L'art de
la guerre
Ceux qui sont en
deuil de Mandela
Manlio Dinucci
Mardi 10 décembre 2013
Au premier rang de la cérémonie funèbre
pour Nelson Mandela, symbole de la lutte
contre l’apartheid, il y aura le
président et deux ex-présidents des
Etats-Unis et le Premier ministre de
la Grande-Bretagne,
c’est-à-dire les représentants des Etats
qui soutinrent le plus le régime de
l’apartheid, surtout pendant la
présidence de Reagan (qui définissait
comme terroriste l’organisation
anti-apartheid de Mandela) et le
gouvernement Thatcher. David Cameron
–qui en habit de premier ministre
britannique exprime aujourd’hui une
« extraordinaire tristesse pour la
disparition du héros de la lutte
anti-apartheid »- quand Mandela était
encore en prison, et qu’il était, lui,
une étoile montante des conservateurs,
effectua en 1989 un voyage en Afrique du
Sud, organisé et financé par la société
Strategy Network International, un
puissant lobby qui s’opposait aux
sanctions contre le régime d’apartheid.
Le démocrate Bill Clinton, qui ira en
Afrique du Sud pleurer la mort d’ « un
vrai ami », essaya de toutes les
manières, quand il était président,
d’empêcher que Mandela (devenu président
d’Afrique du Sud en 1994) se rendit en
1997 en Libye, alors sous embargo, et
qu’il invitât Khadafi en Afrique du Sud
en 1999. Mandela répondit ainsi :
« Aucun pays ne peut prétendre être le
policier du monde et aucun Etat ne peut
dicter à un autre ce qu’il doit faire.
Ceux qui hier étaient des amis de nos
ennemis ont aujourd’hui l’impudence de
me dire de ne pas aller rendre visite à
mon frère Khadafi », ils veulent « nous
faire tourner le dos à la Libye qui nous a aidés à
obtenir la démocratie ». Le républicain
Georges Bush, qui ira en Afrique du Sud
pleurer la mort de Mandela « grand
combattant pour la liberté », a été
l’artisan en tant que président de la
création du Commandement Africa,
l’instrument militaire et politique
d’une nouvelle conquête de l’Afrique. Le
président démocrate Barack Obama, qui à
la cérémonie funèbre répètera « je ne
peux pas imaginer ma vie sans l’exemple
donné par Mandela », est celui qui a
détruit par la guerre la Libye qui avait aidé Mandela
dans les moments les plus durs, et a
potentialisé le Commandement Africa pour
amener le plus de pays possibles dans
l’orbite de Washington, en s’appuyant
sur les élites militaires africaines
(que le Pentagone recrute en leur
offrant une formation, des armes et des
dollars). Aux funérailles de Mandela il
y aura aussi Hillary Clinton, qui comme
secrétaire d’Etat et aspirante
président, a été particulièrement active
dans la « promotion de la croissance
économique » de l’Afrique. Comme ont
fait Cameron, Merkel et d’autres, elle a
visité divers pays africains, dont
l‘Afrique du Sud, accompagnée par les
exécutifs des plus grandes
multinationales. Celles qui s’accaparent
la moitié du pétrole nigérian, pour plus
de 30 milliards de dollars annuels, en
laissant plus de la moitié des Nigérians
sous le seuil de pauvreté. Celles qui
s’accaparent des terres fertiles en
Afrique, en expulsant des populations
entières, avec une augmentation
consécutive de la pauvreté et de la
faim. Le président français François
Hollande, qui a fait mettre les drapeaux
en berne en signe de deuil, avant
d’aller en Afrique du Sud a célébré
Mandela à la réunion de 40 leaders
africains, convoquée à Paris. Il y a
annoncé que, en plus d’envoyer de
nouvelles troupes en Afrique,
la France entraînera
20mille soldats africains par an.
Renaissent ainsi les troupes coloniales.
Ces « grands leaders » -et quelques autres- de l’Occident
seront aux funérailles de Mandela, en
exhibant en mondovision leur douleur
pour la disparition de celui qui a dédié
sa vie à la lutte contre le colonialisme
et l’apartheid. Alors qu’ils cherchent à
imposer à l’Afrique un nouveau
colonialisme et un nouveau grand
apartheid.
Edition de mardi 10 décembre 2013 de
il manifesto
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Traduit de l’italien par Marie-Ange
Patrizio
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