L'art de la guerre
Aube rouge sang à
Kaboul
Manlio Dinucci
Mardi 8 mai 2012
Après la traversée
du sombre nuage de la guerre, la lumière
pointe maintenant à l’horizon du nouveau
jour : c’est avec cette image rhétorique
banale que le président Obama a annoncé
l’accord signé avec le président Karzaï.
Les plumes qui lui écrivent ses
discours, à l’évidence, tirent leur
flemme. On ne peut pas en dire autant
des stratèges qui on rédigé « l’Accord
de partenariat stratégique durable »
avec l’Afghanistan. Celui-ci assure
qu’après le retrait des troupes en 2014,
les Etats-Unis continueront à protéger
l’Afghanistan, en lui conférant le
statut de « plus grand allié non-OTAN ».
Dans le cadre d’un nouvel « Accord de
sécurité bilatéral », les Usa
chercheront des fonds pour que
l’Afghanistan « puisse se défendre des
menaces internes et externes ». Ce n’est
pas eux qui les alloueront, donc, mais
ils les « chercheront » en impliquant
les alliés (Italie comprise) (et
France : nous sommes aussi des membres
de l’Alliance, NdT) dans le paiement
de la majeure partie des au moins 4
milliards de dollars annuels pour
entraîner et armer les « forces de
sécurité » afghanes. Selon
« les standards OTAN », de façon
à les rendre « inter-opérationnelles
avec les forces de l’Alliance ».
De son côté, Kaboul « fournira
aux forces étasuniennes l’accès et
l’utilisation continus des bases
afghanes jusqu’en 2014 et au-delà ». Ce
que l’accord ne dit pas c’est que les
principales « bases afghanes », qui
seront utilisées par des forces
étasuniennes, sont les mêmes que celles
qu’ils utilisent aujourd’hui (Bagram,
Kandahar, Mazar-e-Sharif et d’autres) :
avec la différence qu’y flottera le
drapeau afghan à la place de celui des
Etats-Unis.
L’accord ne dit pas non plus
qu’en Afghanistan opèreront encore plus
qu’aujourd’hui des forces Usa-OTAN pour
les opérations spéciales, flanquées de
compagnies militaires privées. Les
Etats-Unis promettent qu’ils
n’utiliseront pas les bases contre
d’autres pays mais, en cas
d’ « agression extérieure contre
l’Afghanistan », ils fourniront une
« riposte appropriée » comprenant « des
mesures militaires ». L’accord, précise
l’ambassadeur Ryan Crocker, n’empêche
pas les Etats-Unis de continuer à
attaquer depuis l’Afghanistan, avec les
drones, les insurgés au Pakistan, car
« il n’exclut pas le droit à
l’autodéfense ». Mais les piliers sur
lesquels reposera le « partenariat
stratégique durable » ne sont pas
seulement militaires. Washington
encouragera « l’activité du secteur
privé étasunien en Afghanistan », en
particulier pour l’exploitation de la
« richesse minière, dont le peuple
afghan doit être le principal
bénéficiaire ».
Le peuple afghan peut en être
sûr : ce sont des géologues du Pentagone
qui ont découvert, dans le sous-sol
afghan, de riches gisements de lithium,
cobalt, or et autres métaux.
L’Afghanistan, rapporte un mémorandum du
Pentagone, pourrait devenir « l’Arabie
saoudite du lithium », métal précieux
pour la production de batteries (et
industries pharmaceutiques, NdT). Et
puis il y a surtout une autre ressource
à exploiter : la position géographique
même de l’Afghanistan, de première
importance aussi bien militaire
qu’économique. Ce n’est pas un hasard
si, dans l’accord, les Etats-Unis
s’emploient à faire retrouver à
l’Afghanistan « son rôle historique de
pont entre l’Asie centrale et
méridionale et le Moyen-Orient », en
réalisant des infrastructures pour les
transports, en particulier des « réseaux
énergétiques ». La référence est claire
au gazoduc Turkmenistan-Inde, à travers
Afghanistan et Pakistan, sur lequel mise
Washington dans la bataille des gazoducs
contre Iran, Russie et Chine. Qui sera
contrôlé par des forces spéciales et des
drones étasuniens au nom du « droit à
l’autodéfense ».
Edition de mardi 8
mai de il manifesto
Traduit de
l’italien par Marie-Ange Patrizio
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