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Certus odor dictaturae

Lettre ouverte aux Français juifs de mon pays
Manuel de Diéguez


Manuel de Diéguez

Mardi 1er septembre 2009

" Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution ".

Déclaration des droits de l'homme et du citoyen

Le texte que je mets en ligne ce 1er septembre et celui qui suivra le 7 septembre ont été rédigés au cours de la trêve estivale, bien avant que Maurice Szafran dans Marianne, aussitôt soutenu avec vigueur par Jean Daniel eussent, pour la première fois en France, soulevé la question de fond de la légitimité idéologique du CRIF, dont on sait qu'il voudrait valider le principe de la double identité politique des juifs dans notre pays en ce sens qu'ils jouiraient de la liberté souveraine de défendre corps et âme les intérêts nationaux d'un Etat étranger, serait-ce au détriment de ceux de la France sur la scène internationale.

En juillet, ma réflexion aurait paru sacrilège. Je suis heureux qu'elle ne le soit plus après la ferme condamnation, sous la plume de Jean Daniel, d'un "judéocentrisme obsessionnel et névrotique". Mais mon acquittement me renvoie devant une seconde juridiction, celle de ma théopolitique. Depuis huit ans, je tente sur ce site de soumettre les mythes religieux à une anthropologie critique du sacré dont le Quai d'Orsay feint maintenant d'adopter le principe, mais sans en connaître les méthodes et les sacrilèges.

Dans les deux textes rédigés cet été, on verra comment MM. Szafran et Daniel me rendent l'immense service de me faciliter l'exposé d'un élargissement anthropologique du champ de leur réflexion mise à l'école d'une analyse de la dichotomie psychique de l'ordre des Jésuites. Le parallélisme entre la fécondité culturelle et philosophique de la judéité française et des jésuites français - tous deux sont à l'origine de la Révolution française de 1789 - ouvre l'anthropologie critique à la pesée de la dichotomie cérébrale d'une espèce scindée entre la terre et le songe.

Il me semble que ce débat n'accédera à sa problématique qu'à se donner l'histoire de France pour assise.

1 - Où la notion d'hérésie donne du fil à retordre à la République
2 - Où les Exercices spirituels d'Ignace de Loyola débarquent dans la politique
3 - Comment brûler vive une hérésie ?
4 - Où l'hérésie tente d'incarner sa bipolarité
5 - La République victime d'une panne de la pensée mondiale
6 - Une hérésie de plus
7 - Où l'hérésie débarque dans la psychanalyse du politique
8 - L'inconscient des hérésies

1 - Où la notion d'hérésie donne du fil à retordre à la République

Il existe une expression frappante dans la langue de Cicéron pour désigner une dictature déjà évidente aux yeux de tous, mais demeurée à l'état de vapeur en suspension dans l'atmosphère, parce qu'encore dépourvue d'une structure ayant pignon sur rue: "Certus odor dictaturae", qu'il faut traduire par une forte odeur de dictature.

La France va-t-elle se retrouver dans la situation frisant l'hérésie qu'elle a connue en 1682 quand, à l'instigation de Bossuet, la "déclaration des quatre articles" du gallicanisme n'a évidemment pas coïncidé par un hasard du calendrier avec le second baptême du plus grand et du plus illustre collège des jésuites de France, qui fut transporté en grande pompe de Clermont à Paris et qui devint le Collège Louis le Grand un siècle avant de se trouver non moins solennellement porté sur les fonts baptismaux d'une troisième orthodoxie, celle d'une République qui, sous le nom de "lycée", l'a placée sous le double sceptre d' Aristote et de la Révolution.

Juifs de France, mes chers compatriotes, l'immense majorité d'entre vous a fait allégeance aux lois et à l'esprit de la République. Ceux d'entre vous qui refuseraient de se conformer à la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 renonceraient aux devoirs qui définissent notre identité commune et qui nous enracinent dans une civilisation du respect de la loi. Vous savez que notre code pénal déclare en son article 121-1: "Nul n'est responsable pénalement que de son propre fait ". Je voudrais vous éviter de souffrir de la même scission douloureuse de votre personnalité que les disciples d'un saint étranger, l'auteur fameux des Exercices spirituels qui, dès leur installation en France se sont vus accuser de schizoïdie politique et ont fini par se faire expulser pour déloyauté à l'égard du Royaume de France, puis de tous les Etats de l'Europe de l'Ancien Régime pour avoir fait, de leur pieuse soumission aux ambitions du Saint Père dans l'ordre temporel et spirituel fâcheusement confondus, le premier article de leur confession de foi et qui ont élevé l' illustre guerrier et théologien espagnol au rang de pilote cérébral et gouvernemental de leur religion dans toute la chrétienté.

