L'art de la guerre
La guerre, mais
avec des avions low cost
Manlio Dinucci
Mardi 10 janvier
2012
Au secours des
chasseurs F-35, descend dans l’arène le
général Leonardo Tricarico, ex chef
d’état-major de l’aéronautique, qui d’un
air autoritaire fustige ces politiciens
et journalistes « qui s’aventurent sur
des thèmes militaires avec lesquels ils
ont peu de familiarité ». En avions de
guerre Tricarico s’y entend, sans aucun
doute. Après avoir commandé les forces
aériennes italiennes qui bombardèrent la
Yougoslavie en 1999, il fut choisi par
le président du conseil D’Alema
(centre-gauche, NdT)
comme conseiller militaire, charge
qu’il conserva dans les gouvernements
successifs Amato (centre-gauche, NdT)
et Berlusconi (centre-droit, NdT).
En 2006, il fut envoyé par le
gouvernement Prodi (centre-gauche,
NdT)
au Pentagone pour définir la
participation de l’Italie au programme
du F-35, en tant que partenaire de
second niveau, sur la base du mémorandum
signé en 2002 par l’amiral Giampaolo Di
Paola, aujourd’hui ministre de la
défense. Notre éventuel abandon du F-35
-prévient Tricarico- ôterait « des
milliards de travail à une soixantaine
d’entreprises italiennes, des géants
Finmeccanica et Fincantieri, à de
nombreuses PME ». Et il joint à
l’argument économique celui
politico-militaire : après avoir précisé
que le F-35 n’est pas une «fantaisie
coûteuse » mais « un des piliers de la
Défense italienne au XXIème
siècle », il avertit que « sans un avion
tactique crédible, nous pourrions demain
être contraints de nous retrouver
hors jeu si un autre dictateur
devait massacrer son peuple ». La
référence aux « guerres humanitaires »
de Yougoslavie et de Libye est claire.
Tandis que le général part à la charge
avec ce genre d’arguments, partagés par
un large éventail politique
multipartisan, personne au parlement ne
sait, et ne veut, lui répondre. Les
rares critiques se limitent à objecter
que l’Italie, en difficultés
économiques, ne peut pas se permettre un
avion si coûteux. Ils ne mettent pas en
discussion le modèle économique dont le
F-35 est un des produits, ni précisent
que, pendant que les contrats pour sa
production accroîtront les profits
d’entreprises privées, c’est le secteur
public qui prendra les dépenses à sa
charge : au moins 15 milliards d’euros
pour l’acquisition des avions, plus un
coût opérationnel supérieur d’un tiers
par rapport à celui des chasseurs
actuels. Ces parlementaires diffusent en
même temps des légendes inter
métropolitaines, selon quoi
l’administration Obama, décidée à faire
des coupes dans la dépense militaire,
aurait l’intention de redimensionner
drastiquement ou d’effacer le programme
du F-35. Ils ignorent ainsi la force et
l’influence qu’a aux Etats-Unis le
complexe militaro-industriel. Ils ne
mettent pas non plus en discussion le
modèle politico-militaire, dont le F-35
est l’expression : dominé par les
Etats-Unis à travers l’OTAN et finalisé
en de continuelles guerres d’agression.
Les sénateurs du Pd (Partito
democratico, NdT)
Roberto Della Seta et Francesco
Ferrante, qui demandent aujourd’hui de
renoncer aux F-35 pour économiser 3
milliards d’une dépense militaire de
plus de 25, sont les mêmes qui en mars
dernier ont soutenu la guerre
anti-constitutionnelle et coûteuse
contre la Libye, en définissant
l’intervention militaire comme
« pleinement légitime et, même, juste et
due ». Le sénateur radical Marco Perduca,
qui déclare aujourd’hui la même
position, demandait en mars dernier de
mettre en œuvre un « radar-jamming »
pour neutraliser les défenses libyennes
et ouvrir la voie aux
chasseurs-bombardiers. Ceux moins chers
que le F-35, qui plaisent à un parti qui
se définit comme « non-violent ».
Edition de mardi 10
janvier 2012 de il manifesto
http://www.ilmanifesto.it/area-abbonati/in-edicola/manip2n1/20120110/manip2pg/14/manip2pz/316205/
Traduit de
l’italien par Marie-Ange Patrizio
Les dernières mises à jour
|