Dernières données du Sipri
La course folle de
la dépense militaire
Manlio Dinucci
Mercredi 18 avril 2012
Pendant le temps
que vous mettrez à lire cet article, on
aura dépensé dans le monde 10 millions
de dollars de plus en armes, armées et
guerre. La dépense militaire mondiale se
monte en effet à 3,3 millions de dollars
à la minute.
Soit 198 millions par heure, 4,7
milliards chaque jour. Ce qui équivaut à
1.738 milliards de dollars en une année.
Ces données sont celles de 2011,
publiées hier par le Sipri, le fameux
institut international dont le siège est
à Stockholm.
Les Etats-Unis sont toujours la
locomotive de la dépense militaire, avec
711 milliards de dollars, équivalents à
41% du total mondial. La coupe annoncée
de 45 milliards annuels dans la
prochaine décennie reste encore à voir.
Les économies devraient être effectuées
en réduisant les forces terrestres et en
restreignant les pensions (assistance
médicale comprise) des anciens
combattants. Objectif du Pentagone :
rendre les forces étasuniennes plus
agiles, plus flexibles et prêtes à être
déployées encore plus rapidement. La
réduction des forces terrestres prend
place dans la nouvelle stratégie, testée
avec la guerre en Libye : utiliser
l’écrasante supériorité aérienne et
navale étasunienne et en faire assumer
la plus grosse charge par les alliés.
Mais les guerres n’en coûtent pas moins
pour autant : les fonds nécessaires,
comme cela s’est passé pour la guerre
contre la Libye, sont autorisées par le
Congrès à chaque fois, en les ajoutant
au budget du Pentagone. Et s’ajoutent
aussi à cela d’autres postes à caractère
militaire, parmi lesquels environ 125
milliards annuels pour les militaires au
repos et 50 pour le Département de la
sécurité de la patrie, portant la
dépense étasunienne à environ la moitié
de celle mondiale.
Dans les estimations du Sipri, la
Chine reste au deuxième rang par rapport
à 2010, avec une dépense estimée à 143
milliards de dollars, équivalents à 8%
de la dépense mondiale. Mais son rythme
de croissance (170% en termes réels en
2002-2011) est plus grand que celui de
la dépense étasunienne (59% pour la même
période). Cette accélération est due
fondamentalement au fait que les USA
sont en train d’opérer une politique de
« containment » de la Chine,
déplaçant de plus en plus le centre
focal de leur stratégie dans la région
Asie/Pacifique. En rapide augmentation
aussi la dépense de la Russie, qui
passe, avec 72 milliards de dollars en
2011, du cinquième au troisième poste
parmi les pays ayant les plus grandes
dépenses militaires.
Suivent la Grande-Bretagne, la
France, le Japon, l’Arabie saoudite,
l’Inde, l’Allemagne, le Brésil et
l’Italie. La dépense militaire italienne
est estimée par le Sipri, pour 2011, à
34,5 milliards de dollars, équivalents à
environ 26 milliards d’euros annuels.
L’équivalent d’une grosse loi de
Finances.
Dans la répartition régionale,
l’Amérique du Nord, l’Europe et le Japon
totalisent environ 70% de la dépense
militaire mondiale : c’est donc la
triade, qui jusqu’à présent a constitué
le « centre » de l’économie mondiale,
qui investit les plus grandes ressources
dans le domaine militaire. Ceci a un
effet de répercussion sur les régions
économiquement moins développées : par
exemple, l’Afrique compte à peine 2% de
la dépense militaire mondiale, mais
l’Afrique du Nord a enregistré la
croissance la plus rapide de la dépense
militaire dans les sous-régions (109% en
termes réels en 2002-2011) et celle du
Nigeria aussi est en croissance rapide.
La dépense militaire continue
ainsi à augmenter en termes réels. Selon
les estimations du Sipri, elle a grimpé
à 250 dollars annuels pour chacun des 7
milliards d’habitants de la planète. Un
chiffre apparemment négligeable pour un
citoyen moyen d’un pays comme l’Italie.
Mais qui, additionné aux autres, devient
un fleuve d’argent public qui se perd
dans un puit sans fond. Avant même de
tuer quand elle est convertie en armes
et armées, la dépense militaire tue en
soustrayant des ressources vitales à des
milliards d’êtres humains.
Edition de mercredi
18 avril 2012 de il manifesto
http://www.ilmanifesto.it/area-abbonati/in-edicola/manip2n1/20120418/manip2pg/01/manip2pz/321318/
Traduit de
l’italien par Marie-Ange Patrizio
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