Souvenez-vous : si la Compagnie de Jésus avait toujours été perçue comme une puissance séparatrice, c'était en raison de sa vocation même, qui était dichotomique de naissance du seul fait que son siège apostolique et son siège temporel se trouvaient bipolarisés à Rome. A imposer son nom au collège des jésuites, Louis XIV rappelait fermement aux catholiques de nationalité française leur devoir d'allégeance entière et exclusive à l'autorité tout ensemble politique et religieuse d'une monarchie monolithique et non point à celle d'un pape scindé entre le ciel et la terre auquel seuls, il est vrai, les meilleurs et les plus éprouvés des disciples de saint Ignace étaient tenus de se lier par un serment univoque d'obéissance "perinde ac cadaver" - égale à celle d'un cadavre. Du coup, le confesseur biphasé du monarque - toujours un jésuite - devenait à son tour un sujet insécable du roi de France sur un point central de doctrine et de politique, à savoir les "quatre articles" du gallicanisme qui singularisaient la France dans un catholicisme pourtant demeuré résolument universel dans son principe, donc fidèle à la vocation internationale dont, aux yeux du Saint Siège, la dogmatique ne pouvait aucunement légitimer une scission, donc une exception.

Les jésuites étaient casuistes sur le terrain. A ce titre, ils se mettaient à l'école de toute politique et de toute histoire, qui sont forgées sur l'enclume du compromis depuis que le créateur du monde a conclu un arrangement avec Caïn afin de châtier le meurtrier et de le protéger des assassins de grand chemin. Mais quelle casuistique divine allez-vous invoquer si, à l'instar des jésuites, vous avez fait allégeance à la fois au centre international du judaïsme, dont le siège insécable est à Jérusalem et aux communautés nationales de votre foi? Quelle est votre doctrine de casuistes du droit et de la loi?

2 - Où les Exercices spirituels d'Ignace de Loyola débarquent dans la politique

Mais si la distinction entre les affaires dites spirituelles et celles de ce bas monde est demeurée vivace dans notre République, puisqu'elle s'est expressément fondée sur la loi de séparation de l'Eglise et de l'Etat de 1905, comment se fait-il que les instances officielles de votre communauté aient pu demander et obtenir d'un Elysée sans doute inexpérimenté en matière de croyance et peu informé du passé des relations de la nation avec le sacré, qu'il adresse en votre nom une sommation en bonne et due forme au Ministre de la Justice de la France laïque afin qu'il fasse diligenter en toute hâte par le Procureur général près la cour d'appel de Paris une procédure de rétractation solennelle du jugement des jurés supposés hérétiques et parjures d'une cour d'assises de première instance?

Quel était le péché capital ou véniel du peuple souverain dans ce procès? Il s'était, certes, respectueusement conformé aux réquisitions les plus lourdes et, ô combien légitimes, du Procureur Philippe Bilger contre l'auteur d'un crime sauvage, mais en son âme et conscience, il avait légèrement adouci les peines d'emprisonnement requises contre quelques complices et comparses du tortionnaire et de l'assassin d'un jeune juif de vingt-trois ans. Quelle était la motivation principale de ce meurtre hors du commun? L'appât du gain et la haine raciale. La victime, supposée fort aisée en raison de sa judéité avait été attirée dans un guet-apens par une adolescente de seize ans.

Le jury républicain avait tenu à préciser avec soin le degré de culpabilité pénale de chacun, parce que cette Lolita de bazar ignorait tout des intentions meurtrières de son commanditaire, un musulman antisémite, donc hérétique jusqu'à l'os aux yeux de l'islam. Mais il aurait fallu, selon la doctrine nouvelle de l'Etat pourtant qualifié "de droit", faire le procès d'une hérésie avérée, celle de l'antisémitisme et, par conséquent, saisir cette opportunité théologique pour condamner tout le monde à la peine maximale, parce que les atteintes à une orthodoxie sont collectives tant par nature que par définition, de sorte qu'elles ignorent nécessairement le calcul trivial et chicanier des pourcentages dans la pesée des responsabilités pénales et qu'elles entraînent fatalement une damnation aussi éternelle que globale. Dieu ne fait pas le détail, selon Malebranche: on ne voit pas, disait-il, sa justice épargner petitement les chemins quand il arrose généreusement les champs.

