L'art de la guerre
War Tour : départs
et arrivées
Manlio Dinucci
Mardi 8 novembre
2011
Au Pentagone, on
l’appelle « repositioning »,
repositionnement de forces militaires.
C’est le grand Tour de la guerre, dont
les localités préférées sont en Asie et
en Afrique. En partance d’Irak, les
troupes Usa. Immanuel Wallerstein
qualifie ce départ de « défaite
comparable à celle subie au Vietnam »,
parce que les « dirigeants politiques
irakiens ont contraint les Etats-Unis à
retirer leurs troupes » et « le retrait
a été une victoire pour le nationalisme
irakien ». Selon lui, après deux
guerres, l’embargo et huit années
d’occupation qui ont provoqué des
millions de morts et d’énormes
destructions, l’Irak sort plus fort et
indépendant, puisqu’il arrive à imposer
sa volonté à la plus grande puissance
mondiale. Totalement différents les
faits.
Pendant l’occupation, la Cia et
le Département d’Etat ont travaillé en
profondeur pour « une solution politique
en Irak fondée sur le fédéralisme »,
selon l’amendement qu’a fait passer au
sénat, en 2007, l’actuel vice président
Joe Biden. Il prévoit « le décentrement
de l’Irak en trois régions
semi-autonomes : kurde, sunnite et
chiite », avec un « gouvernement central
limité à Bagdad ». Le « décentrement »,
c’est-à-dire la désagrégation de l’état
unitaire, est déjà en acte dans le
secteur de base énergétique, avec des
pouvoirs locaux qui passent des accords
directs
avec les multinationales, parmi
lesquelles dominent les étasuniennes. Et
les troupes Usa qui quittent l’Irak ne
rentrent pas à la maison, mais sont en
grande partie « repositionnées » dans
d’autres pays du Golfe, où les
Etats-Unis ont déjà un contingent de
40mille hommes, dont 23mille au Koweït,
soutenu par de puissances forces navales
et aériennes. De plus, dans les Emirats
arabes unis est en train de naître une
armée secrète à disposition du Pentagone
et de la Cia. « Cette robuste présence
militaire dans toute la région prouve
que notre engagement envers l’Irak
continue », assure Hillary Clinton. Le
plan prévoit de potentialiser
militairement les monarchies de la
région, en créant une sorte d’ « OTAN du
Golfe ». Et de s’en servir aussi en
Afrique, comme il est déjà advenu avec
la participation du Qatar et des Emirats
dans la guerre de Libye, tandis que des
troupes irakiennes participeront en 2012
en Jordanie à la manœuvre régionale
anti-guérilla Eager Lion. C’est
la nouvelle façon de faire la guerre
-soutient-on à Washington- testée par
l’opération en Libye, qui a montré
comment, sans envoyer de troupes ni
subir de pertes, « les dirigeants de
certaines puissances de moyenne grandeur
peuvent être renversés à distance », en
utilisant des armes aériennes et navales
et en faisant assumer le poids le plus
important aux alliés. Parmi ceux-ci les
nouveaux dirigeants libyens qui, selon
des sources fiables, ont proposé à
l’OTAN de créer en Libye une grande base
militaire permanente. Le plan, décidé en
réalité à Washington, prévoit la
présence de 15-20mille militaires, dont
12mille européens, avec de considérables
forces aériennes et navales.
Essentielles pour la « sécurité
intérieure » et à disposition pour
d’autres guerres contre l’Iran et la
Syrie. Uri Avnery s’en trouvera content,
lui qui a « béni » la guerre de l’OTAN
en Libye[i],
en soutenant cependant que « la Libye
s’est libérée seule ». Et Farid Adly[ii],
persuadé que « le drapeau du roi Idris,
celui de l’indépendance, n’est pas un
symptôme de retour au passé », sera
satisfait de le voir flotter sur une
nouvelle grande base étrangère, qui
remplacera celle de Wheelus Field
concédée aux USA par le souverain
éclairé Idris, mais fermée par le
tyrannique Kadhafi.
Edition de mardi 8
novembre 2011 de il manifesto
http://www.ilmanifesto.it/area-abbonati/in-edicola/manip2n1/20111108/manip2pg/14/manip2pz/312972/
Traduit de
l’italien par Marie-Ange Patrizio
[i]
Notes de la traductrice :
La version italienne de
l’article d’Uri Avnery a été
publiée sous le titre :
"« Non » à l’intervention Usa
au Vietnam, en Afghanistan et en
Irak mais « oui » à celle de
l’Alliance atlantique au Kosovo
et en Libye.
Moi je dis : « OTAN bénie »
"
(http://www.ilmanifesto.it/area-abbonati/in-edicola/manip2n1/20111102/manip2pg/09/manip2pz/312626/
).
L’article original était
intitulé :
« A View from the Villa »
(en référence à la phrase de E.
Barak citée dans l’article),
publié par Gush Shalom :
(http://zope.gush-shalom.org/home/en/channels/avnery/1319838422/
)
et la version française, par
l’AFPS, sous le titre « Vu
de la villa » :
http://www.france-palestine.org/article18570.html
.
On constate, une fois de plus,
la liberté prise par la
rédaction de
il manifesto
pour ré-intituler les articles
publiés (pas que les
traductions) en les adaptant à
sa ligne éditoriale majoritaire.
Il n’en demeure pas moins qu’Avnery,
s’il n’a pas écrit -en tous cas
pas ici- « Moi
je dis : Otan bénie »
a bien écrit :
"I
was very much against the US
wars in Vietnam, Afghanistan and
Iraq, and very much in favor of
the NATO campaigns in Kosovo and
Libya".
Ce qu’on peut sans trop de marge
traduire par :
« J’ai été vraiment contre les
guerres étasuniennes au Vietnam
et en Irak, et très en faveur
des campagnes de l’OTAN au
Kosovo et en Libye ».
Et autres positions
colonialistes chez l’auteur « de
gauche »,
identiques dans les trois
versions mentionnées ici.
Voir aussi la
critique à l’article d’Avnery
par D. Losurdo, diffusée avec
cette traduction.
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