L'art de la guerre
Libye : pétrole
rouge sang
Manlio Dinucci
Mardi 25 septembre
2012
Le second épisode de « Humanitarian War »,
fameuse fiction washingtonienne sur
la Libye, est sorti.
Voici la bande-annonce : après avoir
aidé les Libyens à se débarrasser du
féroce dictateur, les gentils, conduits
par l’héroïque Chris, continuent à les
aider avec le même désintérêt ; mais les
méchants –les terroristes encore nichés
dans le pays- tuent Chris qui « risquait
sa vie pour aider le peuple libyen à
construire les bases d’une nouvelle et
libre nation » (Hillary Clinton) et,
« fait particulièrement tragique, ils le
tuent à Benghazi, ville qu’il avait aidé
à sauver (Barack Obama) ; le Président
envoie
une « force de sécurité » en
Libye, mais ce sont les habitants de
Benghazi, descendus spontanément dans la
rue avec des pancartes à la gloire de
Chris, qui chassent les méchants de
leurs tanières. En attendant le
troisième épisode, jetons un coup d’œil
sur la réalité. Chris Stevens,
ambassadeur en Libye depuis mai dernier,
avait été représentant spécial Usa au
Cnt de Benghazi pendant la guerre :
c’est-à-dire le metteur en scène de
l’opération secrète par laquelle avaient
été recrutées, financées et armées
contre le gouvernement de Tripoli même
des milices islamiques désignées comme
terroristes peu de temps auparavant
encore. Nouvel apprenti sorcier, Chris
Stevens a été renversé par les forces
qu’il avait lui-même crées quand, une
fois le gouvernement de Tripoli abattu,
il a dirigé en habit d’ambassadeur
étasunien l’opération pour neutraliser
les milices jugées par Washington non
fiables, et intégrer
les fiables dans les forces
gouvernementales. Opération extrêmement
complexe : il y a en Libye au moins
100mille combattants armés, appartenant
à toutes sortes de formations, y compris
quelques unes fidèles à Kadhafi. Tripoli
ne contrôle aujourd’hui qu’une partie
mineure du territoire.
La désagrégation de l’état
unitaire a commencé, fomentée par des
intérêts partisans. La Cyrénaïque –où se
trouvent les deux tiers du pétrole
libyen- s’est de fait autoproclamée
indépendante, et le Fezzan, où sont
d’autres gros gisements, veut l’être
aussi ; et ne resteraient à la Tripolitaine que ceux qui sont devant les côtes de
la capitale. La balkanisation de
la Libye entre dans les
plans de Washington, s’il n’arrive pas à
contrôler l’état unitaire. Ce qui est
urgent pour les Etats-Unis et les
puissances européennes c’est de
contrôler le pétrole libyen : plus de 47
milliards de barils de réserves
assertées, les plus grandes d’Afrique.
Il est important pour eux de disposer
aussi du territoire libyen pour le
déploiement avancé de forces militaires.
La force de déploiement rapide des
marines, envoyée par Obama en Libye avec l’appui des drones de
Sigonella
(base aéronavale étasunienne en Sicile),
officiellement comme réponse à
l’assassinat de l’ambassadeur, n’est ni
la première ni la dernière. Le Pentagone
avait déjà envoyé des forces spéciales
et des
contractors pour surveiller les plus
grandes plates-formes pétrolières, et il
se prépare maintenant à une action
« antiterroriste ». Il y a longtemps
qu’ont débarqué les compagnies
pétrolières qui, avec des accords
officiels ou en sous-main (grâce à la
corruption diffuse), obtiennent des
contrats beaucoup plus avantageux que
les précédents.
En même temps se prépare la
privatisation de l’industrie énergétique
libyenne. Participe aussi à la
répartition du butin le Qatar qui, après
avoir contribué à la guerre de Libye
avec des forces spéciales infiltrées et
des fournitures militaires, pour une
dépense de plus de 2 milliards de
dollars, a obtenu 49% (mais de fait le
contrôle) de la Banque libyenne pour le
commerce et le développement.
Un bon investissement, celui de
la guerre.
Edition de mardi 25 septembre de il
manifesto
Traduit de l’italien par Marie-Ange
Patrizio
Le sommaire de Manlio Dinucci
Les dernières mises à jour
|