3 - Comment brûler vive une hérésie ?

Mes amis, vous savez tous, en bons gallicans, que votre requête contre une décision du peuple français, qui est souverain dans tous les procès pénaux intentés sur notre territoire, est anti-constitutionnelle par définition, vous savez tous, en gallicans chevronnés, qu'un Etat dont la casuistique violerait le principe de la séparation des pouvoirs au profit de la catégorie particulière de citoyens français à laquelle vous tenez à appartenir serait jésuitique et qu'à ce titre, la nation n'aurait pas de Constitution du tout, comme la Déclaration orthodoxe des droits de l'homme l'a fort vigoureusement souligné. "Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution ".

Pourquoi cet impératif kantien régit-il notre droit public? Parce que le principe catégorique de juger exclusivement des individus pour leurs actes et non pour leur appartenance à des entités conceptuelles moralement répréhensibles, remonte au génie tout pratique des Romains, qui ne poursuivaient et ne condamnaient que des citoyens en chair et en os, et seulement pour des actes expressément qualifiés de crimes ou de délits par leurs lois. C'est pourquoi il a fallu attendre que Catilina passât à l'insurrection armée pour faire basculer dans l'histoire vécue l'arène oratoire inaugurée par les catilinaires.

Ce refus du jésuitisme juridique, alors que le politique est jésuitique par nature, a mis dans l'embarras aussi bien le droit canon que l'orthodoxie marxiste, puisque Dieu lui-même est le jésuite crucifié du cosmos, de sorte que le marxisme a fait l'expérience de l'échec de la sainteté de son prophète sur la terre des casuistes invétérés. Pour l'Eglise, comment brûler saintement non point le concept d'hérésie - cette sorcière résiste aux flammes de l'enfer lui-même - mais un hérétique bien vivant et respirant? Aux yeux de l'Union soviétique, il était bien impossible d'anéantir seulement la charpente osseuse des Jdanov ou des Petkov: il fallait se venger sur la chair et les viscères de l'infamie qualifiée de "déviation droitière", bien qu'elle n'eût ni bras, ni jambes à marquer du sceau de la damnation. Pour toute théologie et pour toute idéologie dignes de ce nom, la distinction élémentaire en apparence entre les mots et les choses est piégée; car, à l'instar du casse-tête que présentent les péchés capitaux, une hérésie dispose nécessairement de mille ruses plus diaboliques les unes que les autres pour paraître s'incarner, tellement le Démon s'y connaît en confusion jésuitique pour passer du concept au poignard en moins de temps qu'il ne faut pour le confesser.

4 - Où l'hérésie tente d'incarner sa bipolarité

Le passage de l'hérésie seulement vocalisée à son incarnation meurtrière est à la fois tangible et vaporeux. Enseignerons-nous aux tribunaux français à distinguer jésuitiquement la culpabilité casuellement attachée à un acte criminel en tant que tel de celle qui colle aux chausses d'une pestifération indécrottable, ou bien notre justice doit-elle apprendre à respirer l'odeur de la scolastique attachée à une hérésie substantifique, bien que celle-ci n'ait pas de musculature reconnaissable et qu'elle demeure désespérément en suspension dans l'atmosphère?

Supposons que le cerveau scissipare de la République des jésuites se voie contraint de pactiser avec celui d'une théologie biphasée: comment l'encéphale de la France des cassuistes du droit et de la loi préparera-t-il la mixture entre les effluves de la terreur et un cadavre odoriférant, et cela dans le dispositif des verdicts rendus en toute orthodoxie par les magistrats du peuple de Descartes? Car l'offense à toute dogmatique religieuse, donc à toute doctrine dûment attestée et validée par le label d'un ciel localisé s'appelle une profanation; et, en tous temps et en tous lieux, un sacrilège dûment authentifié par un certificat de blasphème présente nécessairement à l'examen de ses docteurs une violation du surnaturel dont un objet ou une essence sont réputés porteurs, détenteurs ou dépositaires.

