L'art de la guerre
Après le massacre
des innocents
Manlio Dinucci
Le siège
de l'OTAN
Mardi 15 mai 2012
Une des capacités
de l’Art de la guerre du XXIème
siècle est celle d’effacer de la mémoire
la guerre elle-même, après qu’elle a été
effectuée, en occultant ses
conséquences. Les responsables
d’agressions, invasions et massacres
peuvent ainsi revêtir l’habit des bons
samaritains, qui tendent une main
charitable surtout aux enfants et aux
jeunes, premières victimes de la guerre.
L’Italie -après avoir mis à disposition
de l’OTAN sept bases aériennes pour les
10mille missions d’attaque contre la
Libye, et y avoir participé en larguant
un millier de bombes et missiles- a
lancé un « projet en faveur des mineurs
atteints de traumas psychiques dérivant
du récent conflit ». Le projet, d’un
coût de 1,5 million d’euros, prévoit
l’envoi d’une task force
d’experts qui opèrera à Benghazi,
Tripoli et Misrata, en collaborant avec
les « autorités libyennes ». Celles que
même le Conseil de sécurité de l’Onu
met en cause pour « les
continuelles détentions illégales,
tortures et exécutions
extrajudiciaires ».
En Afghanistan, où meurent chaque
année des milliers d’enfants à cause des
effets directs et indirects de la
guerre, les avions italiens ne larguent
pas que des bombes et missiles, mais des
vivres, vêtements, cahiers et stylos
pour les enfants, de façon à « intégrer
l’action opérationnelle avec l’activité
de support humanitaire ». Une centaine
d’enfants chanceux a reçu, dans une base
militaire italienne, un paquet cadeau,
produit d’ « une récolte spontanée
pendant les célébrations des Saintes
Messes » (en Italie…NdT). « A
cette occasion », certains ont même
bénéficié d’une visite médicale d’un
officier médecin pédiatre. Et quand la
petite Fatima a eu un bras broyé par un
engrenage, il y a eu une « course
généreuse et désespérée » vers
l’hôpital, dans un Lynx, le
blindé que les Italiens utilisent dans
la guerre en Afghanistan.
En Irak, l’Italie est engagée
dans un « projet commun contre la traite
d’êtres humains », dont sont surtout
victimes des jeunes filles et jeunes
garçons, contraints à la prostitution et
au travail forcé dans les monarchies du
Golfe. Tout en cachant le fait que ce
phénomène est un des effets de la
guerre, à laquelle l’Italie aussi a
participé. Entre 2003 et 2011, il y a eu
au moins un million et demi de victimes
directes, dont environ 40% d’enfants,
rapporte le Tribunal de Kuala Lumpur sur
les crimes de guerre. De nombreux autres
enfants sont morts par les armes à
uranium appauvri, qui ont contaminé la
terre et l’eau. A Fallujah, les
malformations cardiaques des
nouveaux-nés s’avèrent 13 fois
supérieures à la moyenne européenne, et
celles du système nerveux 33 fois
supérieures.
Ce qui fait le plus grand nombre
de victimes est l’effondrement de la
société irakienne, provoqué par la
guerre. Environ 5 millions d’enfants
sont orphelins et 500mille environ
vivent abandonnés dans la rue, 3,5
millions sont dans une pauvreté
absolue ; 1,5 millions d’enfants de
moins de cinq ans sont dénutris et il en
meurt en moyenne 100 par jour. Les
premières victimes de la traite d’êtres
humains sont les fillettes de 11-12 ans
vendues pour 30mille dollars aux
trafiquants. L’Italie[1]
contribue à provoquer cet immense drame,
en participant aux guerres camouflées en
missions internationales de paix.
Même si le président Napolitano,
s’adressant aux militaires en mission,
assure : « Aujourd’hui vous, et d’autres
avant vous, avez apporté une très grande
contribution à un prestige renouvelé et
à la crédibilité de l’Italie ».
Edition de mardi 15
mai 2012 de il manifesto.
http://www.ilmanifesto.it/area-abbonati/in-edicola/manip2n1/20120515/manip2pg/14/manip2pz/322693/
Traduit de
l’italien par Marie-Ange Patrizio
[1]Italie
et autres pays, dont la France,
qui participent aux « missions
de paix » de l’Otan. NdT.
Pour les
italophones, voir aussi
l’émission de Rainews 24, animée
par Maurizio Torrealta, sur le
thème : « Pourquoi
sommes-nous hypocrites quand
nous parlons de guerre ? » avec
le général (à la retraite) Fabio
Mini, auteur du livre du même
titre, Manlio Dinucci (dont
l’intervention, au bout du
compte, a été réduite à 2’ sur
les 25 totales de l’émission !),
Gianandrea Gaiani, directeur de
« Analisi Defensa » et
Alessandro Politi, directeur de
la « Nato Defence College
Foundation ».
NdT.
http://www.rainews24.rai.it/it/canale-tv.php?id=27863
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