L'art de la guerre
Hillary
missionnaire en Afrique
Manlio Dinucci
Mardi 14 août
2012
Elle a visité neuf pays africains
–Sénégal, Ouganda, Soudan du Sud, Kenya,
Malawi, Afrique du Sud, Nigeria, Ghana,
Bénin- en bénissant les parterres de ses
« God bless you », et en jurant que
Washington n’a comme unique objectif en
Afrique que « renforcer les institutions
démocratiques, promouvoir la croissance
économique, faire avancer la paix et la
sécurité ». La secrétaire d’état Hillary
Clinton est donc allée en Afrique, en
plein mois d’août, pour faire des bonnes
œuvres. Elle a été accompagnée, dans la
noble mission, par les exécutifs des
plus grandes multinationales
étasuniennes. Affaires, oui, mais
conduites par un principe éthique que
la Clinton
a énoncé ainsi à Dakar : « Au 21ème
siècle il faut que cesse le temps où les
étrangers viennent extraire la richesse
de l’Afrique pour eux-mêmes, en ne
laissant rien ou très peu derrière eux».
Clinton, c’est connu, est un soutien
convaincu du commerce équitable et
solidaire. Comme celui qui est pratiqué
au Nigeria, dont l’industrie pétrolifère
est dominée par les compagnies
étasuniennes, qui ramènent chez eux la
moitié du brut extrait, pour plus de 30
milliards de dollars annuels. Pour les
multinationales et pour l’élite
nigériane au pouvoir, une source de
richesse colossale, dont il ne reste
quasiment rien pour la population. Selon la Banque mondiale, plus de la
moitié des Nigérians se trouvent
au-dessous du seuil de pauvreté, et
l’espérance de vie moyenne est d’à peine
51 ans. La pollution pétrolière,
provoquée par Shell, a dévasté le delta
du Niger : pour le décontaminer, d’après
un rapport de l’Onu, il faudrait au
moins 25 années et des milliards de
dollars. La même chose est en
préparation au Soudan du Sud où, après
la scission du reste du pays soutenue
par les Usa, se concentre 75% des
réserves pétrolifères soudanaises, à
quoi s’ajoutent de précieuses matières
premières et de vastes terres
cultivables. La compagnie texane
Nile Trading and Development,
présidée par l’ex-ambassadeur étasunien
E. Douglas, s’est accaparée, avec une
aumône de 25mille dollars, 400mille
hectares de la meilleure terre avec
droit d’en exploiter les ressources (y
compris forestières) pendant 49 ans.
L’accaparement de terres fertiles en
Afrique, après expropriations des
populations, est devenu un business
financier lucratif, géré par Goldman
Sachs et JP Morgan, sur lequel
spéculent, avec leurs fonds, même
Harvard et d’autres prestigieuses
universités étasuniennes. La stratégie
économique étasunienne rencontre
cependant en Afrique un formidable
obstacle :
la Chine, qui, à des
conditions avantageuses pour les pays
africains, construit des ports et des
aéroports, des routes et des voies
ferrées. Pour franchir cet obstacle,
Washington abat son joker : le
Commandement Africa, qui « protège et
défend les intérêts de sécurité
nationale des Etats-Unis, en renforçant
les capacités de défense des états
africains ». En d’autres termes, en
s’appuyant sur les élites militaires
(que le Pentagone essaie de recruter en
leur offrant une formation, des armes et
des dollars) pour ramener le plus grand
nombre possible de pays dans l’orbite de
Washington.
Quand il n’y arrive pas, l’Africom
« conduit des opérations militaires pour
fournir un environnement de sécurité
adapté au bon gouvernement ». Comme
l’opération
Odissey Dawn, lancée par l’Africom
en mars 2011 : le commencement de la
guerre pour renverser le gouvernement de
la Libye
(le pays africain avec les plus grosses
réserves pétrolifères) et étouffer les
organismes financiers de l’Union
africaine, nés surtout grâce aux
investissements libyens.
Ainsi y a-t-il maintenant, en Libye, un
« bon gouvernement » aux ordres de
Washington.
Edition de mardi 14 août 2012 de
il manifesto
http://www.ilmanifesto.it/area-abbonati/in-edicola/manip2n1/20120814/manip2pg/14/manip2pz/327244/
Traduit de l’italien par Marie-Ange
Patrizio
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