mais si la Liberté court sur toute les terre habitée
sitôt qu'un peuple ardent la chevauche, c'est parce qu'elle
s'appelle l'humanité.
10 -
L'anthropologie historique et Israël
Il faut une lente et sûre patience pour
recenser un par un les obstacles les plus rudes qui se
dresseront sur le chemin de la liberté politique de la France,
mais également pour peser sur une sûre balance les chances qui
souriront à une démocratie qu'Israël menace dans le monde entier
et dans son principe même. Mais la science politique
d'aujourd'hui n'est pas suffisamment informée des secrets
psychobiologiques de l'histoire pour connaître la nature des
obstacles à surmonter et les chemins qui conduiront à en
dessiner les contours.
Pourquoi sera-t-il à jamais impossible à
Israël d'accepter le retour des réfugiés chassés de leurs terres
depuis trois-quarts de siècles? C'est que le "peuple élu" est
porté par l'orgueil d'incarner le messianisme religieux qui lui
donne son souffle. Et pourquoi cet orgueil est-il organique et
rivé à une terre déterminée? Parce que les saintes Ecritures de
ce peuple ne se focalisent pas sur une seule charpente
mythifiée, donc tenue pour immortelle - celle d'un fils unique
et souverain de Jahvé, donc chargé de concrétiser à lui seul
leur ascendance céleste. Le créateur fabuleux de la chair et du
sang du peuple juif contraint chacun à substantifier
l'eschatologie collective à titre individuel, à chosifier la
sotériologie du groupe à son propre compte, à matérialiser la
rédemption de tous à titre personnel.
Le phénomène de
la mise en charge du salut du monde sur les épaules des fidèles
se retrouve dans toute la théologie protestante, cette religion
de l'élection de phalanges de privilégiés de la grâce. On voit
que l'enracinement du mythe de la rédemption dans les gènes du
fidèle donne à la foi une implantation impossible à éradiquer et
qu'Israël n'est pas d'abord un Etat, mais la création d'une
humanité radicalement séparée du troupeau commun et dont les
pâturages seront à leur tour choisis et définitivement mis à
part à l'école du sacré. Dans la mesure où les Etats-Unis
s'inscrivent dans la descendance de Calvin, leur connivence avec
Israël est d'ordre théologique, ce qui seul explique le poids
politique immense du message divin que l'AIPAC adresse à
l'inconscient religieux du Nouveau Monde.
On voit qu'il faut une anthropologie du
sacré pour apprendre Israël; on voit que si nos sciences
humaines devaient demeurer dans l'incapacité d'observer
l'origine, l'évolution, l'épanouissement et le trépas des
champignons théologiques qui naissent, croissent et s'enracinent
dans l'encéphale de notre espèce, les millénaires de l'évolution
cérébrale d'un animal espèce onirique de naissance demeureraient
indéchiffrables.
Et pourtant, la
communauté internationale du XXIe siècle tentera en vain, de
légitimer la théologie qui sous-tend les conquêtes territoriales
d'Israël entre 1947 et 1973, donc l'occupation de Jérusalem par
la force du glaive. Comment tout le genre humain accepterait-il
tout subitement de se délégitimer face aux guerriers de Jahvé,
comment notre espèce sacraliserait-elle contre vents et marées
non seulement la colonisation inaugurale de 1947, mais son
extension continue en échange d'un renoncement fatalement
provisoire à la colonisation de la Cisjordanie?
C'est parce que
le genre simiohumain actuel se trouve encore enfermé des pieds à
la tête dans une nasse aux mailles serrées que le blocage de
l'anthropologie scientifique , donc l'asphyxie de l'humanisme
mondial d'aujourd'hui, conduit à une tragédie dont on ne voit
pas l'issue. La planète d'hier se faisait fort d'ignorer le
massacre des Incas ou l'extermination des Indiens d'Amérique,
parce que l'image et le son n'avaient pas conquis l'ubiquité et
l'instantanéité d'aujourd'hui. Mais nos sciences humaines sont
tellement bousculées par l'accélération de la rotation de la
planète du savoir qu'elles ont l'œil vissé aux " étranges
lucarnes ". Déjà la France jette en prison les citoyens français
qui refusent de consommer les produits des bouchers de Gaza.