C'est pourquoi les relations figées que le croyant entretient avec le contenu immuable de sa raideur religieuse en appellent aux liturgies cérémonieuses d'un culte respectueux des formes. Si vous brûlez un drapeau français, ce n'est pas le prix de l'étoffe qui comptabilisera le dommage, mais l'offense à un objet de vénération dont la valeur infinie sera censée matérialiser et localiser un personnage mental par définition, la patrie. Le champion du monde d'échecs Bobby Fischer a été traqué pendant un quart de siècle par l'Etat américain et emprisonné par des vassaux de cet empire sur toute la terre habitée pour avoir brûlé publiquement un parchemin sacré, son passeport, et n'a été sauvé in extremis de cette profanation d'un ciboire de papier réputé substantifier une citoyenneté transcendantale que pour avoir trouvé refuge en Islande, dont le gouvernement a tenu à protéger les derniers jours d'un hérétique auquel Reykjavik devait sa gloire échiquéenne mondiale depuis 1972.

5 - La République victime d'une panne de la pensée mondiale

Comment allons-nous initier les juges de la République à la connaissance critique de l'encéphale demeuré théologique de notre espèce sur les cinq continents? Au stade actuel de notre évolution cérébrale, non seulement nous substantifions encore des signes à tout vat, mais nous concrétisons le symbolique à tour de bras; aussi l'antisémitisme voudrait-il se définir à la fois comme un outrage à la sacralité d'Israël et comme une profanation en mesure de substantifier la sacralité supposée chromosomique, elle aussi, de la patrie des droits de l'homme, bien que celle-ci se veuille l'annonciatrice et la messagère de l'universalité d'une valeur immaculée, celle que charrie le pur concept d'homme.

Mais si notre jésuitisme s'étend à notre métaphysique tout entière, qui est censée se trouver tout ensemble sonorisée et concrétisée depuis Platon et si nous sommes casuistes à titre ontologique sur cette terre, le châtiment des molécules et des cellules des hérétiques qui comparaîtront devant vous répondront de l'accusation de véhiculer l'antisémitisme dans leur ADN. Du coup, nos tribunaux prononceront des sentences hérétiques à leur tour et à leur corps défendant, puisqu'il leur faudra violer les principes mêmes qui fondent l'esprit de justice de la France et qui interdisent d'incarner des sacrilèges et de substantifier des profanations. Allez-vous profaner l'âme de la patrie des droits de l'homme considérée en son principe, alors que cette prophétesse impérieuse ne vous a pas chargés de protéger la musculature de la sacralité de son annonciation, mais seulement la sainteté de son verbe?

Messieurs les juges, les molécules et les atomes des hérésies sont tellement vaporeux qu'il vaut mieux les combattre avec les armes du langage, les foudres de l'éloquence, les ressources de la dialectique et mettre à leurs trousses des essaims serrés d'argumenteurs et de logiciens, parce que l'armure de l'hérésie est faite du fer et de l'acier de la scolastique. Votre cuirasse de juristes fait donc, de votre magistrature, la gardienne spirituelle d'une laïcité rationnelle. Vous assurez la protection d'une nation qu'assailliraient des lois indignes de l'esprit de notre droit.

Mais on vous demande tout autre chose: on voudrait vous faire tomber dans l'hérésie de brûler vifs des concepts malfaisants. Mais alors, comment les verdicts que vous prononceriez seraient-ils rendus par la voix de vos idéalités ? Vos robes noires valideront-elles cauteleusement et par la bande des arrêts que des concepts seront censés avoir rendus dans votre dos? Allez-vous vous agenouiller devant des mots-idoles ? Allez-vous vous ériger en juges d'un tribunal spécialisé dans la surveillance du vocabulaire des hérésies? Allez-vous rédiger un code pénal jésuitique dans lequel le législateur se mettra aux ordres des casuistes de l'exécutif? Allez-vous diviser les blasphèmes entre les verbifiques et les substantifiques? Vos arrêts vont-ils peser la gravité des profanations en leur essence et quintessence si tout certus odor dictaturae fleure la casuistique? Accoucherez-vous de l'arsenal mental des démocraties du salut sur le même modèle que la Compagnie de Jésus?

Mais quel philosophicule acceptera-t-il jamais de définir la notion ambiguë d'hérésie si, depuis un siècle et demi, la sociologie a démontré que toutes les sociétés tracent leur frontière à elles entre le sacré et le profane à la lumière de la sainteté toute jésuitique de leurs traditions doctorales, de leurs croyances et de leurs superstitions ? Je vous le dis : vous courez tout droit vers la profanation suprême d'entacher d'hérésie la notion même d'objectivité que la pensée et la raison juridiques ont élaborée et qui a rendu toute la civilisation occidentale critique par nature, donc sacrilège par définition.

