L'art de la guerre
Que le
colonialisme était beau
Manlio
Dinucci
Mustapha
Abdel Jalil
Mardi 11 octobre
2011
A Rome, on a ignoré
le centenaire de l’occupation coloniale
italienne de la Libye. En revanche il a
été célébré le 8 octobre à Tripoli, par
le président du Cnt Mustapha Abdel Jalil
et par le ministre de la défense Ignazio
La Russa (ex dirigeant néofasciste, à
présent un des dirigeants du parti du
gouvernement présidé par S. Berlusconi,
NdT). L’ère du colonialisme italien,
a déclaré Jalil, a été pour la Libye
« une ère de développement ». En effet,
« le colonialisme italien apporta des
routes et des édifices très beaux
aujourd’hui encore à Tripoli, Derna et
Benghazi ; il apporta le développement
agricole, des lois justes et des procès
justes : tout cela, les Libyens le
savent très bien ». « Relecture
historique » hautement appréciée par le
ministre La Russa : « L’histoire
coloniale européenne, nous la
connaissons bien, y compris avec ses
ombres, mais l’Italie a laissé derrière
elle un signe d’amitié ». Il s’agit, à
ce point, de réécrire nos livres
d’histoire. Si en 1911 l’Italie occupa
la Libye avec un corps expéditionnaire
de 100mille hommes, elle le fit
non pas avec des objectifs
expansionnistes mais parce que, en tant
que nation civilisée, elle voulait
ouvrir au pays africain « une ère de
développement ». Si, peu après le
débarquement, l’armée italienne fusilla
et pendit 5mille Libyens et en déporta
des milliers, en étouffant dans le sang
la première révolte populaire, elle le
fit pour appliquer « des lois justes ».
Pour imposer la légalité, et non pas
pour écraser la résistance libyenne, la
moitié de la population de Cyrénaïque,
100mille personnes environ, fut déportée
en 1930 dans une quinzaine de camps de
concentration, tandis que l’aviation
italienne bombardait les villages
restants avec des armes chimiques, et
que la région était enfermée avec un
barrage de barbelés long de 270 Kms. Et
quand le chef de la résistance, Omar Al
Mukhtar, fut capturé en 1931, il fut
soumis à un « procès juste » : la
condamnation à la pendaison fut donc
légitime. Selon Jalil, « les routes et
les très beaux édifices » furent
construits par l’Italie fasciste non pas
pour la colonisation démographique de la
Libye, mais pour que les Libyens vivent
mieux.
Et si les terres les plus
fertiles, environ 900mille hectares,
furent confisquées par les autorités
coloniales, en reléguant les populations
dans des terres arides, on ne le fit pas
pour les donner aux colons italiens,
mais pour « le développement agricole »
de la Libye. « Kadhafi par contre a été
à l’exact opposé, il n’a apporté aucun
développement, il n’a pas utilisé les
richesses de la Libye pour son peuple »,
conclut Jalil, en ignorant qu’il a
lui-même fait partie du gouvernement à
qui il attribue la faute d’avoir bloqué
le « développement » apporté par le
colonialisme italien en Libye. En
ignorant que, selon les données de la
Banque mondiale même, la Libye, avant
d’être attaquée par l’OTAN, avait
atteint « des indicateurs élevés de
développement humain », avec une
croissance annuelle moyenne du PIB de
7,5%, un revenu par habitant moyen-haut,
un accès à 100% à l’instruction de
niveau primaire, à 98% en secondaire, et
à 46% à l’université. Mais, selon Jalil,
on vivait mieux avant, quand la Libye
était sous le colonialisme italien, et
quand succéda à celui-ci, avec le roi
Idris, la domination néocoloniale
britannique et étasunienne. Le message
politique est clair : le gouvernement
qu’il préside assurera à la Libye une
« nouvelle ère de développement ».
Comme celle que célébra Mussolini
en 1937 quand, sur son cheval blanc du
haut d’une dune, il leva vers le ciel
l’épée à la garde d’or, en se proclamant
« protecteur de l’Islam ». Un souvenir
qui émeut La Russa aux larmes.
Edition de mardi 11
octobre 2011 de il manifesto
http://www.ilmanifesto.it/area-abbonati/in-edicola/manip2n1/20111011/manip2pg/14/manip2pz/311415/
Traduit de
l’italien par Marie-Ange Patrizio
Les dernières mises à jour
|