L'art de la guerre
L'Anonyme
Assassinats[1] d'état
Manlio Dinucci
Mardi 7 février
2012
Ils suscitent une
condamnation unanime, ces killers
des bandes criminelles qui, s’ils sont
découverts, sont punis de la peine
capitale ou de la prison à perpétuité.
Quand par contre c’est l’Etat qui les
envoie, ils sont communément considérés
comme légitimes et récompensés pour
leurs mérites. C’est le cas des
killers professionnels des forces
spéciales étasuniennes. Nées Bérets
verts (Green berets)[2],
officialisées par le président démocrate
Kennedy en 1961 et employées dans la
guerre du Vietnam, les forces spéciales
furent promues par le républicain
Reagan, qui en 1987 constitua à cet
effet un Commandement des opérations
spéciales, le Ussocom. Après avoir été
utilisées par le républicain Bush dans
la « guerre globale au terrorisme »
surtout en Afghanistan et en Irak, elles
sont à présent, avec le démocrate Obama,
en train de prendre une importance
ultérieure. Comme il ressort d’une
enquête du Washington Post, les
forces pour les opérations spéciales
sont aujourd’hui déployées dans 75 pays,
au lieu de 60 il y a deux ans. C’est la
Communauté d’intelligence, formée par la
Cia et 16 autres organisations fédérales
qui décide et planifie les opérations.
En Afghanistan -confirment des
fonctionnaires du Pentagone interviewés
par le New York Times- les forces
conventionnelles étasuniennes
diminueront en 2013 leur rôle de combat,
« dont la responsabilité passera aux
forces pour les opérations spéciales »,
qui « resteront dans le pays bien
au-delà de la fin de la mission OTAN en
2014 ». Leur tâche sera de « faire la
chasse aux leaders des insurgés, les
capturer ou les tuer, et entraîner des
troupes locales ». Sera créé un
commandement ad hoc des
opérations spéciales, dont les unités
seront organisées en une nouvelle
« Force d’attaque en Afghanistan ». Ce
qui va être adopté dans ce pays sera un
« modèle » pour d’autres. Une directive
secrète, en septembre 2009, a autorisé
« une forte expansion des activités
militaires clandestines, avec l’envoi de
commandos pour les opérations spéciales
dans des pays, aussi bien amis
qu’hostiles, du Moyen-Orient, de l’Asie
centrale et de la Corne d’Afrique ». Le
Commandement des opérations spéciales,
qui dispose officiellement d’environ
54mille spécialistes des quatre secteurs
des forces armées, organisées en
« petites unités d’élite », a la mission
d’ « éliminer ou capturer des ennemis et
de détruire des objectifs ». Il s’occupe
en outre de « guerre non-conventionnelle
menée par des forces externes,
entraînées et organisées par l’Ussocom ;
de contre-insurrection pour aider des
gouvernements alliés à réprimer une
rébellion ; d’opération psychologique
pour influencer l’opinion publique
étrangère afin qu’elle soutienne les
actions militaires étasuniennes ». Dans
le cadre de la « guerre
non-conventionnelle », le Ussocom
emploie aussi des compagnies militaires
privées, comme la Xe Services (ex-Blackwater,
connue pour ses actions en Irak) qui
s’avère engagée dans diverses opérations
spéciales, même en Iran. L’usage de ces
forces offre l’avantage de ne pas
requérir l’approbation du Congrès et de
rester secret, en ne suscitant pas de
réactions dans l’opinion publique. Les
commandos des opérations spéciales, en
général, ne portent même pas l’uniforme,
mais se camouflent dans un habillement
local. Les assassinats et les tortures
qu’ils font restent ainsi anonymes. Et
comme ce sont les Etats-Unis qui dictent
leur loi à l’OTAN, il est très probable
que les alliés soient en train d’adopter
ce même modèle. Celui de l’ Anonyme
Assassinats des « grandes
démocraties » occidentales.
Edition de mardi 7
février de il manifesto
http://www.ilmanifesto.it/area-abbonati/in-edicola/manip2n1/20120207/manip2pg/14/manip2pz/317656/
Traduit de
l’italien par Marie-Ange Patrizio
[1] Le
titre italien
Anonima Assassini
di stato, fait référence je
pense aux organisations criminelles
sardes « dont les membres ne sont
pas connus et dont l’activité
consiste en l'enlèvement de
personnes (en italien "sequestro")
contre rançon » : voir
http://fr.wikipedia.org/wiki/Anonima_sequestri.
Notes de la traductrice.
[2]
Du nom de la tristement célèbre
unité militaire qui assassina et
tortura au Vietnam, et fut
ensuite célébrée en 1968 dans un
film interprété et produit par
John Wayne. Photos et récits
édifiants sur :
http://le.cos.free.fr/berets%20vert.htm
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