Opinion
Gouvernement garanti par Goldman Sachs
Manlio Dinucci
Mercredi 16 novembre
2011
Quand le
gouvernement Monti sera lancé, ministres
et sous-secrétaires trinqueront. Pas au
champagne cependant, mais avec du
Coca-Cola. Mario Monti est en effet
membre de l’International Advisory
Board de la multinationale
étasunienne, c’est-à-dire du comité des
experts qui la conseille sur comment
accroître les colossaux profits déjà
réalisés grâce à sa position dominante
dans le marché mondial des boissons et
de l’eau en bouteille. Et pourtant,
quand il était commissaire européen à la
concurrence, Mario Monti poursuivit
Coca-Cola pour abus de position
dominante. Le contentieux se termina
avec un accord en 2004, mais la
multinationale resta en excellents
termes avec Monti, si bien que deux ans
plus tard elle l’embaucha comme
consultant.
A New York, la naissance du
gouvernement Monti sera fêtée avec un
très coûteux champagne, surtout chez
Goldman Sachs, une des plus importantes
banques d’investissement du monde, dont
Mario Monti est international advisor,
c’est-à-dire consultant. Ce groupe
bancaire est spécialisé dans les
dérivés, outils financiers dont la
valeur est fondée sur celle d’autres
biens, parmi lesquels les matières
premières agricoles.
Mécanismes spéculatifs qui d’une
part ont permis de réaliser d’énormes
profits, et de l’autre ont provoqué
l’augmentation des prix internationaux
des céréales et donc de la faim dans le
monde, en condamnant à mort plus d’un
milliard de personnes.
Goldman Sachs a été aussi un des
principaux auteurs de l’arnaque
internationale des crédits subprime,
concédés aux Usa à des personnes
économiquement peu fiables. Ils ont été
transformés en obligations à haut
risque, elles-mêmes mélangées à des
titres fiables en paquets, définis comme
« saucisses financières ». Garanties par
les plus importantes agences de rating (Moodys,
Standard & Poors et Fitch), les
« saucisses » empoisonnées ont été
acquises par des fonds de pension et par
d’autres investisseurs institutionnels,
se diffusant ainsi chez les petits
épargnants du monde entier. L’explosion
de la bulle spéculative en 2008 a
provoqué, à échelle mondiale, des
faillites, restriction du crédit, chute
d’investissements productifs, et
ultérieures restructurations pour
réduire le coût du travail et, donc, une
augmentation du chômage et de la
pauvreté. De tout cela sont aussi
remerciés les consultants (parmi
lesquels Monti) de Goldman Sachs, qui a
spéculé jusque sur les interventions
massives, faites par les gouvernements
avec de l’argent public, pour le
« sauvetage » des grandes banques qui
avaient provoqué la crise. Quand la
Sec, l’organisme gouvernemental
étasunien de contrôle des marchés
financiers, a accusé Goldman Sachs de
délit de fraude, les bœufs avaient
désormais quitté l’étable (l’oiseau
s’était envolé… NdT).
Après avoir contribué à provoquer
la crise financière, qui depuis les
Etats-Unis a aussi investi l’Europe,
Goldman Sachs a spéculé sur la crise
européenne. Il y a trois mois, le 16
août, elle a envoyé à ses plus
importants clients un rapport réservé de
54 pages, en les avertissant de
l’aggravation imminente de la crise dans
la zone euro et en leur donnant des
instructions précises sur comment faire
de l’argent avec la crise. La même
technique que celle utilisée avec la
crise des crédits : tandis qu’elle
présentait publiquement les « saucisses
financières » comme des investissements
de fiabilité maximale, la banque
conseillait secrètement à ses plus gros
clients de s’en défaire au plus tôt.
Le rapport sur la crise
financière en Europe a été envoyé en
août à quelques
centaines de gros investisseurs à
échelle mondiale, tout en restant secret
pour les autres. Le Wall Street
Journal en a donné la nouvelle le 1er
septembre, en ne fournissant cependant
que quelques extraits génériques.
Prévoyant que pour « sauver » les
banques européennes il faudra un capital
d’au moins 1.000 milliards de dollars,
dans le rapport on conseille « aux
investisseurs en dérivés de tirer profit
de la crise financière en Europe ». A
coup sûr, Goldman Sachs ne s’est pas
limitée à lire dans la boule de cristal,
mais a mis la main à la pâte dans les
mécanismes de la crise qui a investi
l’Italie. Une crise que va affronter
celui que le secrétaire du Pd Bersani
définit comme « un gouvernement digne de
foi et à forte valeur technique ». On ne
saurait en douter : il sera présidé par
un international advisor de
Goldman Sachs.
Edition de mercredi
16 novembre 2011 de il manifesto
Traduit de
l’italien par Marie-Ange Patrizio
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