Et d'abord qu'en sera-t-il du degré de conscience des coupables ? Supposons que, sur l'ordre impérieux d'un Etat républicain devenu hérétique, le nouveau jury populaire adopte en cour d'assises l'hérésie d'alourdir en appel les peines auxquelles les co-accusés d'un assassin auront été condamnés en première instance. Dans ce cas, ces seconds jurés se rendraient coupables de l'hérésie de mettre en doute la loyauté multiséculaire et bien connue tant des Français juifs que des juifs français à l'égard de la France des droits de l'homme, leur patrie véritable, puisque tous les juifs présents dans l'hexagone répondraient alors du chef d'accusation de profaner la souveraineté du peuple de 1789 dûment exprimée par le jugement précédent.

Mais sur le banc d'infamie de quel tribunal d'exception ferez-vous comparaître des juifs relaps et renégats et les placerez-vous dans le box des accusés aux côtés de jurés devenus hérétiques en cours de route pour avoir indûment alourdi - et sur l'ordre de l'exécutif - des peines pourtant régulièrement prononcées antérieurement? Et puis, la trahison partagée des juifs et des seconds jurés de la République aura-t-elle été dûment et malignement concertée? Ces deux instances se seront-elles mises sciemment au service d'un Etat diablement corrompu? Ah ! combien l'autorité de toutes les décisions de justice de notre pays en seraient rendue peu fiable pour longtemps!

6 - Une hérésie de plus

Supposons maintenant que le second jury populaire ait le front de confirmer l'orthodoxie du jugement de la cour d'assise de première instance. Alors l'arbitraire de fait de l'Etat prétendument "de droit", mais devenu hérétique jusqu'à la moelle pour avoir demandé au peuple de se renier, subirait une rebuffade applaudie par les uns, mais jugée sacrilège par une partie non négligeable, hélas, de l'opinion française, celle des défenseurs invétérés de la sacralité qu'ils accordent viscéralement, eux, au pouvoir exécutif du momnt; et ces apprentis de la dernière tyrannie arrivée en gare monteraient, le cœur léger, au créneau de la vraie République à leur yeux, afin de dénoncer l'hérésie de profaner les droits sacrés du temporel régnant depuis un quart d'heure. Certes, le ciel éternel du vrai peuple français aurait affirmé sa souveraineté judiciaire avec un grand courage parmi les renégats de la démocratie; mais ce courage même serait jugé blasphématoire par les satanés apôtres de la "forte odeur de dictature" qui monterait des autels d'un Etat devenu pseudo républicain à l'école de ses derniers horlogers.

Juifs français, ferez-vous d'une République aux cadrans changeants l'otage de votre séparatisme ethnico-religieux, vous constituerez-vous en légions d'un arbitraire sacralisé, vous séparerez-vous des patriotes demeurés orthodoxes, c'est-à-dire de toute la population française qui entendra se mettre plus que jamais au service des intérêts véritables de la nation de la Liberté? Mais alors, comment châtierez-vous l'hérésie de ceux qui vous accuseront à juste titre de jésuitisme? Car entre eux, les jésuites se disaient si peu français et tellement jésuites que l'expression de "Français jésuite" n'a jamais trouvé droit de cité dans notre langue - on dit un "jésuite français", comme on continue de dire un dominicain, un chartreux, un trappiste, un bénédictin français.

Votre minuscule "comité représentatif des institutions juives de France" vous appelle des Juifs français. Laissez ces microbes s'appeler ainsi entre eux. Ah ! que le Quai d'Orsay a un long chemin à parcourir pour initier l'Etat républicain à une véritable connaissance des identités mythifiées et de leurs relations jésuitiques avec les identités nationales, puisque la grammaire française n'est pas près de tomber dans la casuistique de dire un Français catholique ou protestant, tellement l'homme de foi appartient d'abord à sa foi, et ensuite seulement à sa patrie.

7 - Où l'hérésie débarque dans la psychanalyse du politique

Poursuivons l'analyse du brouillamini, du capharnaüm et du salmigondis des hérésies et des orthodoxies de plus en plus jésuitiquement enchevêtrées dans lesquelles la France entière va tomber si notre science politique persévérait à ignorer l'anthropologie critique du sacré, que j'appelle la théopolitique.