Qu'avons-nous à apprendre au spectacle de cinq continents placés
sous le joug d'Israël et vers quelle explosion planétaire
courons-nous?
11 - Le verbe
tricher
Il faut savoir que, pour l'instant et en raison du peu de
profondeur anthropologique de nos sciences humaines la
reconnaissance éventuelle, par la communauté internationale,
d'un Etat palestinien en septembre 2011 se révèlera non
seulement bancale, mais nulle et non avenue, parce que la
dictature de l'Etat d'Israël sur tout l'appareil d'Etat
américain a de beaux jours devant elle, et cela du seul fait que
la démocratie mondiale n'est pas près de se résigner à appeler
un chat un chat. C'est dire, encore et encore, qu'il nous faut
une anthropologie abyssale pour comprendre que seul le Hamas
joue la carte gaullienne, que seul le Hamas appelle une
occupation par son nom, que seul le Hamas sait que la
souveraineté ne se partage pas. Car la science des arcanes de
l'espèce humaine nous enseigne que si la logique politique finit
toujours par triompher des casuistes, c'est parce qu'elle est
l'œil de l'honnêteté d'esprit. Mais qu'est-ce que l'honnêteté
d'esprit ? Pour le comprendre, observons un instant comment les
idoles trépassent dans les têtes, suivons leurs pas sur le
chemin de leur agonie.
Talleyrand, encore lui, raconte qu'après la capture des princes
espagnols et leur enfermement à Valençay, Napoléon "prenant
un ton goguenard, se frottant les mains et se promenant dans la
chambre et me regardant d'un air moqueur, il me dit : 'Eh bien !
vous voyez à quoi ont abouti vos prédictions sur les difficultés
que je rencontrerais pour régler les affaires d'Espagne selon
mes vues; je suis cependant venu à bout de ces gens-là; ils ont
tous été pris dans les filets que je leur avais tendus et je
suis maître de la situation en Espagne comme dans le reste de
l'Europe.' Impatienté de cette jactance, si peu justifiée à mon
sens, et surtout des moyens honteux qu'il avait employés pour
arriver à ses fins, je lui répondis, mais avec calme, que je ne
voyais pas les choses sous le même aspect que lui et que je
croyais qu'il avait plus perdu que gagné par les évènements de
Bayonne: 'Qu'entendez-vous par là, répliqua-t-il? - Mon Dieu,
repris-je, c'est tout simple et je vous le montrerai par un
exemple. Qu'un homme dans le monde y fasse des folies, qu'il ait
des maitresses, qu'il se conduise mal envers sa femme, qu'il ait
même des torts graves envers ses amis, on le blâmera sans doute
; mais s'il est riche, puissant, habile, il pourra rencontrer
encore les indulgences de la société. Que cet homme triche au
jeu, il est immédiatement banni de la bonne compagnie, qui ne
lui pardonnera jamais."
Depuis soixante
ans, non seulement Israël triche à la table des négociations,
mais cet Etat ne rembourse pas ses dettes de jeu. Mais si Israël
triche à Gaza, en Cisjordanie, à Jérusalem, aux Nations Unies,
si Israël triche au sein de toutes les nations de la terre, nous
ne serons pas plus avancés si nous ignorons la nature et les
racines anthropologiques du verbe tricher et si nous trichons
sans le savoir, puisque nous occultons tous le sens caché du
verbe fondateur de notre étrange espèce. Serions-nous des
tricheurs des pieds à la tête en ce que notre langage nous
cacherait sous nos auréoles verbales? Le cœur d'une espèce
tricheuse serait-il le vocabulaire même de la démocratie
universelle ? La tricherie démocratique serait-elle le cœur
battant du monde, quand nous confions à Israël la tâche de nous
aider à tricher davantage au chapitre de la définition même de
la démocratie ? Car enfin, que demandons-nous à cet Etat, sinon
de rendre schizophrénique une démocratie mondiale dont l'oracle
proclamerait: "En deçà de telle frontière, tes conquêtes seront
démocratiques, au delà, tu seras un conquérant."
