L'art de la guerre
L'éternelle
jeunesse de l'Otan
Manlio Dinucci
Le siège
de l'OTAN
Mardi 22 mai 2012
L’Otan, qui s’est
autocélébrée avec le Sommet de Chicago,
a 63 ans, mais ne les fait pas : sur sa
nouvelle carte d’identité elle a vingt
ans. Pendant la guerre froide,
écrit-elle dans son autobiographie
officielle, elle ne mena aucune
opération guerrière, mais se limita à
« assurer la défense de son propre
territoire contre la menace du Pacte de
Varsovie ». Elle ne dit pas cependant
que celui-ci fût formé six ans après
l’Otan. C’est avec la fin de la guerre
froide, à la suite de la dissolution du
Pacte de Varsovie et de l’URSS en 1991,
que l’Otan renaît à une nouvelle vie. En
gardant quand même sa marque : le
commandement Usa. En juillet 1992, elle
lance sa première opération de « réponse
aux crises », la Maritime Monitor, pour
imposer un embargo à la Yougoslavie.
Dans les Balkans, entre octobre 92 et
mars 99, elle conduit onze opérations
aux noms évocateurs (Deny Flight, Sharp
Guard, Eagle Eye et autres). Le 28
février 1994, pendant la Deny Flight en
Bosnie, l’Otan effectue la première
action de guerre de son histoire. Ce
faisant elle viole l’article 5 de sa
propre charte constitutive, puisque
l’action guerrière n’est pas motivée par
l’attaque d’un membre de l’Alliance et
est effectuée en-dehors de son aire
géographique. On arrive de cette façon à
l’opération Allied Force, lancée le 24
mars 1999 : pendant 78 jours, en
décollant surtout de bases italiennes,
1.100 avions, pour 75% étasuniens,
effectuent 38mille sorties, en larguant
23mille bombes et missiles sur la
Yougoslavie. La même année, le Sommet
Otan de Washington autorise les pays
membres à « conduire des opérations de
riposte aux crises non prévues par
l’article 5, en dehors du territoire de
l’Alliance ».
Et l’Otan commence son expansion
à l’Est, englobant en 1999-2009 neuf
pays de l’ex Pacte de Varsovie, dont
trois de l’ex URSS, et trois de l’ex
Yougoslavie. Sans plus de limites,
l’Alliance née comme Pacte de
l’Atlantique Nord arrive sur les
montagnes afghanes : en août 2003, par
un coup de main,
l’Otan prend « le rôle de
leadership de l’Isaf, force qui a un
mandat ONU ». Commence ainsi « la
première mission hors de l’aire
euro-atlantique dans l’histoire de
l’Otan ». En 2004, elle entre en Irak,
officiellement pour une « mission
d’entraînement ». Elle étend enfin ses
opérations en Afrique : en 2005 au
Soudan, en 2007 en Somalie, en 2009 dans
la Corne d’Afrique et dans l’Océan
Indien. En 2011 c’est le tour de la
Libye : dans l’opération Unified
Protector, l’Otan effectue (selon ses
déclarations) 9.700 missions d’attaque
aérienne, dans lesquelles sont larguées
7.700 bombes de précision afin de
« faire tout son possible pour minimiser
les risques contre les civils ». A
présent l’Otan prend pour cible la Syrie
et l’Iran, mais avec la Russie et la
Chine en arrière-plan. Dans sa
« conquête de l’Est », elle est arrivée
au bord de la Chine, en Mongolie, avec
laquelle elle a lancé il y a deux mois
un « Programme individuel de partenariat
et de coopération ». Comme sur les 28
pays de l’Alliance cinq seulement se
trouvent sur la façade atlantique nord,
on est en train, à Bruxelles, de penser
à un changement de nom : certains
proposent « Alliance Trans-Atlantique ».
Mais celui-ci aussi est restrictif
puisque, dans le sillage des Usa,
l’Alliance s’étend désormais à la région
Asie/Pacifique.
Ainsi l’Alliance se
renouvelle-t-elle, en s’abreuvant à la
source de sa jeunesse : la guerre.
Edition de mardi 22
mai 2012 de il manifesto
http://www.ilmanifesto.it/area-abbonati/in-edicola/manip2n1/20120522/manip2pg/14/manip2pz/323064/
Traduit de
l’italien par Marie-Ange Patrizio
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