Supposons que le jury de la cour d'appel allège encore les peines prononcées en première instance et jugées insuffisantes par le centralisme théologique du peuple juif. Nous frôlerions alors l'hérésie la plus catastrophique de toutes, puisqu'il faudrait que le Ministère public de la République, ne sachant plus à quelle hérésie se vouer, fît comparaître d'honnêtes citoyens-jurés en justice pour avoir, certes, jugé "en leur âme et conscience", comme on dit, mais de s'être néanmoins laissé piéger, les malheureux, par un personnage bien connu et grand expert en hérésies et en orthodoxies, à savoir le Diable en personne, lequel les aurait conduits par la main à fomenter à leur insu une révolution de nature à ébranler les fondements mêmes de l'Etat républicain.

Mais, dans ce cas, voyez comme nos magistrats devront retourner sur les bancs de l'école afin d'y apprendre à psychanalyser les hérésies politiques en leurs relations spécifiques avec la science du droit. Car voici que M. Bernard Kouchner regrette que la politique de la France à l'égard de l'Islam croie pouvoir ignorer la différence entre les sunnites et les chiites. Mais si le sens anthropologique de cette différence échappe au quai d'Orsay, on assistera au spectacle ridicule que présentera au monde entier un Etat qu'on verra se targuer d'être devenu démocratique et qui sera donc réputé se fonder d'office sur les progrès constants des sciences humaines depuis le XVIIIe siècle, mais qui fera néanmoins prendre autant de retard intellectuel à la nation de l'intelligence que l'Eglise géocentriste du XVIe siècle.

8 - L'inconscient des hérésies

Le régime soviétique et l'Eglise du Moyen-Age condamnaient des hérétiques qui tombaient des nues d'avoir chu dans une hérésie sans s'en douter pour un sou et faute d'avoir consulté les plus savants docteurs en théologie ou en idéologie. Quand la psychanalyse de la politique débarquera sur l'écran des démocraties semi religieuses d'aujourd'hui, la République laïque devra se demander à son tour s'il existe des hérésies inconscientes d'elles-mêmes et si l'on peut se trouver coupable de péché mortel, alors même qu'on ignorera tout de la "théologie" de la Liberté dont on aura profané la doctrine.

Mais l'analphabétisme anthropologique dont souffre la politique étrangère de la France est-il une excuse et faut-il invoquer des circonstances atténuantes quand le quai d'Orsay d'une République laïque s'ingénie le plus jésuitiquement du monde à ignorer les ramifications secrètes d'une hérésie spectaculairement casualisée sur son propre territoire? Car, dans ce cas, et dans l'attente de la décision de justice dite orthodoxe qu'il entendra obtenir du peuple français, l'Etat centralisé par sa foi démocratique deviendra hérétique à son insu et par pure ignorance; et il ira jusqu'à renoncer au huis clos prévu pour juger les crimes commis par des mineurs.

Ce sera également par pure ignorance, je vous le dis, donc sans s'en douter le moins du monde, que la France "des armes et des lois" portera un coup mortel au principe inaugural de tout droit public et privé - donc à rien de moins qu'au principe fondateur de toute civilisation. Savez-vous qu'une société ne s'évade de la barbarie qu'à l'instant où elle s'est résignée à n'appliquer que les lois existantes, et non une législation révélée in extremis par la voix des augures d'un ciel d'occasion? Savez-vous qu'il vous faudra renvoyer les plus hauts représentants de l'Etat de droit sur les bancs de l'école où nos jésuites de la laïcité jouent les Bartole et les Cujas de la République?

Ecoutez ces fieffés casuistes enseigner de travers la lettre et l'esprit des lois de la France, écoutez ces hérétiques oublier qu'il n'y a ni politique sans théologie, ni théologie sans politique et que la séparation artificielle de ces deux disciplines est le fait d'une ignorance abyssale des ressorts qui pilotent l'encéphale d'une espèce dichotomisée de naissance entre le réel et le songe.

Je vous donne rendez-vous à lundi prochain pour la suite du ballet de la France avec la question des hérésies et avec celle du jésuitisme de la République.

Publié le 1er septembre 2009 avec l'aimable autorisation de Manuel de Diéguez



Source : Manuel de Diéguez
http://www.dieguez-philosophe.com/


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