L'art de la guerre
Nouvelle croisade contre la Syrie
Manlio Dinucci
Obsèques
de 7 martyrs de l'armée, des forces de
sécurité et de la Police
Photo: Sana
Mardi 6 décembre
2011
Convaincu de la
sainteté de la cause, comme à l’époque
des antiques croisades, monseigneur
Silvano Maria Tomasi, observateur
permanent du Saint Siège près les
Nations Unies, a déclaré que, face à la
« ligne violente » en Syrie, « la
communauté internationale a la
responsabilité non seulement d’avancer
des sanctions, comme il est advenu »,
mais de faire que soient « respectés les
droits légitimes des individus et des
communautés minoritaires ». Il est
désavoué par monseigneur George
Kassab, archevêque catholique syrien de
Homs. Dans le témoignage documenté de
Marie-Ange Patrizio de retour d’un
voyage en Syrie à l’invitation des
Eglises d’Orient (voir
http://www.mondialisation.ca/), mons.
Kassab déclare que « nous chrétiens ne
sommes pas isolés dans ce pays, mais
nous collaborons avec l’Islam et sommes
présents dans toutes les fonctions
publiques ». Il raconte ainsi que « les
manifestations ont commencé de façon
pacifique mais que, tout d’un coup, sont
apparues des armes très sophistiquées de
provenance européenne et étasunienne ».
Il confirme ainsi ce qu’a révélé le
journal turc Milliyet : la France
est en train d’entraîner en Turquie et
au Liban des groupes qui, sous le nom
d’ « armée libre », sont financés et
armés aussi par la Grande-Bretagne et la
Turquie de concert avec Washington, et
infiltrés en Syrie depuis une base de la
province turque de Hatay. Les
témoignages, recueillis par Patrizio et
d’autres, démontrent que de nombreux
morts en Syrie sont des civils et des
militaires tués par ces véritables
escadrons de la mort. En même temps a
commencé l’attaque sur le front
politique et économique. Le ministre
français des affaires étrangères Alain
Juppé, recevant à Paris un représentant
du « Conseil national syrien », a
déclaré que ce groupe d’opposition est
« l’interlocuteur légitime » et que la
France, avec ses partenaires de l’Union
européenne,
pense « créer en Syrie des
corridors humanitaires pour soulager les
souffrances de la population ». La Ligue
arabe avance du même pas, en suspendant
la Syrie, en lui imposant des sanctions
et en menaçant de bloquer les vols
commerciaux, la contraignant ainsi à
accepter ses propres « observateurs »
(en réalité agents des services secrets)
pour surveiller l’état des droits de
l’homme. Sous la supervision du Qatar,
la monarchie héréditaire qui considère
les partis politiques comme illégaux et
condamne à mort ses opposants ; et qui a
envoyé des troupes au Bahrein pour
écraser dans le sang la demande de
démocratie, et des milliers de commandos
en Libye pour renverser le gouvernement
de Tripoli. Et d’Israël, le ministre de
la défense Ehud Barak prévient que le
président syrien Assad « fera la même
fin que les despotes de Libye et
d’Irak ».
A cette croisade participe en
Italie une coalition guerrière
multipartisane qui va de Fiamma
Nierenstein (Pdl), qui demande des
sanctions de plus en plus dures contre
la Syrie, au responsable international
du Partito democratico, Lapo Pistelli,
qui, critiquant « la non décision du
Conseil de sécurité, à cause du veto de
la Russie et de la Chine », demande une
intervention du type de celle qui a eu
lieu en Libye parce que « nous ne
pouvons pas assister sans armes et
silencieux au massacre de la part du
régime d’Assad ». « Dieu le veult ! »
était le cri de guerre des croisés il y
a presque mille ans. Aujourd’hui on
parle un langage moderne,
mais le sens demeure identique :
le Dieu des armées, fils du Dieu Argent,
le veut.
Edition de mardi 6
décembre 2011 de il manifesto
http://www.ilmanifesto.it/area-abbonati/in-edicola/manip2n1/20111206/manip2pg/14/manip2pz/314543/
Traduit de
l’italien par Marie-Ange Patrizio
Apostille de la traductrice :
Au sujet
de la croisade actuelle en Syrie, on
lira avec intérêt les déclarations
(mardi 16 août 2011, cinq mois donc
après le début des événements en Syrie),
analyses et propositions de « système »
de gouvernement (en Syrie, oui, pas chez
lui en Italie) du père jésuite italien
Paolo Dall’Oglio, missionnaire en
Syrie depuis « une trentaine » d’années
(de « dictature », donc, des Assad) :
« Chaque
jour, des gens meurent dans les rues.
Nous ne pouvions pas rester muets. J'ai
travaillé ce texte avec une dizaine de
personnes de la communauté et des laïcs
proches de nous, chrétiens et musulmans,
d'opinions très diverses. Il y avait un
avocat, un diplomate, un journaliste...
Une
partie du groupe défendait une
transition en douceur, l'autre se
déclarait pour un départ immédiat du
président Al-Assad. Mais nous avions
tous le désir de proposer une solution
pour sortir de la violence.
En huit
pages, nous proposons un système pour
amener la Syrie vers une démocratie
parlementaire. Car la démocratie est la
seule voie possible pour mettre un terme
à ce bain de sang et faire respecter les
droits de l'homme, qui sont universels »[1],
etc.
On jugera dans ce texte de
l’absence de liberté de parole et
d’organisation des résidants étrangers
« sous » le régime « dictatorial »
actuel de B. Al-Assad…
Rappelé
par le gouvernement syrien à une
observance plus juste de son statut de
missionnaire (catholique apostolique
romain) non moins que de résidant
étranger, le prêtre italien reconnaît
cette liberté prise par rapport à sa
mission initiale (officielle) dans une
déclaration récente :
« S’il
le faut, je suis prêt à ne plus me
consacrer qu’à mes activités
« contemplatives », et à ne plus faire
état de prises de position à connotation
politique. J’ai déjà eu largement
l’occasion de dire ce que je pensais
devoir dire »[2].
En effet.
Les déclarations du père jésuite
italien ont été largement reprises par
les media (presse écrite et sites
Internet) catholiques d’Europe
occidentale (en particulier dans le bien
nommé journal La Croix), où on ne
trouvera pas, par contre, les divers
articles de Mère Agnès-Maryam de la
Croix concernant ces mêmes événements
(sauf la seule lettre de celle-ci où
ceux qui le veulent vraiment trouveront
une position critique par rapport au
« régime »).
La position des chrétiens
d'Orient, aujourd’hui, est en totale
opposition avec la position des
missionnaires occidentaux. Les premiers
défendent leur pays, les seconds
défendent l'impérialisme occidental. Ce
n'est pas nouveau. Au temps des
croisades, les chrétiens d'Orient
luttèrent aux côtés des musulmans contre
les Croisés, raison pour laquelle les
"croisades" sont appelées en Orient les
"guerres occidentales" sans référence à
la Croix (la Croix, pas La Croix).
(Merci à
T. Meyssan pour les informations
concernant les chrétiens de la région
pendant les guerres occidentales du
début du deuxième millénaire ; voir
aussi :
http://www.voltairenet.org/Le-Patriarche-les-catacombes-et-la
révolution).
Le
dossier Syrie
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