12 - Le verbe tricher et l'anthropologie critique
Mais voyez comme le tricheur s'empêtre dans
ses tricheries, voyez comme la vérité politique se fait jour sur
les pas du tricheur. Fort de la blessure dont la démocratie
porte la cicatrice, le chef du gouvernement israélien l'étale
sans vergogne à tous les regards: "Puisque la légitimité de
notre occupation de cette terre se trouve souverainement
acquise, s'écrie-t-il et que vous en proclamez vous-mêmes à cor
et à cris les titres à jamais irrévocables, aucune négociation
de paix n'est désormais possible avec les premiers occupants et
vous vous contredisez jusqu'à la moelle à entériner l'alliance
du Fatah avec le Hamas, lequel n'a cessé, depuis son acte de
baptême, de contester méchamment notre droit de nous promener en
long et en large en ces lieux. Comment trahiriez-vous votre
vocation de fidèles hérauts des droits de Jahvé d'aller et venir
sur ses terres? Commencez donc par demander au "peuple
palestinien", comme vous dites, qu'ils reconnaissent Israël
comme l'Etat du peuple juif."
Voyez comme M.
Netanyahou se prend les pieds dans le tapis, voyez comme il fait
progresser la vraie question en sous-main et à son corps
défendant, voyez comme elle se démasque malgré elle, la
tricherie à laquelle la planète se livre à lever les yeux au
ciel et à joindre les mains pour la prière: ou bien, de guerre
lasse, la communauté internationale entérine, aux yeux d'un
droit international de confection, les conquêtes arbitraires par
nature et par définition d'Israël et, dans ce cas, je ne donne
pas cher de l'âme et de la foi de votre démocratie mondiale, car
jamais ce régime politique ne se relèvera d'un péché originel
non seulement indélébile, mais qu'elle ne cessera d'infecter
davantage. Comment l'Europe n'éteindrait-elle pas l'esprit d'une
civilisation à contraindre la religion de la Liberté à offrir
l'assassinat d'un peuple sur l'autel de l'histoire du monde!
Mais, si vous légitimez un Etat juif ramené à ses frontières de
1947, regardez comment l'encéphale du genre humain s'y prend
pour ramper encore de quelques pas vers la vérité politique; car
vous n'obtiendrez jamais de la masse cérébrale d'un Etat
viscéralement sotériologique et rédempteur qu'elle se glisse
hors de la coquille de son messianisme. Elle s'auto-détruira
donc, me direz-vous, son eschatologie innée se dissoudra
d'elle-même et le "peuple élu" retournera à la diaspora.
Vous n'y êtes pas. Comment voulez-vous que les occupant de cette
terre chue du ciel, ce corps et ce sang de Jahvé, ces quelques
arpents de la délivrance d'une nation où les élus de l'éternité
ont fait leur trou se changent en un Robinson Crusoé enfermé sur
son île déserte, alors que les places financières du monde
entier lui font une enceinte de forteresses inexpugnables.
Mais alors, la
spectrographie anthropologique d'une tricherie inscrite dans nos
gènes et dont notre espèce s'est fait son joyau se nourrit
depuis des millénaires se changera en une science de notre
cervelle d'une valeur inestimable, celle dont le peuple juif
aura fait don à l'humanité de demain; car cette épine dans notre
chair nous rappellera que "Dieu", Israël et nous ne ferons
jamais qu'un seul et même tricheur.
Quel confesseur
du monde que Tartuffe, le conquérant masqué, quel casuiste
invétéré que le tricheur !